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02/07/2010

Le Vatican de plus en plus écologiste : message sur la protection de la biodiversité

Au nom de la responsabilité humaine envers la création, ferme mise en cause des activités économiques abusives et du tourisme commercial :


 

Message du Conseil pontifical pour la pastorale des migrants et des personnes en déplacement, pour la Journée mondiale du tourisme (27 septembre) qui aura pour thème : "Le tourisme et la biodiversité" :

 

1. La biodiversité, ou diversité biologique, se réfère à la grande richesse d'êtres qui vivent sur la terre, ainsi qu'à l'équilibre délicat d'interdépendance et d'interaction existant entre eux et avec le moyen physique qui les accueille et les conditionne. Cette biodiversité se traduit dans les différents écosystèmes, dont de bons exemples sont les bois, les zones humides, la savane, les forêts, le désert, les récifs de corail, les montagnes, les mers ou les zones polaires.Ceux-ci sont confrontés à trois graves dangers, qui exigent une solution urgente : les changements climatiques, la désertification et la perte de la biodiversité. Au cours de ces dernières années, cette dernière s'est développée à un rythme sans précédents. Des études récentes indiquent qu'au niveau mondial 22 % des mammifères, 31 % des amphibiens, 13,6 % des oiseaux et 27 % des récifs sont menacés ou en danger d'extinction

2. Il existe différents secteurs de l'activité humaine qui contribuent grandement à ces changements, dont l'un est, sans aucun doute, le tourisme, qui se situe parmi ceux qui ont connu l'une des croissances les plus importantes et les plus rapides. À cet égard, nous pouvons rappeler les chiffres fournis par l'Organisation mondiale du tourisme (OMT). Si les arrivées internationales de touristes ont été de 534 millions en 1995, et de 682 millions en l'an 2000, les prévisions indiquées dans son rapport Tourism 2020 Vision sont de 1.006 millions pour l'année 2010, et devraient atteindre 1.561 millions en l'an 2020, avec une croissance moyenne annuelle de 4,1%

3. Et à ces chiffres du tourisme international il faudrait ajouter ceux encore plus importants du tourisme intérieur. Tout cela nous montre la forte croissance de ce secteur économique, ce qui comporte certains effets importants pour la conservation et l'utilisation durable de la biodiversité, avec le danger qu'elle débouche en un impact environnemental grave, surtout en ce qui concerne la consommation démesurée de ressources limitées (comme l'eau potable et le territoire) et la grande diffusion de la pollution et de déchets, dépassant les quantités qui seraient admissibles pour une zone déterminée.

4. La situation est aggravée par le fait que la demande touristique se tourne de plus en plus vers les destinations de la nature, attirée par les innombrables beautés de celle-ci, ce qui suppose un impact important sur les populations visitées, sur leur économies, sur l'environnement et sur leur patrimoine culturel. Ce fait peut représenter un élément de préjudice ou, au contraire, contribuer de façon significative et positive à la conservation du patrimoine. Le tourisme vit donc un paradoxe. Si d'une part il existe et se développe grâce à l'attraction qu'exercent certaines localités naturelles et culturelles, d'autre part celles-ci peuvent arriver à être détériorées ou même détruites par ce même tourisme, finissant par être exclues comme destinations, parce qu'ayant perdu l'attrait qui les caractérisait à l'origine.

5. Pour tout cela, nous devons affirmer que le tourisme ne peut se soustraire à ses responsabilités dans la défense de la biodiversité, mais, bien au contraire, qu'il doit y assumer un rôle actif. Le développement de ce secteur économique doit être accompagné inévitablement des principes de durabilité et de respect envers la diversité biologique.

La communauté internationale s'est sérieusement préoccupée de tout cela, et ces thèmes ont été l'objet de multiples prises de position.

6. Et l'Église veut joindre sa voix, depuis l'espace qui lui est propre, en partant de la conviction qu'elle a elle-même "une responsabilité envers la création et doit la faire valoir dans la sphère publique aussi. Ce faisant, elle doit préserver non seulement la terre, l'eau et l'air comme dons de la création appartenant à tous, mais elle doit surtout protéger l'homme de sa propre destruction" Sans entrer dans la question de solutions techniques concrètes, qui seraient en dehors de ses compétences, l'Église se préoccupe d'attirer l'attention sur la relation entre le Créateur, l'être humain et la création

7. Le Magistère insiste à plusieurs reprises sur la responsabilité de l'être humain dans la préservation d'un environnement intègre et sain pour tous, dans la conviction que "la protection de l'environnement constitue un défi pour l'humanité tout entière: il s'agit du devoir, commun et universel, de respecter un bien collectif."

8. Tout comme le signale le pape Benoît XVI dans son encyclique Caritas in veritate, "dans la nature, le croyant reconnaît le merveilleux résultat de l'intervention créatrice de Dieu, dont l'homme peut user pour satisfaire ses besoins légitimes - matériels et immatériels - dans le respect des équilibres propres à la réalité créée"8, et dont l'utilisation représente pour nous "une responsabilité à l'égard des pauvres, des générations à venir et de l'humanité tout entière"

9. Pour cela, le tourisme doit être respectueux de l'environnement, cherchant à atteindre une harmonie parfaite avec la Création, pour que, tout en garantissant la durabilité des ressources dont il dépend, il ne donne pas lieu à des transformations écologiques irréversibles.

10. Le contact avec la nature est important ; c'est pourquoi le tourisme doit s'efforcer de respecter et de valoriser la beauté de la création, en n'oubliant pas que "beaucoup trouvent la tranquillité et la paix, se sentent renouvelés et fortifiés, lorsqu'ils sont en contact étroit avec la beauté et l'harmonie de la nature. Il existe donc une sorte de réciprocité : si nous prenons soin de la création, nous constatons que Dieu, par l'intermédiaire de la création, prend soin de nous."

11. Il y a un élément qui rend si possible encore plus exigeant cet effort. Dans sa recherche de Dieu, l'être humain découvre certains chemins pour s'approcher du Mystère, qui a la création comme point de départ11. La nature et la diversité biologique nous parlent du Dieu Créateur, qui se rend présent dans sa création, "car la grandeur et la beauté des créatures font, par analogie, contempler leur Auteur" (Sg 13, 5), "car c'est la source même de la beauté qui les a créés" (Sg 13, 3). C'est pour cela que, dans sa diversité, le monde "s'offre au regard de l'homme comme trace de Dieu, lieu où se révèle sa puissance créatrice, providentielle et rédemptrice". Pour cette raison, nous approchant de la création dans toute sa variété et sa richesse, le tourisme peut représenter une occasion pour promouvoir ou intensifier l'expérience religieuse.

12. Tout cela rend urgente et nécessaire la recherche d'un équilibre entre tourisme et diversité biologique, où tous deux se soutiennent mutuellement, afin que le développement économique et la protection de l'environnement n'apparaissent pas comme des éléments opposés et incompatibles, mais qu'on vise à concilier les exigences mutuelles

13. Les efforts pour protéger et promouvoir la diversité biologique dans sa relation avec le tourisme passent, en premier lieu, par le développement de stratégies participatives et partagées, qui engagent les différents secteurs concernés. La plupart des gouvernements, des institutions internationales, des associations professionnelles du secteur touristique et des organisations non gouvernementales défendent, avec une vision à longue échéance, la nécessité d'un tourisme durable comme seule forme possible pour que son développement soit en même temps économiquement rentable, protège les ressources naturelles et culturelles, et prête une aide réelle à la lutte contre la pauvreté. Les autorités publiques doivent offrir une législation claire, qui protège et renforce la biodiversité, en augmentant les bénéfices et en réduisant les coûts du tourisme, tout en veillant sur le respect des normes.

14. Certes, cela doit être accompagné par des investissements importants dans la planification et l'éducation. Les efforts gouvernementaux devront augmenter dans les lieux les plus vulnérables et où la dégradation a été plus intense. Peut-être que dans certains d'entre eux le tourisme devrait être limité ou même évité. Pour ce qui est du secteur de l'entreprise du tourisme, on lui demande de "concevoir, développer et mener ses activités en en réduisant au minimum les effets négatifs sur la protectionî des écosystèmes sensibles et de l'environnement en général, en contribuant au contraire activement à leur protection et en faisant directement bénéficier de ses activités les communautés locales et indigènes"

15. Pour ce faire, il faudrait réaliser des études préventives sur la durabilité de chaque produit touristique, en mettant en relief les contributions positives réelles mais aussi les risques potentiels, en partant de la conviction que le secteur ne peut pas viser l'objectif du bénéfice maximum quel qu'en soit le coût

16. Finalement, les touristes doivent être conscients que leur présence en un lieu déterminé n'est pas toujours positive. À cette fin, ils doivent être informés sur les bénéfices réels que la conservation de la biodiversité entraîne, et être éduqués aux modalités du tourisme durable. De même, les touristes devraient réclamer aux entreprises touristiques des propositions qui contribuent réellement au développement du lieu. En aucun cas il faudra porter préjudice au territoire et au patrimoine historique-culturel des destinations en faveur du touriste, en s'adaptant à ses goûts ou à ses désirs. Un effort important, qui doit être réalisé de façon particulière par la pastorale du tourisme, c'est l'éducation à la contemplation, qui aide les touristes à découvrir l'empreinte de Dieu dans la grande richesse de la biodiversité.

Ainsi, un tourisme qui se développe en harmonie avec la création fera résonner dans le cœur du touriste la louange du psalmiste : "Notre Seigneur, qu'il est puissant ton nom par toute la terre!" (Ps 8, 2).

 

Cité du Vatican, le 24 juin 2010

+ Antonio Maria Vegliò  >>

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00:00 Publié dans Ecologie | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : ecologie

Commentaires

DEVASTATRICE

> De fait, un certain tourisme de masse est une des "industries" les plus dévastatrices, il suffit de voir certaines côtes de France et d'ailleurs.
Un aspect humain important, c'est que le tourisme place, beaucoup plus que toute autre activité pourvoyeuse de devises,les populations dans une situation d'infériorité voire de servilité, vis à vis des touristes qui arrivent avec leur argent.
Un point positif: le maintien d'artisanats dont les visiteurs constituent souvent l'unique clientèle.
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Écrit par : Pierre Huet / | 02/07/2010

IMPORTANT

> Important en effet d'aborder ce sujet. Malgré l'impact colossal que le tourisme représente, que ce soir au niveau physique (pollution du aux transports, gêne occasionnée par les touristes) ou culturel (néocolonialisme, destruction des culture, exploitation sexuelle, etc..), peu de personnes s'attaquent à ce phénomène, sans doute parce que nous avons tous un pied dedans...

Un petit bémol toutefois : le document ne semble mentionner comme solution que "le tourisme durable"; oui pour préferer le train à l'avion, mais il faudrait aussi proposer tout simplement la limitation du tourisme. On n'est pas obligé de partir parce qu'on a une semaine de vacances...

Réenchanter la vie où nous sommes, c'est le vrai enjeu que le tourisme contribue a esquiver.
______

Écrit par : Gilles Texier / | 02/07/2010

FRENESIE

> Tout à fait d'accord avec Gilles Texier.
Le tourisme se confond souvent avec une sorte de danse de StGuy frénétique, un loisir, un divertissement idolâtré, voire un acquis social. Tous les étés sort une abondante littérature à ce sujet, et on n'est pas en reste cette année. Ce sujet n'est pas/plus tabou, l'Eglise doit aussi y faire entendre sa voix.
Sans aucunement dénigrer ce texte -que je signe des deux mains- j'attendais aussi une analyse plus radicale du pourquoi du tourisme, et pas que du comment ; le travers dans lequel risque de tomber cette analyse est donc un peu le travers du "développement durable" : on ne change que quelques modalités pour finalement ne pas remettre en cause radicalement notre mode de vie. Dommage.
Mais, je le répète, je ne peux que faire mien ce texte. Merci !
______

Écrit par : PMalo / | 02/07/2010

SURF ?

> Sur le fond, c'est formidable, mais je ne comprends pas pourquoi le Vatican a attendu la mode "gaïesque" de nos écolos des années 2000 pour communiquer autant sur le sujet. Ca donne l'impression de surfer sur la vague de l'actualité, ce qui n'est pas du genre de l'Eglise, et je dois dire que ca ne ma plait pas.
CC


[ De PP à CC :

- La responsabilité environnementale n'a rien à voir avec la "mode gaïesque" ; laquelle n'a rien à voir avec la théorie scientifique, dite "hypothèse Gaïa", du très sérieux (et... pro-nucléaire) savant britannique James Lovelock. Il faut se méfier des rumeurs : même répétées en boucle par certains sites, elles n'en deviennent pas exactes pour autant.

- L'Eglise catholique n'a pas attendu aujourd'hui pour appeler la planète chrétienne à la prise de conscience écologique. Le premier appel date de Paul VI (1971). Ensuite Jean-Paul II, dès son avènement et sans cesse, pendant tout son règne ! (Appel du 1er janvier 1990, par exemple). Et maintenant Benoît XVI, aussi vigoureux là-dessus que son prédécesseur...
Les cathos français ont fait pendant vingt ans la sourde oreille à ces appels du Magistère ; on se demande si c'est un problème d'audition ou d'entendement.

- Plus sérieusement : ces problèmes d'aujourd'hui sont trop réels et ont trop d'importance pour qu'on fasse la fine bouche en disant "ça ne me plaît pas".... ]

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Écrit par : CC / | 05/07/2010

LA MODE N'Y EST POUR RIEN

> PP a raison sur ce point : les cathos français ont fait la sourde oreille pendant vingt ans.
Ce qui leur permet de jouer la surprise aujourd'hui, en disant "qu'est-ce qui prend au pape" ? Mais il ne lui prend rien du tout : le pape continue ce que ses prédécesseurs avaient entrepris. La fondation de l'écologie politique en France date de 1971. Le premier appel de Paul VI aussi. Pas de temps perdu. La mode n'y est pour rien. C'est la réalité qui parle.
______

Écrit par : Amicie T. / | 05/07/2010

à PP :

> merci pour ces précisions. Je n'avais jamais entendu parler des précédents appels, c'est vrai que les médias catholiques français n'en parlaient pas.
Je pense qu'il serait bon de rappeler plus souvent l'ancienneté des prises de position du Vatican, sinon ca risque de dérouter d'autres personnes, comme je l'ai moi-même été.
CC


[ De PP à CC - Puis-je me permettre une suggestion ? Vous trouverez tout ça - et le reste du problème depuis les origines - dans mon enquête de 2008 : "L'écologie de la Bible à nos jours" (éd. L'Oeuvre). ]

cette réponse s'adresse au commentaire

Écrit par : CC / | 06/07/2010

à CC : TEXTES DES PAPES SUR L'ECOLOGIE

En allant à cette adresse :
http://v.i.v.free.fr/spip/spip.php?rubrique332
vous trouverez beaucoup de textes des papes sur l'écologie.
______

Écrit par : Blaise / | 06/07/2010

SITE

> Un autre site intéressant :
http://ecologiechretienne.free.fr/index.php

Écrit par : Blaise / | 06/07/2010

A tous :

> merci pour toutes ces références.
______

Écrit par : CC / | 06/07/2010

CHANTER

> On peut lire, mais on peut aussi chanter, même si le son n'est pas très bon.
http://ichtus.unblog.fr/2007/12/27/psaume-de-la-creation/
______

Écrit par : Christ Hope / | 06/07/2010

Les commentaires sont fermés.