Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

19/10/2009

Benoit XVI et la construction de l'Europe : "Son élan originel ne doit pas être étouffé par l'individualisme ou l'utilitarisme" 

Cluny2010-9mai2009-3.JPGLe pape a reçu ce matin

le représentant de la Commission européenne.

Il lui a dit ceci, qu'il faut comprendre

(et peser mot par mot) :


 

<< ...Vous venez de définir, Monsieur l'Ambassadeur, la réalité de l'Union européenne comme « une zone de paix et de stabilité qui réunit 27 États avec les mêmes valeurs fondamentales ». C'est une heureuse présentation. Il est juste cependant de relever que l'Union européenne ne s'est pas dotée de ces valeurs, mais que ce sont plutôt ces valeurs partagées qui l'ont fait naître et qui ont été comme la force de gravitation qui a attiré vers le noyau des pays fondateurs les différentes nations qui l'ont successivement rejointe au fil du temps. Ces valeurs sont le fruit d'une longue et sinueuse histoire dans laquelle, nul ne le niera, le christianisme a joué un rôle de premier plan. L'égale dignité de tous les êtres humains, la liberté de l'acte de foi comme racine de toutes les autres libertés civiques, la paix comme élément décisif du bien commun, le développement humain - intellectuel, social et économique - en tant que vocation divine (cf. Caritas in Veritate, n. 16-19) et le sens de l'Histoire qui en découle sont autant d'éléments centraux de la Révélation chrétienne qui continuent de modeler la civilisation européenne.

Lorsque l'Église rappelle les racines chrétiennes de l'Europe, elle n'est pas en quête d'un statut privilégié pour elle-même. Elle veut faire œuvre de mémoire historique en rappelant d'abord une vérité - de plus en plus passée sous silence - à savoir l'inspiration décisivement chrétienne des pères fondateurs de l'Union européenne.

Plus profondément, elle désire manifester aussi que le socle de valeurs provient principalement de l'héritage chrétien qui continue encore aujourd'hui de le nourrir.

Ces valeurs communes ne constituent pas un agrégat anarchique ou aléatoire, mais elles forment un ensemble cohérent qui s'ordonne et s'articule, historiquement, à partir d'une vision anthropologique précise. L'Europe peut-elle omettre le principe organique originel de ces valeurs qui a révélé à l'homme à la fois son éminente dignité et le fait que sa vocation personnelle l'ouvre à tous les autres hommes avec qui il est appelé à ne constituer qu'une seule famille ?

Se laisser aller à cet oubli, n'est-ce pas s'exposer au risque de voir ces grandes et belles valeurs entrer en concurrence ou en conflit les unes avec les autres ?

Ou bien encore celles-ci ne risquent-elles pas d'être instrumentalisées par des individus et des groupes de pression désireux de faire valoir des intérêts particuliers au détriment d'un projet collectif ambitieux - que les Européens attendent - ayant le souci du bien commun des habitants du continent et de l'ensemble de notre monde ?

Ce danger est d'ores et déjà perçu et dénoncé par nombre d'observateurs appartenant à des horizons très divers. Il est important que l'Europe ne laisse pas son modèle de civilisation se défaire, pan par pan. Son élan originel ne doit pas être étouffé par l'individualisme ou par l'utilitarisme.

Les immenses ressources intellectuelles, culturelles, économiques du continent continueront de porter du fruit si elles demeurent fécondées par la vision transcendante de la personne humaine qui constitue le trésor le plus précieux de l'héritage européen.

Cette tradition humaniste, dans laquelle se reconnaissent beaucoup de familles de pensée très différentes parfois, rend l'Europe capable d'affronter les défis de demain et de répondre aux attentes de la population. Il s'agit principalement de la quête du juste et délicat équilibre entre l'efficacité économique et les exigences sociales, de la sauvegarde de l'environnement, et surtout de l'indispensable et nécessaire soutien à la vie humaine depuis la conception jusqu'à la mort naturelles et à la famille fondée sur le mariage entre un homme et une femme.

L'Europe ne sera réellement elle-même que si elle sait conserver l'originalité qui a fait sa grandeur et qui est susceptible de faire d'elle, demain, un des acteurs majeurs dans la promotion du développement intégral des personnes que l'Église catholique considère comme l'unique voie susceptible de remédier aux déséquilibres présents de notre monde.

Pour toutes ces raisons, Monsieur l'Ambassadeur, le Saint-Siège suit avec respect et grande attention l'activité des institutions européennes, souhaitant que celles-ci, par leur travail et leur créativité, honorent l'Europe qui est plus qu'un continent, mais une « maison spirituelle » (cf. discours aux autorités civiles et au corps diplomatique, Prague, 26 septembre 2009). L'Église désire « accompagner » la construction de l'Union européenne. C'est pourquoi elle se permet de lui rappeler quelles sont les valeurs fondatrices et constitutives de la société européenne afin qu'elles puissent être promues pour le bien de tous... >>

 

 

Commentaire

Le pape ne  « rappelle » pas les « racines chrétiennes de l'Europe » : il indique la source permanente de la civilisation européenne. On ne peut se contenter d'applaudir. Il faut saisir le contenu des valeurs dont il parle :

- « L'égale dignité de tous les êtres humains » : en germe, une nouvelle économie politique (aux antipodes du système actuel fondé sur « l'individualisme et l'utilitarisme ») ;

- « la liberté de l'acte de foi comme racine de toutes les autres libertés civiques » : ce qui exclut toute réduction clanique (ou récupération politique) du catholicisme ;

- «  la paix comme élément décisif du bien commun » : ce qui condamne l'interventionnisme armé, quels que soient ses prétextes ;

- « le développement humain  intellectuel, social et économique, en tant que vocation divine », et « le sens de l'Histoire qui en découle » (« éléments centraux de la Révélation chrétienne ») : piliers d'une vision du monde libératrice et unificatrice (« une seule famille »), plus proche de celle des Forums sociaux que d'aucune autre à l'heure actuelle.

- Noter aussi l'insistance du pape en faveur de la construction européenne : sa mise en garde concerne l'absence des valeurs matricielles, mais sans aucune réserve sur l'ambition « continentale » du projet.

En philosophie politique, ce discours de Benoît XVI (comme ses encycliques et nombre de ses interventions) appartient à son dialogue permanent avec la recherche d'aujourd'hui. Devant la faillite du libéralisme, système du vide, quel type de vivre-ensemble inventer ? Quel type de communauté politique ? Quelle définition du bien commun ? Le pape Ratzinger pose les questions cruciales. Qu'il soit en phase avec l'avant-garde intellectuelle en 2009, c'est aussi ce constate François Huguenin dans Résister au libéralisme (CNRS): livre dont nous allons parler très vite.

 

17:41 Publié dans Europe | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : christianisme

Commentaires

TOUT EST DANS L'INTENTION

> Appui de tous les papes à la construction européenne. Certes l'UE actuelle est idéologiquement à la dérive du politiquement correct, mais pas plus que la République française ! Franchement on ne peut pas dire qu'un catholique doive ou ne doive pas être fédéraliste européen. Tout est dans l'intention. Je ne comprends pas que certains de mes amis aient l'air de croire que le catholique doit être souverainiste; je connais des maçons cathophobes souverainistes. Et des chrétiens eurofédéralistes.

Écrit par : igitur, | 19/10/2009

SUR LES DOIGTS

> "...l'Union européenne ne s'est pas dotée de ces valeurs, mais que ce sont plutôt ces valeurs partagées qui l'ont fait naître et qui ont été comme la force de gravitation..."
Voilà qui est dit en langage suffisamment direct pour paraître à la limite de la langue diplomatique, mais qui a le mérite de mettre les points sur les "i". Nous sommes dépositaires d'un trésor qui ne nous appartient pas. Merci à BXVI de taper ainsi gentiment sur les doigts des représentants de la commission européenne.

Écrit par : Gilles, | 20/10/2009

OPPOSEES

> Mais que la droite conservatrice (et encore moins l'ultra-droite) ne fasse pas semblant d'applaudir le discours du pape : les valeurs prônées par lui (fondatrices de la civilisation européenne, dit B.16) sont opposées à l'égoïsme matérialiste de la droite, et aux manies de l'ultra-droite. Un peu d'honnêteté serait bon de leur part.

Écrit par : Casa, | 20/10/2009

Bonjour,

> Je vous invite à lire ce texte écrit il y a déjà quelques temps par Axel de Bauer, "le passé n’a pas d’avenir : inventons un projet de société" sur http://www.solidarite-france.fr/spip/spip.php?article14
Vous pourrez lire les autres textes qui vont avec (sur le même site) et qui constituent l'idéal qui l'a poussé à la candidature aux élections européennes en juin 2009. Son programme pour les européennes ne disait pas autre chose que ce que nous dit ici Benoit XVI.
@PP : désolé, quand vous en avez marre de mon prosélytisme sur votre blog, vous me le dites franchement et j'arrête.

Écrit par : Pneumatis, | 20/10/2009

A Pneumatis :

> je ne doute pas de la sincérité des intentions de M. de Bauer, mais permettez-moi de relever que le slogan "Le passé n'a pas d'avenir" est passablement ridicule. Le passé a tellement d'avenir, que je le suis moi, aujourd'hui l'avenir de ce passé. Pas vous ?

Écrit par : JG, | 20/10/2009

@ JG :

> ce que vous notez, est ce qui justifie l'introduction de ce texte (je cite) : "Le passé n’a pas d’avenir… Derrière ce slogan un brin provocateur nous voulons dire que les modes de pensée et d’action qui meuvent nos hommes politiques actuels ne sont pas tournés vers l’avenir mais vers le passé."
Maintenant, il est vrai que nous n'avons, aucun de nous, profession de politiciens ou d'orateur, et que certains choix de communication tels que ce titre, ne soit pas forcément du gout de tous. Je le comprends très bien. C'est ce qui faisait dire à Axel de Bauer qu'il aimerait bien un peu d'aide dans la rédaction des textes de Solidarité, dans la mesure où pour l'instant il est pratiquement le seul à assumer cette charge de travail. Si vous vous portez volontaire pour faire la promotion de la vie et de la doctrine sociale de l'Eglise, n'hésitez pas à proposer vos textes, ils seront les bienvenus. C'est dit sincèrement, sans provocation aucune, croyez-le bien.
Votre critique me permet d'indiquer le fait que ce blog soit pour moi un endroit de prédilection pour évoquer cette initiative politique, conscient de l'enjeu de la communication en politique. C'est toujours dans l'espoir d'avoir de bons conseils et critiques de la part de chrétiens informés et pour qui la communication n'est pas inconnue. Je pense en particulier à l'auteur de ce blog - il se reconnaitra. *sourire*
Pneumatis

[ De PP à P. - D'autant que l'auteur de ce blog n'a pas caché son peu d'adhésion à une tentative de parti politique chrétien ! Il souhaiterait ne pas être obligé de développer à nouveau les raisons de sa désapprobation : ce qui deviendra nécessaire si vous continuez à beaucoup parler ici de ce parti... ]

Cette réponse s'adresse au commentaire

Écrit par : Pneumatis, | 20/10/2009

Les commentaires sont fermés.