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19/09/2010

Chaque chrétien "rend un service précis, demandé à chaque personne prise individuellement"

...dit Benoît XVI à Birmingham, à la béatification de John Henry Newman :


Devant cinquante mille personnes, le pape a présidé ce matin la cérémonie de béatification du cardinal Newman, théologien de très grande envergure et prophète de la nouvelle évangélisation. Le texte complet de son homélie sera donné sur le site du Vatican. Des journalistes britanniques retiennent particulièrement ces points :

1. L'hommage à l'Angleterre de septembre 1940, par un pape allemand soulignant le fait qu'il a vécu « les jours sombres du régime nazi » et de sa « terrible idéologie » : la « honte » et « l'horreur » devant les crimes et les destructions de cette guerre nous appellent, a dit le pape, à agir pour la paix aujourd'hui.

2. La modernité de la conception newmanienne de la vie spirituelle, reprise par le pape Ratzinger :

- la puissance transformatrice de la prière (« le Coeur parle au coeur »), dans « le monde visible en tous lieux et dans les situations d'urgence »,

- le Christ seul véritable maître du chrétien dans sa vie quotidienne : « chacun a à rendre un service précis, demandé à chaque personne prise individuellement » ; chacun, selon la formule de Newman, peut être un ange de Dieu en prêchant la vérité à la place qui lui est donnée,

- la mission de l'école catholique, qui doit échapper au « réductionnisme utlitaire » et faire progresser ensemble les tâches éducatives et l'enseignement religieux ;

- la mission des laïcs, qui doivent se garder de toute arrogance dans la société mais devenir intelligemment capables de « rendre compte de leur foi ». Ce point frappe spécialement les observateurs britanniques, dans une société tout aussi sécularisée que la société française, et travaillée par un anticatholicisme encore plus vif. Newman invitait les catholiques victoriens à ne pas s'enfermer dans une attitude revancharde, incapable d'évangéliser. Cette recommandation s'applique tout autant aux catholiques de 2010, non seulement au Royaume-Uni mais en France. La grande foule de Birmingham, comme celles de Londres et d'Edimbourg, a certainement reçu le message du pape. Et l'ampleur de ces foules est elle aussi un message, adressé aux « leaders d'opinion » qui, depuis des semaines, annonçaient sur les ondes que Benoît XVI allait trouver porte close outre-Manche.

 

 

Commentaires

Chers Frères et Sœurs dans le Christ,

" Ce jour qui nous rassemble ici à Birmingham est un jour particulièrement béni. D’abord, parce que c’est le Jour du Seigneur, dimanche, jour où notre Seigneur Jésus Christ est sorti vivant d’entre les morts et a changé pour toujours le cours de l’histoire humaine, offrant une vie et une espérance nouvelles à tous ceux qui vivent dans les ténèbres et l’ombre de la mort. C’est pourquoi les chrétiens dans le monde entier se réunissent ce jour-là pour rendre gloire à Dieu et le remercier de toutes les merveilles qu’il a accomplies pour nous. Ce dimanche-ci évoque en outre un moment significatif de la vie de la nation britannique, car c’est le jour choisi pour commémorer le soixante-dixième anniversaire de la Bataille d’Angleterre. Pour moi, qui ai vécu et subi les souffrances liées aux jours sombres du régime nazi en Allemagne, il est très émouvant de me trouver ici parmi vous en cette occasion et de faire mémoire de vos si nombreux concitoyens qui ont sacrifié leur vie, résistant courageusement contre les forces de cette terrible idéologie. Ma pensée rejoint d’une manière spéciale la ville voisine de Coventry qui fut frappée au cours du mois de novembre 1940 par des bombardements massifs et de lourdes pertes en vies humaines. Soixante-dix ans plus tard, nous nous souvenons avec des sentiments de honte et d’horreur de l’effrayant coût en vies humaines et en destructions que la guerre entraîne, et nous renouvelons notre résolution de travailler pour la paix et la réconciliation là où pèse la menace de conflits. Toutefois, un autre motif, plus joyeux, fait de ce jour un moment particulièrement porteur de promesses pour la Grande-Bretagne, pour les Midlands, pour Birmingham. Car c’est le jour qui voit le Cardinal John Henry Newman officiellement élevé aux honneurs des autels et proclamé Bienheureux.

Je remercie Mgr Bernard Longley pour ses paroles de bienvenue au début de cette Messe. Et j’exprime mon appréciation à tous ceux qui ont travaillé fermement au long de nombreuses années pour promouvoir la Cause du Cardinal Newman, en particulier les Pères de l’Oratoire de Birmingham que les membres de la Famille spirituelle Das Werk (l’Œuvre). Je salue toutes les personnes présentes ici, de Grande-Bretagne, d’Irlande et d’ailleurs ; je vous remercie d’être venus à cette célébration où nous rendons gloire et louange à Dieu pour la vertu héroïque d’un saint Anglais.

L’Angleterre a une longue tradition de saints martyrs, dont le témoignage courageux a soutenu et inspiré la communauté catholique durant des siècles ici. Mais il est également juste et bon de reconnaître aujourd’hui la sainteté d’un confesseur, un fils de cette nation qui, bien qu’il n’ait pas été appelé à répandre son sang pour le Seigneur, lui a cependant rendu un témoignage éloquent durant une longue vie consacrée au ministère sacerdotal, et spécialement en prêchant, en enseignant et en écrivant. Il mérite bien de prendre place dans une longue lignée de saints et d’érudits de ces Iles, saint Bède, sainte Hilda, saint Aelred, le bienheureux Dun Scott, pour n’en nommer que quelques-uns. Dans la personne du bienheureux John Henry, cette tradition d’élégante érudition, de profonde sagesse humaine et d’ardent amour du Seigneur a porté des fruits abondants, signe de la présence pleine d’amour de l’Esprit Saint dans les profondeurs du cœur du peuple de Dieu, faisant mûrir d’abondants dons de sainteté.

La devise du Cardinal Newman, Cor ad cor loquitur, ou « le cœur parle au cœur » nous donne une indication sur la manière dont il comprenait la vie chrétienne : un appel à la sainteté, expérimenté comme le désir profond du cœur humain d’entrer dans une intime communion avec le Cœur de Dieu. Il nous rappelle que la fidélité à la prière nous transforme progressivement à la ressemblance de Dieu. Comme il l’écrivait dans l’un de ses nombreux et beaux sermons, « pour la pratique qui consiste à se tourner vers Dieu et le monde invisible en toute saison, en tout lieu, en toute situation d’urgence, la prière, donc, a ce qu’on peut appeler un effet naturel, en ce qu’elle élève et spiritualise l’âme. L’homme n’est plus ce qu’il était auparavant : progressivement, il s’est imprégné de tout un nouvel ensemble d’idéees, il a assimilé de nouveaux principes » (Sermons paroissiaux, IV, p. 203, Le paradoxe chrétien, Cerf, 1986). L’Évangile d’aujourd’hui nous enseigne que personne ne peut servir deux maîtres (Lc 16,13), et l’enseignement du bienheureux John Henry sur la prière montre comment le fidèle chrétien est définitivement pris pour le service du seul véritable Maître, le seul qui puisse prétendre recevoir une dévotion sans conditions à son service (cf. Mt 23,10). Newman nous aide à comprendre ce que cela signifie dans notre vie quotidienne : il nous dit que notre divin Maître a donné à chacun de nous une tâche spécifique à accomplir, « un service précis » demandé de manière unique et à chaque personne individuellement : « J’ai une mission », écrivait-il, « Je suis un chaînon, un lien entre des personnes. Il ne m’a pas créé pour rien. Je ferai le bien, j’exécuterai la tâche qu’il m’a confié ; je serai un ange de paix, je prêcherai la vérité à la place où je suis… si j’observe ses commandements et le sers à la place qui est la mienne ) » (Meditations sur la doctrine chrétienne, Ad Solem, Genève 2000, pp. 28-29).

Le service particulier auquel le bienheureux John Henry a été appelé consistait à appliquer son intelligence fine et sa plume féconde sur les nombreuses et urgentes « questions du jour ». Ses intuitions sur le rapport entre foi et raison, sur la place vitale de la religion révélée dans la société civilisée, et sur la nécessité d’une approche de l’éducation qui soit ample en ses fondements et ouverte à de larges perspectives ne furent pas seulement d’une importance capitale pour l’Angleterre de l’époque victorienne, mais elles continuent à inspirer et à éclairer bien des personnes de par le monde. Je voudrais rendre un hommage particulier à sa conception de l’éducation, qui a eu une grande influence pour former l’éthos, force motrice qui soutient les écoles et les collèges catholiques d’aujourd’hui. Fermement opposé à toute approche réductrice ou utilitaire, il s’est efforcé de mettre en place un environnement éducationnel où l’exercice intellectuel, la discipline morale et l’engagement religieux pourraient progresser ensemble. Le projet de fonder une Université catholique en Irlande lui donna la possibilité de développer ses idées à ce sujet, et l’ensemble des discours qu’il a publiés sur « L’idée d’une Université » met en évidence un idéal dont tous ceux qui sont engagés dans la formation académique peuvent continuer à s’inspirer. En effet, quel meilleur objectif pourraient avoir des professeurs de religion que celui que le bienheureux John Henry a présenté dans son célèbre appel en faveur d’un laïcat intelligent et bien formé : « Je désire un laïcat qui ne soit pas arrogant, ni âpre dans son langage, ni prompt à la dispute, mais des personnes qui connaissent leur religion, qui pénètrent en ses profondeurs, qui savent précisément où ils sont, qui savent ce qu’ils ont et ce qu’ils n’ont pas, qui connaissent si bien leur foi qu’ils peuvent en rendre compte, qui connaissent assez leur histoire pour pouvoir la défendre » (The Present position of Catholics in England, IX, 390). En ce jour où l’auteur de ces lignes est élevé à l’honneur des autels, je prie pour que, par son intercession et son exemple, tous ceux qui sont engagés dans l’enseignement et la catéchèse se sentent poussés par la conception qu’il a si clairement exposée devant nous à entreprendre de nouveaux efforts.

S’il est bien compréhensible que l’héritage intellectuel de John Henry Newman ait été l’objet d’une large attention dans la vaste littérature qui illustre sa vie et son œuvre, je préfère, en ce jour, conclure par une brève réflexion sur sa vie de prêtre, de pasteur des âmes. La chaleur et l’humanité qui marquent son appréciation du ministère pastoral sont magnifiquement mises en évidence dans un autre de ses célèbres sermons : « Si des anges avaient été vos prêtres, mes frères, ils n’auraient pas pu souffrir avec vous, avoir de la sympathie pour vous, éprouver de la compassion pour vous, sentir de la tendresse envers vous et se montrer indulgents avec vous, comme nous ; ils n’auraient pas pu être vos modèles et vos guides, et n’auraient pas pu vous amener à sortir de vous-mêmes pour entrer dans une vie nouvelle, comme le peuvent ceux qui viennent du milieu de vous » (« Hommes, non pas Anges : les prêtres de l’Évangile », Discourses to Mixed Congregations, 3). Il a vécu à fond cette vision profondément humaine du ministère sacerdotal dans l’attention délicate avec laquelle il s’est dévoué au service du peuple de Birmingham au long des années qu’il a passées à l’Oratoire, fondé par lui, visitant les malades et les pauvres, réconfortant les affligés, s’occupant des prisonniers. Il n’est pas étonnant qu’à sa mort, des milliers de personnes s’alignaient dans les rues avoisinantes tandis que son corps était transporté vers sa sépulture à moins d’un kilomètre d’ici. Cent vingt ans plus tard, de grandes foules se sont rassemblées à nouveau pour se réjouir de la reconnaissance solennelle de l’Église pour l’exceptionnelle sainteté de ce père des âmes très aimé. Comment pourrions-nous mieux exprimer la joie de ce moment, sinon en nous tournant vers notre Père des cieux dans une vibrante action de grâce, et en priant avec les paroles mêmes que le bienheureux John Henry a mises sur les lèvres du chœur des anges dans le ciel :

Loué soit le Très Saint dans les hauteurs
Et loué soit-Il dans les profondeurs ;
Très admirable en toutes Ses paroles ;
Infaillible en toutes Ses voies !
(Le songe de Gerontius). "
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Écrit par : L'homélie du pape / | 19/09/2010

ISABELLE DE GAULMYN

> Aussi l'article d'Isabelle de Gaulmyn :

" Thomas More vs A.Minc

"Attention! Pas de méprise. Invoquant, vendredi, au Palais de Westminster, le souvenir de Thomas More, Benoît XVI n’avait évidemment aucune intention particulière de s’immiscer dans nos débat franco-français. Cependant, en reprenant, pour l’actualiser, la réflexion de ce célèbre homme politique qui paya de sa vie sa fidélité à sa conscience, le pape, dans ce grand discours, a reposé la question de «la juste place de la croyance religieuse à l’intérieur de la vie politique». Vaste sujet, dont on a pu voir cet été combien il pouvait faire polémique, alors que des évêques avaient pris la parole pour critiquer la politique du gouvernement à l’encontre des Roms. Certains comme Alain Minc, leur ayant même nié la légitimité de ces interventions, au nom de la sacro sainte séparation entre «ce qui est dû à César» et «ce qui est dû à Dieu».
Aucune démocratie, même celles de ce début de troisième millénaire, ne peut se passer de fondements éthiques: «si les principes moraux qui sont sous-jacents au processus démocratique ne sont eux-mêmes déterminés par rien de plus solide qu’un consensus social, alors la fragilité du processus ne devient que trop évidente – là est le véritable défi pour la démocratie» a dit le pape, convaincu que dans le domaine politique, la dimension éthique a des conséquences de longue portée «qu’aucun gouvernement ne peut se permettre d’ignorer».
Dès lors, où trouver le fondement éthique des choix politiques? Il y a des principes, et ils ne sont pas le monopole des croyants, car sur ce domaine, les non croyants peuvent aussi se retrouver. Le rôle des religions n’est donc pas de fournir des normes, cela appartient à la raison. Ce n’est pas non plus, – «encore moins», dit le pape, de proposer des solutions politiques concrètes: voilà qui serait hors de leur compétence. Non, la religion doit «aider à purifier la raison», donner «un éclairage» pour la mise en œuvre de celle-ci «dans la découverte de principes moraux objectifs». Ce que Benoît XVI appelle le rôle «correctif» de la religion. Sans ce correctif, «la raison aussi peut tomber dans des distorsions, comme lorsqu’elle est manipulée par l’idéologie, ou lorsqu’elle est utilisée de manière partiale si bien qu’elle n’arrive plus à prendre totalement en compte la dignité de la personne humaine». Les évêques, donc, «correcteurs» de nos politiques. Ni plus, mais ni moins non plus. "
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Écrit par : Luça / | 19/09/2010

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