25/02/2010
Pour en finir avec la fable du "vieux concile qui doutait que les femmes aient une âme"
L'ânerie habituelle ayant réapparu (cette fois dans un journal de droite), je publie ici la mise au point de Michel de Guibert :
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<< Aucun concile, et surtout pas le concile oecuménique de Nicée [*], n'a jamais discuté de la question de l'existence de l'âme des femmes !
Cette légende, qui a la vie dure, vient du concile de Mâcon en 585 (concile local et non oecuménique). Un évêque peu cultivé et comprenant mal le bas-latin avait demandé si le mot "homo" dans la Bible signifiait l'homme (masculin) ou l'être humain. Manifestement cet évêque confondait "homo" et "vir", "άνθρωπος" (anthrôpos) et "άνήρ" (anêr), "ανδρος" (andros) au génitif.
Les évêques lui rétorquèrent qu'il s'agissait évidemment de l'être humain, sans distinction de sexe, et l'affaire fut close.
A aucun moment, il n'a été question de savoir si la femme avait une âme. Comment aurait-il pu en être autrement dans une Eglise qui honorait Marie plus que tout autre, qui a mis sur les autels nombre de femmes, qui baptisait évidement les femmes comme les hommes !
Mais la cuistrerie a la vie dure... >>
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[*] L'article en question attribuait en effet au concile de Nicée ce débat fantasmagorique.
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00:16 Publié dans Histoire | Lien permanent | Commentaires (18) | Tags : christianisme
Commentaires
MOTS DE PASSE
> C'est vrai qu'à la longue cette imbécillité devient lassante. Pourquoi les commentateurs de la passionnante vie politicienne éprouvent-ils le besoin de parler parfois religion, sujet auquel ils ne comprennent rien ? Certaines âneries sur ce sujet servent de mot de passe. Les proférer montre qu'on "a la carte". La stupidité sur le concile et "l'âme de la femme" en fait partie.
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Écrit par : maksoud / | 24/02/2010
TARD
> L'affaire de l'âme des femmes ne remonte d'ailleurs qu'au XVIe s. Mais pour que la légende achève de se constituer, il aura fallu attendre le XVIIIe s. C'est bien tard!
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Écrit par : Blaise / | 24/02/2010
FADAISE
> Je suis tombé de haut en voyant que l'hebdomadaire en question avait laissé un de ses éditorialistes colporter cette fadaise. Un de ses collègues l'a d'ailleurs corrigé avec ironie (et exaspération) dans le numéro de la semaine suivante.
Je propose un autre débat théologique : est-ce que ceux qui colportent cette bêtise savent lire ? Sans doute pas, sinon ils auraient trouvé dans Luc, 1, 46 : "Et Marie dit : "Magnificat anima mea Dominum" ("Mon ÂME exalte le Seigneur").
Prions Notre Dame et Notre Mère de nous aider à supporter ces brillants esprits...
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Écrit par : Jean / | 24/02/2010
à Blaise
> "pour que la légende achève de se constituer, il aura fallu attendre le XVIIIe s."
En somme, on a commencé à accuser l'Eglise de nier l'âme des femmes... juste au moment où on entreprenait de nier l'âme tout court. Belle incohérence.
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Écrit par : boson / | 24/02/2010
A propos du synode régional de Mâcon.
> Grégoire de Tours (538-594) rapporte dans son Histoire des Francs (575-592) : « Pendant ce synode, un des évêques se leva pour dire qu'une femme ne pouvait être dénommée « homo » ; mais toutefois il se calma, les évêques lui ayant expliqué que le livre sacré de l'Ancien Testament enseigne qu'au commencement, lorsque Dieu créa l'homme, il le créa un mâle et une femelle, et il leur donna le nom d'Adam, ce qui signifie « homme fait de la terre » désignant ainsi la femme aussi bien que le mâle : il qualifia donc l'un et l'autre du nom d'homme. D'ailleurs, le Seigneur Jésus Christ est appelé fils de l'homme parce qu'il est le fils d'une vierge, c'est-à-dire d'une femme. Cette question ayant été réglée par beaucoup d'autres témoignages encore, fut laissée de côté ».
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Écrit par : Michel de Guibert / | 24/02/2010
Alain Decaux écrit dans son "Histoire des Françaises" :
> "D’où vient cette légende si solidement implantée ? N’aurait-elle aucune base ? Si. Le coupable est Grégoire de Tours. Il rapporte qu’à ce synode de Mâcon, un évêque déclara que la femme ne pouvait continuer à être appelée « homme ». Il proposa que l’on forgeât un terme qui désignerait la femme, la femme seule. Voilà le problème ramené à son exacte valeur : ce n’était point un problème de théologie, mais une question de grammaire. Cela gênait cet évêque que l’on dît les hommes pour désigner aussi bien les femmes que les hommes. L’évêque trouva à qui parler. On lui opposa la Genèse : «Dieu créa l’homme mâle et femelle, appelant du même nom, homo, la femme et l’homme.» On lui rappela qu’en latin, « homo » signifie : créature humaine."
Bossuet avait résolu la question avec élégance en disant : "Quand je parle des hommes, j'embrasse les femmes" !
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Écrit par : Michel de Guibert / | 24/02/2010
VOLTAIRE MISOGYNE
> Pour ceux qui aiment les études historiques, voici un sujet qui permettrait de dégonfler bien des mythes : "l'image de la femme chez les penseurs des Lumières". La correspondance de Voltaire est à cet égard à faire dresser les cheveux sur la tête mais, n'est-ce pas, notre cher Voltaire, misogyne, raciste, esclavagiste, cathophobe, islamophobe, protestantophobe, délateur, est intouchable. Un autre thème tout aussi éclairant serait "l'image de la femme chez les anticléricaux sous la III° République".
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Écrit par : xb / | 24/02/2010
LEGENDE
> Je ne connaissais pas cette légende, qui est digne de celle de la papesse Jeanne. Du coup j'ai lu avec plaisir l'article Wikipédia correspondant : "Légende du Concile de Mâcon". Ce qui est extraordinaire, c'est le caractère insubmersible de ces légendes...
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Écrit par : Flam / | 24/02/2010
TYPIQUE
> Cette fable est typique de la pseudo-culture version 2010. Une pseudo-culture a toujours existé (gens ne sachant pas grand'chose mais exhibant un faux savoir en société), mais en ce moment c'est plus frappant à cause du tapage médiatique, qui amplifie la bêtise. "Métier hystérique", le commentaire politique hebdomadaire ou quotidien rend nécessairement bête et hâbleur, car comment ne pas le devenir quand on fait un job aussi idiot que de faire semblant de s'intéresser à "Carla dame de coeur" ou "DSK est-il toujours de gauche" ?
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Écrit par : Avvvk / | 25/02/2010
A xb,
> Interessante remarque concernant l'image de la femme chez les anticléricaux de la IIIeme République. Un élément de réponse : ces radicaux de la IIIeme refusaient tout net le droit de vote accordé aux femmes. En effet, les femmes (et souvent leurs propres épouses) étaient souvent très croyantes et ils craignaient qu'elles ne votent pour "les curés".
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Écrit par : Damien Etienne Thiriet / | 25/02/2010
@ xb
> Vous oubliez le Voltaire antisémite (voir la remarquable histoire de l'antisémitisme de Léon Poliakov) !
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Écrit par : Michel de Guibert / | 25/02/2010
EMBRASSADE
@ Michel de Guibert,
"Quand je parle des hommes, j'embrasse les femmes".
Excellent ! J'adore ces expressions ramassées qui jouent avec chair sur la polysémie des mots. On n'est pas dans de l'écriture mélodique (quoique) mais dans de l'écriture harmonique.
Ca tombe bien, il y a tellement d'harmonie(s) dans l'embrassade !
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Écrit par : omicron / | 25/02/2010
@ Michel de Guibert
> Oui, impardonnable oubli!
La liste des haines de Voltaire est sans limites mais au fond c'est toujours la haine de l'être humain!
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Écrit par : xb / | 25/02/2010
@ Michel de Guibert et xb
Justement, l'historien Xavier Martin a écrit un ouvrage décapant sur le thème du mépris et de la haine chez Voltaire :
"Voltaire Méconnu. Aspects cachés de l'humanisme des Lumières (1750-1800)", Dominique Martin Morin, 2006
On y apprend pour la petite histoire que cet apôtre de la tolérance n'a pas dédaigné l'usage des lettres de cachet.
Mais peut-être connaissiez-vous déjà ce livre?
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Écrit par : Blaise / | 26/02/2010
PROBLEMES
> Ce problème en particulier est la conséquence d'un problème beaucoup plus général. Les catholiques n'auront de cesse de se défendre de ce genre de broutilles parce qu'ils assument aujourd'hui l'entière chrétienté et le bien fondé de l'Eglise catholique romaine à travers les âges. Savoir si oui ou non l'Eglise a discuté de l'âme des femmes me paraît un divertissement inutile. Par contre, j'aimerais bien savoir comment les catholiques se défendent et assument la chrétienté des tribunaux d'inquisition, des croisades, des indulgences, de certains papes mêmes...
Le passé de l'Eglise catholique me semble un lourd boulet. Pour un évangélique comme moi, les paradoxes de l'Eglise me paraissent incompréhensibles et je voudrai qu'on m'explique pourquoi l'Eglise est très radicale sur certain sujet et laisse traîner un flou énorme sur d'autres.
Pourquoi ne pas se séparer de tout ce passé en signifiant juste que ces Hommes là ce sont égarés, qu'ils avaient beau appartenir à l'Eglise catholique romaine, ils n'en étaient pas pour autant des véritables chrétiens.
Par ailleurs, seriez-vous capables de m'éclairer sur ce que pense réellement l'Eglise sur l'accès au salut. Comment être sauvé? Dans le milieu catholique, j'ai entendu tout et son contraire : "les oeuvres sauvent", "pas de salut en dehors de l'Eglise", "l'appartenance à l'Eglise suffit", "Dieu sauvera tout le monde", "le baptême de l'Eglise octroie le salut", "nous ferons tous un tour au purgatoire avant d'aller au Paradis", "Jésus est le seul chemin", "les sacrements sont nécessaires"...
Je voudrais hônnetement et sincèrement connaître les positions de l'Eglise Catholique sur ce sujet. Pardon de le demander aussi directement mais c'est important pour moi, pour me positionner par rapport à l'oecuménisme. Mr de Plunkett, vous avez l'air d'avoir du recul et j'aimerai bcp que vous merépondiez. (je comprendrai que ce message ne figure pas dans la liste des commentaire, vous avez mon adresse mail).
Psalmiste
[ De PP à P. :
- Permettez-moi de vous faire remarquer que l'affaire du concile et de l'âme des femmes ne concerne pas "les catholiques", mais tous les chrétiens, puisqu'elle est censée se dérouler longtemps avant la Réforme.
- Si vous souhaitez vraiment toutes ces réponses, je vous suggère d'acheter le 'Catéchisme de l'Eglise catholique' en collection de poche. Vous y trouverez toutes les réponses à vos questions, avec les références bibliques et patristiques. Vous y verrez notamment que l'hypothèse que "les oeuvres sauvent" est une hérésie aux yeux de l'Eglise catholique (qui n'a jamais pensé cela à aucun moment : ce serait le contraire de saint Paul) ; la rédemption vient du seul Christ, sans lequel rien n'est possible à l'homme !
Quant au purgatoire, aux sacrements, etc, l'exposé en est clair, précis et complet dans cet ouvrage de référence.
Au sujet des fautes commises dans l'Eglise catholique au fil des siècles, le jubilé chrétien de l'an 2000 a été l'occasion d'une repentance solennelle de la part de l'Eglise en la personne de son chef, le pape, qui a demandé pardon à Dieu pour toutes ces occasions dans lesquelles ses serviteurs l'ont mal servi. J'ose ajouter que toutes les Eglises ont des choses graves à se reprocher depuis toujours, ayant toujours été composées d'hommes, donc de pécheurs.
Si vous écoutez la conférence de Carême de Mgr de Moulins-Beaufort et ses réponses à diverses questions (lien indiqué dans ce blog, note de ce vendredi matin 26 février), vous aurez aussi des éléments.
Cordialement
PP ]
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Écrit par : Psalmiste / | 26/02/2010
@ xb
> Ce qui n'empêchait pas le même Voltaire de répondre à Rousseau qui lui avait envoyé, dédicacé, son ouvrage "Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes" : "J’ai reçu, Monsieur, votre nouveau livre contre le genre humain" !
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Écrit par : Michel de Guibert / | 26/02/2010
AVANT
> Merci PP pour ces éléments de réponses. Je vais m'attacher à les lire.
Je me permets de préciser qu'avant la Réforme, l'Eglise catholique romaine ne représentait pas tous les chrétiens et n'a jamais représenté à un quelconque moment de son histoire la communion de tous les chrétiens. Cf. schisme XIème siècle ou Séparation avec Nestorius dès le Vème siècle au moment où l'Eglise catholique romaine commence. J'ose croire que le protestantisme, et l'evangélisme encore plus, ne se sont pas construit sur "une révolte" ou "une contradiction" mais plutôt sur un retour aux sources de l'Eglise primitive antérieure à Constantin. L'Eglise de Christ n'a jamais eu les frontières de l'institution humaine qu'on a voulu lui donner.
Absolument d'accord sur le fait que toutes les religions chrétiennes ont des choses à se reprocher...
Cordialement
Psalmiste
[ De PP à P. - Encore un mot : en notre temps, toutes les attaques viennent toujours d'un seul côté : les fondamentalistes protestants. Je ne sais pas l'expliquer, mais je constate que les catholiques romains n'attaquent jamais. Ni ne ripostent aux attaques venant de frères séparés...
Attaques de plus en plus rares, d'ailleurs, y compris dans les milieux évangéliques les plus résolus !
Le vent de l'Esprit souffle sur tout le monde.
Je vous suggère d'enterrer les griefs d'il y a 600 ou 1500 ans ; griefs dont on pourrait d'ailleurs discuter historiquement à l'infini, car les choses furent beaucoup moins simples que vous ne semblez le croire ! ]
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Écrit par : Psalmiste / | 02/03/2010
TRES ETRANGE
> Tous les moyens sont bons pour attaquer l'Eglise, si facilement attaquable. Je trouve cet engouement actuel des médias et de ce fait du peuple, contre les chrétiens et le pape très étrange ; pourquoi font-ils cela, eux qui ne s'intéressent absolument pas à la religion d'habitude ?
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Écrit par : roumier / | 26/04/2010
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