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15/03/2012

Des militaires français seront-ils les derniers ultralibéraux ?

crise,armée française,écologie,réchauffement climatique,libéralisme




C'est un sujet de perplexité pour l'observateur :


 


Aux Etats-Unis, le Pentagone étudie depuis 2007 les dimensions géostratégiques du réchauffement du climat, et leur incidence sur les tâches futures des armées.

Même dans l'Angleterre conservatrice de David Cameron, l'armée prend en compte le rapport 2010 du ministère de la Défense sur « les risques induits par le changement climatique »1.

En France, constate l'analyste Hervé Kempf 2, un rapport émis en 2011 par le CHEM (Centre des hautes études militaires) souligne les prévisibles « effets multiples » du changement climatique : « montée des eaux affectant les infrastructures côtières », « fonte des pôles ouvrant les routes arctiques », « effets multiplicateurs tels que les risques de migration entraînant la nécessité d'interventions », « effets boomerang dus aux conséquences sociales et économiques », « effets d'incertitude entraînant des surprises stratégiques »...

Mais selon les députés André Schneider et Philippe Tourtelier, qui ont remis le 28 février un rapport à l'Assemblée nationale sur « l'impact du changement climatique sur la sécurité et la défense », les gradés de l'armée française opposent à ces questions scepticisme et hostilité. « Il y a un climato-scepticisme très fort dans les milieux militaires », indique à Hervé Kempf le député Tourtelier (ex-auditeur de l'IHEDN).

Alexandre Thaite (Fondation pour la recherche stratégique) raconte à Kempf un épisode atterrant : « En 2009, pour sa prestigieuse conférence annuelle dans l'amphithéâtre Foch de l'Ecole militaire, l'IHEDN a fait venir, pour parler du réchauffement climatique, Christian Gérondeau, climato-sceptique notoire. Le vaste amphi était plein à craquer. Pour moi, cela a été un choc. »

D'autant que le presque octogénaire Gérondeau – incompétent en matière de climatologie – est surtout connu pour avoir présidé les Automobile Clubs et milité en faveur du libéralisme ! (Candide au pays des libéraux, Albin Michel 1998). « Allègre a raison », répète-t-il depuis des années...  Dans ses livres, Gérondeau nie tout ce qu'ont diagnostiqué les scientifiques : rôle du CO2, facteur anthropique, existence même du réchauffement. Choisir un pamphlétaire pour venir parler du climat à l'armée, c'était donc un choix idéologique.

D'où vient ce parti-pris au sein de la « grande muette », censée pourtant ne pas avoir d'idéologie ?

Faut-il expliquer cela par un recrutement trop centré sur le seul milieu social où l'on prenne Allègre pour un maître à penser ?

Je ne saurais répondre à cette question, sinon en évoquant un dîner de janvier dernier auquel participait un général qui proclama non seulement l'inexistence du réchauffement climatique, « démontrée par Allègre », mais les dogmes économiques ultralibéraux3. Les autres convives furent étonnés d'entendre un militaire expliquer que l'Etat est la cause de tous les maux... (« Va-t-on privatiser l'armée ? », ironisait l'un d'eux en sortant de table).

Ce parti-pris de militaires français les rend aveugles à ce qui se passe dans le reste du monde : ainsi le rôle de l'armée japonaise comme « face avancée de la protection des populations » (Tourtelier), lors du drame du tsunami et de Fukushima. Ainsi également les travaux des autres armées occidentales sur le problème du climat...


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1. Ce dernier faisant partie des « quatre thèmes majeurs du futur » (les trois autres étant « la mondialisation, l'inégalité globale et l'innovation »)

2 Le Monde, 15/03.

3. La faute de l'Etat, disait-il : « faire du social ».

 

Commentaires

FUKUSHIMA

> mais le drame de Fukushima aussi est nié par la pensée unique, voyez certaines choses qu'on a lues dans les magazines ces jours-ci. Vraiment les Parisiens sont fâchés avec la réalité.
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Écrit par : Amaya / | 15/03/2012

AU MOINS DEUX CAUSES

> Au moins deux causes convergentes possibles à cette attitude:
- par vagues, le pouvoir (surtout de "droite" semble-t-il) s'est évertué à décérébrer l'armée. A force d'en faire une grande muette, on a pris en haut lieu l'habitude de ne pas penser. Et pour nos géniales interventions en ex-Yougoslavie, Irak, Côte d'Ivoire etc, il valait mieux un haut commandement qui évite de réfléchir.
- l'autre, qui atteint le milieu social qui produit nombre de militaires, est la balourdise de la communication faite par les médias quand ils se mêlent d'écologie et aussi par des organisations écologistes quand elles se mêlent de communiquer. Quand vous regardez sur Arte un documentaire que vous prenez en défaut, vous avez tendance à généraliser et tout envoyer promener.
Défendre une cause avec des arguments faciles à démonter voire ridiculiser est un bon moyen de lui nuire, et peut-être le plus efficace.
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Écrit par : Pierre Huet / | 15/03/2012

IL Y A DEUX ARMEES FRANCAISES

> Ayant des liens étroits avec l'armée, par ma famille et plusieurs amis, j'apporterais un tempérament. Il y a une armée française, vieillissante, formée depuis les années 80 au management, fascinée par les MBA et les grandes entreprises privées, volontiers tentée de pantoufler. Et une autre armée, dont les bases géostratégiques sont très différentes (ne serait-ce que parce qu'on y connaît le combat de terrain dès la sortie de l'école), très critique envers nombre de leurs aînés et surtout de leurs réflexes, envers les aventures militaires exotiques américano-centrées ou encore les collusions (disons, les contacts) entre les hautes sphères militaires et les PDG de grosses sociétés apatrides. Cette armée-là atteint le grade de colonel ces temps-ci : les choses changent.
Je schématise, bien sûr, et ne m'appuyant que sur une expérience personnelle et pas une enquête de fond, mon témoignage a ses limites que je mesure fort bien. Mais le sentiment que je retire de mes nombreuses discussions est vraiment celui d'un fossé de génération et d'une passation progressive de pouvoir.

C.


[ De PP à C. - Merci de cet éclairage, et espérons la relève ! ]

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Écrit par : Christian / | 15/03/2012

IL Y A AUTRE CHOSE

> y a-t-il tant de militaires qui regardent des documentaires d'Arte ? Le vrai fond du problème c'est le milieu social : plein de belles vertus familiales et patriotiques mais formaté sur le plan des idées, prenant l'idéologie libérale pour une certitude naturelle. Bon nombre d'officiers (y compris jeunes hélas) viennent de milieux pour lesquels écologie = bolchevisme : donc le réchauffement ne peut pas exister, ni le pic de pétrole, ni les méfaits du système économique. Si Jeanne d'Arc revenait elle serait pour le gaz de schiste, etc.
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Écrit par : zimmerwald / | 15/03/2012

LES GENERALITES

> Oui, il y a des militaires qui regardent les documentaires d'Arte, qui lisent Conrad dans le texte et écoutent des quatuors de Bartok : mon frère soutient actuellement sa thèse de doctorat en histoire, avant de retourner dans son régiment. Je ne manquerai pas de vous informer de sa publication. Méfions-nous tout de même des généralités...
Quant à la sociologie des militaires, je suis plus nuancé que vous. Il me semble qu'il faudrait des études précises, sérieuses, exhaustives, sur les origines sociales et les taux de reproduction sociale dans l'armée avant d'affirmer quoi que ce soit. Personnellement, j'ai connu en effet des familles bourgeoises à traditions Montjoie-Saint-Denis qui rêvaient de mariage en casoar. Mais je suis fils et frère d'officier, et quand j'étais gosse nous étions trois enfants à nous entasser dans une même chambre d'immeuble de banlieue. J'ai fait mon lycée en école d'enfants de troupe, il y a quelques années, et nous trouvions de tout dans les classes préparatoires, du point de vue des originales sociales, du fils de haut fonctionnaire au rejeton de vieilles familles ouvrières des forges du Nord. Les généralités sont toutes fausses, disait Chesterton (avant d'ajouter malicieusement : "y compris celle-ci").

C.


[ De PP à C. - Constatons néanmoins la dominante écolophobe (cf l'affaire Gérondeau) dans l'armée française, au moins jusqu'à une date récente ; et constatons que l'écolophobie est l'un des marqueurs identitaires d'un certain milieu civil et de ses blogs. C'est un fait. Il est d'autant plus paradoxal que ce milieu civil est rarement fortuné, mais qu'il rompt des lances en faveur du grand capital pour des raisons bénévoles, croyant s'opposer à on ne sait quel danger "communiste", auquel il amalgame l'écologie ! C'est ce qu'on appelle de l'aveuglement. ]

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Écrit par : Christian / | 15/03/2012

MESURES VERTES

> Un commandant en second de régiment m’a dit récemment que de nombreuses « mesures vertes » étaient en vigueur dans l’armée. Bien évidemment, cela implique des contraintes supplémentaires au quotidien. Mais ce qui fait que ces mesures ne sont pas très populaires, c’est que l’application de certaines procédures vertes implique des coûts supplémentaires qui ne sont pas financés. On leur dit : « Démerdez-vous pour appliquer les procédures vertes à budget équivalent ». C’est donc un peu le règne de la débrouille et ça grogne. Dans une grande entreprise, la situation est très différente. Il y a moins de "climat climatosceptique" parce que le « vert » est souvent une condition impérative pour vendre dans certaines régions du monde ; et le « vert » est parfois un argument marketing. Et les industries paient pour les dépassements de quotas carbone. Il y a un enjeu financier important. Les directions QSHE ont donc les budgets nécessaires et les personnes formées pour cela. Dans l’armée, il faut faire du vert "sans un rond" et pour "pas un rond" ! Donc, certains (mais non pas tous) finissent par prendre le vert en grippe !
Quant à l’explication sociologique, il faut savoir précisément de quoi on parle. Chez les officiers, rien de spécial à noter par rapport à la norme : 60 % sont issus de parents CSP+, comme les ingénieurs, mais moins que les élèves des grandes écoles de commerce (67 %). Vous retrouvez dans le haut commandement des profils sociologiques comparables aux élites des autres secteurs de la société.
Je dis à zimmerwald qu’il ne sait pas de quoi il parle. Je suis fils d’officier et issu d’une famille militaire, je connais beaucoup de militaires et ils correspondent rarement à la caricature grossière qu’il en fait. Donc, défoulement obsessionnel de vengeur masqué ou variante sociologique du racisme le plus ordinaire : aucun intérêt.
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Écrit par : Guillaume de Prémare / | 15/03/2012

NEANMOINS

> Je suis d'accord avec vous, Patrice, que les éléments que vous rapportez sont consternants, et tout à fait révélateurs. Je pense néanmoins que ces grandes et lourdes institutions sont mobiles dans le temps, pour le meilleur et pour le pire, et ce que je constate en ce moment (une fois encore, c'est une étude toute personnelle, pas une enquête sociologique à grande échelle - donc avec tout ce que cela comporte de limitations), c'est une fracture avec l'époque où l'on se moquait de Saint-Cyr en disant qu'ESM ne voulait plus dire "Ecole Spéciale Militaire" mais "Ecole Supérieure de Management".
Je méprise le discours de tel général pantouflard que j'ai vu pérorer sur le blog de M. Merchet sur la nécessité pour l'Armée de s'inspirer des méthodes de gestion des grands groupes privés (je travaille dans une petite boîte, mais nous sous-traitons pour les plus grands groupes internationaux de notre branche : tout mais pas ça !!!). Mais ce n'est pas le discours que j'entends chez les jeunes colonels auxquels je parle. Je n'en tire pas de conclusion globale, mais le sentiment que les choses changent. Disons : un petit 7/10 sur l'échelle du modérément confiant.
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Écrit par : Christian / | 15/03/2012

@ zimmerwald et PP

> "écologie = bolchevisme" Non bien sûr.
Mais voila, l'écologisme politique a tout fait pour récupérer la préoccupation écoloqique au profit de de l'extrême gauche, de moins en moins bolchevique du reste et de plus en plus jouisseuse, et c'est quelque chose qui éclabousse durablement la saine écologie.
Qu'un Daniel Cohn-Bendit, qui représente à peu près tout ce que nous combattons, soit une figure de proue de l' écologisme politique, c'est quand même un vrai problème car c'est l'image qu'en ont des foules de gens honnêtes et pas plus bêtes que d'autres mais qui ne peuvent pas passer des heures à fouiner à la recherche d'informations plus fines.

PH


[ De PP à PH - Le malheur est que Cohn-Bendit puisse passer pour un écologiste aux yeux des anti-écolos, alors que les vrais écologistes "politiques" (les objecteurs de croissance) le traitent de jaune et de valet du productivisme - ce qu'il est en effet. Voir à ce sujet la collection du mensuel 'La Décroissance' : il n'y a pas de plus complets adversaires de DCB. ]

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Écrit par : Pierre Huet / | 15/03/2012

LE MILITAIRE ET LE CITOYEN

> Il y a, en lisant ce billet et certains des commentaires, de quoi être atterré par les idées reçues sur les militaires : décérébrés, sans conscience, venant de tel ou tel milieu, etc...du grand n'importe quoi...Les colporteurs de ces idées reçues connaissent-ils des militaires ? Probablement pas.
Je confirme : il y a des militaires qui regardent Arte, qui lisent de la philo, s'intéressent à tout, réfléchissent. Mais eux, en plus, ils ont aussi le courage de ne pas se contenter de penser et émettre de belles idées confortablement installés derrière leur bureau ou dans leur fauteuil. Ils agissent, au service de leur pays, parfois jusqu'au sacrifice ultime. Tout notre respect leur est dû, donc.

P.


[ De PP à P. :
- On ne peut pas imposer silence aux citoyens, comme si tout ce qui est militaire était au dessus du débat démocratique. Le soldat est au service de la Cité. Pas le contraire. S'il s'aventure sur le terrain du débat d'idées, il doit s'attendre à être contredit. (Raison pour laquelle il ferait mieux de s'en abstenir).
- Le respect dû par les civils à ceux des militaires qui risquent leur vie n'autorise pas d'autres militaires à faire de l'idéologie politisée, comme dans l'affaire Gérondeau.
- A moins que vous ne partagiez leur point de vue, et considériez les pamphlets d'Allègre et Gérondeau comme devant être soutenus autoritairement ? En ce cas vous approuvez ceux qui ont voulu mettre l'IHEDN (autrement dit l'armée) en contradiction avec les travaux des scientifiques mondiaux : posture à la fois illégitime et dangereuse (pour l'armée). ]

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Écrit par : Plume / | 15/03/2012

LE LARZAC

> Comme l'ont souligné déjà des commentateurs, il est évident que cette histoire remonte au moins au Larzac. En tant que fils, petit-fils, frère, cousin et beau-frère d'officiers, je témoigne moi aussi que la méfiance militaire (des gradés) découle en droite ligne de l'antimilitarisme niais des écolos des années 60 et 70, qui ont pris les soldats pour ce qu'ils n'étaient pas, les responsables de la guerre et de ses destructions afférentes.

JG


[ De PP à JG :
- Dans un second temps, en effet, les mouvements d'extrême gauche parisiens ont envahi la lutte du Larzac et ont éclipsé les paysans.
- Mais dans un premier temps, l'insurrection de ces paysans (catholiques) avait été soutenue par les diocèses catholiques... parce qu'elle était légitime aux yeux des évêques et des gens du cru. J'en suis témoin oculaire, et témoin très impartial : je faisais mes débuts de journaliste à cette époque pour 'Valeurs actuelles', hebdomadaire pas précisément gauchiste.
Il faudrait tout de même se souvenir du point de départ de la bataille du Larzac : une pure et simple spoliation cadastrale des paysans par le ministère de la Défense ! (Sur la genèse de l'affaire du Larzac, je suggère de lire le passage qui lui est consacrée dans mon livre 'L'écologie de la Bible à nos jours'). La révolte paysanne initiale n'était ni de gauche, ni de droite : elle était paysanne. C'est par l'obstination de la droite parisienne que l'affaire s'est politisée dans le sens que l'on a vu ensuite, et que le Larzac fut transformé en pôle de culture gauchiste national et international. Des catholiques en 2012 peuvent-ils rééditer l'erreur en donnant rétrospectivement tort - par esprit fanamili - à l'Eglise catholique ? Ce serait absurde.
- D'autant que l'extension du camp du Larzac était militairement inutile, comme l'armée le reconnut elle-même dix ans après.
- Sortons de l'idée droitière selon laquelle l'armée aurait raison quoi qu'elle fasse, sous prétexte qu'elle est nécessaire en elle-même ! Comme toute institution, l'armée est : a) faillible, b) soumise au bien commun qui ne la justifie pas en toute circonstance. Spécialement en temps de paix absolue, comme c'était le cas dans les années 70. ]

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Écrit par : JG / | 15/03/2012

POURQUOI, ET COMMENT Y REMEDIER

> Sujet qui m’intéresse beaucoup : climato-scepticisme dans l’armée. Pourquoi ? Comment y remédier ?
J’ai dit, plus haut, en m’appuyant sur un témoignage d’officier supérieur de terrain : en bref, on veut faire du « vert » sans donner les moyens du « vert ». Les procédures tombent d’en haut et « démerden sie sich », peu de sensibilisation en amont, peu de formation, pas d’argent.
Christian dit : que l’armée n’imite surtout pas les méthodes de management des grandes entreprises. Je réponds : attention, il faut savoir de quoi l’on parle.
Expérience personnelle : J’ai un client qui est un groupe verrier numéro 1 sur le haut de gamme (je m’occupe de sa communication interne). Traditionnellement, le haut de gamme verrier n’est pas « vert » : semelle épaisse, épaisseur de verre, décor haut de gamme avec métaux lourds, beaucoup d’emballage pour protéger la marchandise etc. Or, nécessité pour l’entreprise de se "mettre au vert" : exigence verte des marchés, notamment de l’hémisphère sud (je parle des vrais marchés, ceux qui achètent des vrais produits à vraie valeur ajoutée, fabriqués par des ouvriers avec un vrai savoir-faire, un vrai salaire, des vraies conditions sociales et une vraie fierté de fabriquer les plus belles bouteilles du monde) ; réglementation verte contraignante ; opportunité de développement avec de nouvelles gammes « green » etc. Bien évidemment, c’est une révolution culturelle pour l’entreprise : faire du haut de gamme « vert », ce n’est pas rien pour un verrier. Donc : investissements en recherche et développement, adaptation à tous les niveaux de l’entreprise. Jamais simple. Pour cela : on ne pond pas des « procédures vertes » à la va-vite en disant « démerdez-vous », mais on met en œuvre un vrai plan de développement « vert », de formation et de sensibilisation du personnel (édition d’un « livre vert », réunions d’information etc.). Et on met la main à la poche. Le pilote : la direction QHSE, donc des personnes qui ont appris tout cela. Pour ces spécialistes : une collaboration avec tous les niveaux de l’entreprise, la prise en compte des « résistances au changement », une pédagogie etc.
Je sais, parce que je l’ai vu, que ces modes de management produisent des résultats. Vous verriez la qualité des produits « verts » fabriqués par l’entreprise et la courbe du bilan carbone, ce sont des résultats concrets. L’armée peut donc s’inspirer de méthodes qui sont l’inverse du « Je décide, tu obéis sans poser de questions, et les problèmes d’argent j’veux pas l’savoir ».
Imaginez dans un régiment un « officier vert », formé à cela, qui sensibilise, explique, collabore avec les uns et les autres… Au début, il passerait sans doute un peu pour un « emmerdeur » (l’armée, c’est comme partout : le changement provoque une résistance), mais s’il fait bien son travail…
Mais pour cela, il faut de l’argent. Il ne faut jamais oublier que faire du vert, le plus souvent c’est un investissement. On ne "rase pas gratis" « vert » ! Il faut des vrais budgets verts, et donc bien sûr une vraie volonté politique.
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Écrit par : Guillaume de Prémare / | 15/03/2012

CAVANAUGH

> Un peu hors sujet mais je me fais le relais d'une information qui pourrait intéresser bon nombre de lecteurs ici. N'étant pas parisien, je regrette de manquer cet évènement !
"William Cavanaugh vient pour la première fois en France.
Ce théologien catholique de 49 ans donne un nouveau souffle à la réflexion politique en bouleversant les catégories habituelles.
Il sera l'invité le mercredi 21 mars de la librairie La Procure, 3 rue de Mézières, Paris 6e, à 20h.
Il présentera notamment ses 3 derniers livres."
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Écrit par : Vincent / | 15/03/2012

BEAUCOUP DE DEMEURES DANS LA "MAISON DEFENSE"

> D'aucuns diraient que l'armée française a été précurseur en matière de mode alternatif de production d'énergie :
http://dandelotmije.over-blog.com/article-le-chemin-de-leur-bassesse-fait-voir-qui-tu-decores-et-on-verra-qui-tu-es-90680715.html
Plus sérieusement : pour connaître également un peu le milieu, je peux dire qu'il y a "beaucoup de demeures dans la maison Défense". Quoi de commun entre l'armée de terre, la DGA et le secrétariat général pour l'administration ? Entre un officier des troupes de marine, un ingénieur de l'armement et un personnel civil (ouvrier de l'Etat, fonctionnaire ou contractuel) ? La caricature du militaire catholique, père de famille nombreuse, aristocrate (surtout s'il est cavalier, légionnaire ou marin, lol ..), homme de droite et de principes, n'a plus cours. Même s'il reste des constantes (surtout dans le milieu des officiers, toutes composantes confondues) : la loyauté , le légalisme, l'exigence vis-à-vis de soi-même ou des autres, l'importance de la valeur famille. Et, partant, le sentiment d'être en décalage par rapport au reste de la société (sentiment accentué par la professionnalisation)...

F.


[ De PP à F. - Un coup comme celui de la conférence Gérondeau (sommet de ringardise) n'était pas de nature à remédier au "décalage"... ]

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Écrit par : Feld / | 16/03/2012

Guillaume,

> merci pour votre témoignage. Je suis ravi de voir qu'il y a également des raisons d'espérer dans les grandes entreprises. Je ne vois pas ça dans ma branche, qui se caractérise par un mélange curieux de cynisme financier très ultralibéral et d'inefficacité procédurière proprement soviétique, d'où ma réaction - et cela confirme qu'il faut se méfier des généralisations. Dont acte, et mille excuses. Tenez-nous au courant si vous le pouvez, c'est passionnant !
En revanche, il me semble que vous vous méprenez un peu sur les méthodes d"analyse et de confrontation d'idées dans l'armée. Il est évident qu'on ne demande pas à une section de voter avant de la parachuter. Mais, lisant les revues et les publications internes (internes mais pas secrètes, bien sûr) de l'armée de terre, je peux vous assurer que les débats y sont vigoureux, pour le moins, et sans que le grade n'intervienne. C'est là aussi une de mes raisons d'espérer. C'est de la lecture de ces documents, par exemple, que me vient ma passion pour la démographie - j'y ai lu des réflexions qui étaient alors très novatrices (s'appuyant notamment sur les démographes français, pionniers sur la question de l'implosion démographique mondiale), et la chose est primordiale bien sûr non seulement pour les questions géostratégiques, mais aussi relativement à la répartition des richesses, à la dynamique économique des pays et des continents, etc. Or, c'est sous la plume de jeunes officiers curieux que je lisais ces réflexions qui n'intéressaient visiblement pas grand-monde dans les hautes sphères (civiles ou militaires) ou dans la presse, alors que le présent leur donne aujourd'hui en grande partie raison.
Mais je m'égare et je bavarde. Pardon pour ça, je me tais désormais sur cet article !
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Écrit par : Christian / | 16/03/2012

à PP :

> bien sûr, quand je dis le Larzac, je ne veux pas parler de la juste rébellion devant l'expropriation des terres. Je ne veux pas non plus donner raison à l'armée à ce sujet : je voulais juste souligner qu'à cette époque s'opère une cristallisation des idées reçues de deux camps à propos de l'autre.
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Écrit par : JG / | 16/03/2012

"L'ARMEE NEST PAS ECOLOPHOBE"

> D'un officier :

" En PJ une note de service (qui a valeur d'ordre) pour vous montrer que l'armée n'est pas écolophobe. D'ailleurs de qui parle t-on? l'armée de terre, c'est 114 000 hommes dont 3/4 de contractuels. Il est vrai que certain généraux sont plus à l'aise pour crapahuter sur les moquettes parisiennes qu'à commander des troupes. Sur le terrain, je peux vous assurer que nous y regardons à 2 fois avant de sortir nos véhicules gros consommateur de carburant. Nous limitons le chauffage et d'ailleurs il n'y a plus de fric. Le climat nous le prenons en pleine poire toute l'année et cela ne nous laisse pas indifférent. Nous protégeons la faune et la flore dans nos camps de manœuvre parce que les ministres nous l'ordonnent. Nous sommes les derniers à obéir dans ce pays! J'ai vu des travaux d'infrastructure, nécessaires à notre entrainement opérationnel, brutalement stoppés pour protéger une anémone endémique au camp dans laquelle elle se situait. Les travaux ont été stoppés jusqu'à ce qu'elle puisse être replanté. Nous protégeons le branchiopode de Schaeffer à Sissonne, les loutres à Bourg-Lastic. Quel administration fait ce que nous faisons ?
J'espère que la note jointe vous fera sourire à défaut de vous faire changer d'idée à propos de notre armée... "



[ De PP - La note (signée d'un général de brigade aérienne) donne consigne de participer aux plans nationaux de sauvegarde de l'outarde canepetière ("pour laquelle un diagnostic a été réalisé en 2010 sur les bases aériennes de PACA"), et du vautour percnoptère ("dont la présence est connue sur le camp des Garrigues et le camp de Canjuers").
Il est aussi question de "mettre en place un observatoire de l'avifaune" en liaison avec la LPO.
C'est certainement louable !
Mais entre la protection locale des oiseaux et la prise de conscience d'un problème de climatologie à dimension géopolitique, il y a une certaine différence.]

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Écrit par : D'un officier / | 17/03/2012

L'UN N'IMPLIQUE PAS L'AUTRE

> C'est une grave erreur de regarder l'écologisme ou l'écolophobie comme des packs monolithiques. J'ai croisé un certain nombre de militants d'EELV, très à cheval sur les questions d'énergies renouvelables ou de tri des déchets, qui m'ont froidement déclaré se moquer éperdument de la biodiversité, et même ne pas comprendre pourquoi diable un Vert devait se préoccuper de la protéger. On peut donc parfaitement être prêt à protéger l'outarde sur les camps militaires et par ailleurs climatosceptique. Ces mesures de protection partent du constat établi depuis fort longtemps par la LPO et les autres naturalistes que les camps et bases aériennes, avec leurs grandes prairies peu dérangées et sans chasse, servaient d'ultimes refuges à un certain nombre d'espèces de plaine, comme l'outarde canepetière donc, mais aussi les busards, le courlis cendré, le cochevis de Thékla etc... à condition que la végétation ne soit pas fauchée en plein élevage des nichées ! De là, nécessité de protection. Qui n'implique pas forcément par ailleurs, une prise de conscience d'autres enjeux écologiques...
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Écrit par : Phylloscopus / | 17/03/2012

LA FORCE DE FRAPPE

> Aux yeux des militaires, l’écologie politique est en effet marquée par un péché originel : celui du l’obsession antinucléaire (initiée par GreenPeace). Et qui visait avant tout (avant même les centrales électronucléaires…) à ruiner la constitution d’une force de dissuasion. La française, évidemment, puisque les autres (états-unienne et soviétique) étaient déjà établies. La française par ailleurs soutenue par la volonté gaullienne (que l’auteur du présent site a parfois eu l’occasion de louer, en dénonçant les trahisons — supposée — de l’actuel chef de l’État, notamment à propos de l’Otan).
À cet égard, et d’une certaine façon paradoxale, GreenPeace faisait (un peu) le jeu des deux « Grands », car la force de frappe française (supposée) indépendante, perturbait le jeu de l’équilibre de la terreur (« deterrent ») dissuasion mutuelle des deux blocs.
GreenPeace allié objectif des USA ? De fait, ce mouvement ne s’en est jamais pris aux essais ni aux installations nucléaires états-uniennes ; et encore moins à celle des Soviétiques, pour ne rien dire de celles de la RPC !
L’écologie de l’environnement est venue plus tard… Mais, en raison de cet héritage, la réticence (et le soupçon de l’instrumentalisation) à son égard demeure vif.
NB : L’IHEDN n’est pas une émanation (exclusive) de la Défense. Il dépend directement du Premier ministre.
Réf : http://www.ihedn.fr/?q=content/presentation-de-linstitut
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Écrit par : Fondudaviation / | 17/03/2012

EPOQUE

> La question du Larzac, puisqu'elle apparaît dans cet échange, renvoie aussi à celle de la mentalité technocratique des années 60-70, qui n'a certes pas disparu mais rencontrait auparavant peu d'opposition. Le Larzac? pas d'agriculture intensive, le labour profond étant incompatible avec les bancs de calcaire, pas de tourisme de masse car il fallait des plans d'eau pour le bronze-stroumpf etc...mais c'est à peu près plat, donc c'était l'idéal pour des manoeuvres.
Il est heureux que les Caussenards aient sauvé leurs espaces, mais n'oublions pas c'était aussi l'époque où on engloutissait des vallées entières et rasait des bourgades comme Savines et Ubaye (Haute Provence) voire des sites historiques comme la Chartreuse de Vaucluse (Jura) au nom de l'hydroélectricité, pour des productions dérisoires, comme les ridicules 30MW de Vouglans. Comme on ne pouvait recourir à l'antimilitarisme, les grandes consciences ne suscitèrent dans ces cas aucune mobilisation paysanne, ni hippie, ni épiscopale.
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Écrit par : Pierre Huet / | 18/03/2012

KEMPF ET TOURTELLIER

> Le rapport Schneider-Tourtelier sur « l'impact du changement climatique sur la sécurité et la défense » me semble remarquable, tant dans l’analyse que dans la prospective. Cependant, je n’ai pas trouvé, dans les 127 pages de ce rapport, l’endroit où ses auteurs diraient que « les gradés de l'armée française opposent à ces questions scepticisme et hostilité » (mais j’ai peut-être mal cherché). Les auteurs consacrent une partie du rapport aux « freins à la prise de conscience » (pages 61 à 66), dans laquelle ils analysent (très bien) le « climatoscepticisme ». Mais leur propos est général et ne signale pas un climat climatosceptique dans l’armée. Sur quoi se base Hervé Kempf pour étayer ses affirmations ? Sur un propos que lui aurait tenu Tourtellier : « Il y a un climato-scepticisme très fort dans les milieux militaires ». Le problème, c’est que si Tourtelier avait constaté un tel climat, je ne vois pas pourquoi il se serait privé de le mentionner dans son rapport, notamment dans la partie consacrée au climatoscepticisme. L’information serait suffisamment importante pour qu’elle soit mentionnée.
A la suite du rapport, il y a un verbatim des travaux en commission. Schneider explique qu’il a auditionné en Amérique et que les militaires y sont les meilleurs connaisseurs de la question, ce qui n’est pas le cas en France (page 92) : « En France, très honnêtement, nous avons rencontré la « grande muette » : cela ne signifie pas qu’elle reste inactive, mais nous n’avons pas senti la même capacité de communication avec les autres parties prenantes. » Il pointe donc des insuffisances, mais nullement une opposition de nature climatosceptique. Cela est d’ailleurs conforme à la tonalité générale du rapport, qui n’est pas de dire que le ministère de la Défense est en-dessous de tout, mais que les USA et la GB sont plus avancés que nous et qu’il y a des progrès à faire. En cela, ce rapport est très intéressant, car il n’est pas bon que nous soyons en retard en matière de prospective géostratégique, qui est un enjeu majeur pour un pays comme la France.
Pointer notre retard et proférer une affirmation générale selon laquelle les militaires français seraient climtaosceptiques, ce n’est pas la même chose. A moins que quelque chose m’ait échappé (c’est tout à fait possible, il y a quand même 127 pages), il me semble, à ce stade, que les affirmations de Kempf ne sont pas étayées.

GP


[ De PP à GP - Je connais Kempf, qui est un journaliste compétent et rigoureux (et qui était l'un des invités-vedettes des Assises chrétiennes de l'écologie du diocèse de Saint-Etienne en novembre). L'accuser d'avoir inventé une déclaration de Tourtellier serait à la fois peu plausible et insultant. Et l'affaire de l'IHEDN confirme le malaise ! (Ce n'est pas le cabinet Fillon qui a eu l'idée d'inviter un pamphlétaire négationniste climatique au lieu d'un scientifique climatologue, pour parler à une salle pleine d'officiers). ]

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Écrit par : Guillaume de Prémare / | 18/03/2012

PROLONGATION DE LA CONTROVERSE

> Je dis juste que l'affirmation générale de Kempf n'est pas étayée par le rapport très sérieux qu'ont présenté les deux députés. Et si Tourtelier lui a glissé ce propos à l'oreille, il peut s'agir d'un ressenti ou d'une d'une impression vague, mais cela ne peut être fondé sur le travail présenté dans son rapport, qui est précis et sérieux. Je trouve donc que la manière dont Kempf présente les enjeux, en faisant dire à un rapport autre chose que ce qu'il dit, est tendancieuse. Car le rapport ne dit pas que la France a du retard en raison du climatoscepticisme des officiers français. Et à lire Kempf, on pourrait le croire. Kempf est peut-être compétent et rigoureux - je vous crois - mais je trouve que, sur ce coup, il manque de rigueur.
Croyez bien que je ne suis pas enchanté de découvrir que la France a du retard en matière de réflexion "climat et enjeux géostratégiques". Quant à l'affaire de l'IHEDN, les officiers ne sont peut-être pas responsables de l'orateur qu'on leur propose. Et rien ne dit qu'ils partagent massivement les vues de l'orateur.

GP


[ De PP à GP :
- Personne ne dit que "les officiers" soient collectivement "responsables" de quoi que ce soit.
- Ce serait bien si les défenseurs de l'armée reconnaissaient aux citoyens civils le droit de dire l'impression que produisent certaines initiatives militaires, du type IHEDN-Gérondeau. ]

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Écrit par : Guillaume de Prémare / | 18/03/2012

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