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27/07/2010

"Twilight" décrypté (3) : l'imaginaire

Derrière cette romantique histoire d'amour entre une fille et un vampire, qu'y a-t-il ? Suite de l'analyse (menée par une religieuse enseignante) :


 


...Ce qui était impossible est devenu possible. Mais à quel prix ? Une histoire fantastique jouit-elle de l'immunité devant la critique pour la seule raison qu'elle est fantastique ? C'est bien souvent l'argument invoqué : c'est imaginaire, donc on se laisse emporter, on n'a pas à réfléchir. Mais existerait-il des domaines où un homme aurait le droit de ne pas réfléchir ? Lorsqu'il se divertit, l'homme met-il en veille la case « raison » ? Pesons bien la réponse à cette question. L'homme, animal raisonnable, peut-il vraiment se divertir en dehors de la raison, sans se divertir en non-homme ?

L'imaginaire, même dans sa fonction naturelle – donc bonne – d'évasion, fait partie de nous-même, il est nous-même. Je suis (du verbe « être ») mon imaginaire, tout autant que je suis mon corps, mon coeur, mes pensées. Comme tout ce qui est une composante de moi-même; mon imaginaire affecte, peu ou prou, les autres composantes de moi-même ; il n'y a pas de paroi étanche entre mon imagination et mon coeur, de même qu'il n'y en a pas entre les autres dimensions de moi-même, car je suis une personne une ; c'est mon âme qui opère cette unité entre toutes mes facultés, et tout ce que fait l'une de ces facultés retentit dans mon âme, c'est-à-dire en moi-même, et par là retentit dans toutes mes autres facultés. C'est pourquoi, si je dois veiller avec un soin jaloux sur tout ce qui affecte mon corps, c'est aussi vrai pour mon coeur et aussi pour mon imagination. Car celle-ci n'est pas une sorte de territoire neutre où l'on puisse vivre une autre vie sans incidence sur les autres territoires de la vie réelle ; il ne s'agit donc pas de supprimer l'évasion, qui est nécessaire pour retremper mes forces, mais de surveiller où et avec qui je m'évade.

Car, mes facultés communiquant entre elles même inconsciemment, si mon imaginaire est resté léger, joyeux, fantaisiste et limité dans le temps, il aura lors accompli sur mes autres facultés son rôle bienfaisant de bouffée d'air revigorante ; s'il a pris trop de place dans le temps, voire toute la place (quand on est tellement « pris » qu'on lit et relit une saga sans pouvoir s'en empêcher), il s'est hypertrophié au détriment de mes facultés, donc de moi-même. Et si l'histoire dans laquelle il s'est aventuré est viciée par quoi que ce soit, la paroi n'étant pas étanche, mon coeur et mon esprit aussi sont viciés, car derrière toute histoire particulière, il y a une idée générale ; c'est le b-a ba du principe de la littérature. Celle-ci nous conte des récits sur des personnages précis, mais ceux-ci nous renvoient immédiatement à nous-mêmes. En effet je suis (du verbe « être ») le personnage pendant le temps du récit ; son histoire est la mienne et elle me forme, m'influence ; c'est le processus d'identification, complété lorsque l'histoire est particulièrement prenante, par celui d' « introjection » par lequel je vais, après être entré dans la vie du personnage, le faire entrer dans ma vie. Et si ces processus sont possibles et universellement vérifiés, c'est que toute histoire particulière renvoie à un schéma universel. L'histoire d'amour de tel ou tel personnage renvoie à l'amour en général. Je me sens concerné par cette idée ou ce schéma universel, et voilà pourquoi j'entre dans cette histoire particulière qui n'est pourtant pas la mienne.

Ainsi l'imaginaire s'investit dans une histoire particulière, et, parce qu'il n'y a pas de parois étanches en moi-même, il dépose dans ma tête et mon coeur, dans ma structure psychologique de fond, l'idée générale, universelle, à laquelle renvoie cette histoire particulière. Une idée générale viciée, voire vicieuse, s'infiltrera donc dans l'esprit par le prétexte de l'imaginaire, surtout si l'histoire est gentillette.

Il faut donc vérifier ce qui entre dans l'imaginaire, autant que ce qui entre dans la tête et dans le coeur ; dire : « c'est de l'imagination, donc on n'a pas à réfléchir sur ce qu'il y a derrière », c'est abdiquer sa dignité d'homme, d'être doué de raison ; c'est accepter de s'en faire conter par quelqu'un (l'auteur du livre) qu'on ne connaît pas, dont on n'examine pas les dires, dont on reçoit bouche bée et sans aucune défense le contenu de l'imagination ; en somme, c'est accepter béatement de se faire avoir.

Posons donc les bonnes questions : qu'y a-t-il derrière cette romantique histoire d'amour entre une fille et un vampire ? Ne s'agit-il que d'amour ? Pourquoi des vampires ? Et surtout, pourquoi ces vampires-là, « bons », si peu conformes au « vampire traditionnel » ?

[à suivre]

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