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05/01/2010

Des quotas de boursiers ? Nos business schools hurlent contre cette idée...

J'ai_fait_HEC_et_je_m'en_excuse[1].jpg...Pourtant l'heure est venue de leur demander des comptes, non seulement sur leur rôle social mais sur leur modèle de formation. Et de lire le terrible petit livre de Florence Noiville, 'J'ai fait HEC et je m'en excuse' (Stock) :


 

La presse d'aujourd'hui :

<< La colère gronde dans les grandes écoles. Dans un texte diffusé le 23 décembre par leur groupement (la CGE), elles disent ce qu'elles ont sur le coeur : elles craignent que si l'Etat leur impose à chacune un quota de 30 % de boursiers, le niveau baisse. Le sociologue Patrick Weil (CNRS, Paris-I Panthéon-Sorbonne) conteste pourtant toute baisse de niveau. Citant les établissements américains qui pratiquent une politique d'ouverture sociale (5 % à 10 % des meilleurs lycéens ont un droit d'accès aux filières sélectives), il assure que "les études montrent que cette crainte est infondée. Celle-ci reflète, en réalité, un grand conservatisme des grandes écoles". Quant aux quotas, "il n'en a jamais été question, s'étonne-t-on dans l'entourage de Valérie Pécresse, ministre de l'enseignement supérieur. Les 30 %, c'est un objectif, pas un quota."

Le texte de la CGE, destiné en priorité aux 220 écoles membres, surprend plus d'un observateur. [...]  Si les grandes écoles refusent de se voir imposer une part de 30 % de boursiers dans chacune d'entre elles, c'est sans doute parce que certaines en sont loin (Polytechnique, Centrale ou HEC comptent entre 10 % et 15 % de boursiers). Or, l'Etat, qui lance une vague de contractualisation avec une soixantaine d'établissements privés d'enseignement supérieur (Le Monde du 14 décembre 2009), ne manquera sans doute pas de leur demander une plus grande ouverture sociale.

Les grandes écoles craignent peut-être aussi que l'Etat ne bouscule trop leur modèle de formation... Jean-Pierre Helfer, directeur général de l'école de management Audencia Nantes et cosignataire du texte, ne le cache pas : "Derrière la critique sur la diversité sociale, il y a une attaque du modèle même de la grande école française'', dit-il. >>



Eh oui : il y a une attaque contre « le modèle même ».

Et elle ne vient pas de l'extérieur (de la si dédaignée université, des si obsolètes filières littéraires) : mais d'anciens élèves – repentis – des grandes business schools françaises.

L'un des signes de cette attaque est le livre de Florence Noiville publié chez Stock à l'automne 2009 : J'ai fait HEC – et je m'en excuse. C'est un réquisitoire. Il en ressort que le problème des grandes écoles de commerce n'est pas seulement leur manque d'ouverture à l'étudiant pauvre ou beur, mais la nature de leur enseignement. Extraits :



<< Voyons ce que la finance a produit. « L'économie mondiale tout entière repose aujourd'hui sur de gigantesques pyramides de dettes, prenant appui les unes sur les autres dans un équilibre fragile. Jamais dans le passé une pareille accumulation de promesses de payer ne s'était constatée. Jamais sans doute une telle instabilité potentielle n'était apparue avec une telle menace d'effondrement général. » C'est le prix Nobel d'économie Maurice Allais qui écrivait cela dès 1998. […]  Et le marketing, de son côté, qu'a-t-il produit ? Une surconsommation fébrile. Une « gigantesque pyramide » de faux besoins et de frustrations graves avec, comme jamais, des risques de surproduction, de chômage massif, de gaspillage irréversible des ressources naturelles. Bref, une société qui marche sur la tête en survalorisant ses marchands au détriment de ses chercheurs, de ses professeurs... >>



<< N'était-ce pas un formidable gâchis de cerveaux ? HEC ne fonctionnait-il pas comme un énorme aspirateur de talents se nourrissant des meilleurs pour recracher au bout du compte – et sous l'étiquette d'élite économique et financière – des dirigeants âpres au gain, relativement inutiles à la société et, pour beaucoup, privés d'états d'âme ? >>



<< Directrice d'une entreprise de formation, Marie porte, elle aussi, un jugement « très négatif » sur l'enseignement reçu à HEC : « Pour moi, c'est un enseignement pauvre, appauvrissant... Il y manque furieusement des humanités. » Lorsqu'on lui demande si, d'après elle, les écoles de commerce ont une responsabilité dans la crise, Marie répond trois fois oui : « Oui, en stoppant la formation humaine et morale des étudiants. Oui, en mettant aux commandes des managers nourris d'élitisme et de culture de la performance. Oui, en survalorisant la réussite économique... » Mes autres camarades ne sont pas moins sévères. Ils considèrent généralement qu'HEC et l'ensemble des grandes écoles de management propulsent à des postes importants des cadres ayant perdu le sens des réalités, gonflés du sentiment de leur propre importance, et peu sensibilisés aux « conséquences humaines des actes de management ». Bref, de futurs dirigeants à qui l'on a, comme le dit Juliette, « plus appris à briller dans l'instant qu'à construire sur le long terme »...>>



<< Barack Obama est capable de dire « je me suis planté », mais pas les financiers. Ni les commerciaux. On parle de « crise systémique », ce qui, tout en, renvoyant à une réalité, a pour effet d'exonérer individuellement les acteurs de cette catastrophe. Nul n'a l'impression d'être responsable, moins encore coupable. [...] Est-ce qu'un des traits de l'enseignement que nous avons reçu serait de nous rendre aveugles à tout ce qui n'irait pas dans le sens de la croissance et du développement ? De nous avoir prédisposé à penser que les arbres peuvent monter jusqu'au ciel ? >>



<< Chez les HEC, jusqu'à présent, je ne trouve guère de vraie remise en cause sur le fond. Les anciens, autour de moi, disent peu sur les racines de la crise. Leur discours tourne surtout autour des moyens d'en sortir. Et d'une question pratique : quand la croissance repartira-t-elle : en 2010, en 2011, plus tard ? Comme si tout ça n'était qu'une parenthèse et qu'une fois celle-ci refermée, tout repartirait comme avant – on pourrait alors oublier ce malheureux épisode. >>



<< Ce qui me frappe enfin, c'est que personne ne semble faire le lien entre la crise actuelle et la formation que nous avons reçue. Celle de « l'élite économique » ! Seule Mme le proviseur du lycée Janson-de-Sailly s'étonne : « Avec ce qui se passe, je pensais que la demande pour les prépas HEC serait moins forte, mais pas du tout. » Entrer en prépa commerce est « le rêve d'un élève sur trois dans ma classe », confirme Mathilde, actuellement en terminale S. Je persiste à trouver curieux que les écoles de gestion ne semblent pas touchées – pour l'instant ? - par le discrédit qui pèse sur le libéralisme... >>



<< Avec Thomas, le déjeuner se termine. Je demande : « Et ton fils ? » « Il est en prépa HEC à Franklin. Il est très content. Je suis ravi. » Etonnant. On a passé le déjeuner à croiser nos inquiétudes, à parler de la crise et de ses effets. Il ne dit pas : « J'espère qu'on lui donnera les moyens de mettre en oeuvre un capitalisme un peu moins fou. » Il dit seulement : « Je suis ravi. » Comme si les vieux réflexes étaient les plus forts : il a intégré une bonne prépa, ouf, on est sauvés. Mais sauvés de quoi ? >>



<< D'autres étudiants d'HEC me donnent le coup de grâce. Alors que j'évoque avec eux le cours d'éthique des affaires que j'imagine désormais [en 2009] être l'une des pierres angulaires d'un passage à Jouy-en-Josas, l'un d'eux s'étonne : « Je ne crois pas qu'un tel cours existe... En tout cas pas dans ma majeure. » Dubitatif, il ajoute : « j'imagine que les avis seraient partagés sur un tel enseignement : qualifié de pipeau par certains, et de nécessaire par les plus philanthropes. » Un autre élève m'apporte la précision recherchée : le cours d'éthique des affaires n'est pas obligatoire. […] Je reste sans voix. Et comme pour mieux m'achever, Alix m'apprend que « le cours sur le commerce équitable a été annulé l'an dernier... faute de participants. » >>



<< « Tu RÊVES, me dit Vincent. RIEN ne changera vraiment. » Le social business, l'alter-management ? « des mesures cosmétiques pour épouser l'air du temps. Il y a quelques dizaines d'élèves dans la majeure alter », me fait-il remarquer : « le but de cette option est certes louable, mais sur une promo de quoi, quatre cents élèves, l'impact est minuscule. Sans compter qu'au moment où ils en sortent, les étudiants rejoignent à 50 % le chemin classique. Quant à l'autre moitié, elle doit faire preuve d'une sacrée motivation : la rémunération qu'on lui propose dans l'économie sociale et solidaire ou dans les sociétés de conseil en développement durable est moitié moindre que ce qu'elle pourrait gagner dans un cabinet de conseil ou de stratégie. » « Non », me dit-il en secouant la tête. « Fondamentalement rien ne change. A Jouy, ils en sont encore à faire des cours sur les hedge funds. La finance hors sol continue. Tiens, il y a quelques mois, en plein krach, j'ai reçu un mail d'un étudiant qui souhaitait une aide pour créer un concours de salles de marchés... » David, étudiant de première année, me confirme qu' « on trouve encore des étudiants allant allègrement faire des stages en titrisation de dettes : bonne formation financière, bonne carte de visite, bonne rémunération... » ! >>

 

12:17 Publié dans Société | Lien permanent | Commentaires (27) | Tags : la crise

Commentaires

HEUREUX

> Ce décalage, on le constate tous les jours : il suffit d'avoir été ou de connaître des étudiants en grande école, que ce soit de commerce, d'ingénieur, de communication, voire en philo ; les écoles à label catho ne se démarquent pas, hélas : "on est là pour envoyer des étudiants sur le marché du travail, il faut bien qu'ils soient bons et adaptés sinon on coule : on ne fait pas de cadeau aux cathos."
Pas fâché d'être sorti de ce cirque. Plutôt heureux, même. Pauvre, mais heureux.

Écrit par : PMalo, | 05/01/2010

SCIENCES PO, CLONE DE BUSINESS SCHOOL

> Un accident de la route m'a empêché de terminer Sciences Po Paris il y a 35 ans (et à l'époque ce n'était pas le clone de business school qu'elle est devenue). J'ai recommencé à zéro, ouvrier agricole à 25 ans, et m'en suis toujours félicité. Mon fils de 19 ans, bachelier l'an dernier, a abandonné le droit après quelques mois pour un emploi d'aide-berger dans le Midi. Je dirai seulement: "je suis ravi".

Écrit par : grzyb, | 05/01/2010

MEME PANIER ?

> Merci pour ces précisions mais il est difficile de mettre dans le même panier les produits d'HEC, futurs traders et ceux d'une école d'ingénieurs de province qui postulent à développer le véhicule propre de demain.
La conférence des grandes écoles a pour objectif de qualifier les formations et donc de maintenir un certain niveau, pas celui de rédiger le contenu philosophique des programmes qui est laissé à la charge du directeur d'établissement et de son conseil.
Le modèle spécifiques des grandes écoles est celui de la sélection par un concours, associé à un taux d'encadrement élevé.
Quels qu'en soient les défauts, ce modèle a pour résultat de former et diplômer de 90 à 95% des élèves qu'on lui confie (et ceci sans pour autant galvauder le dîplôme), on ne peux pas en dire autant de l'université...

@Pmalo, je ne vois pas ce que le pauvre catho a à voir là dedans. Pour rebondir néanmoins sur votre remarque j'ai bon nombre d'exemple de recruteurs cherchant l'éthique catho chez leurs candidats...

Écrit par : louis, | 05/01/2010

ON NE VOTE PAS DANS LES SALLES DE MARCHéS

> Merci pour ces extraits de l’ouvrage de Florence Noiville. Je vois que l’auteur va réellement au charbon. J’avais, je l’avoue, eu quelques doutes sur le fond de son propos. J’avais tort.
Cette question de l’engagement – quoi dire, comment agir, comment parler pour être entendu ? – est posée à tout un chacun, et d’abord aux responsables de la crise.
Elle est posée aussi à l’Eglise. Ainsi, j’aime notre pape et ses encycliques sont claires et fortes, mais peuvent-elles toucher des managers qui mettent tout sur le compte du processus ou des procédures, de la « crise systémique » ? A leurs propres yeux, ils ne sont pas responsables. « Le système » les dépasse, nous disent-ils la bouche en cœur (ils ne font que feindre d’en être les organisateurs).
A mon avis, cette attitude a une conséquence à long terme : dans 30 ans, il y a fort à parier que les enfants de ces HEC qui auront bien gentiment reproduit le modèle parental demanderont des comptes à Benoît XVI (selon le processus habituel de recherche d’un bouc émissaire pour s’exonérer de sa propre responsabilité – voir les attaques contre Pie XII) et pourquoi donc ? Parce qu’il n’aura pas condamné, l’une après l’autre, les équations mathématiques dont se servent les spéculateurs pour ajouter de la dette à la dette en la faisant passer pour une création de richesse. Ainsi continueront-ils de condamner tous les discours appelant à la mesure, au respect du sens et à la transcendance et se vautreront-ils dans la douce certitude que le diable se loge dans les détails et que le pape, lui-même, n’a pas débusqué celui-ci dans le détail. Que voulez-vous ? La procédure, aux yeux des citoyens d’aujourd’hui il n’y a que ça de vrai…
Il reste que l’une d’elles – le vote démocratique – pourrait conserver un reste de dignité à nos responsables économiques et politiques. Mais un bon HEC peut-il souscrire à une telle idée ? Il vous le dira : est-ce qu’on vote dans les salles de marché ?

Écrit par : Denis, | 05/01/2010

BUSINESS SCHOOLS

> Il semble que votre article fasse un amalgame entre les formations des écoles de commerce (qui enseignent une certaine idée du management et des relations commerciales) et les formations des écoles scientifiques.
Centrale et polytechnique fondent leur enseignement bien plus sur une excellence scientifique que sur une philosophie du management. Il y a certainement quelques cours de management, car beaucoup des anciens élèves de ces écoles finiront à de tels postes. Mais ce n'est en rien une philosophie complète de la finance telle que celle qui est dénoncée à HEC.
Ne vous semble-t-il pas qu'il faille distinguer les filières commerciales des filières scientifiques ? Ou, en tout cas, que le livre de Florence Noiville ne soit nullement un argument contre le modèle des écoles scientifiques françaises mais seulement des "business school" ?
J'ai l'impression qu'il y a dans votre article une confusion entre ce que dénonce le premier article (le modèle des grandes écoles françaises qui ne permet pas à l'ascenseur social de fonctionner) et ce que dénonce le livre que vous citez en argument (l'éthique ou plutôt la non-éthique des écoles de commerce, et non de l'ensemble des grandes écoles).
Quant à cette panne de l'ascenseur social, on pourrait aussi se poser la question de savoir si elle ne serait pas principalement due à l'appauvrissement progressif mais continu de l'enseignement public en primaire, collège et lycée, qui, par des réformes pédagogiques (voire pédagogistes) comme la méthode globale ou les mathématiques modernes, n'a finalement fait qu'augmenter les différences entre les élèves qui, d'une part viennent d'un milieu favorisé, pouvaient compenser les absurdités pédagogiques auxquelles ils sont soumis et ceux qui, d'autre part, ne peuvent trouver de branche à laquelle se rattraper dans leur environnement et rament donc comme ils peuvent pour atteindre un niveau bac qui ne cesse de baisser (heureusement, certains arrivent quand même à se hisser jusqu'au niveau requis par les grandes écoles).
L'accès aux grandes écoles (qu'elles soient scientifiques ou de commerce) est donc un problème distinct (même si l'on peut y voir quelques liens) de l'enseignement immoral ou amoral des écoles de commerce dénoncé par Madame Noiville.
ALR


[ De PP à ALR - L'enquête de Florence Noiville montre bien que les grandes business schools sont le noeud du problème et l'idéal de la plupart des lycéens de ces filières. D'autre part, le big business est actuellement la sphère qui détermine toutes les autres... notamment les carrières d'ingénieurs et de scientifiques, qui subissent de plein fouet les aléas des crises ! Donc : je vous accorde que ma note ne traite que des écoles de commerce ; mais accordez-moi que ce sont elles qui posent un problème éthique, économique, etc. ]

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Écrit par : ArnaudLR, | 05/01/2010

OUTING

> Chouette ! Ce post va me donner l’occasion de faire mon « outing » : « ne dites pas à mes amis de ce blog que je suis diplômé d’une Grande Ecole (de commerce, en plus !), ils me croient pianiste dans un b… ».
Il est curieux que l’entourage de Valérie Pécresse se défende « Quant aux quotas, il n'en a jamais été question », alors que, sur France Info, Luc Chatel précise, à propos des quotas imposés : « oui, je le crois, je le souhaite, et c'est la volonté du gouvernement de le faire ».
Donc, assumés ou non, il y aura des quotas, ce qui est à la fois une absurdité et un manque de respect pour les personnes concernées. Absurdité car les Grandes Ecoles recrutent sur concours et que l’inscription aux concours est libre (payante mais libre). Manque de respect car l’objectif n’est pas 30% de candidats boursiers, mais 30% de reçus, ce qui revient à remplacer le mérite par la surface financière des parents. Au passage, la tentation d’assimiler boursiers, milieu intellectuel et origine sociale est fallacieuse, et nombre d’enseignants habitués de ce blog pourront témoigner que, bien que leurs enfants baignent dans un climat culturellement évolué, ils n’ont pas le traitement suffisant pour se passer des bourses, ce qui est, par ailleurs, anormal.
Le véritable frein « social » à l’entrée dans ces écoles est bien entendu le coût des études. Sur ce sujet, il reste de nombreuses pistes à étudier, comme la mise en place d’emprunts cautionnés par l’Etat, remboursables après l’entrée dans la vie active, et déductibles de l’impôt sur le revenu, ou l’incitation fiscale à verser des dons pour des bourses d’enseignement supérieur, ou encore la prise en compte du coût réel des études dans le calcul des bourses… Il n’y a rien d’étonnant – en l’état actuel – que des écoles comme HEC n’aient que 10% à 15% de boursiers, et il est même étonnant que ces derniers arrivent à s’en sortir.
Je laisse de coté la critique sur le contenu des études, qui nécessiterait un développement beaucoup trop long compte tenu de la diversité des matières enseignées dans les établissement appartenant à la Conférence des Grandes Ecoles (agriculture, journalisme, management, mode, architecture, chimie, mécanique, …). Juste un mot : je me méfie de la littérature d’une personne déçue de la filière qu’elle a choisie, et je vois mal comment on peut amalgamer tous les diplômés d’écoles aussi dissemblables que SUPELEC, l’Institut Supérieur d’Agriculture, ou l’ Ecole Nationale Vétérinaire d'Alfort et en tirer « une attaque contre le modèle même ».
Je ne ferai pas le tour du sujet, mais il me semble important de dire un mot sur la volonté de l’UNEF d’en profiter pour faire « voler en éclats la sélection à l’entrée des Grandes Ecoles » et « changer les épreuves socialement discriminantes ». Les étudiants rencontreront la sélection tôt ou tard : seuls 58% des étudiants en sciences de l’éducation ont obtenu leur licence en 2007, et le taux de sélectivité pour un poste en entreprise est bien supérieur à celui du concours d’entrée dans les écoles. Il me semble plus sain de sélectionner à l’entrée, et permettre ainsi de s’orienter vers un autre établissement.
Quant aux épreuves « socialement discriminantes », comme je l’ai dit plus haut, elles ne sont surtout pas à amalgamer avec les quotas de boursiers. Participant depuis de nombreuses années aux jurys d’oraux du concours d’entrée d’une école appartenant au chapitre de la Conférence des Grandes Ecoles, je puis vous affirmer que les jurys disposent du discernement nécessaire pour distinguer la part de culture « subie » par le candidat de la part qu’ils se sont donnés la peine d’acquérir. Tel candidat aura séjourné ou voyagé dans nombre de pays tandis que tel autre sera peu sorti de chez lui. Pour le candidat globe trotter, il est aisé de voir s’il en a retiré la substantifique moelle en termes d’ouverture, ou s’il s’est contenté de suivre ses parents. Pareil pour le candidat ayant déjà eu un emploi saisonnier : entre le jeune « planqué » dans l’entreprise de papa (ou maman !) et celui qui s’est décarcassé pour trouver un job, je vous laisse imaginer lequel en retire une bonification à l’oral.
Enfin, je siège au Conseil d’Administration de ladite école (je vous avais prévenu : je vous dis tout !) : je n’ai jamais considéré l’exil intérieur comme une solution. Y siège également, en qualité de vice-président, un Dominicain avec qui vous avez participé à un excellent ouvrage qui est actuellement sur ma table de nuit !
Si je puis éclairer tel ou tel point pour les lecteurs de ce blog, je le ferai avec plaisir.
Bonne et Sainte année à tous,

Écrit par : Arnaud de Latrollière, | 05/01/2010

TEMOIGNAGE

@ grzyb :

> Excellent. Moi tout pareil. On peut se rencontrer ? ;o)
Je repars demain dans les montagnes de l'Aude, pour une durée indéterminée. On se recroisera sûrement sur ce blog si je trouve internet. Vous connaissez les "Journées paysannes" ? Je suis en lien avec eux, et leur travail, leur spiritualité, m'aident beaucoup dans mes recherches.

@ aux autres : j'ai fait une école d'ingénieur. La plupart des élèves n'ont absolument rien à faire d'éthique, ils sont là pour bouffer des formules. Ceux qui en ont un minimum, d'éthique, sont des jeunes plutôt de gauche. Les autres sont là pour faire des affaires, même scientifiques, et les jeunes éthiques perdent vite leurs idéaux.
L'école d'ingénieur suit le mouvement imposé par les autres écoles ; les élèves qui sortent doivent être dans le cadre (tout en gardant leur originalité, leur personnalité blablabla...). Toute réflexion est cantonnée à la "sphère privée", et si on sort du scientifique, "on réfléchit trop, on se fait du mal, tiens reprends un coup". Pour preuve, c'est seulement en cours d'anglais ou de TEC (Techniques d'écritures et de communication ? je ne sais plus) qu'on aborde des sujets pareils (toujours l'avortement, l'homosexualité, le développement durable, les sujets de la veille à la télé, quoi), juste pour le plaisir de discuter : juste la forme, pas le fond. Voilà le niveau.
Cela a peut-être changé, cela fait plusieurs années que j'ai fini cette école ; pendant cinq ans, par manque de volonté, de formation personnelle et de caractère, j'ai suivi, sans trop rien dire, cela ne me rendait certes pas heureux, mais de toute façon c'était comme ça, ou alors j'étais un gauchiste ou je réfléchissais trop.
Quant aux écoles catho, j'ai aussi suivi une master en communication dans un établissement ouvertement catholique, pensant y trouver du mieux. Ce fut certes mieux, au moins on réfléchissait un peu sur autre chose que des formules. Mais là encore, j'ai suivi sans rien dire, toujours par manque de caractère, de formation personnelle et de volonté. Le discours "on est là pour envoyer des étudiants sur le marché du travail, il faut bien qu'ils soient bons et adaptés sinon on coule : on ne fait pas de cadeau aux cathos", c'est tous les jours. Ou comment, à partir d'une bonne idée (mettre des cathos dans de hauts postes, ça peut faire changer les choses) on arrive, de compromission en compromission, à faire partie intégrante du système que l'on prétendait atténuer. (La question se pose pour tout catholique aujourd'hui, que ce soit famille, école, entreprise, paroisse, chaque personne). Le comble, on est même recherché pour ça, pour ce vernis éthique et cette obligation d'être bon, comme le montre Louis dans son commentaire !
Voilà mon petit témoignage qui vaut ce qu'il vaut. Pas construit, idées jetées comme elles viennent, peut-être pas très objectif, mais voilà comment je le revis après quelques années et un retournement.

Écrit par : PMalo, | 05/01/2010

LEUR CYNISME

> Petite précision, à Louis en particulier : Je n'ai rien contre les écoles d'ingénieur.
Les responsables postulent qu'ils sont là pour apprendre, aux jeunes qui entrent, des techniques, des raisonnements scientifiques, des compétences en management, à la rigueur un peu de com, point barre.
La formation personnelle et humaine est à mon avis TOTALEMENT étrangère à leur raisonnement, quoi qu'ils en disent : cela est de l'ordre du privé.
On colle 2-3 cours d'éthique, peut-être, pour faire joli, mais n'y voyez aucun souci philanthropique ! Je n'exagère pas : dès qu'une question morale se pose, à l'école ou en entreprise, c'est toujours la même réponse : "on n'est pas là pour faire de la philanthropie."
En clair, on fait des affaires, on prépare des bêtes de concours. C'est leur rôle, très bien.
Ce qui est scandaleux, c'est l'hypocrisie, le cynisme du présupposé que j'ai donné : "la philo, c'est pour la sphère privée ; là, on est des pro."
Pourquoi pas, mais la sphère privée :
- elle n'existe pas (jeune étudiant de 18 ans débarquant seul de sa province)
- elle est déjà totalement vérolée par l'esprit ambiant (le cas majoritaire)
- au mieux elle ne résiste pas longtemps (le peu qui reste)

Écrit par : PMalo, | 05/01/2010

A SCIENCES PO

> Vous faites bien d'insister sur le fait que le principal problème des business school est "la nature de leur enseignement" est non la proportion d'étudiants pauvres et non-blancs. Cette proposition d'introduire des quotas de boursiers ne constitue dans l'esprit de ses inspirateurs qu'un substitut aux quotas raciaux qui présentent l'inconvénient d'être irrémédiablement anti-constitutionnels, au grand dam de MM. Sarkozy, Sabeg et Descoings (directeur de Sciences Po). Elle ne résoudra en rien le problème de la nature de l'enseignement des business school et risque même de l'aggraver comme le montre l'exemple de Sciences Po.
Y étant actuellement étudiant, je peux témoigner que cette école est effectivement devenu sous le règne de Richard Descoings, comme l'écrit grzyb, un clone de business school (avec une haine particulière pour la culture générale et la réussite "académique"). La mise en œuvre à Sciences Po d'un ersatz de discrimination positive (pardon, d'affirmative action) ne change rien au problème et ouvre la voie aux pires dérives (la chronique d'Eric Zemmour ce matin sur RTL et sur ce sujet m'a paru tout à fait pertinente).
(Pour être tout à fait honnête, et histoire de ne pas trop cracher dans la soupe, je dois reconnaître que Sciences Po a également mis en place un système de frais de scolarité progressifs fort appréciable pour les étudiants boursiers dont je fais partie malgré mon prénom)

Écrit par : Jean, | 05/01/2010

DEBAT

> Je suis diplômée de l'Ecole Centrale depuis déjà quelques années et même plus.
Je ne pense pas que ce soit une bonne idée de désigner les Grandes Ecoles comme responsables de la crise actuelle.
Tout simplement parce que je pense que ce n'est pas vrai.
La crise nous vient tout droit des Etats-Unis et que je sache, aux Etats-Unis, les Grandes Ecoles françaises ne représentent pas grand chose.
Je ne vois pas non plus par quel miracle le fait de faire entrer davantage de boursiers dans ces écoles pourraient influer sur la qualité de ce que l'on y apprendrait. Je ne vois pas pourquoi et comment un élève boursier aurait un supplément d'âme par rapport à un élève non boursier. La corrélation boursier-moralité est à démontrer.
Les Grandes Ecoles sont critiquables et doivent certainement se remettre en question, notamment sur les problèmes éthiques, mais imaginer que le fait de créer des quotas pour boursiers changera la donne me paraît totalement illusoire.
Florence


[ De PP à F. :
- On peut difficilement assimiler l'Ecole Centrale aux business schools !
- Le but de notre note n'était pas de discuter l'opportunité des quotas, mais de mettre en cause l'enseignement des business schools françaises, comme le fait l'ex-HEC Florence Noiville... ]

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Écrit par : Florence, | 05/01/2010

BIEN PLUS GRAVE

> Il ne faudrait pas non plus accuser les Grandes Ecoles de tous les maux. Je suis tout à fait d'accord sur le fait que l'enseignement y est incontestablement d'une pauvreté ahurissante. J'ai fait mes études à l'ESC Rouen (diplômé depuis 2 ans) et, dés le premier jour, j'ai été choqué.
Il tient aussi de rappeler que nous sommes souvent des élèves issus de prépa et que le bourrage de crâne ultralibéral se fait surtout à ce moment là (d'ailleurs les jeunes bacheliers sous pression sont des proies bien plus faciles qu'un élève en école).
Ce que je veux dire c'est que le vrai responsable c'est bien l'Elève lui-même. Ce ne sont pas les écoles qui pensent, ce sont les élèves. Lorsque l'on vit ces 3 années d'école supérieure, on constate rapidement que la très grande majorité des élèves a décidé d'arrêter de réfléchir(ce qui est une erreur monumentale à une période où l'on quitte l'adolescence pour devenir adulte). Le phénomène des open bars hebdomadaires est un indicateur qui ne choque même plus (quelques reportages sensationnels mais jamais de réflexion sur les causes profondes). Il ne faut donc pas oublier que si l'Elève veut prendre du recul il le peut ! J'ai par exemple choisi dés la 2ème année la voie de l'apprentissage pour pouvoir m'éloigner de cette ambiance qui me désespérait et avoir un pied dans le monde réel. Il y a toujours une solution.
Le problème est, à mon avis, bien plus grave qu'un simple programme universitaire.

Écrit par : Vincent, | 05/01/2010

LAFFORGUE

> Puisqu'il est question de la crise de l'école, je m'étonne de ne plus trouver ici le lien vers le site de Lafforgue qui me semblait être référencé sur ce blog. Dommage, il a tout dit.
Par ailleurs, si je partage ses tristes conclusions et inquiétudes sur l'état de l'institution scolaire en France, je me réjouis au moins d'une chose : la lecture des commentaires à cette intéressante note révèle que nous sommes nombreux à être passés par les fourches caudines des Grandes Ecoles (je suis moi-même normalienne, j'aurais des tonnes à en dire...) et... quoique dépités, déçus, assoiffés, nous n'en sommes pas moins d'accord pour refuser dans un même élan la pensée unique à laquelle on a voulu nous faire adhérer (dans mon cas, ça a même assez bien fonctionné pendant quelques années). La formation que nous avons reçue, si elle laisse grandement à désirer, nous a néanmoins permis (ou plutôt, ne nous a pas trop empêchés) de conceptualiser le sentiment diffus de gêne, voire de révolte, que le système nous inspire. A une exception près, notons-le, puisque je n'ai lu ici aucun ancien élève de HEC ou de l'ESCP... Décidément, on doit saluer le courage de Florence Noiville. Il a dû lui falloir s'en armer pour oser s'exprimer en ces termes sur la question. Et elle doit se sentir très seule aujourd'hui, du moins parmi ses anciens camarades de promo. Tiens, j'aurai une intention de prière pour elle ce soir !
blanche

[ De PP à B. - Le site de Lafforgue m'a semblé ne plus être alimenté - à moins que je ne me trompe ? Si oui, détrompez-moi... ]

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Écrit par : blanche, | 05/01/2010

@ Vincent :

> "Il ne faudrait pas non plus accuser les Grandes Écoles de tous les maux." Pas tous les maux, mais, n'étant pas parfaites, elles ont donc des défauts que nous tentons d'étudier.
Les écoles ont une part de la responsabilité de la qualité des gens qui en sortent. Le gens qui en sortent font des bêtises, on tente de dégager la part de responsabilité de l'école.
La part de responsabilité de l'étudiant est certes à prendre en compte. C'est ce que vous dites très bien. C'est ce que je disais aussi en mentionnant mon "manque de caractère, de réflexion personnelle et de volonté" dans mon commentaire : je sais que j'ai une part de responsabilité dans ma manière d'avoir reçu l'enseignement donné.
Ce que je relève, moi, encore une fois, c'est l'hypocrisie du discours "on forme des pro, des techniciens, la philo c'est dans la sphère privée". J'ai eu des cours de conception de missiles, par exemple. Bien sûr, ce n'est pas à l'école de dire si c'est bien ou pas, chacun doit prendre ses responsabilités dans son métier ensuite. (Le prof avait d'ailleurs expliqué cela très bien : "vous vous êtes engagé dans cette formation en connaissance de cause, je ne veux pas de resquilleurs dans mon cours sous prétexte d'objection de conscience." Au moins c'était clair).
Mais il faut bien comprendre que dans notre société qui a refusé le transmission au nom d'idées fumeuses, la "sphère privée" soit n'existe pas, soit est complètement imprégnée des idées communes, soit ne fait pas le poids longtemps en face du rouleau compresseur.
On fait donc appel à une sphère privée qui n'est qu'un vœu pieux, on se donne bonne conscience.
C'est le même principe que ceux qui disent qu'ils veulent cantonner la religion à la sphère privée.
On peut aussi de poser des questions sur l'hyper-spécialisation de mise aujourd'hui...

Écrit par : PMalo, | 05/01/2010

PAS LE VENT EN POUPE

> Ancien boursier du collège à la prépa puis normalien, j'enseigne les maths (pas la finance) en CPGE. Il y a deux semaines, mon lycée a organisé des rencontres pour nos élèves actuels avec les anciens élèves de nos prépas actuellement en école d'ingénieur. J'ai "piloté" 5 présentations d'écoles de niveaux assez homogènes entre arts et métiers et Centrale. Sur les 8 ou 9 élèves venus présenter leur écoles, il y en avait deux qui se destinaient à la finance ; l'un d'entre eux (l'un des plus brillants) a clairement déclaré que son but était d'inventer de nouveaux produits financiers. Purée, j'ai peur.... Mais que voulez-vous, il est actuellement nettement plus lucratif de travailler dans la finance que dans un bureau d'étude ou, pire encore, dans la recherche fondamentale.
Pour en revenir à la conférence des grandes écoles, elle ne représente pas, loin s'en faut, que des écoles de commerce. Et l'apprentissage en prépa scientifique n'a rien à voir avec du bourrage de crâne ultra-libéral. C'est probablement au contraire l'un des derniers remparts contre l'abrutissement intellectuel imposé par la société de divertissement. Mais on sent bien que nous n'avons pas le vent en poupe : la compréhension rationnelle ne fais pas le poids face au diktat du sentiment et de la vague impression.
Il est vrai que la proportion de boursiers est en baisse en CPGE mais je pense que c'est surtout du au fait que les milieux aisés ont la possibilité financière de palier l'indigence de la formation en second cycle. J'ai eu la chance d'être au lycée à l'époque si décriée de feue la terminale C où le niveau mathématique laisserait aujourd'hui pantois nombre d'étudiants en première année universitaire.
N'ayons pas peur de remonter le niveau scientifique du collège et du lycée et j'ai bon espoir de revoir mes frères boursiers réinvestir l'enseignement supérieur. Ce sera plus efficace et plus honnête intellectuellement qu'une politique de quotas.
Bien-sûr, je ne me prononce là que sur les études scientifiques.
Cordialement,
J.M.P.

Écrit par : J.M.P., | 05/01/2010

ADRENALINE

> Tout d'abord je tiens à dire que je suis très sincèrement impressionnée par la pointure intellectuelle des commentateurs de ce blog, et cela en soi est déjà un motif d'espérance pour l'avenir de notre élite, même si vous êtes un petit reste: en maintenant le contact avec d'anciens camarades de promotion vous êtes peut-être, sans le savoir, levain dans la pâte qui travaille déjà dans le secret.
Ensuite de mon modeste niveau voilà ce que j'aimerais faire partager: j'ai été plus d'une fois effrayée devant la pauvreté humaine, voire psychologique, de certains "ressortissants" de nos grandes écoles, en particuliers de l'ENA (là pourtant ce ne sont normalement pas les lois de la finance qui devraient primer). Derrière la question des quotas de boursiers,se cache celle de la sélection, et non pas seulement au moment des concours d'entrée, mais tout au long de la scolarité, depuis le primaire.De fait il semble que l'ensemble du monde éducatif travaille comme un seul homme, sélectionnant, (sur)valorisant les profils dits "scolaires", c'est-à -dire ceux qui ont bien saisi le système et s'y coulent,s'acharnant méthodiquement sur les profils atypiques que soit on arrive à faire rentrer dans le rang, soit on éjecte vers des sous-fillières.Bien sûr tout cela est enrobé de bonnes intentions, justifié scientifiquement par des diagnostiques pédagogiques,psychologiques,médicaux.La détresse de nombre d'enfants "martyrs de l'école" est très largement ignorée, et le gâchis de vocations: si nous n'avons plus de génies, c'est que nous leur avons préféré le premier de classe,qui n'a plus le temps de lire ni de bricoler, ni de partir en vadrouille dans la nature,ni de s'adonner à aucune passion dès lors qu'il entre au lycée.De ce point de vue c'est la mentalité de 14 qui prévaut toujours:on avait alors de la chair à canon servile, on a aujourd'hui des cerveaux serviles pour se jeter au-devant des tirs de notre absurde et sanglante guerre économique.
Il semble que notre système ait développé une intuition toute particulière pour deviner ceux qui risqueraient de le remettre en cause et ensuite tout faire pour les écarter quasiment dès le berceau.Excusez-moi le rapprochement, mais il y a du Hérode là-dessous.Je pense par exemple à ceux que notre médecine qualifie 'd'hyper-actifs", qu'on s'empresse de mettre sous camisole chimique.Et ils rentrent sagement, tristement, dans le rang. Bertrand Du Guesclin enfant en aurait bien eu besoin, et avec lui tant et tant d'autres qui ont fait notre histoire! Par contre on ne voit pas d'inconvénient à ce qu'un homme totalemnet immature sur le plan psychologique, voire déséquilibré, se retrouve à des postes à haute responsabilité, et cela n'est à aucun moment diagnostiqué par le système( avant il y avait encore le garde-fou du service militaire, aujourd'hui il n'y a plus rien, au contraire la symbolique de "l'open bar" promeut l'idée qu'on peut réussir en se maintenant dans un état second, d'ivresse où la frontière entre réalité et virtuel a disparu, si bien que rien n'a plus vraiment de consistance morale, mais que tout est jeu). Nos politiques jouent,nos grands patrons jouent, nos financiers jouent, et plus l'adrénaline monte( ce qui va croissant avec la prise de risques), meilleure est la partie.Chaplin revient! Rejoue-nous "Le Dictateur"!

Écrit par : Josnin, | 06/01/2010

LAFFORGUE

> En recherchant tout simplement sur Google, j'ai vu le site de Laurent Lafforgue - Professeur permanent à l'IHÉS.
Je suppose que c'est celui auquel fait allusion Blanche. Il est "vif": pavé de 124 pages intitulé "Construire des noyaux de la fonctorialité ?" daté de septembre 2009, trois conférences données en octobre et novembre 2009, dont "Le Christ est la vérité, fondement d'un enseignement catholique".
http://www.ihes.fr/~lafforgue/index.html
AL


[ De PP à AL - Je l'ai rétabli. J'avais été abusé par l'aspect "immobile" de sa page d'accueil. ]

Écrit par : Arnaud de Latrollière, | 06/01/2010

TROP

> Merci à Josnin pour son message qui a le mérite, en élargissant la question, de nous faire réfléchir. J'avais eu, me semble-t-il l'occasion de dire ici ce que je pensais du formatage des enfants que l'on fait tout pour éloigner des métiers manuels qui sont pourtant, à niveau égal, mieux payés et autrement plus valorisants que les emplois de bureau alternatifs.
Une belle réflexion entendue d'un négociant en paille qui avait été en relation commerciale avec des "crane d'oeuf" à propos d'une tentative sans lendemain d'éponger une marée noire avec de la paille: "ces gars là, ils sont bien trop instruits pour leur intelligence" !

Écrit par : Arnaud de Latrollière, | 06/01/2010

@ PMalo,

> Nous sommes donc d'accord mais je voulais tout de même mettre l'accent sur le fait que la cause de ce problème est, à mon humble avis, plus profonde que celle de l'enseignement. Les esprits éclairés se construisent d'abord par l'éducation, on en revient toujours au problème central de notre époque: la destruction de la famille.
Amicalement,

Écrit par : Vincent, | 06/01/2010

CODES

> Le premier frein à l'entrée d'une certaine population dans les grandes écoles et plus généralement dans le monde du travail est la méconnaissance totale et profonde des codes sociaux les plus élémentaires. Des études complètes ont été faites sur le sujet et montrent que l'absence de maîtrise des ces codes conduit plus efficacement à l'échec et au rejet que tout autre cause.
Cela peut être une explication à la relative homogénéité des profils des étudiants en grandes écoles. Cette homogénéité vole cependant en éclat lorsqu'on connait les élèves individuellement.
Dans mon cas, ancien élève d'une école d'ingénieur, j'avais dans ma classe des "immigrés 2e génération" des fils d'ouvriers et un bon nombre de fils de profs.
Quant à l'éthique (je lui préfère comme le professeur Lejeune le terme de morale) personnelle, elle est le fruit d'une synthèse individuelle entre l'éducation familiale, l'environnement affectif et les quelques signaux envoyés par la société civile en générale. Je doute que l'on puisse enseigner la moralité en cours magistral sans la confronter à la réalité.

Écrit par : Louis, | 06/01/2010

PIPEAU

> Mes parents, de milieu modeste, ont cru bon il y a vingt ans de "pousser" la littéraire que j'étais vers une filière à leurs yeux prestigieuse, et d'avenir...J'ai donc passé quatre ans dans une Sup de Co de province, les années les plus ennuyeuses de ma vie, et obtenu un beau diplôme, que je n'ai jamais utilisé...
Je me souviens qu'il était de bon ton de qualifier les cours au contenu "humain" (organisation du travail, gestion du personnel, aspects psy du management,...) de "pipeau". Ces cours étaient largement "séchés" bien que la présence y soit, en théorie, obligatoire...Nos directeurs des études étaient, sur ce point, très indulgents...

Écrit par : cristiana, | 06/01/2010

S'EN EXTIRPER EST UNE QUESTION DE SALUT

> Les diplômes qui sanctionnent ces formations sont recherchés par les employeurs, c'est un fait. Il y a 10 ans, je faisais partie des élèves qui se sont engagés dans ce cursus "Grande Ecole" d'abord pour échapper au chômage. J'ai 30 ans et j'ai le souvenir qu'à l’époque cette peur de ne pas trouver d'emploi était prégnante chez les jeunes. Rien n'a vraiment changé puisque le désastre économique entretient cette angoisse.
Il faut se figurer que certains employeurs sont très friands de jeunes diplômés de ces écoles. Pourquoi ? Parce qu'ils savent jouer avec cette angoisse et l’attiser : on a décroché un job, ouf ! Mais maintenant il faut le garder ! Cet état d'esprit autorise donc tous les abus : horaires délirants, pression fabriquée de toute pièce presque pour elle-même, cynisme, « culture » d’entreprise étouffante visant en réalité à déraciner l’individu et le couper de son entourage, chantage systématique à la notation, déterminant direct des augmentations de salaire. Comment ne pas éclater de rire, à défaut d’autre chose, lorsque ces boîtes osent organiser des tables rondes ou petits déj’ autour de « l’équilibre entre vie personnelle et vie professionnelle » (authentique) ?
Je suis passé par là, pendant 2 ans, dans un cabinet de consultants anglo-saxon. Heureusement, mon Dieu, cela n'est plus que du passé et j'ai changé de travail et de filière. A l'époque, mes collègues et mon "manager" n'ont pas compris car mes évaluations individuelles (véritable lubie dans ce milieu) étaient bonnes. Ils n'ont pas vu que je fuyais ce monde froid et sans âme, dégénéré et corrompu par un matérialisme exacerbé et un carriérisme obsessionnel. S'en extirper était une question de salut, je n'hésite pas à le dire.
Je ne sais pas dans quelle mesure ces entreprises influencent directement le contenu de la formation des écoles. La force de cette ascendance est sûrement variable selon les établissements et leur statut. Il demeure cependant que le sponsoring systématique d’événements et autres parrainages de promotions mais surtout l’influence directe sur la valeur du diplôme de la disposition de ces gros pourvoyeurs d’emplois à la sortie du système à embaucher ses diplômés jouent forcément un rôle dans la teneur de l’enseignement.
Que les jeunes étudiants sachent discerner les pièges tendus par ces entreprises prédatrices qui fondent tout leur système détestable sur la peur et sur l'excitation des instincts les plus bas de l'homme, annihilant ainsi sa liberté et sa dignité ! Il faut qu'ils sachent, il faut témoigner.

Écrit par : Thomas, | 06/01/2010

Bonjour,

> Ayant fait une Grande Ecole (d'Ingénieur, pas de commerce), je suis un peu surpris de cette démarche. En effet, le recrutement des Grandes Ecoles se fait sur concours, concours qui donne sa chance à tous même si, j'en suis conscient, les inégalités sociales jouent sur le niveau scolaire.
En l'état, je vois mal comment augmenter la part des boursiers à moins de leur rendre le concours plus facile (en leur donnant des points en plus par exemple), ce qui serait bien sûr discriminatoire et totalement injuste envers celui qui ne sera peut-être pas boursier mais aura travaillé dur.
Plutôt que d'imposer des quotas, la solution ne serait-elle pas plutôt de faciliter, pour les élèves boursiers, les mesures d'accompagnement scolaire au collège et au Lycée ?
Je suis pour que chacun ait sa chance mais pas au prix de discriminations. Pour un catholique, la fin ne justifie JAMAIS les moyens.
Cordialement,
Xavier

[ De PP à X. - Je rappelle que notre débat ne porte pas sur l'opportunité des quotas, ni sur les écoles d'ingénieurs - mais sur l'idéologie ultralibérale des écoles de commerce. ]

Cette réponse s'adresse au commentaire

Écrit par : Xavier, | 06/01/2010

MASSACRE

> N'oublions pas aussi que le néant des écoles de commerce vient aussi du massacre des humanités depuis 30 ans (sans parler de leur mise à mort récente).

Écrit par : vf, | 06/01/2010

REMETTRE A LHONNEUR LES HUMANITES

> Je suis bien d'accord avec vf pour trouver qu'il serait urgent de remettre à l'honneur les "humanités".
Si je ne me trompe, on trouve beaucoup d'étudiants en ecoles de commerce qui viennent de la fillière scientifique du lycée. Je n'ai rien contre les maths mais je ne crois pas que leur exercice apprennent "l'humain," la réflexion sur les grands sujets philosophiques ou de société, la morale etc. Et ceci explique peut être partiellement les dérives, le fait que les elèves n'arrivent pas à se positionner avec un minimum d'esprit critique.
J'ai fait Sciences Po à l'époque où ça n'était pas encore "transformé en ecole de commerce". Ensuite quand je me suis retrouvée dans un 3e cycle MBA avec une forte quantité d'ingénieurs, c'était assez desolant de les regarder essayer de résoudre des cas sur des questions de gestion du personnel par exemple avec des équations ..

Écrit par : F L, | 06/01/2010

CHANGER DE VIE

> Bonjour,
diplômé de l'em Lyon en 1995 (ex ESC Lyon) je ne peux que souscrire à l'idée que la majorité des élèves sont formés pour devenir une élite non pas pensante mais "gagnant le plus possible". Un jour j'ai entendu ce commentaire sur mes choix de vie, de revenus, de travail : ne gagne pas assez.
Le problème n'est pas tant les cours donnés (bien que je ne suive pas ce qui se passe actuellement) mais bien la volonté de changer et de vivre un autre monde. Ayant décider définitivement de changer de vie mon épouse et moi depuis quelques années nous avons "imaginé" un lieu. www.terre-a-terre.org et j'aimerai en faire bénéficier des étudiants d'école de commercre afin de parler d'autre chose.
L'EM n'a pas eu l'air de s'y intéresser. Mais elle ne sera certainement pas la seule...
A suivre..
Vincent

Écrit par : Thevenin, | 07/01/2010

PAR LE BIAIS

> Bonjour,
Entrée à Sciences po par le biais de la procédure "mention très bien" en 2000, j'aimerais témoigner de cette méthode qui a mon sens n'est pas inintéressante. Cette procédure consiste à proposer aux candidats avec mention TB d'envoyer leur notes du bac et leurs bulletins de notes du lycée pour sélection sur dossier. A l'époque 20% de ceux qui tentaient cette procédure ont été admis.
A la rentrée, en faisant connaissance avec mes condisciples de 1ère année, j'ai eu la surprise de constater qu'un certain nombre, brillantissimes, avec de bien meilleures notes que les miennes, avaient été recalés à la procédure mention TB mais admis via le concours, moyennant pour la plupart une solide et coûteuse préparation/bachotage pendant l'été (genre lakanal, ipesup).
Force a été de reconnaître que ces personnes étaient largement issues de catégories socialement favorisées, avec des parents au fait du système et de ses pièges, pas forcément parisiens mais toujours en provenance de grandes villes, sortant des meilleurs lycées, ayant pu se "payer" LA prépa d'été qui va bien. Produits-type des concours donc.
Pour ma part, je viens d'un petit lycée public de Charleville Mézières (mais oui, il y a des lycées là bas), parents agriculteurs, pas de grandes études dans la famille. Mes parents m'ont transmis le goût du travail bien fait, le sens de l'effort, m'ont constamment soutenue pour "y croire", ... mais nous étions tout de même extrêmement isolés du bouillon de culture élitiste.
Alors oui, j'assume, mon admission a été en partie conditionnée par mon "profil social" qui faisait bien dans les stats de l'école (je peux vous dire qu'être "fille d'agriculteurs avec famille nombreuse dans les Ardennes, évidememnt boursière" rue Saint Guillaume vous apparente presque aux personnages de Zola !!!!!). Et d'ailleurs tant mieux car je n'aurais jamais réussi le fameux concours d'entrée (la lecture a posteriori des énoncés m'a laissée plus que rêveuse).
Précisons quand même que cela ne m'a pas empêchée de réussir mes études, au contraire, une fois dans le bateau je n'ai jamais eu l'impression de devoir ramer davantage que les autres.
(ok pour dire qu'une telle méthode fonctionnerait bien si on n'emmenait pas bêtement 80% d'une génération au bac... qui du coup ne vaut plus grand chose.)
Quant à l'enseignement délivré à sciences po : Richard Descoings veut créer le "harvard européen", en tout cas c'est ce qu'il disait à l'époque dans les journaux et qui nous faisait bien rire. Mais business school ou pas, nous étions soumis au redoutable "tronc commun" économie + enjeux politiques + espace mondial (ah, le sabir de l'école...). Je me souviens avoir choisi un exposé intitulé "euthanasie et droit naturel" (un grand moment), un autre "peut-on concevoir une justice globale"... Certes, tout cela était matiné de "sciences po - pipeau" mais chacun devait s'y coller (vu le coefficient des cours de tronc commun) et certains exposés donnaient lieu à de franches discussions. Pas encore le retour des humanités, mais mieux que rien.
Et maintenant, dans le monde du travail (en finance en plus, ciel !), je vois ce que m'a apporté cette formation par rapport aux "purs" financiers partageant mon quotidien.
Mais j'ai entendu dire que le cher tronc commun n'était plus.......

Écrit par : Marie-Claire, | 08/01/2010

COPINAGE

> Témoignage que m'a rapporté une jeune fille étrangère. Elle sort de l'ISC Paris : elle ne trouve rien à redire sur la formation qu'elle a reçue mais elle a été surprise du très faible niveau d'un grand nombre d'étudiants. Ils sont là parce qu'ils sont issus de familles riches et ils ne sont pas renvoyés parce qu'un renvoi signifierait que l'école n'est pas bonne.
Elle s'étonne également qu'en France, il suffise de sortir de ces écoles pour avoir toutes les portes qui s'ouvrent, sans se soucier vraiment du niveau du candidat.
Le problème serait tout simplement une paresse et un manque total de responsabilité :
1) de parents fortunés qui n'ont aucun souci de la formation humaine de leurs enfants.
2) des dirigeants d'écoles de commerce esclaves consentants d'un système qui les empêche d'être justes dans la sélection de leurs étudiants.
3) des employeurs qui se laissent endormir par un bagage universitaire, mais de leur part, n'est-ce pas souvent des embauches de copinage ?
______

Écrit par : garde / | 31/01/2010

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