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03/07/2010

Afghanistan : le général Desportes menacé par Paris

...pour avoir dit la vérité :


general_desportes.gif

À la suite de son entretien (Le Monde, 2 juillet) sur l'échec américain en Afghanistan, le général Vincent Desportes [photo], directeur du Collège interarmées de défense, a été convoqué par le chef d'état-major des armées, Edouard Guillaud. Lequel a demandé au ministre de la Défense de punir le général Desportes. Dans l'interview, le général jugeait que le limogeage du général McChrystal, commandant de l'OTAN en Afghanistan, « ouvre un débat » alors que « la situation sur le terrain n'a jamais été pire ». Question du journal au général : ce débat ne devrait-il pas impliquer la coalition internationale ? Réponse désabusée du général : « c'est une guerre américaine ».

Récapitulons :

- les Américains mènent en Afghanistan une guerre perdue d'avance pour plusieurs raisons, dont celle-ci : comme à l'époque du Vietnam (ou des guerres civiles sud-américaines), leurs buts sont  troubles et leur mentalité manifeste une incompréhension des populations ;

- les généraux américains méprisent aussi leurs alliés européens (surtout les Français) et ne se gênent pas pour le dire à la cantonade : cf le général McChrystal dans Rolling Stone, note de ce blog du 24/06 ;

- ce mépris US achève de détruire la légitimité de l'Otan, gendarmerie américaine : car le vassal ne doit rien au mauvais suzerain. Et faut-il avoir un suzerain ?

- Cette situation rend dérisoire le retour de la France dans l'Otan (« alliance » de tout le monde contre personne).

- Le général Desportes, autorité en matière stratégique, donne au Monde un entretien nuancé et précis dans lequel il confirme que les choses vont très mal en Afghanistan et que les Américains (tout en ne sachant pas où ils vont) ne veulent écouter personne ;

- le chef d'état-major des armées demande donc une sanction contre le général Desportes : et il la demande au plus politicien et au plus atlantiste des ministres de la défense de la Ve République, Hervé Morin.

Voilà où l'on en est.



12:40 Publié dans L'Afghanistan | Lien permanent | Commentaires (15) | Tags : afghanistan

Commentaires

RIDICULE

> Et pourquoi devrait-on être atlantiste? Quel intérêt en tirent MM. Sarkozy, Morin & Cie? Leur vassalité me semble passablement ridicule. Les Américains doivent se marrer dans leur coin !
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Écrit par : Blaise / | 03/07/2010

pour parodier Bernanos:

> "Pour beaucoup de niais vaniteux que la vie déçoit, l'OTAN reste une institution nécessaire, puisqu'elle met à leur dispositon,et comme à portée de la main, un grand nombre d'Etats faibles que le plus lâche peut effrayer. Car l'impuissance aime refléter son néant dans la souffrance d'autrui."
A défaut de dominer une situation mondiale dont la complexité leur échappe, les Etats-Unis se consolent en ridiculisant leurs Alliés et en les affaiblissant.
De fait en Afghanistan ils sont en train de gagner contre ce qui reste d'une "certaine idée de la France".
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Écrit par : Anne Josnin / | 03/07/2010

> Et on trouve des Français pour les y aider !
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Écrit par : churubusco / | 03/07/2010

TRISTE

> Et c'est bien triste d'en être réduit à ce degré de vassalité! Conclusion: l'urgence géopolitique N° 1 de la France, c'est de sortir d'une alliance qui n'a plus de raison d'être depuis le démantèlement du bloc soviétique, si ce n'est de réaliser à contre temps un vieux fantasme des pays de l'Est, appartenir à l'OTAN plutôt qu'au pacte de Varsovie mais pour nous sans cet intérêt sentimental.
Nous devons, en temps que Français, retisser notre vieille amitié avec la Russie, en temps que chrétiens, dialoguer avec la confession (et civilisation) orthodoxe, ce qui ne doit pas nous empêcher de garder une amitié équilibrée avec l'Amérique.
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Écrit par : Pierre Huet / | 03/07/2010

RUSSIE ET POLOGNE

> "Notre vieille amitié avec la Russie" n'a pas toujours été au beau fixe! En se restreignant au seul XIXe siècle, les écrivains français hostiles à son égard ne manquent pas : Vigny, Dumas, Custine, Michelet... De plus, dans le même siècle nous avons été plusieurs fois en guerre : l'armée d'Alexandre Ier campant dans Paris occupé, la prise de Sébastopol par la coalition franco-britannique.
Si amitié il y a, elle a été assez chaotique.
Nos liens avec la Pologne me paraissent plus essentiels.
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Écrit par : Blaise / | 04/07/2010

LA RUSSIE ET NOUS

> A Blaise, sur les relations avec la Russie :
- Amitié cahotique, oui, comme beaucoup d'amitiés.
- dissymétrique, de fait, car bien des intellectuels français ont regardé de haut la Russie, de quel droit, au fait?
- avec des guerres...dans lesquelles nous n'avons pas eu un beau rôle: envahisseurs avec Napoléon Ier, stupidement protecteurs de l'empire ottoman au profit de l'Angleterre mais au détriment des chrétiens du Moyen Orient sous Napoléon III. Ne nous plaignons pas que les Russes aient continué à aimer notre langue et notre culture dans ces conditions.
- pas nécessairement exclusive, et si elle ne doit pas nous empêcher de garder une amitié équilibrée avec l'Amérique, nous devons aussi maintenir nos liens avec la Pologne et d'autres pays qui ont eu des relations bien pire que les nôtres avec la Russie, ce sera même notre apport sans vassalité à la concorde en Europe.
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Écrit par : Pierre Huet / | 04/07/2010

AFGHANISTAN, U.S.A., FRANCE VASSALE

> Blaise, j’ajouterais à votre liste les écrivains russes de la même période qui témoignaient d'un violent sentiment anti-français, à commencer par Dostoïevski. Cela dit, je ne suis pas hostile à un rapprochement avec la Russie, notamment celle qui fait un geste envers les Polonais à propos de Katyn, mais sans oublier que nous n'avons pas que des points de convergence.
Quant à la vassalité française, il me semble qu’il faut distinguer entre la population et nos dirigeants politiques, ou certains intellectuels atlantistes, qui traitent leurs compatriotes de munichois alors même que nous refusons d’aller, comme eux, lécher les bottes américaines qui nous frappent – savoureux paradoxe.
Et je ne crois pas que ce soit l’antiaméricanisme primaire qui soit là à blâmer, mais le simple souci de l’indépendance nationale face aux délirantes perspectives hégémoniques du Project for a new American century.
Mon petit frère, qui est officier (et qui s’est battu en Afghanistan), me dit qu’il y a deux ans, sur dix officiers français, on en trouvait encore un d’acquis aux thèses de la War on terror, et un horriblement et cyniquement convaincu qu’il fallait faire cette guerre comme terrain d’exercice pour nos soldats. Huit faisaient leur devoir, mais sans cacher leur extrême hostilité au conflit (et, si j’en crois mon frère, un certain dégoût pour les cyniques susmentionnés).
Aujourd’hui, me dit-il, l’écoeurement est tel, face aux menées américaines notamment, qu’il ne se trouve plus un seul officier pour défendre l’engagement français.
Quand aux soldats français « fucking gay », ils obtiennent pourtant sur le terrain d’autres résultats que les Américains (chacun, il est vrai, à un niveau très différent d’engagement).
Et l’une des raisons tient précisément me semble-t-il au refus des Américains de chercher le contact avec l’ennemi lui-même (c’est la vieille doctrine américaine du « bullets, not bodies »), pour s’enfermer dans des forteresses et bombarder de loin et de haut : c’est comme ça qu’on tue des civils au lieu de tuer des ennemis, et c’est comme ça qu’on perd les guerres.
Il faut relire chez Jean-Christophe Notin la différence d’attitude entre Américains (bombardements intensifs) et Français (on y va a pied…) pendant la campagne d’Italie en 43-44, pour comprendre pourquoi ce sont les Français qui ont obtenu la rupture du front de Kesselring – comme quoi, ça ne date pas d’hier.
Quand j’ai fait mon service, il y a seize ans, je me suis porté volontaire pour la Yougoslavie – certes, ce n’était pas Denain ni la Marne, mais enfin on y essuyait des tirs. Un de mes amis, appelé aussi sous les drapeaux, ayant expliqué à la chambrée où il venait d’atterrir qu’il avait l’intention d’en faire autant, a eu la surprise de voir qu’il faisait école et tous ses camarades ont suivi son exemple : tous sont partis en Yougoslavie.
Au contraire, dès 2005, la presse américaine se faisait l’écho d’une grave crise de recrutement dans l’armée US, et les moyens employés pour appâter des candidats sont parfois désolants, comme cette loi promettant la naturalisation immédiate de sa famille à tout engagé d’origine étrangère (cela vise essentiellement les Mexicains) mourant au combat.
En somme, la guerre a ouvert grand aux USA les vannes de la rhétorique belliciste, mais a asséché les recrutements.
Dans ces conditions, la théorie néo-con des Américains qui viennent de Mars et des Européens qui viennent de Vénus en prend un coup…
Pour simplifier (beaucoup), je crois que les Européens ne sont pas émasculés, mais ont appris à la plus dure école les vertus du concert des nations.
Et les Américains ne sont pas plus virils, mais n’ayant jamais eu chez eux de Verdun, de mobilisation et de morts de masse (même pendant la Guerre de Sécession, qui a fait plus de morts américains que toutes leurs autres guerres réunies), ils croient encore qu’on peut faire de la guerre en dentelles. Du moins, en dentelles pour eux.
Ces jeunes Américains à qui l’idée ne viendrait pas de s’engager mais qui injurient les Français sur Internet me rappellent les « rossignols de l’arrière » de la Grande Guerre, Déroulède ou mon cher Kipling (et encore Kipling a-t-il eu des doutes à la mort de son fils, il y a ce bouleversant poème que je cite de mémoire : « nul ne nous rendra nos fils, mais nous devrons leur rendre des comptes… »). Bref, pas de quoi se vanter.

Désolé d’avoir été long…

Jean-Baptiste


[ De PP à JB - Au contraire, merci de cette analyse-témoignage ! Il y a un an presque jour pour jour, un officier anonyme nous traitait de porteurs de valises parce que nous critiquions la vassalité française. L'anonyme se trompait - ou, plus exactement, tentait de nous imposer des slogans faux dès l'origine. ]

cette réponse s'adresse au commentaire

Écrit par : Jean-Baptiste / | 05/07/2010

LISEZ "FRENCH HATERS"

> en effet, c'est ahurissant mais aux Etats-Unis cela existe : des blogs de haine anti-français : http://www.frenchhater.com/
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Écrit par : zorglub / | 05/07/2010

RUSSIE ET ALLEMAGNE

> Evidemment, je ne cherche pas à réduire les liens franco-russes à de simples rapports conflictuels. La France a été notamment le lieu privilégié de l'émigration russe, avant même le coup d'Etat des Soviets.
Mais je voulais éviter une trop grande idéalisation de notre amitié. La diplomatie russe s'est davantage tournée en direction de l'Allemagne, via de nombreuses alliances matrimoniales. Ce n'est pas un hasard si la Grande Catherine était une princesse allemande (francophile au demeurant). Et le Tsar n'hésitait pas à se présenter comme le "protecteur" de l'Allemagne, avant que cette dernière n'ait réalisé son unité.
Nos liens avec la Russie sont surtout culturels, ce qui est loin d'être négligeable. Mais la relation a été souvent dissymétrique : longtemps les Russes ont été demandeurs de culture, tandis que les Français voyaient en eux "les barbares du Nord". N'est-ce pas Talleyrand qui déclarait à Alexandre Ier (je cite de mémoire) : "Sire, Napoléon est le souverain barbare d'une nation civilisée, vous êtes le souverain civilisé d'une nation barbare."
Quant au soutien franco-russe apporté à un empire ottoman exsangue, il n'est pas si condamnable que cela. Simple considération géopolitique de bon sens visant à éviter un déséquilibre des forces dangereux pour la sécurité des autres Etats. De plus, depuis François Ier, la France était l'alliée des Ottomans (même si les turcs étaient plutôt germanophiles).
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Écrit par : Blaise / | 05/07/2010

ETATS-UNIS

> Le problème des Etats Unis ressemble un peu à celui de l'Empire romain tardif (comme on dit aujourd'hui pour ne pas dire "décadent").
L'empire romain était confronté à une immigration massive (les grandes invasions n'étaient pas autre chose) attirée par la pax romana et les richesses.
L'empire romain tardif avait une armée qui n'était plus "romaine", on faisait combattre les populations récemment installées dans l'empire (comme les Latinos ?)
Si les premières guerres visaient à assurer la sécurité de Rome (empêcher les incursions gauloises par exemple), peu à peu cela s'est perdu et la question s'est posée : jusqu'où va t-on ? en même temps on passait de la sécurité à la domination.
On a fini par se battre tellement loin, on avait acquis tellement de richesses, qu'une société de loisir, panem et circenses, s'est développée à Rome, et cette société réclamait des butins pour continuer à vivre ainsi.
Rome, en déficit budgétaire permanent, vivait totalement à crédit et cherchait à acquérir des richesses par la guerre.
Comme tous les rapprochement cela a ses limites bien sûr . Mais cela rappelle qqchose...

@ Blaise :
vs voulez dire soutien franco-anglais à l'empire ottoman (guerre de Crimée) ?
Les Tucs ont fait appel à l'Allemagne pr moderniser leur armée qd celle-ci, unifiée, a battu la France. Le fait pr L'Allemagne d'avoir battu la France, alors la 1ere pruissance militaire mondiale, l'a propulsée sur le devant de la scène militaire. Les Japonais qui avaient des instructeurs français se sont mis à faire appel aux Allemands ; idem en Amérique du sud, en Turquie ( qui ne voulait pas que la France ait trop d'influence chez elle).
D'ailleurs le général américain Sherman (incendiaire d'Atlanta) a envoyé un télégramme de félicitations à Bismarck en 1870
Pr ce qui est de la Russie, nos intérêts ne s'affrontent pas ; ce pays a des frontières stratégiques avec des zones sensibles : Caucase, Asie centrale, Chine. Les Russes ? il faut les avoir avec nous, sinon, ils se renfermeront ; et je rappelle que la Russie est le seul pays qui puisse théoriquement vivre en autarcie (ils ont TOUT).
Les USA sont protégés par 2 océans, ont une frontière avec le pacifique Canada et le Mexique mal développé; ils vivent ds un sentiment de (fausse) sécurité au plan géopolitique et économique ( ils vivent à crédit) Leur orgueil a été touché en septembre 2001 qd ils ont découverts qu'ils n'étaient pas intouchables.
Leur politique est dictée par un orgueil blessé; rien d'autre.
Ils partiront d'Afghanistan et d'Irak qd vraiment cela coûtera plus cher que ce qu'ils projettent de gagner. Loin de leurs bases, le déploiement coûte cher ; loin de chez eux, il est à justifier dans l'opinion... bref, ils ne sont pas bien placés.
Les talibans ont intérêt a faire durer les choses. Or l'américain est très influencé par la société libérale : il est habitué à avoir tout et tout de suite.
En Irak, c'est pr insi dire Obama qui a dit aux Islamistes ce qu'il leur restait à faire : Obama ayant dit que les USA partiraient dès que tout irait mieux, les Islamistes savent désormais qu'ils doivent attendre, rester silencieux pr faire croire q'ils ont été battus et donner une bonne raison rassurante envers l'électorat et l'orgueil US de partir. Dès leur départ, les isamistes pourront surgir.
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Écrit par : zorglub / | 05/07/2010

PAR MALHEUR

> Jean-Baptiste, Dostoïevski est un exemple éclairant : très hostile à la France mais plus généralement aux pays d’Europe occidentale, il n’en était pas moins un lecteur vorace de notre littérature. Le paradoxe se répète aujourd’hui : le rejet, l’hostilité à l’égard du « monde occidental » est très fort dans de nombreux coins du monde, alors même que le modèle libéral consumériste, avec tous ses produits douteux, exerce une fascination malsaine. Voilà l’éternel problème de l’impérialisme culturel, et pour le cas qui nous occupe, de l’ « américanisation » du monde (mais l’authentique culture américaine est-elle réductible au nihilisme consumériste ?)
En fin de compte, le sujet de ces débats tourne autour de l’impérialisme.
Aujourd’hui les Etats-Unis, hier le Saint Empire Romain Germanique, l’Empire Ottoman et la France.
Curieux, tout de même : François Ier n’était pas très enthousiaste à l’idée de se faire dévorer tout cru par Charles Quint, qu’il soit ou pas un souverain chrétien. Comment expliquer la ferveur démentielle dont fait preuve notre chef d’Etat envers les Etats-Unis ? L’amour d’un esclave pour son maître !
Grandeur et servitude de l'armée française, pourrait-on dire, asservie aux lubies américaines en même temps qu'à la bassesse d'une élite cosmopolite. L'adjectif est un peu fort, mais c'est la seule explication rationnelle que je trouve pour expliquer l'atlantisme attardé du gouvernement et de toute une partie de l'intelligentsia. Un cosmopolitisme tout droit sorti de l'idéologie libérale. Par malheur, les américains n'ont pas oublié qui ils sont et ce qu'ils veulent.
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Écrit par : Blaise / | 05/07/2010

@ zorglub

> il faudrait peut-être se méfier de ce site, hébergé par une adresse ip en Chine...
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Écrit par : antoine / | 05/07/2010

IMMENSE MAJORITE DES MILITAIRES FRANCAIS

> En relisant mon commentaire, je me rends compte que dans ma précipitation, j'ai oublié un élément : si j'ai raconté que je m'étais porté volontaire pour la Yougoslavie, ce n'est certes pas pour me vanter, mais parce que j'avais en tête la réponse que l'adjudant m'avait alors faite : "on en prend bonne note, mais on ne vous promet rien, car il y a beaucoup plus de volontaires parmi les appelés que de places offertes". Beaucoup plus de volontaires ! Sans cette petite précision que j'ai omise, ma "démonstration" ne démontrait plus rien !!
Merci de votre réponse, Patrice. Ayant pas mal de contacts avec l'armée, par ma famille notamment mais pas seulement, je maintiens fermement ce que j'ai dit: les militaires français, dans leur immense majorité, sont hostiles aux thèse interventionnistes des néo-cons, hostiles à la guerre en Afghanistan, hostiles à la manière américaine d'y faire la guerre.
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Écrit par : Jean-Baptiste / | 05/07/2010

FRANCE ET RUSSIE

> Blaise, je me permet de compléter votre analyse. Nos relations avec le monde slave, et en particulier le monde slave orthodoxe, sont complexes, suivies et passionnées. La Russie de Pierre le Grand voyait en la France un modèle, puis la Révolution et Napoléon ont terrifié l'aristocratie jusqu'ici francophile de St- Pétersbourg, qui s'est copieusement vengée pendant l'occupation de la France vaincue.
Nous avons donc été anti-russes pendant grosso modo tout le XIXe siècle, tandis que les écrivains slavistes exaltaient la Russie orthodoxe gardienne de la vraie foi contre les Français antéchrists profanant les saintes icônes (Ivan Kiérevski), et qui avaient remplacé les Teutoniques dans le rôle d'ennemis mortels.
Vers 1900, le désir de Revanche contre l'Allemagne et la Triple Entente aidant, nous sommes devenus russophiles jusqu'à commettre la folie du Grand Emprunt. En face, la Russie nous voyait à nouveau comme un modèle. Le maître (Paris) et l'élève (St- Péters) se lancèrent tous deux au secours d'un pays qui les rassemblait: la Serbie orthodoxe, éperdument francophile et russophile.
Des décennies de communisme ne peuvent effacer le passé russe et ses souvenirs. A la Chute du Mur, la Russie voyait toujours la France comme un modèle et un allié, mais le maître lui-même avait changé: il n'était plus sûr de sa leçon.
Désorientée, vendue aux rapaces du FMI et de la Banque mondiale, la Russie post-soviétique, reprise en main par Poutine (une reprise en main qui passe hélas par la tentative politique, contre laquelle le patriarche Cyrille se débat, qui consiste à transformer l'orthodoxie en idéologie nationale-identitaire de substitution) n'est aujourd'hui plus un élève. Elle se tourne vers l'Allemagne, la Pologne, l'Asie centrale, la Chine, et ne semble plus attendre grand-chose d'une France vassale des USA qui a bombardé la Serbie en 1999, appuyé la création du Kosovo, porté à bout de bras la Géorgie en 2008 et enfin réintégré l'OTAN.
Seules demeurent les cendres d'un amour culturel, historique et géopolitique décidément bien compliqué, mais qu'il est dans l'intérêt de la France, de la Russie, de l'Europe et même des chrétiens d'Orient et d'Occident, de ranimer en feu.
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Écrit par : Jovanovic / | 05/07/2010

LE RAPPROCHEMENT

> Bien sûr, Zorglub, une fois la France défaite en 1870 elle s’est retrouvée dans un isolement total. Il a fallu nouer de nouvelles alliances, qui n’étaient plus les mêmes que celles d’autrefois. Comme le souligne Jovanovic, l’alliance franco-russe rompait avec l’hostilité continue de nos deux pays au XIXe siècle.
Donc, pour résumer, nos liens avec la Russie sont avant tout culturels. Rapports complexes, entremêlés de rejet et de fascination. Mais de ce point de vue, ils ne sont pas négligeables – surtout au XXe siècle. Les arts plastiques ont beaucoup bénéficié de ces interactions ; la théologie également.
Le rapprochement de la France et de la Russie est évidemment souhaitable ; je me contentais de souligner que, dans le passé nous n’avions pas eu de lien politique très affirmé (excepté la parenthèse 1892-1917). Toutefois, si rapprochement il doit y avoir, ne serait-ce pas plutôt au niveau de l’Union Européenne que cela devrait se faire ?
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Écrit par : Blaise / | 06/07/2010

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