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08/06/2012

Union européenne : l'abracadabra du "saut fédéral"

 tgr_Saut elastique depuis le sol.jpg

Un saut dans quoi, au juste ?



 

« Le saut fédéral » : c'est le terme qui revient en boucle dans les débats audiovisuels depuis la conversation entre Angela Merkel et David Cameron sur de futurs abandons de souveraineté. Ce matin encore, par exemple, chez BFM radio : « c'est le saut fédéral ou bien tout va péter », dit l'un ;  avec le « saut fédéral » l'Europe aura « la stabilité et la prospérité », dit l'autre... Objection de l'un des débatteurs : « le saut fédéral, c'est l'abandon de souveraineté, François Hollande devenant simple gouverneur de la France ? » Réponse : « Ben oui, d'ailleurs on y est déjà », etc.  Cette perspective paraît divine aux uns1, inévitable aux autres ; seuls des dissidents comme Sapir montrent qu'il est trop tard pour le fédéralisme, que ce saut n'aboutirait nulle part, et que rabâcher l'exemple des USA n'a aucun sens - l'Europe de 2012 n'ayant aucune donnée commune avec l'Amérique du XIXe.

Mais le vrai problème est ailleurs.

Il est dans l'incroyable provincialisme de nos commentateurs. Comment peuvent-ils imaginer qu'un « fédéralisme » européen (s'il parvenait à exister) changerait quoi que ce soit à la nature du casino financier mondial... dont on a voulu que nous dépendions tous  ?

L'impasse de l'Europe de Maastricht n'est en effet qu'une question subsidiaire dans la crise globale. Cette crise est systémique. Elle tient au fait que la planète est menée depuis quelques dizaines d'années par une machinerie convulsionnaire, un capitalisme dont le film Margin Call donne une image. Aucune « stabilité » n'est concevable dans le cadre de ce système, programmé pour la surchauffe et la panique perpétuelles, et dont le « fédéralisme européen » dont on parle ne serait qu'un outil secondaire. Il servirait à « rassurer les marchés » ? mais « les marchés » ne seront jamais rassurés, étant par eux-mêmes l'inquiétude !

Le « saut fédéral », c'est le commandant du Titanic annonçant aux passagers – deux heures après avoir heurté l'iceberg – qu'il qu'il prend les choses en main et qu'il falloir se discipliner.

Faisons plutôt un rêve : et si un mouvement de masse international ressuscitait le politique pour révolutionner l'économique ? C'est une piste suggérée (entre autres) par l'encyclique Caritas in veritate, le document du conseil pontifical Justice et Paix, et le livre de la CEF Grandir dans la crise.


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1. Pour beaucoup de journalistes, « abandon de souveraineté » est synonyme de « nirvana ». Ils en sont restés à l'idéologie des années 1990.


 

Commentaires

LE MUR

> La fameuse technique du :"il y a un mur devant, donc on va accélérer, ça devrait passer". Imparable.
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Écrit par : Gilles Texier / | 08/06/2012

L'ULTIME TENTATIVE

> Ce qu'il y a d'intéressant à ce propos dans la situation actuelle, outre les impossibilités techniques, les antagonismes nationaux et les oppositions populaires qui voueraient nécessairement la tentative fédérale à un échec rapide, c'est que cette solution est comprise comme ultime tentative pour sauver le système économique ultralibéral financiarisé et mondialisé. Du coup, on voit des économistes très à gauche, très marqués par les analyses marxiennes (sinon marxistes) réclamer de revenir d'urgence à la souveraineté des Etats !!! Car en effet, les Etats sont des entités légitimes, reconnues comme telles par les populations et dotées de moyens d'action immédiatement mobilisables (si du moins elles le décident). En somme, ce n'est pas l'internationale socialiste qui a triomphé, mais l'internationale financière : il faut donc réarmer les Etats et les banques centrales nationales pour protéger les peuples. C'est en ça par exemple qu'un économiste aussi fin que Frédéric Lordon tranche radicalement sur ses amis politiques, qui croient encore qu'on peut concilier désarmement des Etats et lutte contre la finance. Ses analyses sont lumineuses, et toujours passionnantes. J'y pense, cher Patrice, vous qui avez invité M. Sapir au Grand Témoin, pourquoi pas son collègue et ami ?
http://blog.mondediplo.net/2012-05-24-Euro-terminus
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Écrit par : Christian / | 08/06/2012

OECUMENISME

> Le mouvement de masse dont vous vous faites l’écho a peu de chances de voir le jour. Sauf à considérer la seule urgence qui vaille, à mon avis, sur ce plan, d’un point de vue chrétien, et qui est l’unité des catholiques et des orthodoxes dans une seule et même Eglise (« faire en sorte que l’Eglise se remette à respirer pleinement de ses “deux poumons”, oriental et occidental », comme l’écrit Jean-Paul II dans « Redemptoris Mater »). Tel est le « mouvement de masse » que, personnellement, j’appelle de mes vœux.
Espérance conjointe ? Que ce mouvement accompagne par exemple la vaste zone de libre-échange euro-russe dont la Commission européenne souhaite la formation (cf. votre note « Coup de théâtre » du 5 juin) – laquelle zone risque fort d’être l’énième fuite en avant d’un capitalisme incapable de se réformer ?
Au final, comment changer le monde, si ce n’est par la foi et des œuvres montrant que nous surmontons les trois tentations qui polluent le cœur de l’homme (matérialisme ; pouvoir temporel ; domination spirituelle de l’homme-dieu). Dans ce domaine, le seul programme « politique » qui vaille n’est-il pas le Christ vainqueur du monde !
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Écrit par : Denis / | 08/06/2012

FREDERIC LORDON

> Comme d'habitude, un remarquable écrit de Frédéric Lordon, qui vient remarquablement étayer votre billet.
http://blog.mondediplo.net/2012-06-01-La-fausse-solution-des-eurobonds
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Écrit par : blanche / | 08/06/2012

BOND

> "Le « saut fédéral », c'est le commandant du Titanic annonçant aux passagers – deux heures après avoir heurté l'iceberg – qu'il qu'il prend les choses en main et qu'il falloir se discipliner."
Si je me souviens bien, au bord du gouffre les chinois avaient choisi le "grand bond en avant."
Peut-être en va-t-il de même avec le "saut fédéral"?
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Écrit par : Nicolas Dangoisse / | 08/06/2012

IRREALISTE

> L'Europe des peuples était une belle et grande idée, seulement, dans sa construction, on aurait du commencer par les fondations plutôt que par les derniers étages. Maintenant vouloir installer le toit quand l'édifice s'écroule, ce n'est pas plus réaliste.
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Écrit par : pashine / | 08/06/2012

SANS ELASTIQUE

> Stabilité et prospérité, refrain hélas connu rabâché à chaque avancée européenne, et à chaque échec, il nous est dit que si l'Europe ne fonctionne pas, c'est qu'il n'y a pas assez d'Europe. D'une certaine façon, ce saut fédéral revient à réintroduire du politique, mais du politique au servicede l'argent et non utilisant l'argent comme outil. Ce saut fédéral serait donc un saut à l'élastique sans élastique.
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Écrit par : Pierre Huet / | 08/06/2012

@ Denis.

> Le rapprochement catholique-orthodoxes en faveur de la construction européenne?
Il paraît que c'était déja, avant 1914 la perspective de certains des intellectuels qui souhaitaient la création d'une Yougoslavie unissant les uns et les autres.
Le précédent est sinistre. Habituellement, les notes et commentaires de ce blog ne préconisent pas de mélanger politique et religion. Il y a peut être des cas ou il faut le faire, mais sur la pointe des pieds et pas dans une histoire aussi malsaine.
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Écrit par : Pierre Huet / | 08/06/2012

@ Pierre Huet

> Tout dépend de ce que vous appelez mélanger politique et religion ; par exemple, réclamer la reconnaissance par l’Union européenne des racines chrétiennes de l’Europe, serait-ce trop à votre goût ? Et que dites-vous des chartes constitutionnelles de certains Etats qui font directement référence à Dieu ?
Au reste, il n’est nullement question de « mélanger politique et religion » au risque d’aller vers une (forcément) sinistre théocratie. La tentation pour l’Eglise d’exercer un pouvoir temporel sur les peuples qu’elle évangélise vient du Mauvais, je crois que cela est bien clair aujourd’hui.
Cela veut-il dire qu’il faudrait considérer comme scandaleux l’acte de foi qui conduit un souverain du 17e siècle à consacrer son royaume à Dieu par Marie ? Je ne le pense pas. Du reste, les révélations du Sacré-Cœur à Paray-le-Monial nous enseignent que Dieu ne dédaigne pas que César Lui rende ce qui Lui appartient.
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Écrit par : Denis / | 09/06/2012

à Albert Levers

>Vous avez des informateurs débiles. Comme disait De Gaulle à Lagaillarde : "changez d'amis.!"
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Écrit par : à Albert Levers / | 09/06/2012

@ Denis

> Bien sûr, il faut distinguer entre les grands principes directeurs et des interventions trop concrètes donc faillibles.
L’unité des catholiques et des orthodoxes est absolument désirable. Une zone de libre-échange est-elle un moyen d'y parvenir? Ce serait surprenant.
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Mais tout ceci n'est que paroles en l'air: le système de libre échange mondial n'en n'a plus pour très longtemps

Écrit par : Pierre Huet / | 12/06/2012

à ANGELA MERKEL

> Bonjour,
c'est en désespoir de cause que je me résous à faire appel aux lecteurs de votre blog qui doivent sans doute être bien mieux en capacité que je ne le suis de faire passer directement un message à la chancelière allemande. Quelqu'un pourrait-il lui dire que :
1./ l'U.E. n'est pas le Saint Empire Romain-Germanique ?
2./ que ce n'est pas la peine de rêver et même avec la Grèce sous protectorat il n'y aura pas de 4ème Reich même rebaptisé "union politique" en Europe ?
Quelqu'un d'entre vous pourrait-il le lui dire parce que moi elle ne m'écoute pas.

P.S. pour bien comprendre le terme de protectorat employé pour la Grèce il faut quand même imaginer que l'argent si généreusement déversé dans le système financier grec par l'U.E. /FMI... sert avant tout à :
payer les intérêts de la dette et payer des matériels militaires allemands et français dont on peut'imaginer aisément la Grèce a un besoin urgent !
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Écrit par : Robert Chaise / | 15/06/2012

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