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20/09/2010

Paul Ariès et "l'objection de croissance"


-http://www.rue89.com/planete89/2010/07/24/rabhi-cest-la-civilisation-la-plus-fragile-de-lhistoire-159675

Commentaires

PIERRE RABHI

> Lire aussi :

http://www.rue89.com/planete89/2010/07/24/rabhi-cest-la-civilisation-la-plus-fragile-de-lhistoire-159675
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Écrit par : Sur Pierre Rabhi / | 20/09/2010

UNE REPONSE A LA D.S.E.

> Si l'on veut bien oublier d'avoir peur des mots, et si on comprend honnêtement ce qu'Ariès veut dire, on doit constater que son approche consonne avec la pensée sociale catholique beaucoup mieux que l'approche libérale.
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Écrit par : Ned / | 20/09/2010

à NED

> D'accord avec toi comme souvent. Je cite Ariès :

"Nous avons décidé de nous battre d'ici 2012 sur quatre grands mots d'ordre d'égale importance :
1. la question du ralentissement, car on sait depuis les travaux de Paul Virilio que toute accélération de la société se fait au détriment des plus faibles ;
2. la relocalisation, ce qui peut poser la question d'une fiscalité adaptée, voire la création de monnaies régionales ;
3. la question de la simplicité volontaire contre le mythe de l'abondance ;
4. la question du partage, c'est-à-dire la question du revenu garanti couplé à nos yeux à un revenu maximal autorisé. "

C'est la ligne des encycliques sociales et de la doctrine sociale catholique. Et je ne connais pas de libéraux qui soient en mesure de tenir ces positions. Donc ?
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Écrit par : Amicie T. / | 20/09/2010

VIRILIO

> sans compter que le grand, le très grand Paul Virilio, est lui-même un chrétien.
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Écrit par : Simon Postel / | 20/09/2010

VIRILIO CHRETIEN

> En effet : http://www.la-croix.com/-Un-voeu-pieux-/article/2438011/55350
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Écrit par : langsam / | 20/09/2010

ARIÈS PRESIDENT !

> Wouah patrice je suis bluffé !
Paul Ariès sur votre blog !
Voilà plusieurs fois que je croise le discours de ce bonhomme. Même si la revue "Décroissance" est parfois sectaire, les éditos d'Ariès me paraissent souvent justes et pertinents.
Est-ce que l'on peut savoir votre avis sur les idées défendues ?
Soutiendriez-vous une éventuelle candidature en 2012 ;-)?

AC

[ De PP à AC - Mais pourquoi pas ? je le lui ai d'ailleurs dit à Orléans. D'autant que sa conception d'une campagne présidentielle a de quoi réjouir le politico-sceptique que je suis. ]

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Écrit par : antoine le chartroussin / | 20/09/2010

A AC :

> ça fait un moment déjà que PP se fait l'écho des thèses décroissantes et de penseurs comme Paul Ariès. Le tout dans la plus grande cohérence et en parfaite adéquation avec la doctrine sociale de l'Eglise. Il a même sévi dans les colonnes du subversif journal d'Ariès et Cheynet. A la grande satisfaction de nombre de fidèles de ce blog, dont je suis, qui en ont plus qu'assez d'être assimilés, parce que catholiques, à des sarkozistes-moins-le-libéralisme-des-moeurs. Des gens acquis au libéralisme économique (de droite surtout, mais de gauche aussi, pourquoi pas ?) et coincés du cul en fait.
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Écrit par : blanche / | 20/09/2010

A PP (et à tous ceux que l'antiproductivisme séduit) :

> j'ignore si vous connaissez le "mouvement" utopia. Je trouve qu'il est porteur de belles promesses, y compris en ce qui concerne une restauration du politique. Moi-même fort "politico-sceptique", j'envisage de les rejoindre (peu-être n'est-on jamais aussi politico-sceptique, lorsque la politique n'est plus qu'une vaste fumisterie, que quand on croit sincèrement qu'elle est en vérité nécessaire -même si pas suffisante- à la réalisation du bien commun). Je copie-colle les principes :

"Oui, une autre manière d'imaginer, de penser et de faire de la politique est possible. Il existe d'autres perspectives que la résignation et la soumission au modèle actuel.

Pour Utopia, il ne s'agit pas de corriger à la marge le système capitaliste, qui accentue les inégalités et détruit la planète. L'enjeu est de construire un projet politique permettant à chacun de se réaliser individuellement et collectivement.

L'originalité d'Utopia consiste à porter analyses et propositions au sein du monde associatif, mais aussi des mouvements et partis de gauche, depuis les objecteurs de croissance jusqu'au parti socialiste, en passant par les Verts, le Parti de gauche, les altermondialistes, les antilibéraux et les alternatifs.

Mais pour construire, il faut préalablement déconstruire et, pour cela, remettre en cause trois aliénations : le dogme de la croissance comme solution " magique " à tous les maux, la consommation comme seul critère d'épanouissement individuel, et le travail érigé en valeur absolue.

Notre utopie considère que la réflexion alliée à l'imagination arrivera à fédérer un mouvement fort, capable de construire non pas l'alternance, mais un projet susceptible, à terme, d'entraîner l'adhésion du plus grand nombre."

http://www.mouvementutopia.org/blog/
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Écrit par : blanche / | 20/09/2010

ENTRER EN DEBAT AVEC TOUS LES COURANTS, QUELS QU'ILS SOIENT

> J'ai un très gros problème...
Je suis moi-même objecteur de croissance, j'ai choisi la simplicité volontaire, je suis "devenu" paysan (le devient-on ?), j'apprécie le bonhomme Paul Ariès (et plus encore Pierre Rabhi) ; au niveau anthropologique, philosophique, théologique (au passage, que les chrétiens se réveillent : ces sujets si primordiaux ont besoin des lumières de la Révélation !!), je suis totalement en accord avec ces idées, mais... je n'arrive pas du tout à les faire miennes dès qu'on les aborde sur un plan pratique et politique.
Je ne comprends pas où ça "bloque". Peut-être le vocabulaire, trop "de gauche", justement, et tellement galvaudé ?
Petite question de détail : Paul Ariès est bien un membre de Golias, non ? Comment se situe-t-il dans ce mouvement et par-rapport à l'Eglise ? Je ne l'ai jamais entendu se prononcer sur ce sujet.

PMalo


[ De PP à PM :
- J'ai discuté avec Ariès au printemps dernier. Nous n'avons pas parlé de Golias.
- Il se trouve que Golias a des positions honorables sur le plan économique international. (Personne n'a tort sur tous les sujets, c'est ce que l'Eglise nous répète depuis toujours, cf Thomas d'Aquin et "l'indifférence des sources").
- Et c'est là que se fait la connexion Golias-'Décroissance'...
- ... mais là seulement : il suffit de lire les articles de 'La Décroissance' sur les nouvelles moeurs pour s'en rendre compte...
- Les positions de Golias dans le domaine des nouvelles moeurs sont non-critiques, suivistes, objectivement libérales petites-bourgeoises : ce qui est en contradiction avec les positions du même groupe dans d'autres domaines.
- L'une des raisons d'être de notre blog : aider les contestataires, anticapitalistes, antilibéraux, écologistes radicaux, etc, à "chasser le libéral de leur tête" mais dans TOUS les domaines, et ainsi devenir cohérents.
- Benoît XVI a indiqué aux parlementaires anglais le rôle "correctif" que la pensée catholique - foi et raison - peut apporter au débat de société. Ca ne veut pas dire : devenir l'aumônerie des conservateurs libéraux atlantiques, mais entrer en débat avec TOUS LES COURANTS. )

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Écrit par : PMalo / | 20/09/2010

JE VOTE POUR LUI

> Je vote pour lui!!
Si au départ la décroissance apparait comme une restriction matérielle douloureuse, c'est au profit d'un redéploiement de tout l'être. Dans un premier temps de notre capacité à contempler: à nourrir notre sensibilité et notre esprit de ce monde qui se donne à nous, gratuitement; d'ancrer ainsi notre "être-là", notre présence au monde, hic et nunc, et pouvoir enfin partager un "être ensemble".
Dans un second temps: redéploiement d'une créativité régénérée, qui cherche à réparer, rendre plus riche et plus beau encore ce monde qui est notre Bien Commun, à ré-humaniser nos sociétés et nos cultures.( Je vous rejoins ici cher Guillaume de Prémare: oui à la recherche et la réflexion intellectuelles, ou plus justement spirituelles, pas seulement "raisonnantes et raisonneuses", mais Après avoir accepté de nous laisser enseigner par la contemplation de ce qui se donne à nous.)
Sur le plan philosophique, il s'agit de renoncer à se rendre maître et possesseur de la nature comme c'est le cas depuis Descartes et Kant, pour se faire serviteur amoureux de la Vie, cette vie que Heidegger vénère en payen, dont Bergson parle si bien en judéo-chrétien, serviteurs amoureux de la Vie comme l'ont été Tolstoï, Gandhi ou mère Térésa.

Vivement la décroissance, qu'on renoue avec la Vie!
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Écrit par : Anne Josnin / | 20/09/2010

LARGES

> Ok merci de votre sincérité.
Effectivement je trouve qu'il ouvre des perspectives bien larges. Un peu de recul ne fait pas de mal.
A suivre
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Écrit par : antoine le chartroussin / | 20/09/2010

FROID DANS LE DOS ?

> "C'est la ligne des encycliques sociales et de la doctrine sociale catholique" dit un commentaire. Peut-être quant à l'objectif et le souci du plus faible. Mais un passage de l'entrevue de M. Ariès me fait froid dans le dos: CIT Nous sommes conscients que ça peut foirer FINCIT. Les multiples utopies du XX° siècle me rendent circonspect quant aux expérimentations sur des sociétés complexes. Le résultat peut s'avérer bien plus monstrueux que l'impasse actuelle du capitalisme mondialisé. La doctrine de l'Eglise me semble être plus pragmatique et orientée sur le 'faire avec ce qu'on a'.

HVdV

[ De PP à H. :
- Je ne suis pas de votre avis sur la DSE : ce qu'elle propose est infiniment plus radical que de "faire avec ce qu'on a". D'où la réaction hystérique de M. Weigel, l'Américain ultraconservateur soi-disant papiste, accusant de "socialisme" l'encyclique sociale de Benoît XVI...
Quand au risque d'échouer, franchement, quelle entreprise humaine ne le court pas ?
Gardez-vous de faire de la "Reductio ad Stalinum" : lancer une idée radicale n'est pas ouvrir un goulag ; c'est avec cette accusation fausse, imposée partout en 1990, que l'ultralibéralisme dérégulateur a jeté le monde dans l'impasse où il est aujourd'hui. ]

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Écrit par : Hendrik Van de Velde / | 21/09/2010

J'ADHERE, MAIS...

> J'adhère pleinement aux mesures politico-économiques proposées par Paul Ariès et les objecteurs de croissance, qui me semblent sur le plan socio-économique, les plus proches possibles de la DSE. Mais juste pour l'occasion, et dans l'espoir d'un débat serein, je me permets une petite critique de fond : non pas une critique de l'anticapitalisme et de l'antiproductivisme en eux-mêmes, mais de la politique qui peut émerger d'un mouvement tel que celui de la décroissance. Je dis bien qui "peut". Aussi je chipote, je le reconnais, car si déjà nous pouvions bénéficier de cette vision pragmatique de l'économie que portent les objecteurs de croissance, nous ferions un pas énorme vers la justice sociale.
Ma critique porterait ici sur l'aliénation de cette conception, pourtant très chrétienne, de la justice sociale d'avec sa finalité.
Paul Ariès a une vision économique géniale, et trop rare pour ne pas la souligner : si rare qu'on ne la retrouve pratiquement que chez Benoit XVI et ceux qui ont compris ses enseignements. Combien aujourd'hui proposent une économie fondée sur le principe chrétien de l'option préférentielle pour les pauvres ? Combien proposent de privilégier la relation à l'autre, plutôt que la possession des biens matériels ?
Mais Benoit XVI y ajoute quelque chose qui n'est pas anodin : ce vers quoi cette politique doit être tendue. Pour ne pas reprendre tout Caritas in Veritate, Benoit XVI disait, dans un discours le 30 avril :

"Au lieu d'une spirale de production et de consommation, visant des besoins humains définis, la vie économique doit être correctement vue comme un exercice de responsabilité humaine, intrinsèquement orientée vers la promotion de la dignité de la personne, la poursuite du bien commun et le développement intégral - politique, culturel et spirituel - d'individus, de familles, et de sociétés"

Bref, rien de nouveau pour nous : on retrouve ça un peu partout dans les textes de la DSE. Mais là-dedans, ce qui sera toujours absent, a priori, de la vision d'un Paul Ariès, c'est cette petite expression : "intrinsèquement orientée vers la promotion de la dignité de la personne". Tous les mots sont importants. Peut-être que je me trompe sur Paul Ariès, mais athée de son état je crois, il ne peut pas, en toute logique, proposer une politique transcendée par une vision de la dignité de la personne humaine (dans la vérité du concept de dignité humaine : celle de la ressemblance à Dieu). En toute logique, il ne peut nous rejoindre totalement sur la notion de développement intégral, pour la seule raison que sa vision de l'homme, et donc de l'économie, est sans rapport à la transcendance.
En somme, Paul Ariès dénonce, à juste titre, l'aliénation du travail, de la production et de l'argent, d'avec la personne humaine. Mais lui-même court le risque évident, en se coupant de toute transcendance, d'aliéner la justice sociale à la véritable dignité de la personne humaine. Une justice sociale coupée de toute transcendance, c'est précisément ce que le même Benoit XVI, alors qu'il n'était pas encore Pape je crois, dénonçait comme dérive possible de la théologie de la libération.

En somme, l'option préférentielle pour les pauvres, version chrétienne, n'est pas juste une mesure de justice sociale. Elle nous parle de "pauvreté évangélique". Elle a une logique en rapport avec la vraie dignité de la personne humaine (probablement l'idée la plus scandaleuse de la doctrine chrétienne) : la valorisation de la personne vulnérable, du petit, du faible, comme étant celui qui incarne la présence de Dieu. A l'inverse, une valorisation du dénuement matériel, d'un mode de vie simple, mais coupée de sa vérité transcendante, ne peut conduire qu'à deux résultats possibles : la promotion d'une forme d'ataraxie épicurienne fondée sur ce dénuement (et c'est à mon sens la vision des objecteurs de croissance) ou une frustration permanente et forcément coercitive des désirs de possession de chacun (ça c'est la manière dont la décroissance est perçue par ceux qui n'en sont pas partisans).
De même qu'on a dit d'un saint Paul qu'il était imbibé de stoïcisme, lui qui pourtant le dépassait nettement pour l'inscrire dans une anthropologie révélée, à l'image de Dieu ; de même, nous devons nous garder de confondre cette proposition du dénuement matériel comme forme d'ataraxie, d'avec la pauvreté évangélique qui, si le mode de vie est sensiblement le même, a pourtant vocation à replacer un peu plus l'homme en Dieu. C'est ce qui fait la différence entre un "mode de vie" et un "chemin de vérité". L'un et l'autre ne s'opposent pas, bien au contraire. C'est l'un sans l'autre qu'ils deviennent finalement absurdes.

Voilà pour mon chipotage. Mais j'avoue humblement ne pas connaitre suffisamment le détail des thèses de Paul Ariès pour appuyer cette critique. Pour autant, nous chrétiens, avons largement de la marge de progression commune avec un Paul Ariès en matière de "mode de vie", avant de s'inquiéter de nos divergences philosophiques et anthropologiques, vous me direz. J'hésite encore à adhérer pourtant à ce qui m'apparait encore comme un "moins pire", peut-être justement par soucis de ne pas me précipiter à l'appel des sirènes... Ma raison pratique me dit oui, mais ma conscience hésite encore. Hésitation du coeur dans ce rapport ambigüe à la Vérité de la personne humaine ! Mais prendre le temps est une idée qui conviendrait somme toute très bien à Paul Ariès et aux objecteurs de croissance, n'est-ce pas ?

JS


[ De PP à JS :

- Attention à ne pas confondre dialogue de société et conversion religieuse !

Le pape l'a dit clairement dans son discours aux parlementaires anglais :

"La tradition catholique soutient que les normes objectives qui dirigent une action droite sont accessibles à la raison, même sans le contenu de la Révélation. Selon cette approche, le rôle de la religion dans le débat politique n’est pas tant celui de fournir ces normes, comme si elles ne pouvaient pas être connues par des non-croyants – encore moins de proposer des solutions politiques concrètes, ce qui de toute façon serait hors de la compétence de la religion – mais plutôt d’aider à purifier la raison et de donner un éclairage pour la mise en œuvre de celle-ci dans la découverte de principes moraux objectifs." ]

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Écrit par : Joël Sprung / | 21/09/2010

@ PP :

> Tout à fait d'accord sur le fait de ne pas confondre, et sur le fait que l'enseignement social de l'Eglise n'est pas un enseignement qui requiert l'adhésion de la foi. Je vous accorde que sur la "pauvreté évangélique", je me suis égaré dans le domaine de la foi chrétienne. Cependant il faut noter que pour ce qui est de la vocation transcendante de l'Homme, ce n'est pas un mécanisme de foi, c'est un mécanisme de la raison naturelle, n'en déplaise à notre athéisme des lumières. Dans Populorum Progressio, on pouvait lire : « Il n’y a donc d’humanisme vrai qu’ouvert à l’Absolu, dans la reconnaissance d’une vocation, qui donne l’idée vraie de la vie humaine », ce qui fait dire à Benoit XVI, dans Caritas in Veritate que le développement véritable de l'homme est impossible si on ne le conçoit pas dans un rapport à la transcendance.
"Tout au long de l’histoire, on a souvent pensé que la création d’institutions suffisait à garantir à l’humanité la satisfaction du droit au développement. Malheureusement, on a placé une confiance excessive dans de telles institutions, comme si elles pouvaient atteindre automatiquement le but recherché. En réalité, les institutions ne suffisent pas à elles seules, car le développement intégral de l’homme est d’abord une vocation et suppose donc que tous prennent leurs responsabilités de manière libre et solidaire. Un tel développement demande, en outre, une vision transcendante de la personne; il a besoin de Dieu: sans Lui, le développement est nié ou confié aux seules mains de l’homme, qui s’expose à la présomption de se sauver par lui-même et finit par promouvoir un développement déshumanisé." (Caritas in Veritate)

Ceci n'est pas un discours religieux. C'est un discours pour tout homme, à condition que l'homme demeure (ou redevienne) rationnel. C'est bien la négation d'une dimension transcendante à l'homme qui est irrationnelle, et promue par la religion athéiste de notre temps. Et non l'inverse.

@Ceux qui voteraient Paul Ariès des deux mains, en se réclamant de la DSE : vous allez me haïr, je suis désolé, mais j'ajoute que la solution Ariès n'est pas forcément la solution idéale pour tous les anticapitalistes et antiproductivistes. Il y a d'excellentes idées, comme la relocalisation des échanges, qui correspond parfaitement à une économie subsidiaire. Ou encore le fameux "plus de liens, moins de biens". Ou l'option préférentielle pour les pauvres, etc...
Mais il y a des points qui gênent. Il propose notamment, je crois, dans l'optique de la réduction des inégalités, un revenu minimum garanti ainsi qu'un revenu maximum. Cette idée est tout ce qu'il y a de plus socialiste au sens le plus critiquable du terme, et en désaccord il me semble avec la DSE. Cela me fait penser à cette critique de Bernanos, par la voix de son curé de Torcy (Journal d'un curé de campagne) qui n'est pas tendre du tout avec ce qui s'apparente avec notre mode de vie actuel (capitaliste et productiviste) réduisant les pauvres en esclavage ; mais qui dénonce tout autant son pendant : ce socialisme, qui selon ses propres mots, lutte contre la pauvreté en voulant transformer les pauvres en rentiers ou en fonctionnaires.
La vraie justice sociale, articulant solidarité et subsidiarité, doit tenir il me semble que le revenu du travail est proportionnel à la valeur du travail rendu ou la valeur du capital produit par le travail. Je sais qu'on semble s'écarter ainsi de l'anti-productivisme. Mais je crois que l'anti-productivisme, n'est pas l'anti-production. Le travail est un bien pour l'homme, et la production aussi, dans la mesure où elle est au service du bien commun. Le capital n'est pas non plus une abomination en soi. La DSE reconnait le droit à la propriété privée dans la mesure où elle est subordonnée à la destination universelle des biens. Pour tout cela, il faut garder à l'esprit ce que dit Benoit XVI : "l’homme, la personne, dans son intégrité, est le premier capital à sauvegarder et à valoriser" (Caritas in Veritate).
Bien sur, cette conception de la justice sociale, celle du revenu proportionnel à la valeur du travail, telle que la présente saint Paul (Que celui qui ne veut pas travailler ne mange pas non plus) doit aller de pair avec une politique du plein emploi. Cela va de soit. Et elle ne doit pas faire l'économie de la solidarité. Simplement la solidarité doit respecter le principe de pleine adhésion de la personne, en liberté. Ca parait outrancier de le dire comme ça, mais en aucun cas on ne peut imposer à quelqu'un de percevoir un revenu qu'il n'a pas gagné.
Voilà, ce que je veux dire c'est que les notions de revenu minimum et revenu maximum sont hors de propos. Ou disons que c'est une solution de facilité, coercitive, à la réduction des inégalités. Elle témoigne de résidus très fâcheux d'un socialisme que nous devons combattre plutôt que louer. La mesure de réduction des inégalités respecterait clairement les enseignements de la DSE, fondés sur la liberté et la dignité humaine, si elle visait à établir des systèmes de revenus systématiquement proportionnelle à la valeur tangible du travail fourni. Ce qui abolirait donc de fait : la spéculation, la rente, l'usure, les marges financières, etc... Et cela abolirait aussi les écarts qui naissent des lois de l'offre et de la demande : une force de travail, qu'elle soit très demandée ou pas, conserve toujours la même valeur en terme de production.

Ceci dit, pour avancer là-dedans, il faut alors se pencher sérieusement sur la définition de la valeur, et de savoir si elle est à distinguer du cout, ou si elle se définit en fonction d'autre choses (en tout cas pas la loi de l'offre et de la demande). Le capital à sauvegarder et faire fructifier étant avant tout humain, la valeur du travail ne serait-elle pas à mesurer au regard de ce que le travail développe comme capital humain ? Remarquez que ça risque de devenir compliqué, à moins de s'entendre sur une idée commune du bien commun. Finalement, on en revient toujours au même problème : de savoir quelle vérité, sur l'homme en particulier, nous inspire.
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Écrit par : Joël Sprung / | 21/09/2010

LES COMMENTAIRES

> Je suis frappé par la qualité exceptionnelle de tous ces commentaires, constructifs, ouverts, interrogatifs, soucieux de cohérence, de vérité. Merci à vous tous de prendre le temps de vous lire les uns les autres, de répondre avec soin, c'est un vrai bonheur ce blog. En vérité, les commentaires ont autant de valeur que les articles qui les suscitent, et méritent pour beaucoup d'être lus et médités. Merci à P. de Pl. d'avoir ouvert une telle tribune.
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Écrit par : FX Huard / | 21/09/2010

LA NOTION DE TRAVAIL

> Il me semble qu'il y a un grand malentendu sur le terme de "travail"; malentendu que j'ai mis longtemps à lever.
Dans le petit texte du mouvement utopia cité par Blanche, "le travail érigé en valeur absolue" est à combattre ; il me semble qu'il faut préciser très clairement ce qu'on entend par là. S'il faut combattre le modèle de société du "travailler plus pour gagner plus", il ne faut surtout pas combattre l'idée du travail en elle-même ! Il est grand le risque de tomber dans l'hérésie inverse de celle que l'on combat à juste titre ; j'en connais des babas qui glandent dans la forêt en fumant leurs joints avec leur RMI et qui pillent les poubelles des supermarchés au nom du combat contre "le travail érigé en valeur absolue" ! Ils ne sont guère plus beau à voir que nos petits soldats de la croissance.
La notion du travail soutenue par la tradition chrétienne est au contraire infiniment noble, partie intégrante de la vocation de l'homme, certes pour subvenir à ses besoins, mais aussi participation à la création divine, même si, depuis la chute, ce travail est devenu labeur.
Donc quand je lis des choses comme "réduction du temps de travail", ça ne passe pas. C'est encore un réflexe qu'il faut combattre, une part de notre imaginaire à décoloniser, comme disait je ne sais plus qui ; ce réflexe d'opposer travail et loisir, production et consommation, le travail pour gagner des sous à claquer dans les loisirs ; je vais même plus loin (peut-être trop), arrêter de compter ses heures ! Mais cela n'est possible qu'à condition d'avoir un travail qui respecte la vision saine qu'en a l'Eglise, un travail qui soit vocation, service, réellement épanouissant (mot piégé !)
La découverte du véritable sens du travail, toutes les réflexions qui s'ensuivirent (et qui continuent), puis la volonté de les mettre en pratique m'ont mené bien loin. Je vis maintenant dans la campagne profonde, chez un paysan passionné qui fait des expériences d'alternatives agricoles (permaculture, agroforesterie, ...) ; eh bien plus jamais il ne me viendrait à l'esprit de compter les heures de travail, tout simplement parce qu'il n'y a plus de distinction entre travail et loisir ; je vis simplement, avec des compagnons, au sein de la création, je goûte avec bonheur à la cohérence en toutes choses, à l'unité de vie, bien loin de cette schizophrénie permanente. Un petit paysan ou artisan ne va pas au travail ; il vit, simplement, et fait ce qu'il a à faire, quand il doit le faire, dans l'ordre naturel. J'en fais l'expérience libératrice.
Evidemment, cela n'est pas possible pour tout le monde ; mais il me semble qu'une véritable politique de décroissance ne peut faire l'impasse sur ce sujet fondamental du travail, ni sur la question d'une petite économie paysanne et artisanale très localisée. Cela se fait déjà informellement dans certains petits coins reculés.
Pour revenir à mon premier commentaire d'hier, je crois que c'est cela qui me bloque dans ces discours politiques : ils s'adressent principalement à des citadins qui "vont au travail". ;o)
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Écrit par : PMalo / | 21/09/2010

A PMalo

> Merci pour votre expérience très enrichissante. Vous pointez le doigt sur le problème essentiel du travail actuel : l'industrialisation a fait disparaître presque tous les métiers humains (paysannerie, artisanat, ...) pour les remplacer par des emplois sans âme. Aujourd'hui, suivant son niveau d'études, on passe sa journée devant une machine-outil ou un ordinateur. Passionnant...
Pour mon information personnelle, j'aimerais savoir comment vous avez franchi le pas, si vous aviez déjà un apprentissage en rapport ou si vous vous êtes formé, etc.
Merci d'avance,
Fraternellement,
Gilles
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Écrit par : Gilles Texier / | 22/09/2010

MON CONTRE-EXEMPLE

> Je rejoins PMalo sur l'importance de la réflexion autour du travail. Je peux donner un contre-exemple de celui de PMalo : je fais un travail qui n'a rien d'une vocation. Je suis informaticien. C'est alimentaire, et c'est à peu prêt tout ce que je sais faire de mes dix doigts. C'est ce qui me procure un revenu et permet à ma famille de vivre dans un certain confort matériel. Et ce travail est aussi loin d'être pénible. Je n'y suis pour rien, mais c'est assez facile. Du coup il m'arrive souvent, quand arrive le soir (ou le week-end), de retrousser mes manches pour la "seconde journée de travail" avec les enfants (bas âge), la maison à s'occuper, les assos, etc... J'ai vocation à être père et, que mes enfants me pardonnent, mais je le ressens d'autant mieux comme un vrai travail, que mon activité professionnelle est généralement cool. Là où je veux en venir c'est que, pour prolonger ma réflexion de PMalo, si on fait abstraction des revenus, des contrats de travail, etc... la réflexion autour du concept même de travail, comme "participation à l'oeuvre de la création", surtout si on garde en tête ce que dit Benoit XVI sur le vrai capital à faire fructifier (humain), on peut être amené à considérer que le fait d'élever des enfants, par exemple, est une forme de travail, et pas seulement pour les nounous, les garderies ou les écoles. Finalement où peut-on placer la frontière du travail ? Ne se définit-il que comme une activité permettant de gagner de l'argent ? Ou se définit-il plutôt comme une activité permettant de produire ou faire fructifier le capital, en incluant dans ce capital, le plus important entre tous, le capital humain ? En somme, le "confort de vie" que nous gagnons à la sueur de notre front ne devrait-il pas être indexé sur la richesse humaine produite par l'activité humaine : élever des enfants (même et surtout quand c'est les siens), sauver des vies, protéger et assister les personnes vulnérables, produire de quoi nourrir (sainement), loger, vétir, soigner, enseigner, etc... avant d'aller finalement valoriser des professions comme la mienne qui sont d'un intérêt très lointain dans le service rendu à la communauté. Il y a quelques temps, je proposais sur un forum, à la suite de Benoit XVI invitant à repenser l'économie, de développer de nouveaux indicateurs économiques qui ne soient plus des indicateurs de production (PIB) ou même de développement au sens productiviste du terme (IDH) mais des indicateurs évaluant la richesse humaine produite, la valeur du don aussi. C'est sur des données telles que celle-ci que l'économie devrait être indexée, et non sur des indicateurs qui ne représentent rien que des intérêts strictement matérialistes et aliénant. Repenser l'économie n'est-ce pas commencer par en repenser les équations, les indicateurs et les outils de mesure ?
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Écrit par : Joël Sprung / | 22/09/2010

LE CAPITALISME CONTRE LE TRAVAIL

> Avant la révolution industrielle, le travail, réglé par les corporations et confréries, assemblées villageoises, etc., était vu comme une source de revenus pour vivre, bien sur, mais aussi comme un service à la communauté, la part de chacun à un tout. Du fait que les transports étaient peu efficaces, on était obligé d'avoir tous les métiers dans un environnement proche simplement pour pouvoir survivre. Et chacun faisait sa part car il avait besoin, en retour de la part des autres pour lui aussi survivre (bien sur, la nature humaine étant ce qu'elle est, il y avait des escrocs, des tire au flanc, etc. mais globalement, cela fonctionnait).
La machine à vapeur puis le train ont pulvérisé cela. On a pu faire plus, plus vite, plus loin, uniquement pour accroître les profits. On a dissocié le travail de la communauté dans laquelle et pour laquelle il s'exerçait. Du coup, le travailleur n'était plus impliqué dans la survie et l'avenir d'une communauté précise à laquelle il appartenait et dont il connaissait les membres, mais il devient le rouage d'une machine de plus en plus énorme, anonyme et inhumaine. il ne perçoit plus le but et valeur sociale de sont travail. C'est remplacé uniquement par de l'argent: le salaire. Le sens, la beauté et la fierté du travail au profit de la vie d'une communauté ont disparu au profit de la cupidité, de l'égoïsme et de l'aliénation.
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Écrit par : vf / | 22/09/2010

à P. Malo

> Les objecteurs de croissance récusent la centralité du travail au sens où les libéraux l'entendent : le travail productif, rémunéré-salarié, aliénant. Ils proposent précisément une redéfinition de l'activité humaine autour des notions de convivialité, de partage, d'artisanat, de fierté, de transmission. Comme vous-même le présentez.
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Écrit par : blanche / | 22/09/2010

@P.Malo et @Joêl Sprung

> Je me permets devous citer un livre-clef lu récemmnt : "Eloge du carburateur-essai sur le sens et la valeur du travail", de Matthew B. Crawford. Philosophe de formation, l'auteur a renoué avec un travail manuel : mécanicien moto. Il décortique l'histoire du travail industriel, du taylorisme, et revendique le travail manuel comme "confrontation au réél".
Beaucoup de choses bien riches.
A lire aussi Ellul évidemment !
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Écrit par : antoine le chartroussin / | 23/09/2010

à Antoine,

> 'est drôle, j'avais ouvert mon ordinateur pour donner la même référence : grande lecture de cet été ! je conseille vivement également...
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Écrit par : blanche / | 23/09/2010

LIBERALISME

> A propos de délire libéral et d'inversion des valeurs, lisez l'article de Valeurs Actuelles intitulé "Chroniques d'une faillite annoncée". On vous y parle du "processus de création-destruction" ds entreprises qui est la preuve du "génie du Libéralisme" ..... Il faut le lire pour le croire.
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Écrit par : zorglub / | 28/09/2010

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