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18/07/2011

'L'ère du Consommateur' (Cerf) : un livre presque décisif

nouvelles moeurs,relativisme,libéralismeLe catholique Laurent Fourquet, 47 ans, normalien et énarque, est haut fonctionnaire à Bercy. L'ère du Consommateur est son premier ouvrage. Il pose la question esquivée (trop souvent) par les catholiques français : quel est le lien entre les différents malaises dans notre société ?


 

nouvelles moeurs,relativisme,libéralisme«Pourquoi sommes-nous devenus incapables de nous projeter au-delà de l'instant présent ? Pourquoi vénérons-nous le corps et la sensation ? Qu'est-ce qui nous gêne dans les institutions ? À quoi sert le politiquement correct ? Pourquoi est-il désormais impoli de croire en l'absolu et de le dire, et si convenable de croire que nous sommes 'libérés' ? D'où viennent les catégories de la bonne et de la mauvaise conscience qui régissent notre morale ? Qu'est-ce qui se cache derrière la haine obsessionnelle du catholicisme propre à nos modernes bien-pensants ? » Selon Laurent Fourquet, notre temps n'est « ni un moment de joyeuse fête des sens ni un âge de lucidité désenchantée, comme on le répète partout. Au contraire, nous sommes désormais entrés dans une période de stricte orthodoxie, gouvernée par une figure nouvelle : celle du Consommateur qui dicte ses valeurs, impose ses interdits et occupe chaque jour davantage notre monde et nos vies... »

L'essai de Fourquet met en lumière le lien entre les malaises actuels, (malaises  dont les conservateurs se plaignent sans y discerner les divers aspects d'une même logique) :

- l'engrenage de destruction de toute bioéthique,

- l'obsession sexuelle marchande, la fabrication des « nouvelles moeurs », la dictature montante de l'idéologie du gender,

- le corps devenant objet de consommation,

- le relativisme, contrepartie de la tyrannie (marchande) de l'émotionnel : les « émotions » substituées à toute vérité,

- le civisme devenu impossible (la norme égocentrique rendant le Consommateur incapable de penser collectif),

- la marée des fausses « identités », projections du solipsisme du Consommateur,

- l'obsession des « droits », étendant à toute la société les réflexes de la consommation (nouvel opium du peuple pendant que les décisions graves se prennent en coulisse : ce qu'on appelle la postdémocratie),

- le « totalitarisme doux » d'une consommation marchande devenant l'unique horizon de la vie, norme à laquelle tout doit être ajusté ou sacrifié,

- l'idolâtrie de la « croissance » illimitée (objectif de tout le consumérisme),

- la fin de la philosophie, de la politique, de l'art, de la religion, de tout ce qui n'est pas consommation de marchandises,

- et notamment la cathophobie ambiante : a) l'Eglise sommée de ne plus être qu'un fournisseur de vague « spiritualité » pour enjoliver la vie quotidienne du consommateur ; b) l'Eglise sommée de ne plus affirmer sa propre vision de l'existence, vision qui contredit le totalitarisme de la consommation...

Le Consommateur est « celui qui pense être seul au monde, seulement entouré de choses pour sa propre consommation ». Il accepte les institutions à condition que leur seul rôle désormais soit de protéger cette consommation, baptisée « droits » : il interdit aux institutions (Etat, Eglise) d'avoir un autre discours et de parler bien commun ou vérité, ces notions étant étrangères à la consommation – donc intolérables...  Ainsi l'Etat et l'Eglise sont sommés de modifier leurs prestations pour en faire des biens de consommation, et d'en ôter ce qui n'est pas conforme à l'hédonisme. Tout ce qui existe doit pouvoir être référencé sur les rayons du consumérisme. Tout ce qui n'est pas référençable doit être aboli.

Voilà donc un livre capable de réveiller les catholiques conservateurs, qui se refusaient à discerner le lien entre les divers malaises dans la civilisation occidentale. (Malaise dont la cathophobie ambiante n'est que l'un des aspects). Ce livre fait la liste des symptômes [*], et montre qu'ils sont liés les uns aux autres.  C'est un grand pas en avant.  Est-il décisif ?

   [ Demain : ce qui manque à l'analyse de Laurent Fourquet ]

 

Laurent Fourquet, L'ère du Consommateur, juin 2011, 352 pages. À écouter : l'auteur, invité de  Louis Daufresne, http://www.radionotredame.net/emission/legrandtemoin/2011-07-06

 

 

_________

[*] Mais Fourquet (cédant en cela à un réflexe de conservateur) croit devoir classer aussi la conscience du réchauffement climatique parmi les symptômes de la mentalité consumériste... Là, il a objectivement tort, et je me permets de lui suggérer d'écouter l'émission des deux scientifiques du CNRS : http://www.radionotredame.net/emission/legrandtemoin/2011-06-28

 

Commentaires

CONSUMATION

> Après l'homo economicus, l'homo consumus.
Avec ou dans la consommation, l'homme se consume...
______

Écrit par : DO92 / | 18/07/2011

D'UN UMP

> Mais pourquoi les pauvres de ce monde envient-ils donc notre mode de vie s'il est si mauvais ?
ps : vous êtes en train de virer à l'identitarisme avec le Mont Saint Michel ?

L.


[ De PP à L. :
- Vous approuvez "notre mode de vie" : vous êtes donc satisfait du statu quo ? Libre à vous.
- Si vous croyez que l'archange Michel a quoi que ce soit à voir avec l'identitarisme, mon livre
vous étonnera. ]

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Écrit par : Libre / | 18/07/2011

@ P.P.

> Vous insérez discrètement cette information en astérisque; et pourtant ce n'est pas un maigre détail : votre écrivain prodige entretient le doute concernant le réchauffement climatique. Bref, il y a de sa part, dans cet ouvrage, une indéniable malhonnêteté intellectuelle.

BJL

[ De PP à BJL :
- Attention, je n'ai pas dit "prodige". Vous verrez dans la note de demain ce en quoi son livre reste incomplet : lacune qui l'empêche d'être décisif.
- Mais ce livre est réellement un pas en avant, de la part d'un catholique français n'appartenant pas au milieu "objecteur de croissance". ]

réponse au commentaire

Écrit par : Blaise Join-Lambert / | 18/07/2011

NOTRE MODE DE VIE ASPHYXIE LA PLANETE

> Par rapport au commentaire de "Libre", une remarque en passant :
ce qui me frappe chez les libéraux c'est le satisfecit qu'ils décernent au système actuel, avec pour seul bémol l'excès d'étatisme, source de tous les maux. Ils ont l'air de penser qu'une fois l'Etat vaincu et ramené "à sa juste dimension", tout le monde sera libre et heureux. ("il n'y a jamais eu si peu d'écart entre les hauts et bas salaires", "les pauvres nous envie notre mode de vie", etc.)
Mais pour des chrétiens, c'est incohérent : seule la vérité rend libre (c'est le Christ que le dit), et on sait bien depuis le péché originel que les hommes livrés à eux-mêmes ("libres" selon le monde) se transforment en prédateurs les uns envers les autres. Que cherche-t-on ? La "liberté" du monde ou bien la véritable liberté, celles des enfants de Dieu, qui passe obligatoirement par le fait de prendre soin des hommes, surtout les plus petits, les plus faibles, les plus pauvres et l'étranger ?
"Le chemin de l'Eglise passe par l'homme" disait Jean-Paul II. Se dire que le système actuel est très bien, "et tant pis pour les quelques exclus du système - qui n'ont pas à se plaindre : ils ne meurent pas de faim" (juste de solitude et de froid) est totalement anti-évangélique !
Et je tiens à dire qu'être anti-libéral ce n'est pas être étatiste ! Ne soyons pas si simplistes et binaires ! Mais mettons notre énergie à autre chose : la planète meurt asphyxiée par notre mode de vie, des centaines de millions de personnes sont réduites à la misère et leur dignité est bafouée, et on ergotte pour savoir si les multinationnales paient trop d'impôt ?!?
Il est temps d'inventer un autre monde.

Écrit par : Pema / | 18/07/2011

INJUSTE ?

> Un énarque haut fonctionnaire n'a aucune légitimité quand il s'agit de formuler une critique structurelle de la société de consommation.
On se demande d'ailleurs comment il ose se dire chrétien.
Honte à lui.

H.


[ De PP à HD :
- Vous y allez un peu fort, si vous estimez qu'un énarque haut fonctionnaire ne peut pas être chrétien !
- Si l'on peut reprocher quelque chose à l'ENA, c'est d'avoir trahi l'Etat au profit du business, au moment où le business proclamait la nécessité de tuer l'Etat et d'abolir l'idée de bien commun politique. Mais justement Fourquet prend position pour l'Etat serviteur du bien commun, et il condamne la destruction du politique par le consumérisme...
- Il ne faut donc pas être injuste. ]

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Écrit par : HD / | 19/07/2011

LE DERNIER HOMME

> "Une société libérale cohérente se définit comme une agrégation pacifique d'individus abstraits qui, dés lors qu'ils en respectent globalement les lois, sont supposés n'avoir rien d'autre en commun ( ni langue, ni culture ni histoire) que leur désir de participer à la Croissance, en tant que producteurs et/ou consommateurs." ( Michéa, "L'Empire du moindre mal", p 111). Dés lors que toute transcendance a été évacuée, le "dernier homme" de la société tout immanente, hyper-sécularisée, est condamné à vivre comme un zombie, proie facile d'une "économie libidinale" ( J.F Lyotard) qui ne lui laisse plus d'autre choix, pour se croire encore vivant, que celui d'adopter la posture de "rebelle professionnel-institutionnel", histoire de s'inscrire dans une généalogie émancipatrice, pseudo-nietzschéenne, que son alignement sur l'idéologie libérale-libertaire dément dans les faits ( cf mon livre "Pour sortir du nihilisme", ed Salvator, 2011).

J-M Castaing

______

Écrit par : Jean-Michel Castaing / | 19/07/2011

ENA

> Pour l'anecdote, toujours aussi hallucinant de voir que 3 ans d'études aussi brillantes soient-elles -ENA- comptent plus que 20 ans d'expérience... dont on ne sait rien. La France reste aristocrate et aime toujours les titres ronflants...
______

Écrit par : RoyalDuma / | 19/07/2011

AU TRAVAIL

> Je suis estomaqué par votre astérisque : j'ai du mal à croire qu'en 2011 des gens sérieux et informés puissent encore croire que l'hypothèse d'un réchauffement climatique provoqué par le CO2 humain est validée.


[ De PP à FB :
- Vous devriez commencer à vous informer. Il n'y a pas que les pamphlets truqués de Claude Allègre et les borborygmes des sites d'extrême droite ! Lisez ce qu'écrivent les scientifiques... Document français de référence : 'Le climat à découvert' (ouvrage de 110 chercheurs de pointe de toutes les disciplines concernées), éditions du CNRS, mai 2011.
- En préambule à cette lecture, je vous suggère d'écouter deux des scientifiques auteurs de l'ouvrage, à mon émission de Radio Notre-Dame du 28 juin dernier : http://www.radionotredame.net/emission/legrandtemoin/2011-06-28 ]

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Écrit par : Franck Boizard / | 23/07/2011

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