Prénoms : « Daemon » après « Mégane » ! la sous-culture de consommation envahit l'état-civil...

 

           ...qui résiste, mais pas trop :

 

Les époux Défontaine (de Busigny, Pas-de-Calais) vont comparaître le 15 décembre devant le tribunal des affaires familiales de Cambrai. Ces parents se sentent victime de l'intolérance. Motif : ils veulent prénommer leur dernier-né Daemon, en hommage à la série télé américaine (TF 1) Vampire Diaries. Or l'officier d'état-civil, réalisant que Daemon veut dire démon en latin, a refusé d'enregistrer ce prénom en excipant de l'article 57 du code civil : « lorsque ces prénoms ou l'un d'eux, seul ou associé aux autres prénoms ou au nom, lui paraissent contraires à l'intérêt de l'enfant (...), l'officier de l'état civil en avise sans délai le procureur de la République. Celui-ci peut saisir le juge aux affaires familiales.» Mais M. et Mme Défontaines ne veulent pas en démordre : leur bébé s'appellera Daemon ! C'est leur choix donc c'est leur droit, la loi n'a rien à y faire. Surtout cette loi-là qui date au moins du jurassique, puisqu'elle dispose que le juge peut – en cas d'obstination des parents - « attribuer le cas échéant, à l'enfant un autre prénom qu'il détermine lui-même» ! Quel prénom ? « Valmy », par exemple, ou « Kléber », comme aux âges républicains ?  M. et Mme Défontaines doivent trouver tout cela sans rapport avec l'ère du consommateur. Ils ont même prétendu au journaliste de La Voix du Nord qu'un prêtre leur aurait dit : « Ce prénom n'empêcherait pas le baptême. » Si Daemon n'empêche pas le baptême, on touche au fantastique. Imaginez la scène : « Daemon, rejetez-vous Satan ? »

Ne nous précipitons pas sur notre goupillon de poche : l'affaire Défontaine n'est pas aussi épouvantablement atrocement terrifiante qu'un tour de chant au Hellfest. C'est juste une manifestation du formatage du public par le marketing, qu'il soit télévisuel ou directement commercial (la différence est ténue). Le processus fonctionne depuis longtemps. En 1988, et encore dans le Pas-de-Calais, deux jumeaux avaient été déclarés sous les prénoms de Starsky et Hutch. En l'an 2000, à Nantes, une famille Renaud a donné à sa fille le prénom de Mégane. « Mégane Renaud » ! Le tribunal des affaires familiales s'était saisi de l'affaire, mais avait fini par valider le prénom avec ce raisonnement étrange : «le prénom Mégane ne pouvait être en lui-même contraire à l'intérêt de l'enfant car, jusqu'à son entrée à l'école primaire, seuls les adultes pourraient avoir conscience du caractère éventuellement comique de l'association du prénom et du nom.»

Daemon après Mégane : en 2000 le public aimait les voitures, en 2011 il aime les vampires.