31/05/2012
Capitalisme tardif : l'agonie de la culture
...sous la pression
du tout-au-business :
Enquête dans Le Monde (31/05). «En gestionnaires, les universités ferment des UER peu fréquentées » : des matières disparaissent. Quelles matières ? « les lettres classiques, les humanités en général1, mais aussi les mathématiques et la physique […] Des filières entières sont en train de disparaître, en langues anciennes, mais pas seulement... Les langues slaves, germaniques, scandinaves, romanes, orientales sont dans bien des établissements sur la sellette... » « Notre président nous demande de rationaliser notre offre », explique François Dubosquet, professeur à Rennes II.
Dans la novlangue contemporaine, « rationaliser » veut dire : adapter l'Université aux normes (sans cesse plus réductrices) du capitalisme en crise. « Nous sommes dans une culture utilitariste, immédiate, de court terme, dans une vision d'employabilité légitime mais qui a forcément des conséquences », déplore Gilles Denis, premier vice-président de la commission permanente du Conseil national des universités.
Ce dernier vient d'alerter Geneviève Fioraso, nouvelle ministre de l'Enseignement supérieur.
Mais quelle réponse la classe politique pourrait-elle apporter ?
L'étiolement de la transmission des savoirs doit être vu dans le contexte de la marchandisation générale de la culture. Ce qui se passe dans l'université est comparable à ce qui se passe dans la littérature et les arts...
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1. Y compris les langues vivantes : ainsi « l'italien ou le portugais qui existe chez nous depuis 1820 », témoigne un professeur de Rennes II.
11:12 Publié dans Idées, Société | Lien permanent | Commentaires (11) | Tags : universités, enseignement, économique
Commentaires
POUR RIEN
> La société européenne est en train de sacrifier la culture pour rien, c à d pour un système économique qui se casse la gueule.
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Écrit par : maximilien / | 31/05/2012
COURT-TERMISME
> Tout n'est pas forcément la faute du capitalisme. L'université française souffre de beaucoup d'inerties qui la rende moins intéressante qu'une école. A cause d'un système administratif rigide, beaucoup d'argent est dépensé pour des pacotilles. Je trouve dommage par exemple qu'en France, si on veut faire de la philosophie, il faut en faire dès la première année et rien que ça pendant tout son cursus. Je crois savoir que dans d'autres pays, il y a des classes de première année qui sont pluridisciplinaires. Ça ne ferait pas de mal à une matière comme le droit qui mesure de moins en moins l'importance de la philosophie.
Après, je suis d'accord que le court-termisme envenime la fac. Les chercheurs sont tenus de rendre des résultats de façon très brève. Une association de chercheur appelée "slow-science" milite pour que la recherche ne soit pas esclave de la rentabilité. Ce n'est cependant pas un discours à la mode en période de réduction des déficits.
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Écrit par : CB / | 31/05/2012
LES UNIVERSITES CATHOLIQUES
> Il reste les universités catholiques, qui dispensent -j'en ai un exemple dans ma famille- un enseignement littéraire de très grande qualité. Cependant, cet enseignement a un coût, qui pèse sur le budget d'une famille (il y a malgré tout des aides possibles), et tout le monde n'a pas une faculté catholique à proximité...
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Écrit par : cristiana / | 31/05/2012
NEZ AU VENT
> D'une certaine façon, vu ce qu'étaient devenues les "humanités en général" dans l'abominable université moderne, ronflante et sûre d'elle-même, il est peut-être bon qu'elles y disparaissent franchement, et qu'on les recrée ailleurs. L'université populaire, dont Michel Onfray n'a pas le secret contrairement à ce qu'il croit, puisque Frédéric Ozanam l'avait inventée en 1848, serait peut-être la bonne formule. Le philosophe n'enseigne jamais mieux que dans un banquet, à l'ombre des grands arbres, le nez au vent, le regard dans l'océan et les pieds dans la rivière.
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Écrit par : JG / | 31/05/2012
SUR YOUTUBE
> Oh que oui JG!
Je recommande vivement à tous le reportage, visible sur Youtube, de "Cash Investigation" sur le neuromarketing (chapeau bas au passage à Elise Lucet, et son regard qui ne dévie pas quand ceux de ses interlocuteurs se dérobent face à une vérité qui fait froid dans le dos): on y voit comment la recherche fondamentale et des colloques universitaires sont détournés par des entreprises privées, la loi transgressée, tout cela pour programmer scientifiquement nos cerveaux, nos émotions et nos réflexes subconscients, à l'achat. On y entend un instant le philosophe Bernard Stiegler, qui avec son association "Ars Industrialis", préfigure un avenir possible de l'Université: un pied dans le passé (l'Antiquité par exemple, un autre dans l'avenir qui se profile (notamment avec les nanotechnologies)...et le sens du bien vivre!
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Écrit par : Anne Josnin / | 31/05/2012
LES MÊMES
> Quelle tristesse de lire sur ce blog des commentaires crachant sur les humanités à l'université... Pour parler des universités catholiques! Mais ce sont les mêmes enseignants, les mêmes formations. Les enseignants de la catho viennent de la Sorbonne, des ENS, des facs de province, sont agrégés, etc. Les "Ecoles" forment des ingénieurs, des traders et des technocrates. La seule "Ecole" qui forme aux humanités et recherche fondamentale est l'ENS, et ses étudiants sont pleinement intégrés dans les facs, j'en sais quelque chose. Kant, Hegel et Schopenhauer étaient des universitaires. Il n'y a pas que Nietzsche dans l'histoire de la philo. Dire qu'il n'y a de philosophes que "nez au vent" arrange bien une société qui refuse de transmettre les humanités pour mieux abrutir les citoyens.
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Écrit par : L'oeil et l'esprit / | 31/05/2012
à CB,
> je suis un peu étonné de vos généralités sur les universités d'un côté, les écoles de l'autre. Nous recevons de temps en temps un stagiaire dans notre petite entreprise, histoire de rester un tant soit peu au contact des jeunes gens qui seront bientôt dans le métier, histoire aussi de repérer notre prochaine embauche. La première chose qui frappe, c'est que l'enseignement des universités est très varié, et nous avons affaire à des services pragmatiques et ouverts aussi souvent qu'à des services obtus et fermés. Nous recevons aussi des jeunes gens des écoles et nous ne sommes pas spécialement éblouis. Certains d'entre eux sont en effet convaincus d'appartenir à la crème de l'élite (certains, au contraire, sont des très simples et porte un regard un peu moqueur sur leur propre établissement à cet égard), mais le niveau de connaissances techniques ou la capacité d'adaptation ne sont jamais supérieurs.
Je ne connais pas les universités étrangères. En revanche, nous ne travaillons qu'avec l'étranger (et nous avons des clients sur tous les continents). Et j'avoue être surpris de la réputation d'excellence professionnelle, de pragmatisme et d'efficacité dont bénéficient de façon trop systématique certains pays étrangers - et on travaille avec les leaders mondiaux dans notre branche aussi bien qu'avec des entreprises de taille moyenne. En matière d'inertie, les Japonais nous imposent des procédures invraisemblables de pesanteur, mais du moins ces procédures sont-elles logiques (et les Japonais sont courtois). Avec les USA, au contraire, on est de plus en plus en pleine administration soviétique. Infinie lourdeur et totale inefficacité. Un exemple qui continue de me frapper à chaque fois, et ça fait pourtant 12 ans que je suis dans ce métier : le refus de la moindre initiative de leur part. On doit assez souvent prendre des initiatives nécessaires à la place de nos clients américains, alors que ce n'est pas à nous de le faire et qu'on n'est pas sûr de pouvoir le facturer puisqu'on n'a pas mandat pour le faire, pour éviter un désastre dont ils ont parfaitement conscience - mais comme leur hiérarchie ne peut rien leur faire s'ils ont respecté leurs instructions, comme ils sont tétanisés par les limites exactes de leur lettre de marque, ils préfèrent appliquer le cahier de charges sans bouger, et tant pis s'ils savent que ça va foirer : la protection relative de l'employé français que dénoncent tant les libéraux a tout de même du bon. Je ne me plains pas, du reste, certains clients nous disent qu'ils continuent avec nous, alors que nous sommes plus chers que la concurrence asiatique, parce qu'au bout du compte, en sachant désamorcer les problèmes en amont même si on n'a pas le droit de le faire, on leur fait gagner du temps... et de l'argent.
Désolé, je radote, et du reste je ne tire moi-même aucune généralité de ces exemples que je donne, d'autant que d'autres peuvent en avoir de sens contraire. Tout ça pour dire que mon expérience professionnelle, pour ce qu'elle vaut, ne recoupe pas les clichés habituels sur les universités ni cet auto-dénigrement folklorique des libéraux français ou de ces sites de jeunes étudiants aux dents longues que je lis parfois, si pleins d'admiration pour la vitalité dynamique des entreprises américaines ou taïwanaises avec lesquelles on voit bien que, pas encore diplômés, ils n'ont jamais bossé !
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Écrit par : Christian / | 01/06/2012
LE REEL
> Je ne vois pas de crachat sur l'université, je lis des mots qui traduisent le réel de ce qu'elle est largement devenue et depuis bien longtemps, tout particulièrement en France. Est-ce insuportable de dire le réel ?
L'université est une abomination comme tout structure devenue à ce point sourde au réel, insensible à la vie concrète, vibrante et furieuse ; bien trop sûre d'elle-même en effet pour s'en remettre à quelque mystère que ce soit. La pensée qui en est issue est une abomination car produite sous une bulle protégée des vents et de l'indéterminé de la vie. Les concepts universitaires sont morts nés car produits par eux-mêmes, en eux-mêmes, pour eux-mêmes, c'est à dire proprement, imperméables au souffre de la vie, fait de poussière, de sang, d'odeurs, de cris de joie et de larmes.
Vous sentez encore vibrer quelque chose vous dans les couloirs de cette grande tombe qu'est la sorbonne ? Je sais de quoi je parle, moi qui au bout de quelques années passées en ce lieu figé dans le temps et dans l'espace, ai fini dans un état de quasi suffocation. C'en était réellement irrespirable.
Comme Anne, je vois que dans l'université, on ne pense évidémment pas, on répète en rampant, on reproduit sagemment les idées reçues qu'il s'agit de fixer dans les esprits afin de mieux les tenir. L'autonomie des universités ? Parlez-en aux québécois et lisez le bouquin de Jacques Testart à cet égard, Labo planète : la connaissance est aujourd'hui en voie d'erradication, de rachat et d'instrumentalisation généralisée par le marché.
Oui, laissons ces vieilles murailles universitaires se fissurer sous l'effet de leurs savants ronflements internes. Nous crevons d'être gouverné, informé et enseigné par des zombies de salons sans tâches.
Ils n'ont plus pour seule légitimité que le pouvoir symbolique qui leur fait croire qu'ils sont encore légitimes.
Comme JG, je suis convaincu que la pensée vivante de demain, prendra sa source dans la boue. De l'air!
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Écrit par : Serge Lellouche / | 01/06/2012
"JE ME SOUVIENS..."
> "Je me souviens de l'enthousiasme avec lequel j'enseignais les théories économiques, montrant qu'elles apportaient des réponses à des problèmes de toutes sortes.J'étais très sensible à leur beauté et à leur élégance. Puis soudain, je commençai à prendre conscience de la vanité de cet enseignement. A quoi bon, quand des gens mouraient de faim sur les trottoirs et devant les porches?
Désormais, ma salle de classe m'apparaissait comme une salle de cinéma où l'on pouvait se détendre, rassuré par la victoire certaine du héros. (...)Mais lorsque je sortais de ma classe, j'étais confronté au monde réel. Là, les héros étaient roués de coups, piétinés sauvagement. Je voyais chaque jour la vie quotidienne devenir toujours plus dure, et les pauvres devenir toujours plus pauvres.(...)
Où était donc la théorie économique qui rendrait compte de leur vie réelle? Comment continuer à raconter de belles histoires à mes étudiants?
Je n'avais plus qu'une envie: prendre la tangente, abandonner ces manuels, fuir la vie universitaire. Je voulais comprendre la réalité qui entoure l'existence d'un pauvre, découvrir la véritable économie, celle de la vie réelle"
(Extraits du livre de Muhammad Yunus, "Vers un monde sans pauvreté")
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Écrit par : Anne Josnin / | 01/06/2012
> SL qui s'est ennuyé à la Sorbonnei jette du coup toutes les humanités de toutes les universités françaises par-dessus bord.
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Écrit par : L'oeil et l'esprit / | 01/06/2012
DU QUEBEC
Parlant d'université, peut-être pourriez-vous nous indiquer si vous avez une opinion sur la crise au Québec. Nous en sommes à 110 jours de grève étudiante et toujours pas d'entente en vue entre les étudiants et le gouvernement.
FS
[ De PP à FS - Ce que je lis sur ce mouvement éveille mon attention et ma sympathie. Voulez-vous nous en dire plus ?]
réponse au commentaire
Écrit par : François S. / | 02/06/2012
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