02/09/2011
Sous les coups de la crise, l'Europe redécouvre... l'Etat
Ce qui revient (en quelque sorte) à se foutre de nous :
Souvenez-vous... année 1992, ivresse dans le monde atlantique ! Il se persuade que son ultralibéralisme (idéologie artificielle) est la cause de la chute de l'URSS (société artificielle). En Europe, cette ivresse enveloppe le référendum du 20 septembre sur le traité de Maastricht. Référendum qui ne sera pourtant pas un triomphe pour le supranational (51,04 % seulement, contre près de 49 %) – et cela malgré les médias, unanimes dans un déferlement de propagande ultralibérale contre « les Etats nations ». On n'ose plus se rappeler aujourd'hui la grossièreté de cette propagande : c'était l'époque où BHL nous expliquait que l'artifice abstrait était le Bien, et que le concret charnel était le Mal. Armé de ce type de pensée, l'exécutif européen devait – quoique non élu – déclasser les Etats (tous intrinsèquement pervers).
En 2011 il ne reste déjà plus rien de ces délires. Le casino financier s'est retourné contre l'Europe (qui le vénérait) et commence à la détruire. Il y est incité par la facticité de la zone euro qui couvre des économies disparates. Notamment en Grèce : évasion fiscale généralisée, économie souterraine à 40 %, déficit à 160 % du PIB. Et impossibilité avérée de réformer le pays... Pourquoi ? Parce que la Grèce n'a pas d'Etat. Les organes dirigeants de l'UE s'en offusquent. Débarquant à Athènes, les envoyés de la Commission et de la BCE déclarent : « Nous avions cru que la Grèce était un pays normal, nous avons eu tort, son problème ne se réglera pas en un ou deux ans. Il faut l'aider à bâtir un Etat qui fonctionne et cela prendra du temps... »
C'est se foutre du monde – passez-moi l'expression – si l'on se souvient de 1992, quand les propagandistes de Maastricht martelaient que l'existence même des Etats nations était archaïque, obsolète, bientôt anormale dans le nouveau monde transfiguré par la dérégulation économique et financière. En 2011, voilà les résultats ! Alors on oublie ce qu'on disait il y a vingt ans.
Le système occidental est une machine amnésique. On l'a vue fonctionner hier dans les médias à propos de la Libye [*], on la voit aujourd'hui fonctionner à Bruxelles à propos d'Athènes. Comme dit Elwood P. Dowd (James Stewart) dans Harvey, merveilleux film des années 1950 : « depuis trente-cinq ans je livre une bataille contre la réalité »... « Je crois pouvoir dire que je l'ai gagnée », ajoute le personnage. Bruxelles ne peut pas en dire autant. Il est vrai que la bataille d'Elwood P. Dowd consiste à croire à l'existence d'un lapin invisible de deux mètres de haut ; c'est plus facile que de réformer la Grèce.
_________
[*] Note d'hier.
11:04 Publié dans Europe, La crise | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : grèce, europe, crise, ultralibéralisme, etat
Commentaires
> merci de dire tout ça
on se sent moins seul ;-)
______
Écrit par : zorglub / | 02/09/2011
LA SEULE ECHELLE POSSIBLE
> Attention ! Combien de fois faudra-t-il répéter que l'interprétation des traités est assez libre, que l'UE est un projet unique basé sur une coopération des pays, que la coopérative doit être tenue, or c'est de là que vient "le problème", une fois l'accompagnement de 10 ans effectué par les 140 experts de l'UE, après l'adhésion des nouveaux entrants il n'y a pas assez de suivi, or trop de nouveaux coopérateurs ont intégré l'UE, et leurs interprétations des règles ont différé. Pour l'€, c'est la même chose à 17 au lieu de 25, mais l'échelle devient un réel problème, et trop peu de monde avait vu venir ce problème. Quant à un Bruxelles virtuel remplaçant les états nations, il existe le principe de subsidiarité dans le traité de Rome, il n'y a donc pas l'ombre d'une ambiguïté, vous aurez été sensible à des discours pour le moins décalés.
Force est de constater que l'Europe est la seule échelle possible pour résoudre la plupart de nos problèmes.
GBA
[ De PP à GBA92 - Les partisans de l'engrenage européen ont toujours eu raison, au moins à leurs propres yeux et en théorie. C'est sur le terrain des faits que ça se gâte... ]
réponse au commentaire
Écrit par : GBA92 | 03/09/2011
@ GBA
> Vous écrivez : "il existe le principe de subsidiarité dans le traité de Rome". Il convient de rappeler qu'en fait c'est une perversité du principe. Une inversion. Alors que le vrai principe de subsidiarité consiste à laisser aux échelons subordonnés (inférieurs) la décision, tant qu'ils en ont la capacité et la compétence, la subsidiarité européenne fonctionne à l'envers.
Cette dernière consiste à conserver le pouvoir dans les échelons supérieurs, tant que ces derniers en ont la possibilité, et à ne les déléguer aux échelons inférieurs (locaux, régionaux...) que lorsque les échelons supérieurs ne sont plus capable de les assumer (incompétence, dispersion, saturation, complexité...)
______
Écrit par : Fondudaviation / | 03/09/2011
Mise au point
> Vous parlez d'engrenage européen, mais prenons justement les faits. Pour les sujets transférés à la commission européenne par le Conseil Européen des Chefs d'Etats et de Gouvernements, c'est géré, il n'y a plus aucun souci. Pour tout le reste où il y a problème, c'est toujours de l'Intergouvernemental, donc les problèmes viennent sans exceptions des Etats eux mêmes, ils sont decorrélés le 'UE. Pourquoi ne pas parler de crise internationale ?
Pourquoi mettre en cause l'UE quand les problèmes viennent des Etats eux mêmes hors des instances institutionnelles Européennes ? Les gouvernants savent parfaitement en jouer, le "c'est Bruxelles qui ..." combien de fois nous l'a-t-on servi ? Alors que les discussions d'alcôves entre les Etats sont toujours en cause ! Mais personne ne sait jamais qui négocie quoi ni avec qui, ni en échange de quoi en contrepartie, vous comprenez ça ?
Or vu l'échec de ces négociations stériles sans fin de l'Intergouvernemental, nous n'avons plus d'autre choix pour peser dans le monde qui résoudra nos problèmes que de renforcer l'intégration Européenne pour par exemple avoir une politique économique commune, le pendant de notre monnaie commune.
Il y a une voie à suivre, car cette construction n'est pas finie, bien au contraire.
______
Écrit par : GBA92 / | 04/09/2011
GBA écrit :
> "il existe le principe de subsidiarité dans le traité de Rome". Ce n'est pas nécessairement rassurant, car s’il est effectivement inscrit dans les traités européens sous cette désignation, ce principe est aujourd’hui largement perverti dans son sens.
En effet, au lieu de laisser prendre les responsabilités au plus petit niveau d'autorité publique compétent pour résoudre le problème, la construction européenne tend à conserver ces responsabilités au niveau le plus élevé, en ne les délégant que lorsqu’elle est manifestement dépassée.
______
Écrit par : Fondudaviation / | 04/09/2011
DE TOUTES FACONS
> Et quand les commissaires européens nous pondent des règlements qui rendent la vie impossible sur le terrain, d'où vient le problème ? Mais bien sûr, pas de l'UE. Ce doit être un problème intergouvernemental. C'est bien connu : nos dirigeants nationaux ont un pouvoir absolu sur les commissaires européens. D'ailleurs ces derniers sont élus au suffrage universel. Et puis de toute façon, l'UE c'est bien, alors arrêtez de poser des questions, hein !?!
______
Écrit par : Pema / | 05/09/2011
PAS FINI
> "cette construction n'est pas finie, bien au contraire"
hé bé... on n'a pas fini de rigoler !
"Force est de constater que l'Europe est la seule échelle possible pour résoudre la plupart de nos problèmes."
Force est de constater : je dois être très faible, c'est sans doute pour ça que je me contente des faits.
______
Écrit par : zorglub / | 06/09/2011
Les commentaires sont fermés.