10/03/2011
Le livre du pape : 2. Vérités qui dérangent
Benoît XVI dissipe
des malentendus
parfois séculaires :
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Ce n'est pas une « vie de Jésus ». Ni, à l'inverse, un traité de christologie savante.
C'est une enquête sur les mystères du Christ, pour savoir « comment ce qui arrive à Jésus peut nous être communiqué pour que nous en vivions », comme dit à son sujet Mgr Battut (Lyon).
Benoît XVI s'appuie sur les acquis de l'exégèse historico-critique : mais il les intègre dans une démarche de foi. Et il montre que les deux se complètent : la foi s'appuie sur des faits, non sur des fantasmes ; mais les faits (ceux des évangiles et des Actes des apôtres) ne s'expliquent pas sans l'éclairage de la foi. Prétendre lire les évangiles en excluant la foi qui les a fait exister, c'est rendre leur existence inexplicable ainsi que celle de tout le christianisme : deux milliards de croyants en 2011.
Cette existence du christianisme a une origine. Le christianisme n'est pas un effort moral, un « nouveau niveau d'humanisme dans l'humanité », explique le pape : « c'est un nouveau fondement de l'être, qui nous est donné... la nouveauté ne peut provenir que du don de l'être avec le Christ, du vivre avec Lui. » Ce don nous vient de la personne du Christ. Cette personne singulière est un événement, daté et situé. Le christianisme a des origines repérables qui peuvent être sondées : et le livre du pape est, précisément, ce coup de sonde.
On a vu (notre note précédente) l'articulation du livre en neuf chapitres, chacun traitant d'un des mystères de la Passion du Christ évoqués par les évangiles : l'entrée de Jésus à Jérusalem le jour des Rameaux ; le discours eschatologique de Jésus ; le symbole du lavement des pieds ; la prière sacerdotale de Jésus ; la dernière Cène ; Gethsémani ; le procès ; le crucifiement et la mise au tombeau ; la Résurrection. Et, en conclusion, la perspective d'attente et de mission dans laquelle nous sommes toujours, deux mille ans plus tard, nous qui sommes dans le monde « en ambassade pour le Christ » selon le mot de saint Paul.
Progresser de chapitre en chapitre dans ce livre, c'est une expérience de confirmation et de libération.
Benoît XVI rend courage aux croyants, en leur montrant clairement et savamment que les travaux des spécialistes n'ébranlent pas les infrastructures de la foi, mais les affinent et les précisent. [1]
Mais en même temps, avec une liberté souveraine, il dissipe un certain nombre de malentendus – souvent graves – qui encombraient les esprits depuis des siècles.
On sait ce qu'il dit sur les circonstances réelles du procès de Jésus et la non-culpabilité du peuple juif, au chapitre 7. Au chapitre 2, page 61, il a éclairci la question des rapports entre l'Eglise et le judaïsme : « Nous sommes aujourd'hui déconcertés par les nombreux malentendus, lourds de conséquences, qui à ce propos ont pesé sur les siècles passés... » Dans la ligne de la lettre aux Romains (11, 25), l'Eglise ne doit pas se préoccuper de la conversion des juifs, parce qu'il faut attendre le moment préétabli par Dieu « jusqu'à ce que soit entrée la totalité des païens ». C'est ce que disait Bernard de Clairvaux lui-même au XIIe siècle, cité par Benoît XVI : « Pour ce qui concerne les juifs, un moment précis a été déterminé pour eux, que l'on ne peut pas anticiper. Les païens doivent les précéder dans leur totalité... » Dans ces conditions, l'antijudaïsme chrétien n'avait aucune base religieuse.
Les analyses de Benoît XVI sur l'épisode de la purification du Temple sont tout aussi libératrices dans un autre domaine. Quand Jésus dit du Temple : « Vous en avez fait une caverne de voleurs », il cite Jérémie (7, 11) ; or Jérémie – dit Benoît XVI – « lutte contre la politisation de la foi, selon laquelle Dieu devrait en toute occasion défendre son Temple pour que le culte perdure... » Et à propos de Jésus appelant les disciples à fuir Jérusalem (Marc 13, 14) quand le Temple serait profané (Daniel 11, 31), appel qui allait être suivi lors du siège de 70, le pape observe : « le fait de ne pas participer à la défense armée du Temple, à cette entreprise qui fit de ce lieu saint une forteresse et la scène de cruelles actions militaires, correspondait exactement à la ligne adoptée par Jérémie durant le siège de Jérusalem par les Babyloniens (cf. par ex. Jr 7, 1-15 ; 38, 14-28). » L'erreur fatale est l'erreur zélote, l'interprétation politique du messianisme. Jésus, souligne le pape, fait prendre au thème du « zèle » un « tournant fondamental » : « Il a transformé en zèle de la Croix le "zèle" qui voulait servir Dieu par la violence. Il a établi ainsi définitivement le critère du vrai zèle – le zèle de l'amour qui se donne... » Les chrétiens disent « non » à « l'interprétation zélote du message biblique et de la figure de Jésus : leur espérance est d'une autre nature. » Au chapitre 7 (le procès), le pape souligne : « Par son annonce, Jésus a opéré une séparation de la dimension religieuse et de la dimension politique ; séparation qui a changé le monde et qui véritablement appartient à l'essence de la nouvelle voie... » Cette leçon est à méditer aujourd'hui.
De même que s'applique aujourd'hui la leçon infligée à Pierre... En Matthieu 16, 22, Pierre avait protesté contre l'annonce de la Passion – qui contredisait son idée d'un Messie triomphal. Jésus lui avait répondu : « Tes vues ne sont pas celles de Dieu, mais celles des hommes. » En Jean 13, Pierre refuse que Jésus lui lave les pieds, chose qui va à l'encontre de son idée du rapport entre maître et disciple : « sa résistance au lavement des pieds a, au fond, la même signification que son objection devant l'annonce que Jésus a faite de sa Passion », souligne le pape : « C'est l'objection à Jésus qui traverse toute l'histoire : ''Toi, tu es le vainqueur ! Tu possèdes le pouvoir ! Ton abaissement, ton humilité, sont inadmissibles !'' Et toujours Jésus dois nous aider à comprendre à nouveau que le pouvoir de Dieu est différent, que par la souffrance, le Messie doit entrer dans la gloire et conduire à la gloire. » A Gethsémani, Pierre continue à se tromper, il dégaine son épée ; il ne sait pas encore que le martyre n'a rien à voir avec ce genre d'attitude, que c'est « un don gratuit qui rend capable de souffrir pour Jésus ». D'ailleurs « sa volonté de se battre, son héroïsme, finissent dans le reniement. […] Il doit apprendre l'attente, la persévérance; Il doit apprendre le chemin de la sequela [2], pour alors, à son heure, être conduit là où il ne voudrait pas (cf. Jean 21, 18) et recevoir la grâce du martyre. »
Le pape en tire cette leçon que nous devrions tous méditer : « Ne pas dire à Dieu ce qu'Il doit faire, mais apprendre à l'accepter tel qu'Il se manifeste à nous. »
Et il ajoute, au chapitre 6 (Gethsémani) : « Parce qu'il s'oppose à la Croix, Pierre ne peut entendre la parole sur la résurrection et il voudrait […] le succès sans la Croix. Il met sa confiance dans ses propres forces. Qui ne pourrait voir dans son attitude un reflet de la tentation constante des chrétiens, et même de l'Eglise : obtenir le succès sans la Croix ? »
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[1] Contrairement à ce que dit la vulgate audiovisuelle contemporaine.
[2] « suivre » le Christ.
[à suivre]-
18:41 Publié dans Témoignage évangélique | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : christianisme, benoît xvi, catholiques, juifs, évangiles, actes des apôtres
Commentaires
LE LIVRE
> "Succès"... Ce mot n'est pas du Christ, je crois. "Obtenir", non plus...
Merci pour ces lectures, en attendant de lire le livre, qui semble passionnant, réjouissant d'avance !
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Écrit par : Alina Reyes / | 10/03/2011
LE PAPE ET LES JUIFS
> J'ai du mal à comprendre ce que veut dire le pape concernant Israël. Alors j'expose les difficultés que je rencontre, en espérant que le débat apportera une clarification :
- Les apôtres choisis par le Christ étaient pourtant juifs; les premières communautés chrétiennes, à commencer par celle de Jérusalem, étaient juives. Et Paul lui-même, avant de se tourner vers les païens, s'est d'abord adressé aux juifs. Pour les premiers chrétiens, l'annonce de l'Evangile à Israël était donc chose naturelle.
- Que faire des Juifs qui se convertissent librement et sincèrement ? devrait-on leur refuser le baptême?
- Benoît XVI semble prendre le contre-pied de Jean-Paul II; ce dernier avait choisi Mgr Lustiger comme archevêque de Paris; Mgr Lustiger qui était un Juif converti.
B.
[ De PP à B. :
- Je ne peux que vous conseiller de lire le livre du pape !
- La question de "l'entrée d'Israël" dans l'Eglise n'est pas posée par le pape, mais par saint Paul, et il est très clair (cf. les citations dans la note).
- Il n'est pas question des conversions individuelles et spontanées (cas de Jean-Marie Lustiger), mais d'un prosélytisme de l'Eglise des Gentils envers les juifs : c'est cela que l'Eglise s'interdit de faire, par fidélité théologique à ce que dit saint Paul. ]
réponse au commentaire
Écrit par : Blaise / | 11/03/2011
pour Alina
> Oh ! pire que ça ! Le Christ va même jusqu'à parler de "victoire".
vu avec la lorgnette du 21e siècle, c'est un vrai va-t-en-guerre, quoi
Obtenir ?
"soyez miséricordieux et vous obtiendrez miséricorde"
"heureux les doux, ils obtiendront la Terre Promise"
Certes on peut agir pr l'amour du Bien sans espérer de récompense de Dieu, mais alors ce serait un dieu indifférent, injuste.
En fait, nos actes sont si peu (à côté de tout ce qu'on pourrait faire et du fait même que le Bien, au fond du compte, est normal ; Dieu ne gâte pas, il rend justice) que leur récompense est plus la marque que Dieu est juste qu'un effet de nos mérites.
C'est plutôt nous qui allons ds le sens de sa justice.
"Lequel d'entre vous, quand son serviteur vient de labourer ou de garder les bêtes, lui dira à son retour des champs: ´Viens vite à table´?
Ne lui dira-t-il pas plutôt: ´Prépare-moi à dîner, mets-toi en tenue pour me servir,(…) Sera-t-il reconnaissant envers ce serviteur d'avoir exécuté ses ordres?
De même vous aussi, quand vous aurez fait tout ce que Dieu vous a commandé, dites-vous: ´Nous sommes des serviteurs quelconques: nous n'avons fait que notre devoir.´ » (st Luc 17 5 10)
Va-t-en-guerre : De même quand Jésus dit "je ne suis pas venu apporter la paix, mais le glaive" (st mathieu 10 34) cela ne veut pas dire qu'il est violent mais il parle de l'opposition violente qui va se dresser face à l'Evangile. À commencer en nous.
C'est en m'appuyant sur cela que qqfois, je me réjouis spirituellement de l'actuelle vague de cathophobie : en ce sens que, uniquement quand, cette vague est suscitée par le ressentiment du monde contre l'Eglise parce que celle-ci ne le caresse pas ds le sens du poil.
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Écrit par : zorglub / | 11/03/2011
> "zorglub", c'est votre nom de baptême ?
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Écrit par : Alina Reyes / | 12/03/2011
pour Alina
> oui, mes parents ont un goût épouvantable.
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Écrit par : zorglub/ | 14/03/2011
VITA SANCTI ZORGLOBI
> Saint Zorglub, apôtre et martyr? naquit en Egypte à Alexandrie au IIIe siècle au sein d'une famille grecque de grande culture. Elève de saint Zigouratos Isapostolos, il fut remarqué pour ses talents d'exégèse. A cinq ans, déjà, il ...
Il serait parti pour la Gaule où il aurait évangélisé la région de Montastruc La Conseillère où il aurait été martyrisé aux côtés de saint Théodule le Thaumaturge.
Grégoire de Tours y aurAit fait quelques allusions dans sa Gesta Primorum Christianorum in Gallia, dont nous ne connaissons plus hélas, que quelques fragments.
Il est le saint patron du club de rugby de la Bastide Bouzignac, l'Elan Bouzignacais.
Sources : Vita sancti Zorglobi, anonyme, édition commentée par le Pr Edmond Barbichotte, Flammarion, 1886
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Écrit par : zorglub / | 14/03/2011
SUR LE PAPE ET LE JUDAÏSME
> La réaction de ma collaboratrice juive sur Benoît XVI et le judaïsme : http://dialogueabraham.wordpress.com/2011/04/08/israel-n%e2%80%99est-pas-responsable/
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Écrit par : Ren' / | 08/04/2011
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