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20/09/2011

Derrière l'affaire UBS, une nouvelle bulle financière ! c'est l'orgie autodestructrice... aux frais des peuples

ubs,adoboli,city,crise,capitalisme tardif,paul jorion"L'histoire de Kweku Adoboli, le trader d'UBS qui a fait perdre 2,3 milliards de dollars à la banque suisse, c'est d'abord celle d'une planète finance prise de folie en raison d'un placement potentiellement explosif : les Exchanged Traded Funds (ETF)", écrit Marc Roche. Les Etats étant vassaux de la finance, l'ensemble roule vers l'autodestruction :


 

Marc Roche :

« Le "Kerviel suisse", arrêté et inculpé vendredi 16 septembre pour abus de position et fraudes comptables, était chargé du négoce de ces instruments ultra-sophistiqués et risqués [les ETF]...  Par leur truchement, les investisseurs peuvent par exemple s'engager sur le marché des matières premières sans devoir acheter directement [...] Le chiffre des sommes investies [...] dans ces "trackers" est astronomique : 1 500 milliards de dollars à ce jour, 2 000 milliards de dollars à la fin de l'année... […] 30 % du volume d'échanges de la Bourse de New York et 5 % des Bourses européennes...

A l'instar d'UBS, tous les grands noms de la banque d'investissement se sont embarqués sur ces ETF... L'ingénierie financière s'est déchaînée. Les grosses têtes, qui mettent tout en équations, ont bourré les ETF de produits dérivés aux acronymes barbares assis sur toute la panoplie des actifs. Sabre au clair, ces jeunes Frankenstein ont déconstruit les ETF pour les recombiner dans de complexes échafaudages "synthétiques"...

"Comme lors du scandale des crédits subprimes, l'affaire UBS démontre une nouvelle fois l'incapacité de la hiérarchie des banques à comprendre la construction, le négoce et la détention de ces instruments très compliqués" : à écouter Terry Smith, directeur du courtier londonien Tullet Prebon, l'argument clé des fabricants d'ETF, à savoir la transparence et la simplicité, est aujourd'hui battu en brèche par l'innovation technologique et le trading à grande vitesse.

[…] Par ailleurs, la concentration du marché, organisé autour d'un club fermé d'établissements émetteurs, l'influence de ces produits sur les valeurs concernées, en particulier les cours des matières premières, le manque de lien avec l'économie réelle et l'utilisation du hors-bilan ainsi que des paradis fiscaux sont autant d'écueils. Tout comme le recours à l'endettement de nombreux émetteurs et le caractère hautement spéculatif ainsi que la sophistication croissante des ETF.

[…] Les inquiétudes exprimées par les organisations internationales et les régulateurs à propos des ETF se sont heurtées au lobby bancaire. Il en avait été de même lors de l'envolée des crédits subprimes entre 2000 et 2007, avec les conséquences que l'on connaît.

...Pour toutes ces raisons, la marche forcée des ETF réunit toutes les caractéristiques d'une bulle financière qui enfle, avec les risques systémiques associés... »



Voilà donc un nouveau signal d'alarme, comme naguère les cas de Nick Leeson qui fit sauter la Baring, de Jérôme Kerviel qui fit perdre 5 milliards d’euros à la Société générale, etc. Il révèle que la folie bancaire a empiré depuis 2008. Autrefois gestionnaire de fortunes et d’investissements, UBS s’est engloutie dans les ivresses de la banque d'affaires et aboutit aux résultats suivants (résumés par un expert lui-même banquier d'affaires) :

« UBS a perdu près de 18,4 milliards de dollars sur des obligations liées aux crédits subprime. Le gouvernement de Singapour, qui était venu à son secours, a perdu les deux tiers des 8 milliards investis à cette époque. UBS s’est singularisée par une recherche agressive de gestion en Suisse de comptes de fraudeurs fiscaux américains... L'affaire Adoboli (sur produits dérivés) se situe dans le bastion UBS londonien, dont les activités obligataires et de produits dérivés sont connues pour être aussi agressives qu’à la limite de la régularité... C’est en effet dans la City de Londres que s’est développée cette culture qui a mis en faillite AIG. Ce n’est pas le seul fait des banques américaines  D'où la question posée de Martin Wolf (Financial Times) : « Après cette succession de scandales identiques, dont les systèmes de contrôle sont déficients, pouvons-nous persister à autoriser les banques de dépôt à continuer leurs activités de marché ? »[2]


Va-t-on vers l'explosion totale ? Le banquier cité plus haut témoigne :

« La question lancinante est de savoir si certaines institutions financières ne sont pas devenues tellement importantes qu’il est impossible de leur permettre une banqueroute. Mais en même temps, elles sont peut-être devenues trop importantes pour être sauvées par des Etats eux-mêmes aux prises avec des problèmes budgétaires. »

 

Clé de l'ultralibéralisme, la dérégulation des années 1990 a mis le monde dans l'impasse.  L'hystérie technologique et le trading à grande vitesse surfant sur la propre autodestruction du système, c'est le capitalisme à l'agonie,  selon le titre du livre de Paul Jorion.

 


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[1] Se souvenir aussi qu'en 2010, son PDG Oswald Grübel, avait reçu vingt fois la rémunération du patron de JP Morgan !

[2] Réclamant la séparation de ces métiers, le tout récent rapport Vickers se heurte à l'hostilité militante de la City.

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Commentaires

QUAND TOUT IRA AU TAPIS

> "Too big to fail" comme le disent en effet à raison nos amis anglo-saxons. Il n'est pas sûr en revanche que les Etats, même " aux prises avec des problèmes budgétaires", ne seront pas la solution de dernier recours quand tout le système sera allé au tapis, et l'économie réelle avec lui... D'ici quelques semaines ou quelques mois, à la suite des défauts souverains qui vont se produire à court terme, et peut-être aussi de l'éclatement désordonné de la zone euro qui risque de les accompagner.
En effet, les Etats n'auront d'autre recours pour préserver les dépôts des particuliers et des entreprises, que de nationaliser les banques.
Or, dans de telles circonstances, le cours de leurs actions étant proche de zéro, ces nationalisations s'apparenteront à des "saisies"...
Et par ailleurs, les Etats n'ayant désormais plus d'autre recours que de se financer directement auprès de la BCE ou de leurs banques centrales respectives (comme c'est le cas depuis longtemps avec la Réserve fédérale américaine, et même dans une certaine mesure avec la BCE depuis qu'elle rachète à tour de bras des obligations d'Etat sur le marché secondaire), cela placera les "crises budgétaires" respectives dans un contexte financier sensiblement différent du cadre actuel.
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Écrit par : J. Warren / | 20/09/2011

SAINT MICHEL A NOTRE SECOURS ?

> Vous n’auriez pas un truc, cher PP, pour terrasser le dragon de la spéculation financière ? Le glaive de nos dirigeants est un peu court. Contre le démon des banques, je ne vois que l’archange Saint Michel, le prince très saint des armées célestes – que vous connaissez bien. Il avait suscité Jeanne d’Arc et l’avait conduite à la victoire d’Orléans. Il était encore présent pour conduire les Alliés à la victoire de 1945 (le 8 mai étant, comme chacun sait, la Saint-Michel de printemps). Le second tour de la présidentielle est le 6 mai ; à deux jours près… il ne pourrait pas faire quelque chose, transformer de l’intérieur le vainqueur de cette élection, ou réveiller/révéler un dirigeant européen d’envergure pour mettre au pas et enchaîner tous ces adorateurs de Mammon qui sont en train de mettre le feu à la planète ?
Prions donc l’archange, sans attendre sa fête liturgique, le 29 septembre : « Saint Michel archange, défendez-nous dans le combat, soyez notre secours contre la méchanceté et les embûches du démon, que Dieu lui retire tout pouvoir de nous nuire, nous vous en supplions. Ô prince très saint des armées célestes, repoussez en enfer, par la puissance divine, Satan et ses légions d’esprits mauvais, qui rôdent dans le monde en vue de perdre les âmes. Amen ! »

D.


[ De PP à D. - Je vais tâcher de lui en dire un mot. ]

réponse au commentaire

Écrit par : Denis / | 20/09/2011

Aimez-vous l'astrophysique?

> L'économie du monde avec son système financier évoque de plus en plus le processus de fin d'une étoile: un coeur (comme le milieu financier) de plus en plus petit, dense et actif avec de réactions thermonucléaires toujours plus chaude. Autour, une enveloppe toujours plus vaste, de moins en moins dense. Et puis un jour , le coeur s'arrête, il s'ensuit son effondrement quasi instantané, dont l'énergie colossale souffle l'enveloppe. Cela s'appelle une supernova. Dans certains cas, il ne reste qu'un trou noir.
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Écrit par : Pierre Huet / | 20/09/2011

A J.Warren,

> Le fait qu'Eric Besson ait jugé la semaine dernière “totalement prématuré” le scénario d'une nationalisation des banques, est en soit la preuve que cette inavouable perspective est désormais présente dans tous les esprits.
Ce qui est frappant c'est que cette “hypothèse”, dès qu'elle est évoquée, est envisagée sous l'angle du “recours ultime”, de la dernière roue de secours après le défaut de paiement, bref l'aboutissement du “scénario du pire”.
N'est-il pas grand temps d'envisager que ce grand basculement, la possibilité d'une recommunalisation du système de crédit et de l'ensemble du bien commun bancaire, puisse être juste?
Par ailleurs, sur votre réponse à Pierre Huet à propos de l'Europe. Certes ne jetons pas le bébé avec l'eau du bain. Néanmoins, ne tombons pas non plus dans une opposition plus que douteuse entre d'un côté l'horrible Europe libérale de Maastricht, et de l'autre la vertueuse Europe des pères fondateurs imprégnés de valeurs évangéliques. J'ai bien des doutes à cet égard. Il est fort à craindre en tout cas, que dans le tumulte de l'histoire qui vient, au sujet de l'Europe, nous ne jetions le bébé avec l'eau du bain, en tout cas pour un bon bout de temps.
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Écrit par : serge lellouche / | 20/09/2011

LA DETTE

> Le remboursement de la dette est-il légitime? Voilà encore une question dont on aimerait tant qu'un homme politique d'envergure vienne la poser à la conscience collective au coeur du débat politique.
Voici un texte impressionnant de François Chesnais sur ce point crucial, sur lequel le voile finira bien par être levé.
http://www.contretemps.eu/lectures/bonnes-feuilles-%C2%AB-dettes-ill%C3%A9gitimes-%C2%BB-fran%C3%A7ois-chesnais
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Écrit par : serge lellouche / | 20/09/2011

@ Serge Lellouche

> Cette analyse de Chesnais est 'lumineuse'. Il reprend ce que bien d'autres analysent tout aussi clairement, comme Frédéric Lordon, qu'il cite d'ailleurs nommément. On oublie qu'un budget résulte de recettes tout autant que de dépenses. La Cour des comptes a récemment rappelé fort à propos que le déficit budgétaire résultait pour un tiers de la crise, mais pour deux tiers des "réformes fiscales" successives des derniers gouvernements (45 milliards de nouvelles niches fiscales depuis 2002, dont 25 milliards sous Sarkozy, si mes souvenirs sont bons...)
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Chesnais esquisse également à la fin de son intervention le souhait, d'une "autre Europe":

CIT

La sortie de l’euro est également défendue par des économistes grecs. Ce n’est pas la position défendue dans ce livre. L’enjeu est d’aider à la convergence des luttes sociales et politiques des peuples soumis aujourd’hui à une Europe néolibérale vers un objectif de contrôle social démocratique commun de leurs moyens de production et d’échange, donc aussi de l’euro. L’avenir de ceux qui ne bénéficient pas de rentes financières, donc de l’écrasante majorité des citoyens des pays d’Europe, va dépendre de leur capacité à créer ensemble ce qui n’existe pas actuellement, à savoir une véritable union. Dans différents pays européens, la réflexion politique autour de la crise, de la dette publique et de l’euro a débuté dans des formes propres à chaque pays. Dans la perspective de la construction d’une « autre Europe », ne pourrait-on définir des objectifs communs tels que ne pas payer les dettes, saisir les banques, y compris la BCE, et les socialiser pour les contrôler efficacement ?

FINCIT

Les différents niveaux de pouvoir ont vocation à se conjuguer, et non à s'opposer. Le "small is beautiful" certes, mais nécessite néanmoins plus qu'il n'exclut a priori d'autres niveaux de pouvoir, dans le respect de la fameuse "subsidiarité", qui est malheureusement - comme le dit PP - mise à toutes les sauces, avec des intentions diverses... Maintenant, de la théorie à la pratique, me direz-vous avec raison...

Dans un ordre un peu différent, on peut et on doit regretter que les intellos cathos et chrétiens (à part PP, ;-) restent trop souvent dans un contexte local et ignorent souvent - faute de temps ? du fait des barrières linguistiques ?...- ce qui se passe à côté dans les mêmes cercles, et dont ils pourraient profiter bien davantage...Alors que les contacts semblent beaucoup plus fluides au sein de notre oligarchie financière globalisée, en ce compris tous ses plumitifs et guignols de service.

Amitiés,

JW

Écrit par : J. Warren / | 21/09/2011

Cher J.Warren,

> Entièrement d'accord avec ce que vous écrivez sur la fiscalité.
Au cas où vous seriez multimillionnaire, je vous conseille vivement cette émission une fois encore passionnante de Daniel Mermet. Elle vous donnera plein de bons tuyaux pour placer votre argent en vue d'une exonération fiscale maximum. Vous découvrirez avec joie que la France n'est pas loin d'être devenue un paradis fiscal...
Au sujet de cette complaisante focalisation sur les dépenses plutôt que sur les recettes budgétaires :
Liliane Bettencourt touche autour de 400 millions d'euros par an. Le bouclier fiscal prévoit qu'on ne peut donner plus de la moitiée de son revenu aux impôts. Or elle ne paye réellement que 34 millions d'euros d'impôts par an, allez, disons 40. 160 millions ne sont donc pas payés, et les contrôleurs fiscaux ne semblent pas se bousculer à la porte du chateau.
Une infirmière touche en début de carrière autour de 1500 euros. Si Liliane Bettencourt payait normalement ses impôts, il y aurait de quoi embaucher 4500 infirmières en plus.
Continuer aujourd'hui de justifier des politiques d'austérité (En France, en Grèce ou ailleurs...) au nom de la “rigueur budgétaire”, c'est vraiment tout faire pour s'exposer à ce que sa petite tête finisse un jour ou l'autre au bout d'un long pique, qu'y soit ou non tamponé dessus "catholique".
L'Etat a perdu plus de 100 milliards d'Euros de recettes fiscales en 10 ans. On a là, depuis le tournant des années 2000, l'explication centrale des déficits publics.
A l'origine, une légende qu'on a voulu imprimer dans nos têtes : si on rend les riches un peu plus riches, les pauvres vont en profiter... Non seulement cette injustice fiscale a appauvri un peu plus les pauvres, contribué à briser un peu plus le bien commun des services publics et nourri les déficits monstrueux dans lesquels nous sommes.
Terminons par cette perle de Nicolas Sarkozy : “Nous avons diminué les postes de fonctionnaires dans notre pays comme jamais. Nous avons supprimé 100 000 postes de fonctionnaires en 3 ans dans le budget 2011, nous en supprimerons encore 34 000. La France ne peut pas vivre au dessus de ses moyens (!). Augmenter les impôts, je m'y refuse totalement.”
http://www.la-bas.org/article.php3?id_article=2254
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Écrit par : serge lellouche / | 22/09/2011

à J.Warren,

> Je vous envoie avec plaisir la seconde partie de l'émission de D.Mermet sur la fiscalité:http://www.la-bas.org/article.php3?id_article=2255
Moi qui suis très ignare sur ces questions, j'y apprends beaucoup; en plus, certaines séquences sont franchement poilantes!
Sans doute le connaissez-vous, je renvoie tout de même sur ces questions au site de l'économiste Thomas Piketty : http://piketty.pse.ens.fr/index.php (voir notamment la rubrique articles de presse)
Par ailleurs, merci pour votre stimulante analyse de la question européenne. Ce que vous écrivez au sujet de Sicco Mansholt est passionnant. On peut imaginer à l'époque, la cohabitation pour le moins baroque avec Raymond Barre.
Amitiés
serge
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Écrit par : serge lellouche / | 23/09/2011

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