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07/06/2012

La pensée théologique de Maurice Zundel (1897-1975)

"Il n'y a de problème

que parce que l'homme est à lui-même un problème" :

 


 

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<< Le point de départ, c'est l'homme."Il n'y a de problème que parce que l'homme est à lui-même un problème", aimait à dire Zundel. Pour lui, l'homme est digne d'une attention infinie, puisque Dieu lui-même lui porte une attention infinie.

Mais qu'est-ce donc que l'homme ? Devant cette question, Zundel va introduire une distinction originale entre le moi-possessif et le moi-oblatif (ou, ce qui revient au même, entre le moi-résultat de ses conditionnements et le moi-origine de sa libre générosité). Au départ, par voie de naissance, l'homme est un ensemble de déterminismes : il n'a rien choisi de ce qu'iul est au premier jour. Il a donc à se faire : devenir homme est une vocation. Il peut alors prendre deux directions. Rester englué dans ses déterminismes de race, de classe et même de religion, rester accroché à son moi-possessif qui attire à soi le plus possible, à l'image de l'enfant qui crie pour que ses besoins soient satisfaits ; demeurer esclave des énergies et des pulsions impersonnelles qui montent en lui. Dans ce cas, "il n'y a encore personne". Car, pour Zundel, la personne n'advient que dans le don. Elle ne devient libre, elle n'acquiert son vrai espace qu'au moment où, prenant appui sur tout ce qu'elle a reçu, elle s'ouvre à l'offrande, à l'oblation. En ce sens, la personne n'advient qu'au prix d'une conversion, qui la fait passer du gardiennage jaloux de ses biens et de son espace à la générosité. La direction vraie est dans l'oblativité. [...]

Zundel ne cesse de décrire alors les expériences qui permettent à l'homme de s'accomplir en se décentrant. Il en privilégie trois, toutes dans la ligne de la connaissance et de l'amour : la rencontre du beau dans l'art, la recherche de la vérité dans la science, la communion dans la relation interpersonnelle. [Dans l'expérience de l'amitié] on remarquera au passage la structure tripolaire (voire "trinitaire") de cette expérience fondamentale : les deux amis et la Présence de clarté qui se lève en eux. Ce sera d'une grande importance dans l'approche zundélienne du mystrère trinitaire.

L'homme ne devient donc homme que dans la rencontre où il se perd de vue et où il se trouve restitué à lui-même dans une dimension plus pleine. Zundel aime à traduire cette expérience par un mot qu'il emprunte à Rimbaud :"'je est un autre".

Dans une ligne complémentaire, Zundel analyse aussi les composantes du mystère de la personne humaine :

- la dignité de l'homme est une vocation, car l'homme est digne du fait de la valeur infinie qu'il pressent au fond de lui et dont il est appelé à faire la rencotre en lui et à l'intime de chaque être. L'intériorité (ou le recueillement, pour le dire avec Gabriel Marcel) permet à l'homme de devenir source et origine de ses propres actes et pensées, et elle trouve son accomplissement dans l'espace infini auquel elle donne accès.

- La liberté, elle aussi, est une vocation et une conquête : elle est libératrice de soi, "dans le silence de soi qui accueille tout et ne limite rien", liberté de soi pour être à tout.

- La pauvreté enfin est pour Zundel ce qui décrit le mieux la personne, car la vocation de l'homme, être limité en même temps qu'assoiffé d'infini, est de partir à la rencontre de cet infini par la désappropriation de soi, le don de soi et l'accueil de l'autre.

...C'est ici qu'intervient, comme un souffle libérateur, la révélation chrétienne, car elle vient dire Dieu d'une manière qui comble l'homme avec une surabondance surprenante, insoupçonnée et insoupçonnable. […] La Trinité n'est pas un rébus : c'est le don le plus libérateur et le plus précieux. Car elle nous dit précisément que Dieu n'est pas complètement hétérogène à l'expérience la plus noble de l'homme. [...] En Dieu, il y a le Don du Père au Fils et du Fils au Père dans la respiration de l'Esprit. [...] Dans l'immanence de l'être de Dieu, il y a l'Autre. Je est un Autre : le Père, un regard vers le Fils ; le Fils, un regard vers le Père ; le Saint-Esprit, un regard vers le Père et le Fils. Si Dieu est ainsi, dans son être même, toute l'exigence de l'expérience humaine devient compréhensible. Et vivable. L'homme peut alors prendre le dur chemin du don de soi dans la libération de soi, car Dieu est, en absolu, ce à quoi Il appelle l'homme. >>

 

 Marc Donzé, Maurice Zundel ou l'ami du silence

(éd. du Serviteur, abbaye Notre-Dame, Ourscamp 1990).