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08/11/2011

'La Nef' et le document du Conseil pontifical Justice et Paix sur le libéralisme et la finance mondiale

Critique radicale du libéralisme, changement du système économique et financier mondial : deux idées qui progressent dans le monde catholique sous l'impulsion du Vatican et des évêques...


 

Editorial de Christophe Geffroy dans le numéro de novembre de La Nef :

 

<< Le Conseil pontifical Justice et Paix a rendu publique le 24 octobre une note intitulée Pour une réforme du système financier et monétaire international dans la perspective d’une autorité publique à compétence universelle (1). Cette note fera sûrement grincer bien des dents et certains pourront même se demander pourquoi l’Église se mêle d’intervenir dans un domaine « technique » qui n’est, a priori, guère de sa compétence. Paul VI avait rappelé que l’Église était « experte en humanité » et que tout ce qui touche au respect de la dignité de la personne humaine la concernait – c’est bien parce qu’il y a ici une dimension morale que l’Église intervient légitimement. [...] Certes, ce type de document n’a bien évidemment pas l’autorité d’une encyclique, il n’engage pas moins le Saint-Siège et appelle à une réception respectueuse de la part des catholiques : ce texte reprend en effet des enseignements répétés de quatre papes (Jean XXIII, Paul VI, Jean-Paul II et Benoît XVI) sur des éléments importants de doctrine sociale.

Quels sont les points qui risquent d’être critiqués ? D’abord la mise en cause radicale et sans appel du libéralisme pur et dur dans le dysfonctionnement de l’économie mondiale qui peut aller jusqu’à mettre en danger la paix. Qu’est-ce qui a poussé le monde dans la crise, demande le texte ? Réponse : « Avant tout un libéralisme économique sans règles ni contrôles » qui n’est en fait qu’« une idéologie », elle-même alimentée par « l’idéologie utilitariste » selon laquelle « ce qui est utile au plan personnel conduit au bien de la communauté » (2). De façon très claire, le texte montre que c’est en effet la déréglementation du système financier qui a fait croître la monnaie et les titres de crédit bien plus rapidement que la production des biens et services, provoquant ainsi les bulles spéculatives, et l’endettement gigantesque qui nous menace aujourd’hui. Cela a également contribué à aggraver considérablement les inégalités, aussi bien entre pays riches et pays pauvres, qu’au sein d’une même nation.

Face à ces évolutions graves et dangereuses – dont les libéraux patentés n’ont que trop tendance à nous dire qu’elles sont inévitables et à long terme bienfaisantes –, le document romain, « à partir de la reconnaissance de la primauté de l’être sur l’avoir », invite à retrouver « un esprit de solidarité […] en abandonnant toute forme d’égoïsme mesquin et en embrassant la logique du bien commun mondial qui transcende le simple intérêt contingent et particulier ». [...]

Le second point controversé concerne l’idée d’une « Autorité publique mondiale », déjà évoquée par Jean XXIII et reprise par Benoît XVI. Comment ne pas être réservé face à une telle proposition quand on est critique vis-à-vis de l’évolution fédérale supranationale de l’Union européenne ? La réponse tient tout simplement à une juste application du principe de subsidiarité. La technocratie bruxelloise s’occupe de multiples affaires qui sont de la compétence des nations plus aptes à les résoudre qu’un échelon supérieur plus éloigné des peuples et de leurs réalités : la nation est le cadre le plus naturel et le plus adapté à la démocratie, à une véritable participation du peuple. En revanche, les problèmes du système financier international, du désarmement, de la sécurité alimentaire et de la sauvegarde de l’environnement, etc. ne peuvent se traiter qu’à l’échelon mondial, aucun État ne peut les résoudre seul. Il est donc juste, comme l’Église y invite,  de réfléchir à une instance internationale, « expression d’une “communauté des nations” », ayant pour but « avant tout de servir le bien commun » sur ces questions mondiales hyperdélicates.

Dans cette optique, le texte propose des mesures concrètes comme la plus grande implication des pays pauvres, la taxation des transactions financières pour promouvoir le développement des plus pauvres, etc., toutes mesures relevant de la prudence dont on peut évidemment discuter. Mais surtout, « retrouver la primauté du spirituel et de l’éthique et, en même temps, de la politique – responsable du bien commun – sur l’économie et la finance ».

Voilà un bien beau programme dont les « réalistes » de tout poil ne manqueront pas de moquer le caractère « utopique », comme souvent face à l’audace du vrai christianisme. Après tout, l’Évangile n’est-il pas le programme le plus « utopique » qui soit ? Et le problème n’est-il pas justement que nous n’y croyons pas assez ? >>

 

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(1) Texte intégral disponible sur le site : www.justpax.it/fra
(2) Les mises en cause du libéralisme (celui hérité de Mises, Hayek…) et de l’« idolâtrie du marché » reviennent de façon forte dans le document, mais l’Église ne s’oppose pas pour autant au principe même d’une économie de marché, dès lors qu’elle est bien régulée. 

 

http://www.lanef.net/t_article/l-eglise-et-la-finance-christophe-geffroy-25537.asp?page=1

 

Commentaires

ET AUSSI GUILLEBON

> Il y a aussi dans ce numéro un éditorial de Jacques de Guillebon sur le même sujet :

" Il va bien entendu y avoir des 'mais', des 'si', des 'non, pas tout à fait', de toutes les obédiences catholiques. Un tel texte qui ravale les prétentions des fanatiques du libéralisme comme celles des gardiens de l'Etat fort ne peut susciter l'adhésion sans réserve au premier instant. Pour nous, en tant qu'il combat ces deux erreurs de la modernité, il nous convient parfaitement [...] Les catholiques français, si je ne m'abuse, luttent depuis au moins deux cents ans pour refonder une société sur d'autres bases que celle de l'argent, du pouvoir et du monstre froid. L'occasion leur en est enfin donnée, maintenant que s'effondre, par la voie de la finance, ce qui les dominait. "
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Écrit par : ned / | 08/11/2011

DEBAT

> oui, mais attention aux instances de contrôle à l'échelle mondiale . Voir les dérives totalitaires :
-de l'ONU ( voir Schoyaans, et aussi le site d'Austin Ruse C-Fam !)dans sa volonté de contrôle des populations et de leur croissance !
-dans la zone Euro : l'euro qui nous a été imposé n'est que le cheval de Troie de fédéralistes très intolérants qui imposent tout par chantage aux subventions, ou, si cela n'a pas marché, par menaces.

22


[ De PP à 22 - Relisons ensemble le texte du Vatican, svp : il souligne que la (nécessaire) régulation économique par une instance mondiale doit se faire dans la "subsidiarité", c. à d. le contraire d'une "dérive totalitaire".
D'autre part il me semble que vous pouvez faire confiance au cardinal Turkson pour ne pas prôner un système anti-natalité, non ?
"Mondial" est un mot qui désigne une réalité. Négliger les réalités, c'est s'en exclure.
La réalité économique concerne le monde entier ( = tous les peuples) : donc elle ne peut être laissée aux seules forces des multinationales.
Cessons de nous tétaniser chaque fois que nous entendons le mot "mondial". A problèmes mondiaux, solutions mondiales : ou alors ne parlons plus de rien et écoutons radio Musée. ]

réponse au commentaire

Écrit par : le 22 à Asnières / | 08/11/2011

CONTRÔLE DES CHANGES

> 1- Lire ou relire le chapitre sur le positivisme (on parlerait plutôt d'utilitarisme de nos jours) du Drame de l'humanisme athée" du P. de Lubac: son analyse de cette pensée est pour une large part la description du monde actuel.
2- Une taxe sur les transactions financières, c'est bien, c'est comme la taxe sur le tabac: ça aide à soigner les dégâts, mais faire baisser la consommation à un niveau compatible avec la santé, ce sera mieux, et il y a de quoi faire: d'après le P. Gaël Giraud, la durée moyenne de possession d'une action est de...30 sec. Et cette baisse, seul un contrôle des changes par les Etats pourra la réaliser.
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Écrit par : Pierre Huet / | 08/11/2011

de 22 à PP :

> Tout à fait d'accord avec votre réponse !
Le coeur du problème est donc : le non respect de la subsidiarité, et ce, à toutes les échelles, et dans beaucoup de domaines concrets, très concrets . Je pense notamment à la procréation et l'éducation dans la famille . Il y a tout de même beaucoup de cas d'outrepassement des droits de la personne par nombre d'instances publiques,à tous niveaux, et aussi au niveau international (adjectif que je prèfère décidément à mondial, à mon sens beaucoup trop globalisant, pouvant contenir une certaine dose d'utopie ... ou de désespoir, qui sont 2 aspects du même syndrome à mon sens ... ONU contenant d'ailleurs le terme nation...), ces mêmes instances se parant derrière un "droit d'ingérence" pour imposer leurs vues, voire leurs peurs (non! ce n'est pas nous qui avons peur !), notamment la peur de ne pas pouvoir gérer la croissance de la population mondiale ...
Et je sens ma vocation, non pas dans l'écoute de radio-musée, ni dans je ne sais quel conservatisme apeuré, mais dans l'exercice bien réel des relations par capillarité, pour contrer et contre-balancer le gigantisme et les solutions un peu trop globalisantes... Exemple concret : parler à une de nos amies éplorée de l'existence des Maternités Catholiques, ce qui lui a permis d'échapper à la subtile (quoique?) mais non moins violente pression dont elle a pu être victime lorsqu'elle attendait son 4ème enfant (aujourd'hui un magnifique enfant en excellente santé).
Ce qui n'empêche pas d'agir et de réfléchir aux solutions au niveau international bien sûr ... Il ne s'agit pas de déserter ce terrain-là - qui, comme vous le dites très justement, sera occupé par d'autres, si nous le laissons vide . (Mais noter et constater les abus réels, n'est pas manquer de confiance filiale dans notre Eglise,dans un de ses termes utilisés dans un de ses documents, si ?)
Nous devons donc 1) faire absolument respecter le principe de subsidiarité à notre niveau (là aussi les parents doivent occuper le terrain et ne pas déserter !) et 2) occuper le terrain international avec notre espérance chrétienne .
Avec mes remerciements pour votre blog, qui me permet de m'exprimer, approfondir ma réflexion, écouter et intégrer les avis des autres blogueurs, et ainsi de résister à l'envie d'écouter ... radio-musée ! ...sur quelles ondes ? ...
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Écrit par : le 22 à Asnières / | 10/11/2011

PLUSIEURS PISTES

> Je n'ai pas encore lu le texte entier, mais les orientations sont intuitivement les bonnes, et chose très importante il ne faut pas baisser les bras devant la montagne qu'est l'empire financier, il est assez simple de faire rentrer les choses dans l'ordre si les peuples construisent la réponse adéquate. Je vois plusieurs pistes à explorer pour y parvenir:
- rentrer dans une ère de sobriété énergétique,
- redéfinir la notion de croissance en chiffrant mieux qualitativement les activités humaines les plus vertueuses pour la société,
- rééquilibrer la production entre zones géographiques différentes (cad la remettre partout),
- remettre dans la comptabilité des entreprises la notion de bonne gestion à très très longue durée,
- intégration chiffrée aux comptes des dégâts de la productions sur l'écosystème, nature et humain,
Il y a bien des pistes ..
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Écrit par : GBA92 / | 20/11/2011

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