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18/11/2009

Mission des chrétiens en 2009 : aller là où se discute l'avenir, et comprendre les mobiles d'autrui – si l'on veut vraiment pouvoir lui parler du Christ

"Evangéliser les nouveaux aréopages", vient de dire le pape ? Une idée à bien comprendre - et qui peut mener loin :


 

 
 

Dans un message à la congrégation pour l'évangélisation des peuples, à l'occasion de son assemblée plénière (16-18 novembre, sur le thème « Saint Paul et les nouveaux aréopages »), Benoît XVI souligne : « L'activité missionnaire de l'Eglise doit être orientée vers ces centres névralgiques de la société du troisième millénaire. »

« De nouvelles portes, en effet, s'ouvrent à l'Evangile », insiste le pape. Sans doute ne doit-on pas « sous-évaluer l'influence d'une culture relativiste diffuse, qui manque le plus souvent de valeurs, qui entre dans le sanctuaire de la famille, s'infiltre dans le domaine de l'éducation et dans d'autres domaines de la société et les contamine, manipulant les consciences, spécialement des plus jeunes » : mais cette précaution ne fait que soutenir l'ordre d'aller « évangéliser les nouveaux aréopages »... qui sont précisément les lieux où souffle le relativisme. Comme tout « aréopage » depuis deux mille ans...

Qu'est ce que « l'aréopage » ? On le trouve mentionné dans les Actes des Apôtres, chapitre 17, 19-34, à propos du passage de Paul à Athènes. Comme dans toutes les villes, Paul commence par aller discuter à la synagogue avec les juifs et les prosélytes (le mot veut dire alors : « ex-païens convertis au judaïsme »). Puis il va parler avec les passants sur l'agora. Il y rencontre des intellectuels, « épicuriens et stoïciens », qui se demandent « ce que peut bien vouloir dire ce perroquet » [1] et l'emmènent s'expliquer « devant l'Aréopage ». Cette assemblée siège sur une colline surplombant l'agora ; c'est une ancienne juridiction politique devenue conseil municipal – et surtout lieu de débat, « les Athéniens n'ayant d'autres passe-temps que de dire ou d'écouter les dernières nouveautés » (Ac 17, 21). Là, devant l'élite de la ville, Paul expose la base de la foi chrétienne : la Création, le Créateur, le projet de Dieu pour les hommes, la Rédemption par l'Incarnation et la Résurrection. Les aréopagites écoutent le début du discours sans surprise, l'idée monothéiste ayant progressé dans le monde païen ; mais ils s'esclaffent à l'idée de la Résurrection, parce que l'hellénisme oppose le spirituel au charnel. Paul a perdu la partie ? Pas complètement : « quelques hommes s'attachèrent à lui et devinrent croyants » (17, 34), dont le notable « Denys » qui deviendra, selon la tradition, chef de la communauté chrétienne d'Athènes et mourra martyr en 95.

Paul a commencé habilement son discours en retournant le relativisme en faveur du christianisme : « Parcourant en effet votre ville et considérant vos monuments sacrés, j'ai trouvé jusqu'à un autel avec l'inscription : 'Au dieu inconnu'. Eh bien ! Ce que vous adorez sans le connaître, je viens, moi, vous l'annoncer... »

Paul n'est pas tombé par hasard sur « un autel au dieu inconnu » : il connaissait la pensée du vieux poète-chaman crétois Epiménide de Cnossos (VIe siècle av. JC). Epiménide n'était pas seulement l'auteur du fameux paradoxe du menteur,  que Paul cite dans une de ses épîtres [2] : il avait créé l'autel athénien « au dieu inconnu » lors d'un rite de conjuration de la peste. Ajouté ensuite au panthéon grec, cet Agnostos theos (« dieu inconnu ») « n'était pas une divinité spécifique mais une marque substitutive, pour n'importe quel dieu ou divinité existant à l'époque mais dont le nom et la nature n'avaient pas été révélés aux Athéniens », expliquent les historiens. Ils précisent : « de nombreux Athéniens juraient ''par le dieu inconnu'' ».

On voit ainsi Paul entrer dans le jeu du polythéisme, relativiste par essence, mais pour le convertir de l'intérieur au monothéisme. Paul prêche un changement radical. Il le prêche à une société elle-même travaillée par le désir du changement. C'est ce que fait aujourd'hui Benoît XVI dans son message : « Comme à d'autres époques de changement, la priorité pastorale est de montrer le vrai visage du Christ... Cela exige que chaque communauté chrétienne et que l'Eglise dans son ensemble offrent un témoignage de fidélité au Christ. »

C'est ce qu'il faut avoir à l'esprit lorsque le pape appelle les chrétiens à « évangéliser les nouveaux aréopages ». Evangéliser ne consiste pas à parader devant les badauds (quitte à les renforcer dans l'idée que les chrétiens sont bêtes et sectaires). Au contraire : cela consiste à entrer dans les mobiles de l'interlocuteur, pour l'aider à « convertir » ces mêmes mobiles. Jésus ne fait rien d'autre au long des évangiles.

Mais pour cela, il faut avoir du respect envers les autres. Il faut les avoir écoutés. Avoir compris ce qu'ils disent, et pourquoi ils le disent.

Et l'interlocuteur ne juge pas seulement sur ce que dit le chrétien. Il juge sur la vie que le chrétien mène. Ou sur l'impression qu'il donne... Paul fait rire les Athéniens quand il parle de Résurrection (nous avons vu pourquoi), mais l'homme qu'il est doit inspirer de l'intérêt : d'où les quelques conversions qu'il obtient ce jour-là. Ce prêcheur est visiblement honnête et désintéressé, et son témoignage est cohérent ; il ne véhicule pas des idées nationales  qui contrediraient son discours religieux universaliste.

Comme toujours, un seul terme de Benoît XVI (ici : « aréopage ») ouvre beaucoup de pistes de réflexion. Cet homme est un grand évangélisateur.

__________

[1]   Les chrétiens suscitent l'ironie depuis toujours : supporter cela sereinement fait partie de la mission.

[2]   Tite, 1,12.

 

Commentaires

RAISON COMMUNE

> Merci pour votre commentaire sur l'évangélisation. Le pape rappelle que pour les chrétiens la foi et la raison doivent s'enrichir mutuellement. Et c'est bien sur le terrain de la raison qui est commune à tous les hommes que l'on peut commencer un dialogue avec les non chrétiens.
J'aimerai avoir des précisions sur les deux points suivants :
"Paul commence par aller discuter à la synagogue avec les juifs et les prosélytes, puis il va parler avec les passants sur l'agora." Quand je lis votre commentaire sur la méthode d'évangélisation de saint Paul, je me pose la question suivante :
-Faut-il commencer par évangéliser d'abord les baptisés éloignés de la foi (catholiques non pratiquants par exemple) puis les païens?
- Pourriez-vous préciser ce que vous voulez dire par votre allusion : " Évangéliser ne consiste pas à parader devant les badauds (quitte à les renforcer dans l'idée que les chrétiens sont bêtes et sectaires)"?
BC


[ De PP à BC :
- Loin de moi la prétention de définir les priorités ! De notre point de vue de simples chrétiens de base, il n'y a d'ailleurs pas de priorité à définir : les rencontres se font au hasard de la providence.
- Parader : la tendance à ne rien faire d'autre que de "manifester contre" ceci ou cela (plutôt que de consacrer ses forces à aider autrui, seule façon d'entrer dans le témoignage évangélique).]

Cette réponse s'adresse au commentaire

Écrit par : BC, | 18/11/2009

SE FAIRE UNE AME UNIVERSELLE

> Merci encore une fois de vous faire le relais enthousiasment de notre Saint Père ! Oui le temps de l'attitude défensive est révolu, il est temps de passer à une offensive audacieuse et bienveillante, et pour cela de se faire l'âme universelle: grec avec les grecs, romain avec les romains, juif avec les juifs, français de souche et immigré, demandeur d'emploi et entrepreneur, de l'école de Jules Ferry et de celle des salésiens, du peuple et de l'élite, ... en tout serviteurs de la Vérité.

Écrit par : Josnin, | 18/11/2009

ECHANGE ET DIALOGUE, SANS QUOI PAS D'EVANGELISATION

> "C'est ce qu'il faut avoir à l'esprit lorsque le pape appelle les chrétiens à « évangéliser les nouveaux aréopages ». Evangéliser ne consiste pas à parader devant les badauds (quitte à les renforcer dans l'idée que les chrétiens sont bêtes et sectaires). Au contraire : cela consiste à entrer dans les mobiles de l'interlocuteur, pour l'aider à « convertir » ces mêmes mobiles. Jésus ne fait rien d'autre au long des évangiles. Mais pour cela, il faut avoir du respect envers les autres. Il faut les avoir écoutés. Avoir compris ce qu'ils disent, et pourquoi ils le disent."
Que je suis heureux de lire ces réflexions à une époque où une nouvelle évangélisation mal comprise (du style pub et marketing agressif) pense pouvoir se dispenser de la raison et de l'inculturation dans l'annonce évangélique !
Le pape nous rappelle en fait l'importance de l'inculturation dans l'annonce de la foi. Ce que les jésuites missionnaires des 17° et 18° siècles avaient parfaitement compris, ce qui leur a permis d'entrer en Chine par la porte de la culture, des arts et des sciences, et de faire naître la formidable expérience chrétienne des réductions indiennes du Paraguay...
On ne peut pas évangéliser une personne que l'on méprise, on ne peut pas évangéliser si l'on pense que l'autre a tout faux, est mauvais et qu'il n'a rien à nous apporter. L'évangélisation suppose échange et dialogue. Evangéliser suppose une double confiance: d'abord en l'oeuvre de l'Esprit Saint, ensuite en la raison de mon interlocuteur et donc à sa capacité d'entrer en dialogue.
Il serait en effet grand temps que notre Eglise réinvestisse les lieux d'avenir comme les universités, les grandes écoles etc.
Quand j'ai dû donner il y a quelques années un enseignement aux paroissiens sur l'évangélisation, je suis parti justement de la prédication de Paul à Athènes qui est un magnifique exemple de l'intelligence que la foi peut nous apporter dans notre approche de ceux qui sont différents de nous.

Écrit par : Père Robert Culat, | 18/11/2009

LES DEUX PENSEES

> Entrer dans les mobiles de l'interlocuteur... convertir de l'intérieur... bien d'accord avec tout cela.
Mais si nous regardons de près, il me semble que les chrétiens font plutôt bien ce travail, au point que parfois c'est leur spécificité chrétienne qui disparaît. Nous sommes vraiment immergés dans la culture contemporaine, il suffit d'ouvrir les yeux sans oublier sans doute de nous débarrasser de quelques œillères. Il y a bien là un effort d'intelligence à faire.
Mais l'effort le plus grand je pense est de réévangéliser notre intelligence : non seulement il faut connaître Nietzsche, Marx, Freud mais il faut faire la démarche d'aller au bout de leurs logiques pour en revenir. Remarquons combien Benoît XVI cite souvent ces auteurs - les encycliques (je m'emporte peut-être en parlant de Freud) - qui ont vu quelque chose qui marque notre société et vient surmonter leurs contradictions de l'intérieur : cela nécessite une connaissance très sûre de la philosophie, de la théologie et du patrimoine chrétien, et l'éclairage de la foi qui empêche nos idées de devenir des idoles.
Pour bien dialoguer, il faut connaître les deux pensées : celle de son interlocuteur et... la sienne.

Écrit par : Jean, | 18/11/2009

à Jean

> Vous avez raison et je suis bien d'accord avec vous.
Disons aussi que trente ans de crise, dont le catholicisme français n'est sorti qu'assez récemment, l'avaient çà et là "cassé" en deux :
- d'un côté ceux qui mettaient tellement l'accent sur la transmission interne, qu'ils oubliaient (voire refusaient) d'aller vers autrui ;
- de l'autre côté, ceux qui mettaient tellement l'accent sur l'aller-vers-autrui, qu'ils oubliaient (ou refusaient) la transmission interne, voire la connaissance élémentaire de la foi catholique.
Cette double hémiplégie avait paralysé l'évangélisation. Elle est en train de se guérir. Notre blog essaie de contribuer à cette guérison, par les moyens du bord.

Écrit par : PP, | 18/11/2009

> Merci PP pour cette note très enrichissante sur la mission.

Écrit par : Michel de Guibert, | 18/11/2009

à PP

> Je partage tout-à-fait votre analyse, il reste la question de l'éducation:un certain nombre de catholiques français éduquent leurs enfants dans un cocon communautarien"(scolaire ou/et parascolaire, voire "mental") par peur de la contamination au contact du monde (ainsi les écoles hors contrat, si elles peuvent être de formidables laboratoires pédagogiques qui à terme pourront redynamiser le système éducatif de l'intérieur, comme cela s'est passé sur le plan religieux avec ces îlots de résistance qu'ont été certains journaux, certaines facultés libres et communautés, ne sont pas sans risque de dérive sectaire,et de mépris voire rejet violent de nos contemporains). Sainte Monique n'a pas élevé son fils hors de cette société romaine décadente, mais elle a eu foi en son Dieu. Une vraie réflexion sur l'éducation de nos enfants reste à mener pour guérir de cette "double hémiplégie".Quelles pistes proposez-vous ?

Écrit par : Josnin, | 18/11/2009

JEAN PAUL II

> Le pape Jean-Paul II incarnait bien cette idée de la nouvelle évangélisation. Il était à la fois ferme dans l'affirmation de la foi et en même temps il connaissait très bien le contexte culturel et intellectuel du monde actuel. Il a su par exemple christianiser le concept des droits de l'homme et en le faisant rejoindre les aspirations profondes des hommes de notre temps. De plus il savait parfaitement utiliser les moyens de communications de son époque pour dialoguer avec le monde. C'est pourquoi il avait tant d'impact auprès des populations qu'il visitait, y compris celles qui n'étaient pas catholiques et également auprès des jeunes. Chacun pouvait reconnaître la parfaite cohérence de sa pensée et de sa vie.
Lorsqu'il sera béatifié, on pourra le prier tout spécialement pour qu'il nous aide dans la nouvelle évangélisation.

Écrit par : BC, | 19/11/2009

A Josnin:

> Je comprends votre raisonnement sur la peur de communautarisme que l'on peut créer facilement en se mettant à côté de la société. mais je vous assure que certaines écoles ou établissement scolaire ne sont absolument plus fréquentables pour des enfants ou des jeunes "normaux". Après y avoir enseigné, je comprends d'autant mieux la volonté de bâtir des îlots protégés afin d'instruire ou d'éduquer ses enfants sainement. Il ne s'agit pas tant de les protéger que de les préparer en les éduquant correctement à affronter cette époque qui devient de plus en plus déboussolée et dure. Vous citez sainte Monique. Bien, mais combien d'années a-t-telle pleurée? Et combien d'années ont été perdues avant que son fils ne devienne saint Augustin? Et combien d'enfants perdus parce que nous ne sommes pas tous du niveau de sainteté de sainte Monique? Nos enfants sont trop jeunes pour être lâchés dans certains établissements et affronter ce qu'ils vont y rencontrer. Mais il est sur qu'il ne faut pas que ces écoles deviennent des ghettos sociaux et identitaires comme c'est trop souvent le cas. Il faut qu'elles soient des îlots de transmission du savoir et en même temps accueillantes et ouvertes à tous (du moins ceux qui accepteraient son projet, bien sur). Et là vous retombez sur le problème qui me taraude depuis des années: le financement. Le reste est réalisable.

Écrit par : vf, | 19/11/2009

LA FAMILLE

> L'évangélisation de la famille, la sienne, aréopage certes éloigné d'Athènes par la culture qui s'y exprime mais un lieu où tout de ce qui se dit partout s'y dit aussi, où l'on est souvent le
seul catholique à (donc, en principe) penser autrement l'homme, la vie et les temps, l'évangélisation de notre famille ne vous semble-t-elle pas, amis lecteurs, presqu'aussi périlleuse et sanctifiante que celle entreprise par les Apôtres ? Et urgente ? J'aimerais beaucoup entendre des témoignages. Merci.

Écrit par : Jean-Marie Achéritéguy, | 20/11/2009

à vf:

> je partage en partie votre analyse, c'est pourquoi je n'ai pas de réponse satisfaisante. Je suis aussi dans l'enseignement, en saltimbanque de l'Education Nationale (remplaçante pluri-disciplinaire qui va là où le destin la mène) . Que voulez-vous dire par "plus fréquentables" et "jeunes normaux"? Ce sont les raisons que j'entends chez certains qui me font peur, qui voient le vice partout chez des jeunes déboussolés et d'abord en manque d'amour, quand dans le même temps ils ignorent ou excusent ceux de leur progéniture. Ce qui me fait peur, c'est l'absence de compassion pour leurs contemporains chez de plus en plus de jeunes élevés "sous cloche", et leur arrogance inconsciente. Pour autant il n'est pas question de faire porter à nos enfants plus qu'ils ne peuvent, ni de les mettre en situation de tentations destructrices, non plus de renoncer à les instruire. Pour ce qui est de notre mission, qu'on le veuille ou non, on n'engendre pas sans douleur,les pleurs de sainte Monique, si l'on veut y échapper, il faut renoncer à être parent. Et c'est vrai nous n'avons pas le choix, il nous faut pour cela prendre le chemin de la sainteté, et nous aussi perdons beaucoup d'années, mais rien n'est définitivement perdu aux yeux de Dieu: bienheureuses fautes de st Augustin qui nous le rendent si proche!
Le financement? Maximilien Kolbe qui prône le choix des moyens les plus humbles pour les projets les plus audacieux, ou M. Yunus qui fait plus avec le micro-crédit que les organismes internationaux avec leur centaines de millions de dollars: question de financement ou question de foi? Au fond que voulons-nous:donner à nos jeunes les moyens d'être de" bons chrétiens", ou l'audace folle de saint Augustin: "aime, aime, aime, et fais ce que tu veux"? Morale bourgeoise ou folie aux yeux des sages grecs? (Veuillez excusez mon ton enflammé, c'est d'abord à moi-même que je m'adresse...)

Écrit par : Josnin, | 20/11/2009

A JM Achéritéguy :

> Vieux grand'père d'une cinquantaine de petits-enfants, passionné dès les années 60 par ces questions (au niveau individuel et institutionnel), j'aurais bien des témoignages à faire entendre sur les mille façons dont je et ils (mes jeunes adultes ou adolescents) conçoivent une tranquille et robuste évangélisation. Ce n'est pas dans le cadre de cette excellente proposition de PP (l'aréopage) que cela pourrait se détailler.
Je reste pourtant disponible au bout de mon mail si PP veut bien que je le donne (et il le censurera s'il faut) : jlb1712@cegetel.net

Écrit par : Crooks, | 21/11/2009

A Josnin :

> Par "plus fréquentable" j'entends parler d'établissements ou un jeune "normal", c'est à dire sans problème particulier (autre que l'adolescence et ses questions), bien dans sa peau et bien dans sa famille, se trouve confronté au pire de notre époque dans une école: rackett, viol, drogue, alcool, etc. (j'ai connu tout cela). Je suis d'accord avec vous sur le constat du manque d'amour chez ces jeunes déboussolés. Mais la question de départ était: vais-je mettre mes enfants, encore immatures et dont l'éducation n'est pas finie, dans ce genre d'établissement ? En ce qui me concerne, non. Ce sont des enfants et ils n'ont pas vocation à jouer les martyrs sous-prétexte d'évangélisation. C'est leur coller une responsabilité d'adulte dont ils n'ont pas encore les moyens de juger la portée (sauf cas exceptionnel).
Il n'est pas question d'échapper aux douleurs de l'enfantement mais nous n'avons pas tous la longanimité de sainte Monique. C'est cela que je voulais dire. Suivre le chemin de la sainteté ne veut pas dire mettre ses gamins dans des situations dangereuses. A ce titre, j'ai du mal à être d'accord avec certains qui s'installent avec femme et enfants en banlieue pour témoigner. C'est à mon sens totalement irresponsable en tant que père. La mission est un choix personnel que l'on a pas à faire subir aux autres. De même, j'ai du mal à comprendre (voir supporter) les "bons cathos" qui donnent des leçons d'éducation et qui ne savent pas (ou ne veulent pas savoir) ce que font leurs chers bambins dans leurs soirées ou leurs sorties. Idem pour ceux qui les coupent complètement de la société, mais là, on rejoint le communautarisme presque sectaire dont on parlait avant.
Quant aux financement d'une école chrétienne alternative, veuillez me pardonner, mais c'est trop facile de citer tel ou tel personnage et de dire que c'est du manque de foi que de ne pas y aller. Vous payez comment les professeurs, les manuels, les bâtiments, la cantine, l'électricité etc : par un micro-prêt de 5000 € ? Et vous faites vivre comment votre famille ? C'est bien beau l'enthousiasme mais il faut aussi avoir les pieds sur terre, surtout quant on a charge d'âmes. Se lancer sans rien est possible si l'on est sans charge de famille. C'est pourquoi, pendant des siècles, l'enseignement de masse fut l'oeuvre de religieux qui en avaient la vocation particulière. J'en profite pour faire remarquer que la crise de l'enseignement catholique correspond aussi à celle des vocations religieuses.

Écrit par : vf, | 23/11/2009

à vf:

> Merci pour ce que vous écrivez qui m'oblige à creuser la question.L'idée qu'il y ait deux morales distinctes, selon qu'on est laïc avec charge de famille ou religieux, me gêne:aux premiers celle des hommes, avec au sommet la vertu de prudence que la sagesse grecque nous a transmise, aux seconds celle du Christ, folie aux yeux des hommes, avec au sommet le don de discernement? S'il n'y a plus aujourd'hui d'établissemnts scolaires tenus par des religieux(ou presque),( ce qui soit dit en passant n'était pas toujours une garantie d'authenticité évangélique, mais là n'est pas la question),n'est-ce pas justement parce-ce que nous laïcs, mariés, parents, y sommes appelés? N'est-ce pas là justement un "ministère" ouvert aux laïcs, que celui de l'enseignement et de l'éducation? Peut-être est-ce précisément là que peut se déployer l'esprit de Vatican II:plutôt que de vouloir prendre la place des prêtres(ce qui n'est pas votre cas, je fais allusion à ces dames en jupe)revaloriser au sein de l'Eglise l'enseignement, don de l'Esprit Saint et pas seulement obtention du cafep? Développer une véritable spiritualité du maître, comme on l'a fait pour le couple chrétien, à l'école de tant de saints pédagogues? Il y a des trésors dans cette grande tradition des religieux enseignants(de Jean Bosco à Ratisbonne en passant par Edith Stein), qui sont aujourd'hui confiés aux laïcs, trop souvent oubliés dans les greniers de nos écoles.Et, comme il existe un sacramental pour être fait chevalier(vocation laïque), pourquoi pas un sacramental pour être "adoubé" professeur, tant il est vrai que ce métier à part,où les combats sont nombreux et les enjeux immenses, demande des grâces spécifiques? Je vois dans la crise des vocations "religieuses" un appel du Christ pour nous laïcs à prendre le relais, avec notre état de vie propre. La République anticléricale avait voulu laïciser l'enseignement? Et si elle n'avait fait qu'ouvrir(bien involontairement!) aux laïcs les grâces jusque-là réservées aux religieux? Toute évolution est chance pour le chrétien.
J'ai découvert auprès de Benoît-Joseph Labre qu'il pouvait y avoir une vertu d'imprévoyance, alors que la crise financière nous faisait prendre brutalement conscience que même de l'argent placé à la banque pour assurer l'avenir pouvait disparaître, et que vivre sans risques n'existe pas. Vivre ne consiste donc pas à évacuer le risque il me semble, mais à choisir les risques qu'on prend: quitte à en prendre, autant que ce soit pour de vraies raisons, et l'éducation en est une, non? Les premiers chrétiens qui mettaient tout en commun n'avaient-ils pas charge de famille? Prudence humaine ou discernement don de l'Esprit?

Écrit par : Josnin, | 24/11/2009

A Josnin:

> Votre idée de chevalerie de l'enseignement me plaît bien, surtout le côté armure, en ce moment. Lol - Plus sérieusement, il n'est pas question de deux morales distinctes, mais d'engagement, de vocation. Ce que je veux dire, c'est qu'il est faisable de faire de l'enseignement son métier dans des conditions normales. Mais le faire dans certains types d'établissements actuels, malheureusement de plus en plus nombreux, est très difficilement compatible avec une vie de famille correcte. Il faut s'y donner à fond et on y laisse beaucoup de ses forces, de son équilibre nerveux, de sa vitalité. Idem pour les classes d'enfants à problèmes dans un quartier supposé favorisé. Récupérer des gosses paumés et détruits demande beaucoup d'engagement personnel, difficilement compatible, à mon sens avec l'idée de métier et une vie de famille équilibrée (surtout à une époque de suspicion généralisée). c'est une vocation car c'est un don que l'on fait de sa personne. Il n'est pas forcé d'être religieux, c'est vrai, mais je pense qu'être au minimum consacré donne les forces spirituelles et le temps d'oraison et de prière nécessaire pour cette tâche. Je ne crois pas que le Christ appelle moins pour laisser la place aux laïcs. Sinon, pourquoi aurait-il instauré la prêtrise? Je crois qu'il appelle toujours autant mais qu'à notre époque, les gens n'entendent plus, ou ne veulent plus entendre, notamment les familles. "Passe ton bac et fait HEC d'abord" est plus ce qui étouffe les vocations, je pense.
Oui, l'Eglise recèle des trésors dans lesquels il faut piocher pour enseigner et éduquer (je précise qu'il ne faut pas mélanger les deux domaines distincts à mon sens).

Écrit par : vf, | 25/11/2009

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