22/01/2010
Obama s'attaque-t-il sérieusement aux banques ?
Ou n'est-ce qu'une tactique face aux républicains déchaînés ?
Ne pas tenir ses promesses est suicidaire, quand on est arrivé nimbé d'une telle auréole. Un an après son investiture, la présidence Obama a collectionné les points noirs. Dérapage belliciste à l'extérieur (souvenons-nous que la guerre du Vietnam fut déclenchée par deux démocrates : Kennedy et Johnson). Réforme de la santé gâchée (par le faux pas sur l'avortement)... Le troisième point noir était la complaisance envers les banques-casino et leurs profits obscènes.
La débâcle électorale du Massachusetts semble avoir réveillé Obama. Il contre-attaque sur le terrain crucial : la banque. Juste après que Goldman Sachs ait annoncé des bénéfices inouïs et 16,2 milliards de dollars de bonus et salaires : un demi-million par tête pour les funambules de la spéculation... Pendant ce temps, l'économie réelle est toujours dans le fossé où l'a jetée la banque, et les destructions d'emplois continuent. D'où fureur de l'opinion publique et sursaut d'Obama.
Son projet de loi bancaire consiste à revenir plus ou moins au Glass-Steagall Act de Roosevelt qui séparait banques de dépôt et banques d'affaires : loi abrogée en 1999 par Clinton (démocrate de marchés) sous les applaudissements des républicains. Aujourd'hui Obama voudrait interdire aux banques de dépôts de posséder, investir ou soutenir des fonds de capital investissement ou des fonds spéculatifs : "Il ne faut plus autoriser les banques à s'éloigner de leur mission centrale : être au service de leurs clients", plaide-t-il [1]. Parmi les autres mesures envisagées : limiter la taille des institutions financières pour qu'il n'y ait plus de géants too big to fail (trop gros pour être lâchés) : "Le contribuable américain ne sera jamais plus pris en otage", proclame le président. Belle posture. Mais les géants sont plus gigantesques en 2010 – après la crise – qu'ils ne l'étaient en 2008. Obama jette donc le bouchon très loin.
Par cette manoeuvre, il espère démasquer dans l'immédiat ses ennemis républicains. Ceux-ci mènent en effet contre lui une campagne populiste au delà de l'absurde, si l'on songe à ce qu'est réellement le GOP ; obligés soudain de s'opposer à la vertueuse réforme bancaire d'Obama, ils redeviendront ce qu'ils n'ont jamais cessé d'être : les agents d'un big business qui se résume aujourd'hui à la spéculation. Et ils reperdront le terrain qu'ils venaient de gagner auprès de l'Américain moyen, chômeur et paniqué.
Joseph Stiglitz, prix Nobel d'économie, approuve le projet Obama et demande aussi une loi sur les produits dérivés.
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[1] Selon la presse américaine, la Maison Blanche voudrait « limiter la pratique des "opérations pour compte propre" qui permet aux banques de jouer sur les marchés à l'inverse des conseils qu'elles donnent à leurs clients ». Goldman Sachs aurait ainsi continué de pousser ses clients à acquérir des subprimes en 2007 alors qu'elle-même en vendait. Ce genre de méthodes fut l'un des facteurs de déclenchement de la crise.
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Commentaires
DEUX PROBLEMES
> Il y a effectivement deux problèmes à résoudre rapidement : limiter la taille des banques (comme de toute entreprise d'ailleurs pour éviter les monopoles abusifs), et limiter leur capacité spéculative en particulier pour leur propre compte. L'adaptation des salaires des traders en découlera, et au lieu que ce dernier problème fasse la une des journaux il vaudrait mieux informer sur les deux problèmes précédents. Lire l'article de Michel Cicurel dans Les Echos du 4 janvier.
Écrit par : BCM, | 22/01/2010
QUATRE ARGUMENTS DONT TROIS FOLIES
> Si Obama avait écouté les évêques catholiques et évité de pourrir son plan santé par le financement de l'avortement, les hystéros du Tea Party auraient manqué d'arguments.
Ils n'en avaient en effet que quatre : 1. "Obama = Hitler", 2. "Obama = Staline", 3. "Obama = Ben Laden", 4. "Obama = avortement". Sans l'argument 4, la campagne se réduisait aux trois autres, qui étaient trois folies.
Écrit par : Dundee, | 23/01/2010
> c'est vrai et ça joue aussi dans l'autre sens : si les pieux obamaphobes n'avaient pas eu l'avortement comme bonne raison de combattre le projet, ils auraient été obligés d'avouer qu'ils se foutent de la santé des pauvres et qu'ils soutiennent les profits abusifs des compagnies d'assurance. On a même lu sur des sites "religious right" des hérésies du genre : on est sur terre pour souffrir et "il y aura toujours des pauvres parmi nous", donc que les pauvres souffrent et basta, d'ailleurs la santé c'est païen. Une religion à vous faire des bataillons d'athées.
Écrit par : Frédéric Oudin, | 23/01/2010
RIEN À VOIR
> J'ai été gênée de voir la campagne de la droite républicaine (payée par les compagnies d'assurances) se servir de l'opposition des évêques à l'ObamaCare. Les évêques et les républicains ne menaient pas le même combat. Les évêques reprochaient à l'ObamaCare l'aspect "avortement". Les républicains combattaient toute idée de solidarité sociale et de rôle même limité de l'Etat. Rien à voir !
La solidarité et le rôle de l'Etat (si nécessaire) pour la justice sociale sont deux implications de la doctrine de l'Eglise !
Écrit par : Maritxu, | 23/01/2010
SCANDALEUX
> Le moins qu'on puisse dire est qu'une sécurité sociale minimum ne serait pas de trop aux USA. Scandaleux aveuglement d'Obama d'avoir compromis cette réforme équitable et salutaire en y ajoutant le financement de l'avortement. Scandaleuse attitude de la droite chrétienne (pas qu'aux USA) ne s'en tenant pas au problème évident de l'avortement, mais dérapant jusqu'à dire que la sécurité sociale en soi c'est le bolchevisme. Ah les méchants cons.
Écrit par : Girolamo | 23/01/2010
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