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13/09/2011

"Grandeur et misères de l’orthodoxie russe en France"

Un article de Victor Loupan et Basile de Tiesenhausen (La Croix, 12/09) pour le 150ème anniversaire de la cathédrale russe parisienne de la rue Daru :


 

orthodoxie,russieEn ce début du mois de septembre, « l’église russe » de la rue Daru, comme l’appellent les Parisiens, fête ses 150 ans. Dans la seconde moitié du XIXe siècle, la Russie impériale bâtit des églises orthodoxes partout dans le monde. Des édifices religieux furent ainsi construits à Paris, Florence, Nice, Cannes, Biarritz, Copenhague, Berlin, Menton, San Remo. Certains sont des chefs-d’œuvre. Au même moment, des lieux de culte catholiques et protestants ouvraient leurs portes à Moscou, Saint-Pétersbourg, Odessa. La présence russe en Europe n’avait au départ rien de massif. Les millions de réfugiés déferleront après la victoire des bolcheviks. Proportionnellement, l’exode touche l’Eglise plus encore que la société civile. Seuls quatre évêques demeurent en Russie soviétique au début des années 1920 ! Parmi eux, le patriarche Tikhon, canonisé depuis. Avant de mourir, ce dernier « charge » le Saint-Synode de sauvegarder l’Eglise russe… en exil ! C’est ainsi que naît l’Eglise orthodoxe russe hors-frontières  – monarchiste et traditionnelle. L’archevêché parisien de la rue Daru en est une émanation plus libérale.

Dans les années 1930, le métropolite Euloge (Guéorgievski), dirigeant historique de l’archevêché, le place sous l’omophore du Patriarche de Constantinople. Il s’agit d’une solution provisoire. L’Union soviétique ne durera pas, pense-t-il comme beaucoup. Elle durera. Alors qu’en Russie soviétique règne une terreur antichrétienne sans équivalent, l’orthodoxie russe resplendit à Paris, Berlin, Jordanville. Conscients de leur responsabilité historique, les émigrés gardent précieusement le trésor qui leur a été confié. Ils resteront fidèles à cette mission jusqu’à la chute du communisme.

En 1991, l’URSS cesse enfin d’exister. Après un processus long et complexe, l’Eglise hors-frontières se rattache à Moscou. Pour apprécier l’importance de ce geste historique, il faut se souvenir qu’elle était allée jusqu’à nier la canonicité du Patriarcat de Moscou, « soumis à la volonté des communistes » ! Après cette union qui eut lieu en 2007, l’archevêché de la rue Daru reste seul dans sa posture « antisoviétique », sous prétexte qu’une « histoire particulière » en fait la matrice d’une « Eglise » au destin propre. Il fait même preuve d’une crispation croissante à l’égard de l’Eglise russe, alors que l’archevêque Serge (Konovaloff), décédé en 2003, avait placé l’archevêché dans la perspective d’un rapprochement avec le Patriarcat de Moscou ! Ce décès, et le changement d’orientation qui en a découlé, ont généré un malaise qui ne cesse de s’approfondir. Pour en apprécier la nature, il faut se souvenir que lors de sa visite historique en France, le Patriarche Alexis II fut magnifiquement accueilli à la cathédrale catholique Notre-Dame de Paris, mais traité en persona non grata à la cathédrale orthodoxe russe de la rue Daru, dont il n’a pu franchir le seuil !

Un mur d’incompréhension se dresse désormais entre ceux d’entre nous qui trouvent naturel un retour dans le sein d’une Eglise-mère qui a recouvré sa liberté et ceux qui pensent le contraire. Il traverse la plupart des paroisses et des institutions de l’Archevêché.

En sus des divisions internes, nous sommes entrés dans une période d’affrontements inter-orthodoxes sans précédent. Les hostilités ont démarré par un procès inattendu entre l’archevêché et l’Eglise russe, autour de la paroisse de Biarritz. Il fut gagné par l’archevêché. A Londres, c’est au contraire Moscou qui a gagné un procès concernant plusieurs édifices. Partie d’une histoire de bail emphytéotique échu, la bataille autour de l’église Saint-Nicolas de Nice s’est transformée en une affligeante guerre médiatique. Remportés par Moscou, les procès en première instance et en appel ont été accompagnés d’une rhétorique aux relents anachroniques de guerre froide. En Belgique aussi, un procès est en cours, à Liège. On en ignore encore l’issue.

C’est donc sur ce fond de crise sans précédent que notre cathédrale célèbre son 150ème anniversaire. Crise paradoxale, car jamais il n’y eut autant d’orthodoxes pratiquants en Europe occidentale. Nous le disons sans ambages : les problèmes fonciers et les divisions internes, sont des séquelles absurdes de la révolution bolchevique. Le magnifique héritage spirituel de ceux qui nous ont précédés, et qui nous a unis pendant des décennies, sert aujourd’hui à nous diviser. Sans vraies raisons. Nous qui écrivons ces lignes, représentons deux vagues distinctes de l’émigration russe. Citoyens français et orthodoxes russes, nous pensons que l’orthodoxie a un grand avenir, en France et en Europe. A condition qu’elle retrouve la paix et la sérénité.

 

Victor Loupan

membre élu du conseil paroissial de la cathédrale orthodoxe russe Saint Alexandre Nevsky

président des éditions de l’Œuvre

 

Basile de Tiesenhausen

ancien membre du Conseil paroissial de la cathédrale orthodoxe russe Saint Alexandre Nevsky,

ancien secrétaire de l’archevêché des églises orthodoxes russes d’Europe occidentale et de l’assemblée des évêques orthodoxes de France

officier de la Légion d’Honneur

 

19:29 Publié dans Eglises | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : orthodoxie, russie

Commentaires

LES RUPTURES

> Oh oui! les ruptures se font beaucoup plus vite que les réconciliations. Et pas seulement dans l'Eglise russe.
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Écrit par : Pierre Huet / | 13/09/2011

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