04/01/2010
Climat : que tous les pays du monde se lient en un même combat, sous une même bannière
Après la bouffée d'écolophobie "saoudienne" d'une partie de la presse catholique française lors de Copenhague, le message du 1er janvier de Benoît XVI a rappelé où étaient la raison et le sens des responsabilités. Dans son sillage, excellent article de Jacques de Guillebon dans La Nef de janvier. Extrait :
<< La grande nouveauté de cette lutte pour établir un équilibre climatique […] tient dans ceci qu'il s'agit que tous les pays du monde se lient en un même combat, sous une même bannière. […] S'il s'agit réellement d'un danger physique menaçant l'équilibre terrestre, et c'est ce que semblent montrer toutes les études scientifiques actuelles, réserves faites de l'incertitude inhérente à toute exercice prospectif, alors, pour la première fois dans l'histoire de l'humanité, un front commun global est requis. On retrouve là les accents de Benoît XVI dans sa dernière encyclique, réitérés dans son Message pour la Paix du 1er janvier 2010, appelant à instaurer une autorité mondiale pouvant agir opportunément en la matière. Il ne s'agit pas du tout dans l'idée du Souverain Pontife de prôner une nouvelle Babel qui élèverait son orgueil jusqu'au ciel, mais bien de tout le contraire : d'instaurer une autorité légitime pour résoudre des problèmes qui, de soi, dépassent les compétences particulières des nations. C'est le vrai principe de subsidiarité, qui est à double sens : l'autorité supérieure doit laisser agir les autorités particulières et locales dans leur ordre propre, mais celles-ci doivent lui déléguer la résolution des problèmes qui les dépassent. Benoit XVI, quand il appelle à dépasser les « égoïsmes nationaux », ne nie pas la valeur de la nation. Il rappelle le principe de destination universelle des biens et de manière plus profonde la capacité d'universalisation intime au christianisme. Et, que l'on sache, aussi peu chez Benoît XVI qui ne cesse de rappeler la dimension profondément morale de la crise générale dont les effets environnementaux sont patents, que chez les gouvernants actuels du monde, on ne voit de tendance à l'adulation d'une Gaïa quelconque à laquelle il faudrait sacrifier les hommes. On le voit chez certains écologistes pervertis et surtout, plus symptomatiquement encore, chez les ultra-capitalistes du type Bill Gates qui font pression sur les programmes d'aide américains pour contrôler les naissances dans les pays pauvres.
Les buts des promoteurs de Copenhague, comme ceux de Benoit XVI, sont exactement opposés à cette idéologie : il s'agit d'inviter les habitants des pays riches à une vie plus sobre pour rétablir une justice dans la répartition des biens avec les habitants des pays pauvres. Quel chrétien peut rester insensible à ça ? Mais peut-être cherchons-nous de fausses et opportunes raisons pour justifier notre paresse et notre égoïsme. C'est aussi une hypothèse, plus crédible que celle d'une manipulation des données climatiques par des instances supranationales complotistes. >>
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11:03 Publié dans Ecologie | Lien permanent | Commentaires (15) | Tags : écologie
Commentaires
LA CAUSE EST ECONOMIQUE
> Bien vu. Ajoutons que Benoit XVI désigne sans cesse la cause de la crise environnementale (et de toutes les crises actuelles, y compris morales) : c'est l'économique, le "modèle de développement global" qu'il faut modifier, dit le pape dans l'encyclique notamment. Et c'est pourquoi les défenseurs de ce modèle néfaste sont contre l'écologie, nient le réchauffement, etc ! Logique.
Écrit par : Ned, | 04/01/2010
POLITICIENS
> "Paresse", étroitesse d'esprit qui refuse tout ce qui sort de certaines habitudes mentales. Mais aussi intrigues politiciennes ! L'écologie ne fait pas partie du programme d'un certain courant politique ? Alors on sera contre l'écologie. En revanche on mettra en avant un autre combat (et même on ne parlera presque plus que de cela) s'il est mentionné dans le programme dudit courant... etc ! Objectif : faire croire aux catholiques qu'ils ne peuvent voter que pour ce courant-là. Quitte à passer sous silence certains autres aspects de son programme qui sont en horreur à l'Eglise.
Écrit par : Lisa, | 04/01/2010
CLAIR
> Bravo à Guillebon pour cette explication claire et cohérente de la pensée du pape, que ce soit sur l'écologie ou la question de "l'autorité mondiale". Tout à fait d'accord avec lui sur cette interprétation conforme à la pensée sociale de l'Eglise. Faire dire au pape, comme certains l'ont fait (pour le féliciter ou le critiquer), qu'il appelle à un gouvernement mondial (et donc à la fin des nations souveraines) est pour le moins hasardeux et abusif. Relier tout cela au principe de subsidiarité me semble en revanche tout à fait ajusté.
Écrit par : Guillaume de Prémare, | 04/01/2010
à Guillaume de Prémare
> Attention, l'encyclique parle nettement de "véritable autorité politique mondiale" et de "gouvernement de l'économie mondiale". La souveraineté des nations n'est en rien un absolu pour l'Eglise catholique. Elle s'intègre dans la subsidiarité qui va jusqu'à l'universel. La destination universelle des biens est une limite radicale à la souveraineté des Etats. L'Eglise condamne le nationalisme depuis toujours, et encore dans le message de B16 le 1er janvier.
Écrit par : richtig, | 04/01/2010
PAS DE RUPTURE
> Bien tenté Richtig, mais si le pape avait voulu parler de "gouvernement mondial", il aurait parlé de... "gouvernement mondial", ce qui n'est pas le cas. Il parle de "gouvernement de l'économie" comme l'un des domaines (avec l'écologie) où l'application du principe de subsidiarité peut mener à la constitution d'une "autorité" dont le champ de compétence serait limité à ce qui nécessite, par nature, une réponse planétaire. C'est ce qu'explique Guillebon et il a, à mon avis, raison. Le principe de subsidiarité s'attache à définir les champs de compétence, de liberté et de responsabilité des différents corps intermédiaires en fonction de critères réalistes d'efficacité possible dans le domaine de l'action, le tout étant subordonné à la responsabilité collective du bien commun.
On ne peut pas lire le pape en rupture avec les principes de la DSE mais en continuité avec ceux-ci. Ce qui est en rupture, c'est la pensée du pape par rapport au modèle dominant. Quant aux nations, de même que le droit naturel de propriété est subordonné à la "destination universelle des biens", le droit naturel des nations à posséder et défendre leurs intérêts propres est subordonné à ce même principe.
Et le nationalisme est tout autre chose. Il est certes tentant, pour nous chrétiens, de faire glisser notre universalisme vers le champ politique. Or, il est tout sauf politique. Et il n'est même pas besoin de nous référer à notre foi pour réfuter l'universalisme politique. Une simple observation de l'histoire contemporaine fait constater que cet universalisme tend vers l'idéologie et conduit à des totalitarismes destructeurs.
Écrit par : Guillaume de Prémare, | 04/01/2010
à G. de Premare
> Mais qui parle de rupture ? Je me contente de demander qu'on arrête de réduire la pensée de l'Eglise à l'idée qu'on s'en fait. Je déplore la gêne qui paraît saisir le milieu chaque fois que le Magistère évoque la dimension mondiale de la doctrine sociale. Reprenez les documents d'Eglise depuis Vatican II et Paul VI. Ils sont très clairs et ne doivent pas être châtrés de leur portée. Quand Benoit XVI dit "véritable autorité politique mondiale", il dit "véritable autorité politique mondiale" : ce qui signifie (si les mots ont un sens) une instance capable ("autorité") de prendre des décisions ("politique") ayant force exécutoire ("mondiale"). Croyez-vous qu'un pape parle en l'air ? Allez-vous lui expliquer jusqu'où il ne doit pas aller trop loin ? Entre nous, je ne vois pas dans le Compendium où vous pourriez trouver de quoi empêcher le pape.
Quant au rejet du nationalisme, pas d'accord non plus avec l'argutie des nationaux-catholiques habituelle depuis les années 1950 : ce qui est condamné répétitivement par Rome, ce n'est pas seulement un paganisme totalitaire casqué botté assassin monstrueux disparu depuis les années 1940 : c'est bel et bien le bon vieux "right or wrong my country", l'intérêt national pris comme repère en dernier ressort. C'est cela précisément qui est évoqué dans le message du 1er janvier, relisez le passage.
Écrit par : richtig, | 04/01/2010
> Richtig, ne faites surtout pas dire à G. de Prémare ce qu'il ne dit pas. Il me semble que vous êtes sur la même longueur d'onde.
Écrit par : PMalo, | 04/01/2010
AUCUNE GÊNE
> Aucune gêne avec la dimension mondiale de la DSE et aucune envie de châtrer quoi que se soit ni d'empêcher le pape de quoi que ce soit. Je ne fais pas de politique, je me contente de souligner combien Guillebon a raison d'articuler ces questions avec la DSE dans son ensemble, notamment de relier au principe de subsidiarité, qui est précisément la bonne manière de donner toute sa portée à ce que dit le pape. Dans l'Eglise : aucun texte doctrinal ne se lit isolément à l'aune de ses propres idées politiques. C'est dans l'ensemble du magistère qu'il peut être le mieux compris.
Vraiment, ce débat n'a strictement rien à voir avec le nationalisme. Vous vous élevez contre "l'intérêt national pris comme repère en dernier ressort", certes oui mais mon propos a précisément été de lui assigner ses limites : il est subordonné à la destination universelle des biens et à la responsabilité collective du bien commun (ce ne sont pas mes idées mais celles de l'Eglise, je ne suis à cet égard qu'un malhabile perroquet).
Enfin, je ne reprends pas "les documents d'Eglise depuis Vatican II et Paul VI" comme vous dites (le dire est déjà accréditer l'idée d'une rupture) , je les reprends tous car il y a une formidable continuité dans la DSE de Léon XIII à B16. Et cette continuité va... continuer.
Je vous le dis, j'aime la politique mais je ne fais pas de politique : des "nationaux-catholiques" je ne sais pas ce que c'est. Des catholiques oui, mais des cecicela-catholiques, des bidules-catholiques, des trucmuches-catholiques, des toustypesdépithètes-catholiques, je ne sais pas ce que c'est. Pas plus que je ne sais ce qu'est "le milieu" dont vous parlez. Je l'ai déjà dit ici : les étiquettes c'est bon pour la société marchande et ses hypermarchés... et très mauvais pour la raison humaine. La seule fois où j'ai commis l'erreur d'utiliser une étiquette sur ce blog, ça m'en a cuit et je me suis planté... Ceci dit avec le sourire, promis...
Écrit par : Guillaume de Prémare, | 04/01/2010
BENOIT XVI DIXIT
> Allez, pour vous mettre d'accord :
Caritas in veritate
"67. Face au développement irrésistible de l’interdépendance mondiale, et alors que nous sommes en présence d’une récession également mondiale, l’urgence de la réforme de l’Organisation des Nations Unies comme celle de l’architecture économique et financière internationale en vue de donner une réalité concrète au concept de famille des Nations, trouve un large écho. On ressent également fortement l’urgence de trouver des formes innovantes pour concrétiser le principe de la responsabilité de protéger [146] et pour accorder aux nations les plus pauvres une voix opérante dans les décisions communes. Cela est d’autant plus nécessaire pour la recherche d’un ordre politique, juridique et économique, susceptible d’accroître et d’orienter la collaboration internationale vers le développement solidaire de tous les peuples. Pour le gouvernement de l’économie mondiale, pour assainir les économies frappées par la crise, pour prévenir son aggravation et de plus grands déséquilibres, pour procéder à un souhaitable désarmement intégral, pour arriver à la sécurité alimentaire et à la paix, pour assurer la protection de l’environnement et pour réguler les flux migratoires, il est urgent que soit mise en place une véritable Autorité politique mondiale telle qu’elle a déjà été esquissée par mon Prédécesseur, le bienheureux Jean XXIII. Une telle Autorité devra être réglée par le droit, se conformer de manière cohérente aux principes de subsidiarité et de solidarité, être ordonnée à la réalisation du bien commun [147], s’engager pour la promotion d’un authentique développement humain intégral qui s’inspire des valeurs de l’amour et de la vérité. Cette Autorité devra en outre être reconnue par tous, jouir d’un pouvoir effectif pour assurer à chacun la sécurité, le respect de la justice et des droits [148]. Elle devra évidemment posséder la faculté de faire respecter ses décisions par les différentes parties, ainsi que les mesures coordonnées adoptées par les divers forums internationaux. En l’absence de ces conditions, le droit international, malgré les grands progrès accomplis dans divers domaines, risquerait en fait d’être conditionné par les équilibres de pouvoir entre les plus puissants. Le développement intégral des peuples et la collaboration internationale exigent que soit institué un degré supérieur d’organisation à l’échelle internationale de type subsidiaire pour la gouvernance de la mondialisation [149] et que soit finalement mis en place un ordre social conforme à l’ordre moral et au lien entre les sphères morale et sociale, entre le politique et la sphère économique et civile que prévoyait déjà le Statut des Nations Unies."
Écrit par : JG, | 04/01/2010
@ richtig et G. de Prémare
> Si je puis me permettre de rentrer dans votre débat car il m'intéresse, il est possible qu'un moyen de sortir de cette impasse soit de poser la question suivante à la lumière de l'encyclique "Caritas in veritate" : le Pape considère t'il que certains domaines ayant des conséquences actuellement planétaires, il est nécessaire qu'une autorité mondiale puisse dans ces domaines et en respectant le principe de subsidiarité, faire autorité, prendre des décisions, en un mot gouverner, et, afin que ces décisions puissent être suivies d'effet, être en mesure de contraindre les nations qui ne respecteraient pas ces décisions? Pour moi, la réponse est clairement oui et, à la limite, relève du simple bon sens.Et le reste de la question est subsidiaire. On peut trouver des applications dans de nombreux domaines et pas seulement celui de l'écologie. Par exemple, est-il sain de considérer que le moyen définitivement le meilleur pour sauvegarder la paix mondiale soit l'équilibre de la terreur nucléaire : le Pape considère que ce n'est pas le bon moyen = trouvons des moyens supranationaux suffisants pour éliminer à terme cette équilibre de la terreur. etc...
Pour ma part, j'ai appris à me méfier des mots à qui on peut faire dire beaucoup de choses comme, par exemple, "Europe des Nations" ou différence entre "confédération" et "fédération". L'essentiel n'est pas dans les mots mais dans ce qu'on y met.
Écrit par : olivier le Pivain, | 04/01/2010
OPTIONS
> Voici l'horizon auquel le pape appelle la communauté universelle de l'unique genre humaine : "...que soit finalement mis en place un ordre social conforme à l’ordre moral et au lien entre les sphères morale et sociale, entre le politique et la sphère économique et civile..." Cette conception de l'ordre naturel, moral et social, est la source et la finalité de la DSE. L'Eglise fait appel à notre discernement, à notre imagination, à notre génie humain et in fine à notre liberté et responsabilité pour créer les conditions de cet ordre. Il est tout à fait permis d'avoir des différences et des désaccords sur la manière de créer les conditions d'éclosion d'institutions et de moeurs imprégnées de l'ordre naturel. C'est à mon avis ce qui s'exprime naturellement dans ce débat. Il n'y a pas lieu de s'en étonner ni de s'en inquiéter.
Selon moi, pour parvenir à l'objectif, cela implique en premier lieu que les nations puissantes qui dirigent le monde soient elles mêmes imprégnées de cet ordre, c'est-à-dire (pour faire court) qu'elles abandonnent l'idéologie marchande et l'impiété qui mènent à la déshumanisation pour s'engager sur le chemin d'une authentique conversion qui mène à la civilisation. Notre mission : évangéliser les institutions et les moeurs, ce qui passe aussi nécessairement par l'évangélisation des personnes. Cela se fera, mais sera un lent travail de l'histoire qui ne s'accomplira pas sans notre coopération missionnaire ni sans un sérieux coup de main de la providence de Dieu qui est maître de l'histoire.
Peut-être que Richtig voudrait s'attaquer tout de suite au sommet de la pyramide quand je voudrais privilégier le travail sur les fondations. Ce sont deux options, il en existe peut-être une médiane qui permettrait de gagner un peu de temps, je ne sais pas, c'est à réfléchir. Toutes ces réflexions sont légitimes : liberté chérie...
Écrit par : Guillaume de Prémare, | 05/01/2010
INCOMPETENTS
> Un blog ultra-hyper-extrême-"papiste" dit le contraire du pape (et des évêques) en affirmant comme une évidence l'innocuité du changement climatique : "quelles qu’en soient les raisons, en quoi les hommes devraient-ils craindre la perspective d’une élévation de la température moyenne du globe, de l’ordre de 2 ou 3° Celtius, au cours du XXIe siècle ?", etc, le baratin habituel. Outre la faute d'orthographe ("CelTius"), l'ensemble de ce long post témoigne d'une totale incompétence dans le domaine climatologique, ce qui est la caractéristique des négationnistes. Alors pourquoi s'acharnent-ils à s'aligner sur l'Arabie saoudite et les extrémistes protestants US ?
Écrit par : Pr Frog, | 08/01/2010
au Pr Frog
> Parce qu'ils ont comme axiome que l'écologie est la montée en puissance du malthusianisme ! ce qui montre qu'ils ne savent pas de quoi ils parlent. Question malthusianisme, ils feraient mieux de voir du côté de leurs employeurs les patrons libéraux...
Écrit par : René, | 08/01/2010
> Oui, c'est extraordinaire cet acharnement des pharisiens à parler (contre l') écologie, tout en refusant absolument de se documenter et en relisant indéfiniment de vieux bouquins de religieux édités à la fin du siècle dernier dans le but de pourfendre... le défunt New Age.
Écrit par : Amicie T., | 09/01/2010
> Le sempiternelle ânerie sur le Groenland soi-disant vert et le pseudo optimum médiéval ! Ils recopient ça pieusement les uns sur les autres, alors que les travaux des historiens ont relativisé ce slogan. Mais voilà, ce qu'il faut c'est juger et condamner, peu importe avec quels arguments. Inquisition pas morte. Procès Galilée toujours prêt à recommencer. Crânes de silex.
Écrit par : Boia, | 09/01/2010
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