02/07/2010
Contre l'emprise de la finance sur la Commission européenne
Déjà 130 eurodéputés
de (presque) tous les partis
ont signé l'appel de protestation :
L'eurodéputé Pascal Canfin l'explique dans Libération : à Bruxelles, « il n'existe pas de contre-pouvoir face au lobbying des banques et des institutions financières. Un lobbying très puissant, puisque très riche et donc sans limite. Ce qui fait qu'aujourd'hui le projet européen de régulation de la finance est un sujet en cogestion entre les banques et l'administration de la Commission. » Pourquoi ? A cause de : 1. la démission du politique, « qui a largement accompagné la déréglementation financière dans les années 90 et qui se retrouve aujourd'hui totalement dépassé par la technicité des sujets et des produits » ; 2. la démission des régulateurs (y compris à l'intérieur des banques) au profit des marchés.
D'où l'appel, déjà signé par plus de 130 eurodéputés : http://nicotoonsprojet.free.fr/signatories.htm
Les signataires constatent que la Commission s'est entourée de plus de mille « groupes d'experts » qui la « conseillent » dans l'élaboration de la législation. La composition et l'influence de ces groupes sont opaques. Dans le domaine financier seulement, 19 groupes d' « experts » siègent auprès de la direction générale du marché intérieur. Huit d'entre eux (produits dérivés, problèmes bancaires, manipulations du marché) sont des émanations directes de l'industrie financière, dont les représentants sont « presque deux fois plus nombreux » que les fonctionnaires européens chargés d'élaborer la législation dans le domaine... financier.
S'ajoute à cela (dit un eurofonctionnaire français à Libération) une véritable vassalité de la Commission envers Wall Street : « La Commission est très sensible au discours dominant des banques anglo-saxonnes. Comme si l'important était de ne pas se fâcher avec les Etats-Unis. » Ce qu'a vérifié l'eurodéputé UMP Jean-Paul Gauzès, rapporteur du projet de directive sur les hedge funds : « J'ai eu 162 réunions mais quasi uniquement avec des représentants de la communauté financière anglo-saxonne. » Du coup, il a signé l'appel des 130, où l'on trouve tous les partis. [1]
Commentaire de Paul Quinio dans Libération :
« Souvenons-nous. C'était il y a moins de deux ans. Les dirigeants de la planète, confrontés à la plus grave crise économique depuis les années 30, n'avaient pas de mots assez durs pour dénoncer la folie des marchés financiers. Certes ils volaient au secours des banques pour sauver l'économie. Mais elles n'avaient qu'à bien se tenir : l'heure de la régulation avait sonné. De Londres à New York, de Paris à Berlin, c'était le même refrain : rien ne sera plus comme avant. Capitalisme, finance, marchés rimeront désormais avec règles, morale et intérêt général. La puissance avait changé de camp. L'homme politique bombait le torse, le spéculateur tremblait.
Force est de constater que rien de tout cela ne s'est produit. Les marchés se sont retournés contre ceux qui les ont sauvés, les Etats. Et aujourd'hui, les lobbies financiers ou bancaires sont à l'oeuvre pour saper les -timides – projets de régulations mis sur la table pare les gouvernements. Pire. Il se dégage de notre enquête sur cette toute-puissance udes groupes de pression, comme un parfum de consanguinité avec le pouvoir politique...
D'autres voix expertes pourtant existent, dans les ONG, la société civile, dont certaines ont parfois dénoncé avant tout le monde les ravages du capitalisme financier. Veut-on les entendre ? »
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[1] Sauf les souverainistes, qui ont l'esprit ailleurs.
19:04 Publié dans Europe, La crise | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : la crise
Commentaires
JUSTE PAR CURIOSITE
> Juste par curiosité : la future législation sur la supervision financière européenne, d'où vient-elle ? D'un rapport commandé par la Commission à un groupe d' "experts" : Jacques de Larosière (conseiller du PDG de BNP-Paribas) ; Rainer Masera (ex-Lehman brothers) ; Otmar Issing (Goldman Sachs) ; Onno Ruding (Citigroup), et le dogmatique antirégulation Callum McCarthy, ex-président de la FSA britannique.
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Écrit par : Ned / | 02/07/2010
DRUNKY SAILOR
> Puisque le vent est à la rigolade :
" Dans la nuit du 29 au 30 juin 2009, dans la foulée d'un week-end de golf déjà très arrosé, le trader a réalisé cette spéculation massive de 500 millions de dollars (409,4 millions de dollars) depuis son salon à l'aide d'un ordinateur portable et de rasades d'alcool.
A l'ouverture des marchés, le baril de Brent, la référence du marché londonien, est passé brusquement de 71 dollars à 73,50 dollars. Experts et politiciens se sont alarmés de l'effet de cette soudaine envolée des prix sur des économies déjà fragilisées par le krach financier.
Fatales pintes qui transforment la raison frileuse en déraison impériale, éradiquant les limites de risque et anesthésiant la peur. Le calme est revenu dès le lendemain, quand l'employeur a revendu en catastrophe et à perte les positions accumulées par Steven Perkins.
Cette cession massive a eu pour effet de faire tomber le prix de l'or noir à 69 dollars. Le jeune opérateur indélicat a été licencié sur-le-champ. Mercredi 30 juin, la Financial Services Authority (FSA), l'autorité des marchés financiers britanniques, a condamné le courtier alcoolique à cinq ans d'interdiction d'exercer et à une lourde amende.
Cette affaire a relancé le débat sur le rôle de la spéculation dans la volatilité de la matière première la plus échangée. Les volumes du négoce pétrolier défient en effet l'imagination. Et les paris des traders sur les marchés à terme augmentent la volatilité naturelle des cours, créant un énorme climat d'incertitude pour les entreprises, les Etats producteurs, les automobilistes.
Attaquant en meute, les spéculateurs ont par ailleurs les mêmes réflexes, les mêmes attitudes. A l'heure de la mondialisation, les tentatives de réglementation du marché du "baril papier" se sont révélées jusqu'à présent illusoires.
Par ailleurs, le cas Steven Perkins illustre une nouvelle fois les effets de l'incroyable stress auquel sont soumis les experts du négoce énergétique. Ils s'usent les nerfs à manipuler des barils virtuels dans un environnement électrique peu propice aux décisions sereines. La pression hallucinante, la concurrence à couteaux tirés et les longues heures de travail conduisent de nombreux jeunes loups de la City à consommer à l'excès l'alcool comme la cocaïne. "
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Écrit par : inthemorning / | 02/07/2010
COMMENT ETRE PRESENTS DANS CE COMBAT
> Il est temps que nos Etats prennent des mesures courageuses au lieu de nommer des commissions du style de celle de Christine Boutin.
Mais comme votre conclusion l'indique : les solutions ne sont certainement pas du côté du monde politique sensé nous représenter, validé par nos systèmes démocratiques.
ONG, société civile : quel est le poids de ces mouvements ? Comment être présent dans ce combat ?
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Écrit par : garde / | 02/07/2010
DECENCE
> Je me répète : il fut un temps les traders avaient eu la décence de se défenestrer... allez monsieur une seule minute de sens commun suffit. (En toute charité chrétienne bien sûr !) :-))
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Écrit par : Gégé / | 02/07/2010
DE GAULLE ET GAUZÈS
> Interrogeons-nous franchement sur les principaux tenants de la barbarie (1) en 2010. Lire à ce sujet ce qu’en dit l’Encyclopédie de l’Agora http://agora.qc.ca/mot.nsf/Dossiers/Barbarie ; en particulier ceci : « un mal radical qui s’empare des hommes si la distribution des forces dans la société ne peut plus la réfréner. La barbarie extrême vient avec la civilisation extrême. Il y a plus à craindre d’un “État parvenu à un mode savant d’organisation” que d’un Wisigoth chevauchant son étalon hongrois ». Les barbares aujourd’hui sont, à mes yeux, ces financiers et leurs lobbies qui spéculent de façon odieuse sur les hommes et les peuples. Je pensais ces jours-ci au discernement exceptionnel du général de Gaulle en juin 40 face à la barbarie nazie, discernement dû très certainement à sa grande culture, à l’éducation reçue (son père, Henri de Gaulle, était dreyfusard), et aussi aux épreuves vécues et surmontées, à sa foi chrétienne. De Gaulle – à l’instar de Churchill – voyait combien il était impossible à un honnête homme de s’incliner devant les nazis. Et je m’interrogeais : y a-t-il aujourd’hui un gaulliste, ne serait-ce qu’un, pour s’opposer aux barbares de la finance internationale ? Eh bien oui, c’est donc Jean-Paul Gauzès, eurodéputé UMP. Très isolé certes à droite, mais il sauve l’honneur.
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Écrit par : Denis / | 02/07/2010
NON, CAR...
> D'autres voix expertes pourtant existent,..... Veut-on les entendre ? Non car les solutions proposées par différents Etats aux intérêts vitaux différents seraient différentes et n'iraient donc pas dans le sens d'une convergence européenne et atlantique. Elle susciteraient des débats qui pourraient même porter sur le bien fondé des ces convergences.
Transgression de tabou!
Alors on préfère se limiter au plus petit et au plus technique commun dénominateur: la finance.
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Écrit par : Pierre Huet / | 03/07/2010
AU DESSUS
> Les souverainistes, cher patrice, n'ont pas l'esprit ailleurs mais au-dessus, au niveau de la question clé de tout ce bazard: la souveraineté nationale bafouée et la manière de la rétablir pour asseoir un contrôle de type parlementaire et non pas bureaucratique sur les évènements. C'est bien différent de votre perception de leur silence.
Quant à Jean-Paul Gauzès, pour info, c'est l'ancien directeur juridique et du financement de l'action publique de Dexia-Crédit Locla de France. Un financier qui soutenait le keynésianisme par l'investissement public direct et surtout par l'investissement dit délégué, à l'époque où je l'ai fréquenté sur les bancs universitaires. Aujourd'hui, on parlerait de financement par partenariat public privé et on continuerait du point de vue des juridictions financières à souligner, surligner, mettre en majuscules "ATTENTION A L'ENDETTEMENT MASQUE" des collectivités publiques délégantes. Et ce brave homme reste un chantre du RPR-UMP, bref du système cher à la contre-propagande des partis dits souverainistes au niveau européen.
Le loup dans la bergerie ayant troqué son costard de banquier pour celui de gardien des libertés publiques et du système régulé, celui du traité de Lisbonne, celui dont sarkozy expliquait aux irlandais et aux français "puisque vous êtes trop demeurés pour comprendre qu'il fallait voter "oui", c'est pas grave, si je suis élu, je le repasserai au Congrès (vous m'aurez élu en considération de ce point dans mon programme) et quant à vous chers irlandais, il n'est jamais trop tard pour bien faire, refaites un référendum puisque vous n'avez pas la chance de connaître le Congrès représentant la souveraineté nationale sur les grandes questions constitutionnelles"...
C'est ce même traité qui prévoyait l'abandon de pans entiers de souveraineté des Etats membres sans avoir au préalable une représentation parlementaire et un organe exécutif dignes de ce nom, capables de jouter dans l'intérêt des peuples, alors permettez-moi s'il vous plaît de conclure en riant un instant et de ne pas railler ni m'offusquer plus longtemps de ce personnage symbolique cité en exemple.
CH
[ De PP à CH :
- Sans aucun doute.
- Mais ce qui me fait rire, pour ma part, ce sont les "'souverainistes libéraux", persuadés que leur dogme donnerait de bons résultats dans le cadre de l'Hexagone, alors qu'il en donne de mauvais dans le cadre de l'UE. Je ne peux comprendre le souverainisme que s'il s'accompagne d'une "rupture" sur le plan du modèle économique, façon Sapir.]
cette réponse s'adresse au commentaire
Écrit par : Christ Hope / | 05/07/2010
MODELE ANGLO-SAXON
> Disons que la nuance vient par exemple de l'approche intellectuelle du mode de financement de l'action publique. Au schéma dit concessif français (heures de gloire du 19ème siècle français et de la révolution industrielle) qui a permis le développement des réseaux français (chemins de fer, éclairage public au gaz par exemple, adduction d'eau, assainissement parisien...) est venu se substituer le PFI (private finance initiative) anglo saxon, libéral à tout va avec son idée de profit rapide plutôt que celle de rentabilité calculée (un "juste" profit calculé sur une période plus longue que d'accoutumée pour l'amortissement d'un projet purement privé). Une concession n'a de ce fait rien de commun avec un PFI-partenariat public privé, si ce n'est à la base normalement le contrôle public exercé sur son "délégataire" devenu un partenaire à part entière (vous pouvez consulter la jurisprudence en ligne des juridictions des comptes françaises sur ces questions et ces "extorsions" organisées ou causées par la négligence publique, notamment les contrats d'eau, de déchets ménagers), avec un mot à dire plutôt qu'un service à rendre. En effet, si la puissance technique, la réactivité, la capacité du financement du privé sont utilisées pour développer rapidement dans le cadre des obligations contractuelles de service public, d'occupation du domaine public (avec des variantes qui font de ces contrats une énormité, sinon un aberration juridique, pour les anglo-saxons), il est à relever que dans les deux cas on trouve une source de travail et de rémunération pour des entreprises, garanties par le contrat administratif français ou le "simple" contrat d'affaire abandonné aux rapports de force entre le public et ses besoins, et les promoteurs du profit sur le dos de l'usager. C'est du libéralisme glissant vers la spéculation, la même qui est source de profits privés et cause de spéculation monétaire contre tel ou tel Etat aujourd'hui, (après avoir connu le côté plus positif de l'intervention privée chez nous et dans les pays de droit napoléonien). D'ailleurs c'était plutôt l'objectif des traités fondateurs européens et de personnes comme Delors. Mais on sait bien comme vous le rappelez que la différence intellectuelle de ces politiques publiques a connu un tournant fort voici 20 ans, celui de la spéculation qui fait toute l'horreur capitaliste.
C'est bien plutôt donc un pur problème de doctrine juridique (et donc de conception du contrat de service public) qui est en jeu, mais aussi une question de lobbying comme le pape le souligne ou des gens comme vous, pas une question de rupture simplement économique dans le système de gestion. Revenons à nos concessions, affermages, régies intéressées, et surtout négocions les sérieusement plutôt que de baisser notre froc si on est élu. Là est toute la beauté je pense de l'engagement public d'une part, souverainiste d'autre part; reprendre la main au nom de l'intérêt général, et en s'appuyant sur le libéralisme "durable" originel dont nous voyons démoli chaque jour davantage le riche produit. Qui ne se plaint pas de Veolia déchet ou eau? Ou d'Areva? Ou... Ou... Jean-Paul Gauzès en est un brillant praticien devenu décideur public, et certains de ses anciens élèves sont aujourd'hui juristes de haut vol dans des groupes internationaux de service public, ou de grosses collectivités françaises.
Aujourd'hui, la France est la cour de Wall Street et des multinationales, dont certaines étaient des fleurons français. Triste perspective! Surtout quand je lis un post qui dénonce le système; alors que le système public n'est défaillant que parce qu'on le reconduit dans ses fonctions élection après élection, et (chapeau bas messieurs dames, main sur le coeur, sortez le crêpe noir) parce que la France a abdiqué ses neurones au profit des sondeurs et bookmakers . C'est ça que les souverainistes ne veulent plus, et c'est ça "voter hors système", même au niveau national. Français, ferez-vous mentir de Gaulle qui vous traita un jour de veaux?
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Écrit par : Christ Hope / | 05/07/2010
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