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13/08/2011

La crise : un appel à la lucidité

...et à la fermeté chrétienne :


 

Bien sûr, il y a le problème de la dette des Etats.

Mais la dette existe depuis qu'il y a des Etats... Sous Louis XIV elle était phénoménale : 3 milliards de livres pour 70 millions de rentrées fiscales annuelles, rappelle l'historien Gérard Béaur. Et pour financer quoi ? « j'ai trop aimé la guerre », dit le Roi Soleil avant de mourir.

Aujourd'hui, la dette publique (dite « souveraine », mais les Etats ne sont plus souverains) sert à financer l'Etat-providence.

En 2011, alors que l'économie perd ses boulons, le politiquement-correct veut que l'on conchie l'Etat-providence. Mais on le conchiait déjà dans les années 1990, où l'on vivait dans dans l'illusion de la « croissance » ! C'est que ce conchiement est idéologique. Issu du libéralisme originel (Smith, Malthus etc), il vise moins l'Etat-providence que le principe même d'une action sociale de l'Etat. Certains verraient sans regret disparaître toute sollicitude publique envers les pauvres... Ce mépris du faible contredit l'Evangile – même si la droite américaine invoque « God » à jet continu.

Le silence de la droite française sur la crise est donc significatif. Elle se tait notamment sur le délire spéculatif des CDS (credit default swap). Ou sur les agences de notation, qui sont un élément du problème. Elles n'ont pas de pertinence : souvenons-nous des excellentes notes qu'elles décernaient jusqu'en 2008 aux produits financiers vérolés. Elles n'ont pas de légitimité. Loin de servir de thermomètre, elles aggravent les effets d'hystérie. Loin d'être rigoureuses, elles surenchérissent concurrentiellement les unes sur les autres. Mettre en cause leur rôle de pseudo-arbitres serait le premier devoir des Etats ; mais ceux-ci avaient jugé ce rôle commode, naguère, pour se défausser de leurs responsabilités.

Depuis la fin du XXe siècle, les Etats se sont soumis aux « marchés ». Mais les « marchés » n'ont pas à gouverner le monde ! Les « marchés » ne sont pas le cerveau de la planète. Ils ne sont qu'une interconnexion aveugle de machineries spéculatives, qui sur-réagissent à la moindre rumeur aussi fausse soit-elle (comme cette semaine « la faillite de la Société Générale »). Ces machineries sont souvent perverses, comme Goldman Sachs poussant la Grèce au vice avant de spéculer sur son effondrement. Et elles ne financent pas l'économie réelle. Elles préfèrent « l'or des fous » (titre du livre de Gillian Tett, du Financial Times): le casino toxique, une orgie de Mammon que les chrétiens doivent dénoncer s'ils ont un minimum de sens de l'Evangile. Stade suprême du capitalisme, la tyrannie des machines financières mène le monde à la ruine en sapant l'économie réelle.

Les gouvernements occidentaux ont créé cette situation en abdiquant chacun au profit de la sphère financière. Aujourd'hui – tétanisés – ils voient arriver la catastrophe, mais sans chercher à mettre fin au système qui les tue : « Garder le AAA est la priorité absolue de la France », dit un ministre au Monde (12 août). Encore un moment, monsieur le bourreau.

La spéculation régentant le monde, c'est un système trop artificiel pour durer : d'autant que sa propre implosion fait partie de son logiciel. La crise est le produit de la financiarisation de l'économie, stade crépusculaire du capitalisme.

Cette réalité doit s'étudier calmement : être lucides n'est pas du pessimisme. Ni du « marxisme », comme disent les dadais. Défendre le libéralisme au nom de l'économie, ce serait défendre l'aviation de bombardement au nom de l'architecture.



17:14 Publié dans La crise | Lien permanent | Commentaires (12)

Commentaires

HYSTERIQUE

> Si encore nos gouvernants étaient conscients de devoir assumer une « responsabilité historique » dans cette crise. Mais ils se contentent fort bien d’une « responsabilité hystérique ». Tandis que les traders et leurs clients s’éclataient sur le grand huit des ventes à découvert, qu’opposaient-ils en effet ? Une convocation en fanfare de ses ministres par Nicolas Sarkozy, qui inquiétait un peu plus les salles de marchés. Et l’annonce qu’il était urgent d’attendre : les décisions seraient prises deux semaines plus tard. Deux jours passent et vient alors la seule bonne nouvelle, l’interdiction des ventes à découvert dans quatre pays dont la France. Elle suscite, vendredi 12 août, ce commentaire du ministre Baroin : « Je salue la décision des gendarmes de la Bourse d'hier de mettre entre parenthèses les ventes à découvert ». Un ministre en retrait, livrant une prestation de technocrate, avec une déclaration à la Pilate – limite « je m’en lave les mains » – , un politique confortant un peu plus les champions de la finance dans leur croyance que le Marché et la Finance mondialisés sont les vrais maîtres du monde… Sera-ce le même topo pour le sommet Sarkozy-Merkel du 16 août ? La foule hystérique et en délire des gros et petits actionnaires attend de l’attelage franco-allemand la maîtrise de Ben-Hur terrassant dans l’arène l’infâme Messala. Mais tout indique que la rencontre fera « Pffuitt » ou « Psschitt » ou « Paf » mais qu’il n’en sortira rien qui puisse remettre en cause le credo des ultralibéraux à la botte de Mammon.
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Écrit par : Denis / | 13/08/2011

ECONOMISTES ATTERRES

Je nous propose ce dossier exhaustif de liens que j'ai brièvement commenté, vers des vidéos du colloque des économistes atterrés, tenu à Paris le 9 Octobre 2010. Il fait suite à la publication quelques semaines plus tôt de leur manifeste : http://economistes-atterres.blogspot.com/2010/09/manifeste-des-economistes-atterres.html. Il est plus que jamais d'actualité !
Alors que l'effondrement du système bancaire se profile, alors que les États, tenus en laisse par la commission européenne, elle-même tenue en laisse par les marchés financiers, s'engagent dans de vastes plans d'austérité, lamentable et mensongère réponse à la crise de la dette, ce manifeste et ce colloque sont une bombe posée au milieu de l'arrogance libérale, une brèche ouverte dans l'étouffante muraille du « there is no alternative ». En cela, la démarche des économistes atterrés est un véritable un bol d'air. Cette porte ouverte invite à en ouvrir bien d'autres.
En effet, la critique radicale du libéralisme ici portée, n'ouvre que trop timidement la voie à celle du productivisme et du croissancisme, qui pour beaucoup d'entre nous sur ce blog est incontournable et vitale. Lors du colloque, deux femmes, Geneviève Azam et Sandrine Rousseau le clament courageusement.
Quoiqu'il en soit, il marque une étape importante dans l'assaut porté à la forteresse libérale. Il contribue à rouvrir les chemins de l'inconnu. Il nous appelle à débattre entre nous, et à nous positionner en vue du combat qui vient...


INTRODUCTION

PHILIPPE ASKENASY (CNRS) revient sur l'origine du manifeste des économistes atterrés.
http://www.dailymotion.com/video/xf5hfb_economistes-atterres-philippe-asken_news


TABLE RONDE N°1, « Régulation financière : protéger ou désarmer les marchés ? »

ANDRE ORLEAN (CNRS-EHESS) – Le capitalisme financier résulte d'une convergence d'intérêts et d'idées. L'idée force de sa légitimation est l'efficacité de la concurrence. Les investisseurs, les institutions financières se sont fondés sur cette croyance en l'efficience financière. On n'a pas fini de mesurer l'étendue de cette erreur intellectuelle. Le G20 continue de penser la régulation à travers le prisme de l'efficience concurrentielle des marchés financiers. C'est précisément avec cette idée qu'il faut en finir.
http://www.dailymotion.com/video/xf5ytx_economistes-atterres-andre-orlean_news

ROMAIN RANCIERE (ECOLE D'ECONOMIE DE PARIS) se base sur un article publié aux Etats-Unis par Simon Johnson (« Le coup d’État silencieux ») pour montrer la corrélation spectaculaire au 20ème siècle entre le degré de régulation de la finance et son taux de profit. D'emblée est posé l'enjeu de la régulation pour le système financier. Les banques ont imposé leur propre modèle d'auto-régulation. Ce qui est en fait une capture de la régulation a largement perduré après la crise de 2008. Une régulation robuste et coercitive suppose de limiter la taille des banques, viser la tête du management de la banque, voir d'exproprier les actionnaires. Elle passe par une limitation spécifique du risque de capture du régulateur, en rendant à cet égard visible l'activité des lobbyistes et leur relation avec les pouvoirs publics.
http://www.dailymotion.com/video/xf92j5_economistes-atterres-romain-rancier_news

FREDERIC LORDON (CNRS) démonte le mythe de la régulation financière, toujours rattrapée par l'activisme du lobby financier qui s'emploie à en geler le processus ou à en dicter les conditions. Celui-ci joue inlassablement du même argument-couperet : en période de récession, accroître les contraintes sur les banques, c'est peser sur la reprise du crédit, donc sur la croissance. Or, les conditions générales du crédit pour l'économie doivent être reconsidérées comme un bien commun, qui a fait l'objet d'une capture privative par les intérêts particuliers de la finance. Le chantage au crédit est une prise d'otage. Ce scandale outrancier est un motif supplémentaire appelant à une nationalisation intégrale du secteur bancaire, étape vers une communalisation du crédit. Il n'en manquera pas pour hurler à la radicalisation irresponsable.
http://www.dailymotion.com/video/xfa8ah_economistes-atterres-frederic-lordo_news

NATHALIE PERE-MARZANO (CRID), militante de terrain, a pu constater les effets ravageurs des fonds vautours, ces fonds spéculatifs spécialisés dans le rachat des dettes des pays les plus pauvres. L'objectif est d'obliger l’État débiteur à rembourser sa dette, par voie judiciaire si nécessaire. Ces fonds extrêmement rentables mettent une pression extrême sur les pays surendettés, acculés au remboursement et ainsi privés de ressources financières considérables pour leur développement. La dérégulation financière génère aussi des mécanismes de spéculation sur les prix des matières premières, qui appauvrissent dramatiquement les petits paysans.
http://www.dailymotion.com/video/xfaovz_economistes-atterres-nathalie-pere_news

DOMINIQUE PLIHON (UNIVERSITE PARIS 13) expose quelques axes pour s'attaquer au mur des groupes financiers : séparer les activités de nature spéculatives des activités de dépôt ; instaurer un contrôle social sur les banques (nationalisation, développement du secteur bancaire coopératif) qui restitue au crédit et à la monnaie leur dimension de bien commun et qui permet de renouer avec l'investissement à long terme, notamment écologique ; interdire aux banques d'avoir des filiales dans les paradis fiscaux, etc...
http://www.dailymotion.com/video/xfboiv_economistes-atterres-dominique-plih_news


TABLE RONDE N°2, « Sortir du piège de la dette et de l'austérité en Europe »


TILL VAN TREECK (IMK, DUSSELDORF)- Trois fausses évidence concernant l'Allemagne. 1/ Le laxisme fiscal des pays dits « périphériques » serait à l'origine de la crise de l'Euro, à contrario du modèle de stabilité qu'incarnerait l'Allemagne. Or sa stratégie de croissance repose d'abord sur ses excédents extérieurs, qui contraste avec la faiblesse de la demande intérieure. 2/Les réformes structurelles en Allemagne auraient rendues son économie plus performante qu'ailleurs en Europe. Or, sa croissance est faible depuis de nombreuses années, ne repose que sur la demande extérieure donc sur l'endettement d'autres pays. La stagnation des salaires et le creusement des inégalités expliquent pour une large part cette faiblesse de la demande intérieure. 3/ Contre l'idée reçue d'une dérèglementation du travail génératrice d'emplois, l'Allemagne en a moins crée qu'ailleurs en Europe.
http://www.dailymotion.com/video/xferza_economistes-atterres-till-van-treeck_news

HENRI STERDYNIAK (OFCE) montre que la crise de la dette grecque a servi de prétexte pour détourner l'attention de la crise financière vers ce que Bruxelles préfère considérer comme les excès des dépenses publiques. La crise de la dette est une aubaine pour la commission européenne ; elle lui permet de fustiger les dépenses publiques et de mettre en œuvre son projet de toujours, contrôler les budgets et les dépenses publiques des États, imposer partout des politiques d'austérité.
http://www.dailymotion.com/video/xfg852_economistes-atterres-henri-sterdyniak_news

ANTONELLA STIRATI (UNIVERSITE DE ROME) fait part de l'inquiétude de la société italienne face aux politiques économiques européennes. Significatif d'une déficience démocratique, l'opinion est largement ignorante de la possibilité d'un choix et d'une alternative à la politique d'austérité.
http://www.dailymotion.com/video/xff8js_economistes-atterres-antonella-stirati_news

PIERRE KHALFA (UNION SYNDICALES SOLIDAIRES – L'union européenne a été victime des marchés car son mode de construction visait à satisfaire ces marchés, notamment depuis le tournant des traités de Maastricht et d'Amsterdam. Depuis lors, le droit de la concurrence devient un droit de nature constitutionnel à l'échelle européenne. La zone euro devient celle du dumping fiscal et social. Il y a eu une volonté politique de mettre les États et l'union européenne dans les mains des marchés financiers, les banques pouvant se refinancer auprès de la BCE à des taux de 1% quand dans le même temps elles prêtent aux États à des taux avoisinant les 12 % comme en Grèce.
http://www.dailymotion.com/video/xffwpa_economistes-atterres-pierre-khalfa_news pierre

MICHEL DEVOLUY (UNIVERSITE DE STRAZBOURG) revient sur les origines de la construction européenne, dès le départ marquée du sceau du libéralisme. Cette tendance lourde s'est imposée sans partage avec l'acte unique de 1986. Il s'agit aujourd'hui d'envisager une planification fédératrice à l'européenne, qui suppose de définir un ensemble d'enjeux collectifs clés voués à être coordonnés et harmonisés au niveau européen.
http://www.dailymotion.com/video/xfgvg4_economistes-atterres-michel-devoluy_news

ANDREW WATT (ETUI, BRUXELLES) – Face aux pseudo propositions législatives de la commission européenne, il est urgent de prendre le tournant d'une véritable coordination de la politique économique européenne, préférable à une renationalisation des politique économiques.
http://www.dailymotion.com/video/xfi4do_economistes-atterres-andrew-watt_news

JAMES GALBRAITH (UNIVERSITE DU TEXAS) souligne la continuité des crises américaines et européennes. Il y a 10 ans, les Etats-Unis faisaient face à un problème stratégique de croissance : le vieux projet d'une classe moyenne de propriétaires était achevé. Un nouvel horizon allait se dégager : un vaste marché pour les mauvais crédits, pour les prêts à des individus qui ne pourraient pas rembourser. L'abandon de la surveillance des institutions financières en conditionnait la rentabilité. Le fonctionnement de ce réseau criminel a été rendu possible par de bienveillantes agences de notation accordant un triple A à ces déchets, par des banques d'affaires qui ont vendu ces titres, et par l'existence de victimes de cette sinistre industrie financière. En Europe, après l'effondrement des faux-monnayeurs, les investisseurs se sont précipité vers la qualité et la sécurité, notamment vers les bons du trésor américain. Pour acheter ces titres sains et saufs, ils vendent des titres grecques, portugais, irlandais, etc... Aujourd'hui pour en sortir, il faut d'abord que justice soit faite, que s'ouvrent des procès à l'échelle des crimes qui ont été commis.
http://www.dailymotion.com/video/xfifs6_economistes-atterres-james-galbraith_news


TABLE RONDE N°3, « Croissance, emploi, consommation, écologie, solidarités... : quelle économie pour quelle finalité ? »


NASSER MANSOURI (CGT) – La crise systémique, au-delà de sa dimension financière, est celle de la dévalorisation du travail et de la régression sociale. Les gains de productivité ne bénéficient pas aux salariés, alors que les dividendes versées aux actionnaires n'ont cessé d'augmenter, y compris et encore plus après la crise de 2008. La réponse à la crise est la revalorisation du travail et l'impératif de solidarité.
http://www.dailymotion.com/video/xfjemw_economistes-atterres-nasser-mansouri_news


GENEVIEVE AZAM (UNIVESITE DE TOULOUSE 2) regrette que le manifeste soit resté relativement discret sur la question écologique. La macro-économie doit urgemment se penser dans sa dépendance à des sous-systèmes beaucoup plus larges. C'est bien le modèle d'expansionnisme à l'infini, impossible à généraliser, qu'il s'agit de remettre en cause. Il est en crise de l'intérieur et de l'extérieur : dans les pays pauvres, des luttes se multiplient contre l'extractivisme des ressources naturelles, appelant à laisser dans le sol des ressources comme le pétrole. La critique du libéralisme doit rejoindre celle du productivisme et du mythe de la croissance, qui ne peut se fonder que dans la concurrence, le libre-échange et le toujours plus. Au nom d'une hypothétique redistribution à venir, les sociales-démocraties européennes se sont laissées happées par ce mythe.
http://www.dailymotion.com/video/xfjruj_economistes-atterres-genevieve-azam_news

SANDRINE ROUSSEAU (UNIVERSITE LILLE 1 ET CR NORD PAS DE CALAIS) estime également que le manifeste manque clairement d'une dimension environnementale. Comment aller vers une vue moins croissanciste et productiviste s'interroge-t-elle (avec le sourire) ? Le manifeste néglige la question des limites physiques à la croissance, la raréfaction des ressources, notamment pétrolières, et en conséquence l'augmentation des prix des denrées alimentaires et de l'énergie. Cette tension sur les prix est certes décuplée par la spéculation financière mais est ancrée dans une réalité physique. De même le manifeste ne se pose pas la question de la croissance « de quoi » et « pour qui » et se cache un peu vite derrière l'illusion des investissements verts. Le manifeste se cantonne dans l'idée que la croissance va créer de l'emploi, plus que sur une interrogation sur le partage du travail. « Dans un monde limité, il faut se poser la question du partage, des richesses et du travail. » La question de la fiscalité environnementale est également, malheureusement, mise de côté dans le manifeste.
http://www.dailymotion.com/video/xfkin7_economistes-atterres-sandrine-rousseau_news

CEDRIC DURAND (UNIVERSITE PARIS 13) insiste sur la nature structurelle du déclin du capitalisme qui s'auto-détruit dans l'intensification de la concurrence internationale, par la tertiairisation de l'économie. Les signaux d'épuisement de la croissance capitaliste sont rendus d'autant plus intenses par les hypothèses du GIEC. Le divorce entre la production et les besoins sociaux devient si patent qu'il faut désormais s'interroger : comment réorganiser les économies sans croissance ?
Pourtant le rapport de force reste favorable au capital : rôle de centralisation du pouvoir du capital joué par la finance combiné au « diviser pour mieux régner » au niveau salarial. Le capitalisme se désintègre dans une logique de plus en plus prédatrice du capital : privatisation des biens publics, absorption par les banques centrales de titres pourris, politiques d'austérité, servent au financement du sauvetage de l'accumulation. C'est bien à ce niveau que va se jouer le combat, tant au niveau des idées qu'au niveau politique. A cette prédation, il s'agit d'opposer l'urgence d'une socialisation du système bancaire, d'un moratoire sur la dette, et d'une véritable transition écologique et sociale.
http://www.dailymotion.com/video/xfkut7_economistes-atterres-cedric-durand_news

JEAN-PAUL MOATTI (UNIVERSITE DE LA MEDITERANNEE), qui travail dans le domaine de l'économie de la santé, montre que l'économie du développement a servi avant tout à légitimer les politiques d'ajustement structurel néo-libérales, reléguant au second plan les investissements en matières de dépenses sociales, de santé ou d'éducation.
Des mobilisations sur le terrain ont permis des avancées : + 17 % d'aide internationale sur la santé depuis 2000, des institutions et des modes de financements innovantes. On a observé un début de réduction de la fréquence des maladies infectieuses. Contre le schéma classique (d'abord une bonne croissance, puis la santé suivra), on a montré que le secret du développement, c'est l'éducation des filles, véritable base d'un cercle vertueux.
Avec la crise économique, ces fragiles avancées se trouvent menacées. Elle est le prétexte à une remise en cause des financements, quand dans le même temps des sommes astronomiques ont été trouvées pour le sauvetage des banques.
http://www.dailymotion.com/video/xflc84_economistes-atterres-jean-paul-moatti_news


SYNTHESES ET PERSPECTIVES

THOMAS COUTROT (CS ATTAC), DANY LANG (UNIVERSITE PARIS ) - Ce manifeste a permis de commencer de rouvrir le débat. Les économistes doivent montrer aux citoyens que des alternatives existent au delà des dégâts à répétition légitimés par les économistes officiels. Il y a aujourd'hui un préalable, qui fait largement consensus : mettre un terme à la dictature de la finance sur l'économie et la société. C'est le point central qui a été mis en avant par le manifeste. C'est à la fois sa force et sa limite actuelle. L'ampleur des défis ne se résume pas à la maîtrise de la finance. La crise écologique et la crise de civilisation appellent à des mutations et alternatives profondes. Le champ des débats reste largement ouvert sur ces plans.
Le mouvement autour du manifeste est en train de s'européaniser. Il est temps que les gens s'emparent de ces questions, en parlent autour d'eux, prennent leurs responsabilités.
http://www.dailymotion.com/video/xflem5_economistes-atterres-syntheses-et-perspectives_news


Je conclurai en posant la question : comment se positionneront les catholiques face au choix de société qu'il va s'agir de poser, face au gouffre du grand basculement qui est sur le point de s'opérer ?
En de telles circonstances historiques, bien des masques se fissureront et tomberont sous la lente et irrésistible attraction du réel. Il y a ceux qui s'illusionnent à voir tous les matins un nouveau tournant de l'histoire et il y a ceux qui, dans leur noble conscience des « illusions de l'action », s'aveuglent à préférer n'en voir jamais. L'action humaine est-elle autre chose que l'humble accompagnement ou la vaine résistance à cette attraction qui nous dépasse et qui nous conduit implacablement vers la Vie en Dieu ?
Voici un très court extrait des Actes des Apôtres (2, 44-45) :

« Tous ceux qui étaient devenus croyants vivaient ensemble, et ils mettaient tout en commun ; ils vendaient leurs propriétés et leurs biens, pour en partager le prix entre tous selon les besoins de chacun. »

Peut-on mieux résumer le réel et l'espérance chrétienne du vivre-ensemble humain dans la confiance en la divine providence ?
Ces deux lignes expriment avec limpidité l'esprit de la doctrine sociale de l’Église et illuminent pour notre temps le sens radical de l'engagement chrétien dans les brûlantes questions politiques et économiques. A moins que la foi ne soit qu'une affaire privée, confinée dans ce qui ne serait plus qu'un douillet horizon dominical et en quelques retraites spirituelles procurant beaucoup de paix intérieure pour « recharger les batteries » avant la reprise du boulot...
Il serait illusoire et dangereux d'interpréter cette parole en termes étroitement politiques, de même que ce serait pur aveuglement que de ne pas voir la charge explosive et révolutionnaire qu'elle contient, et toutes les ruptures et renoncements vers lesquelles elle nous appelle.
Notre foi nous invite-t-elle à ânonner de pieuses paroles servant notre bonne conscience de bien-portants, prônant plus de régulation financière, une croissance durable et la responsabilité sociale de l'entreprise ? Ou derrière ces faux-semblants dérisoires, à déjà anticiper le réel d'un monde qui avance pas à pas vers son basculement en Dieu par son humiliation en Christ?
Tout esprit de concurrence, d'avidité, de propriété et d'intérêt privé sera anéanti par la puissance du souffle évangélique. C'est tourner autour du pot, perdre son temps que de s'obstiner à faire semblant de moraliser un système capitaliste qui en sa nature intrinsèque est déni de cette joyeuse pauvreté évangélique dont les catholiques ont pour vocation d'en annoncer au monde les promesses infinies.
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Écrit par : serge lellouche / | 14/08/2011

USURE DES MOTS

> Sur l’usure des mots du politique et pour tout dire l’incapacité des gouvernants européens à tenir un discours responsable face à la crise, on peut lire le commentaire de l’économiste Nicolas-Jean Brehon (Fondation Robert Schuman et Paris I Sorbonne), au lien suivant : http://www.slate.fr/story/42357/crise-dette-discours-politique . « Il est temps de trouver des mots justes », dit Brehon. Pour ma part, je me demande quels « mots justes » il est encore possible de trouver pour les addicts à la spéculation que sont les opérateurs de marchés et leurs clients. Les politiques devraient les regarder comme des toxicomanes relevant d’un traitement de choc. Et tirer les conséquences de cet état de fait en menant une politique de choc, quitte à mettre sérieusement en question – et au moins entre parenthèses – les modes opératoires habituels de l’Union européenne. De mon point de vue, une politique de choc à l’encontre des dérives des marchés financiers, menée conjointement et sans faille par le couple franco-allemand, pourrait produire de grands et bénéfiques effets.
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Écrit par : Denis / | 14/08/2011

EPOQUE

> Est-il bien chrétien de soutenir l’Etat providence ? Rendre la solidarité administrative et obligatoire, n’a pas contribué à renforcer les liens entre les personnes. Au contraire, cela a fait de l’Etat le garant de toute solidarité, une sorte de nounou omniprésente, responsable de tout, caution des irresponsabilités individuelles.
Si le libéralisme n'est pas un humanisme, le socialisme non plus.

CJ

[ De PP à CJ - à ceci près que : a) l'Etat-providence ne se confond pas avec l'Etat social ; b) l'Etat-providence est condamné comme les dinosaures ; c) le socialisme a disparu, et le libéralisme (casino financier) mène le monde - vers l'abîme. Ne nous trompons pas d'époque, svp. ]

réponse au commentaire

Écrit par : CJ / | 14/08/2011

LE SYSTEME VA S'ECROULER

> En 1989, j'ai participé aux JMJ de Compostelle, deux mois et demi avant la chute du mur de Berlin. Les participants d'Europe de l'Est (polonais, tchèques...) nous disaient à nous, petits français, que tout était en train de s'effondrer chez eux, que la société communiste était morte depuis longtemps et qu'il fallait s'attendre rapidement à des événements importants; nous écoutions cela respectueusement, mais nous étions un peu incrédules (il faut dire que les célébrations du bicentenaire de la Révolution, quelques semaines avant, ne nous avaient pas préparés, c'est le moins qu'on puisse dire, à de telles évolutions si rapides).
Je ne suis pas aux JMJ de Madrid, mais j'ai vraiment l'impression que la situation est comparable, pour la société libérale et le casino financier dans lequel nous vivons. La chute est imminente, car le système est mort depuis longtemps (au sens où il a perdu tout contact avec la réalité). L'Espagne de Zapatero, après l'épuisement des gadgets des "nouvelles moeurs" et les campagnes agressives contre l'Eglise, est aussi au bord de la faillite à cause de son adhésion à l'ultra- libéralisme idéologique, et elle n'est pas la seule. Gare au deuxième semestre de l'année 2011 !
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Écrit par : B.H. / | 15/08/2011

REPENSER LE PROJET

> Cette réflexion il me semble appelle chacun à une réaction personnelle, que chacun se doit à sa façon de réagir à ce défi Citoyen extraordinaire que peu avaient pressenti quelques années en arrière à part quelques visionnaires ou stratèges techniques tels Nouriel Roubini ou Philippe Dessertine qui avaient écrit des livres sur ce désastre à venir de la finance, et sans doute d'autres moins connus qui avaient flairé le vent de la panique d'un système non régulé, et donc forcément amené tôt ou tard à sombrer, et nous y sommes.
Mais cette crise profonde qui touche de plein fouet d'abord les plus pauvres de tous pays (par la réduction immédiate des programmes sociaux) va nous obliger à repenser en profondeur l'ensemble de notre projet pour une vie en société, pour un devenir ensemble, devenu notre plus grand défi du moment.
Quelques pistes pour illustrer l'ordre des sujets à traiter, qui ont bien entendu une terminaison politique;
- Comment conserver de la production partout ? Même dans les pays au niveau de vie aujourd'hui "trop élevé" pour qu'ils puissent durablement continuer à nourrir leurs familles dans la dignité, cad par le travail qui est un droit fondamental reconnu pour l'homme.
- Dans le même temps quels mécanismes mettre en place pour permettre aussi aux pays pauvres du Sud de produire aussi en développant leur demande intérieure, ce que par exemple la Chine ne fait pas et contribue à créer ce déséquilibre mortel pour nous à terme ?
- Autre sujet: Comment faire en sorte que les activités humaines puissent être récompensées par un digne salaire en fonction de leur utilité sociale ? Une étude intéressante de la New Economic Foundation NEF indique que cette échelle existe et est réaliste, cela limitera l'attraît des métiers de prédation sociétale tels par exemple le trading.
- Comment taxer les sociétés financières prédatrices, et contrôler les agissements des opérateurs sur tous les marchés de gré-à-gré qui spéculent dans l'opacité la plus parfaite jusqu'à affamer des populations entières ?
- Quelques pistes; faire basculer notre fiscalité pénalisante pour le travail vers une fiscalité favorisant davantage le travail, re-territorialiser les sociétés off-shore vers des péages, passer des accords commerciaux inter-pays de zones géographiques proches pour stimuler des blocs économiques cohérents (suite à l'échec du cycle de Doha), redonner un sens au mot Démocratie en offrant une transparence sur les débats aux Citoyens premiers concernés, seule solution pour faire grandir la conscience citoyenne, etc ...
Tous ces sujets vitaux et beaucoup d'autres se surajoutant posés devant nous sont il faut s'en convaincre tout à fait résolvables, mais nous ne sommes pas certains bien entendu de parvenir à les résoudre tant il faudra lutter contre des forces occultes très bien organisées en parfait ordre de marche sur les plans légaux, très compétentes en communication envers les populations, et surtout prêtes à tout pour conserver leurs juteux intérêts.
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Écrit par : GBA92 / | 15/08/2011

AUTHENTIQUES

> Merci Serge pour votre doc, et votre partage sur l'Espérance chrétienne.
En un mot je dirais que les chrétiens (authentiques) ont trop le sens du bonheur pour avoir celui de la propriété. Ohé les chrétiens, il y a un chrétien?
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Écrit par : Anne Josnin / | 15/08/2011

LA BIEN-PENSANCE

> Cette hypertrophie de la finance "anonyme et vagabonde" que dénonçait déja ... le comte de Chambord au 19eme siècle est un effet pervers mais pas le seul, de l'abaissement général des souverainetés. Cela va de pair avec le développement de la criminalité internationale (cf l'effrayant dossier de Spectacle du Monde juin, je crois). Tant que la bien-pensance, y compris la chrétienne, nous fera un devoir de faire un monde sans frontières , nous nous enfoncerons.
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Écrit par : Pierre Huet / | 15/08/2011

LE COEUR DU PROBLEME

> Les frontières, si elles ne sont vu que comme séparation de l'autre, ne servent à rien. Il faut revenir sur leur sens originel, c'est-à-dire une simple limite d'une autorité sur un espace donné et c'est là le coeur du problème. Ce n'est pas la disparition des frontières le problème, c'est la disparition de l'autorité. Il faut un retour de l'autorité politique qui encadre et maintient la justice et l'équité pour tous les citoyens.

A PP: l'état providence agonise, c'est certain, mais il faut bien une forme de solidarité collective et, si j'ai bien lu Benoit XVI, cela passe par aussi par l'Etat, non? Ou alors, on rentre dans la logique anglo-saxonne de fondations privées qui, avec plus moins d'efficacité et de sincérité, aident "leurs" pauvres.

VF

[ De PP à VF - Le fait (économique) de la faillite des Etats occidentaux, n'oblitère pas le devoir social (éthique) d'un Etat digne de ce nom. Dire que l'Etat-providence sous sa forme actuelle connaît le sort funeste des dinosaures, n'est pas rejeter le devoir social de l'Etat en général ! Laissons ce type de confusion aux dadais, perroquets français de M. Perry. ]

réponse au commentaire

Écrit par : VF / | 16/08/2011

ETAT PROVIDENCE

> Merci beaucoup à Serge Lellouche pour ce compte-rendu très intéressant!

Concernant l'État-providence, j'ai l'impression que le modèle français n'a plus rien d'un État-providence vu le nombre d'allocations qu'il tente de supprimer ou de réduire malgré leur réelle utilité. Un vrai État-providence ne mettrait par ailleurs pas en place un fichage généralisé des allocataires (http://tempsreel.nouvelobs.com/actualite/social/20110809.OBS8293/fichage-des-allocataires-sociaux-intrusif-et-inutile.html pour ceux qui auraient manqué l'histoire). Personnellement, je trouve que le système d'allocations à la française laisse encore pas mal de gens sur le carreau, mais c'est vrai que c'est mieux de bichonner la fiscalité des petits copains millionnaires.
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Écrit par : Mahaut / | 16/08/2011

à Serge Lellouche

> "anticiper le réel d'un monde qui avance pas à pas vers son basculement en Dieu par son humiliation en Christ? " Que voulez-vous dire par là ?
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Écrit par : LL / | 16/08/2011

à LL,

> Merci beaucoup de votre question. J'espère que vous ne m'en voudrez pas d'y répondre avec une tonalité très personnelle, à la lumière de ce qui s'est joué quand a commencé ma conversion. Ma vie a basculé en Dieu par mon humiliation en Christ. C'est en ce moment béni de ma vie que s'est peu à peu ancré ma conviction intime d'une humanité qui marche vers Dieu, par l'expérience de sa fragilité et de sa pauvreté fondamentale. Rabaissement rédempteur, blessure salvatrice...
Un jour tout a basculé. Pourquoi ce jour et pas un autre? Cela me dépasse et ne m’appartient pas. C’est ainsi.
J’ai reconnu Dieu, son visage d’amour, sa présence consolatrice, un beau jour, dans l’obscurité de ma solitude, du milieu des angoissantes ténèbres de mes peurs. C’était une quinzaine de jours avant Noël 2003, au paroxysme de cette phase de ma vie où ma détresse côtoyait mon désespoir, où le poids paralysant des fardeaux et des blessures du passé, m’engluait dans une véritable impasse existentielle.
En quelques jours, dans le contexte de mon travail d’alors, cet étau infernal allait se resserrer jusqu’à l’extrême. La peur des autres, de leur regard porté sur moi, me conduisait au bord de l’anéantissement intérieur. J’étais sur le point de m’effondrer.
Je ne le savais pas encore, mais cet enfer d’un jour cachait ce que dès le lendemain matin, de façon si claire et limpide, j’allais vivre comme une résurrection, le tournant de ma vie. Sur les mêmes lieux de mon travail que j’avais fui la veille, mon corps asphyxié par l’angoisse et tremblant de panique, la grâce de Dieu m’était tombée dessus. J’étais comme intégralement restauré, rééquilibré, apaisé par la main salvatrice du Seigneur. Pour la première fois de ma vie, habité par sa paix et sa force pures, traversé par son souffle de vie régénérant, miraculeusement libéré de toute crainte, saisi et rempli de gratitude devant l’infinie délicatesse de sa présence, je pouvais dire sereinement, du plus intime de ma conscience et sans l’ombre d’un doute : Je crois en Dieu. Aussi simplement que cela...
Du jour au lendemain, se cristallisait en mon coeur le signe magnifique d’un chemin de vie à accomplir en Dieu. En ce jours béni de mon existence, Dieu me faisait don de la foi, m’arrachait au sentiment illusoire et mortifère de l’impasse. Comme s’il avait soufflé cette promesse au creux de mon coeur : avec moi et pour moi, Tout est maintenant devant toi...
Ce jour a illuminé le sens de toute ma vie, et m'ouvra les chemins de l’Église et du baptême vers lequel m'ont porté et accompagné les Fraternités monastiques de Jérusalem à Paris en 2007.

Nos vies individuelles basculent en Dieu par la grâce de la croix du Christ. Le monde et l'humanité entière convergent, c'est une certitude de foi, vers ce même horizon.
De Fukushima à la catastrophe financière, partout où il y a effondrement de nos illusions de grandeur nationale, économique, technologique ou autre, il y a la voix du Seigneur nous appelant à reconnaître, agenouillés dans l'humus de toutes nos pauvretés, le miracle de sa résurrection. Voyons les signes des temps !
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Écrit par : serge lellouche / | 19/08/2011

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