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09/10/2009

Après le libéralisme misanthrope : vers un ''socialisme'' anthropophobe ?

Frank Burbage, un socialiste-écologiste qui saborde l'écologie et le socialisme :


 

La crise du système ultralibéral est sous nos yeux. L'un de ses effets, en France, est de décontenancer ce qui reste du parti socialiste. Dressé depuis vingt-cinq ans à tenir la porte aux banquiers, le PS ne sait que dire depuis 2008. On en a vu le résultat : Mme Royal divagante, Mme Aubry aphasique, les éléphants tétanisés...

Sur ces décombres, quelques intellectuels socialistes tentent de rebâtir quelque chose.

C'est là que ça devient singulier.

Dans Le Monde daté d'aujourd'hui, un professeur de philosophie nommé Frank Burbage apporte sa contribution au débat. Titre de son long article : Comment régénérer le socle idéologique du socialisme ? Après le marxisme, il faut aller plus loin que l' ''humanisme'' libéral.

M. Burbage explique que le socialisme en 2009 n'est plus que « l'ombre de lui-même » parce qu'il s'est coupé d'une « pensée de l'exploitation, de la domination et de l'aliénation ». Analyse exacte ; on peut l'étendre au delà du socialisme, et voir que toute réflexion sociétale est débile si elle refuse de comprendre que l'ultralibéralisme est un système prédateur (exploitation-domination-aliénation).

M. Burbage cherche ensuite quel « socle idéologique » pourrait refonder le socialisme. Il évoque André Gorz, qui articulait « la question sociale et la question écologique ». Là encore c'est exact, crise écologique et crise sociétale ayant une même cause : le système économique prédateur. (Productivisme industriel + casino financier).

M. Burbage pose une question aux dirigeants du PS : où est passée, chez eux, « la réflexion sur les biens communs, sur la propriété sociale, sur les espaces collectifs d'action, de pouvoir et de culture ? » C'est vrai : où ? De nos jours ce genre de problèmes intéresse le Vatican plus que la rue de Solférino. Le philosophe Burbage n'a pas l'air de se rendre compte qu'il parle comme Josef Ratzinger quand il écrit : « La question de la justice ne se réduit pas à ce celle du ''partage (équitable) des richesses ''. Il s'agit aussi de décider de ce qui doit rester hors du champ de l'appropriation et de la consommation privées : des espaces, des temps, des biens proprement sociaux et publics. La question des limites de la sphère marchande est décisive, elle est très et trop souvent délaissée. » Ce reproche de délaisser l'essentiel, on peut l'adresser aussi bien aux catholiques bourgeois qu'aux socialistes du même métal ; à ceci près que les catholiques ont moins d'excuses, ayant un Magistère qui s'évertue à leur expliquer cet essentiel, tandis que les socialistes (ceux qui ne se veulent pas chrétiens) n'ont plus personne depuis belle lurette.

C'est ensuite que ça se gâte, dans le raisonnement de M. Burbage.

Il ironise sur le pont-aux-ânes du « développement durable ». A bon droit : cette formule couvre tout et le contraire de tout.

Mais s'il la trouve mauvaise, c'est pour une raison plus mauvaise encore. M. Burbage en veut à l'humanisme. Il écrit : « C'est ce même humanisme qui a justifié et qui justifie encore, au nom de la valeur transcendante de l'homme et de ses droits, l'exploitation illimitée de la terre. L'idéologie actuelle du ''développement humain'' reproduit sans cesse cette présupposition anthropocentriste, renforcée par l'attention portée au sort des générations (humaines) futures. Et cela, alors même que la question sociale et la question écologique demandent aujourd'hui à être très étroitement articulée. Or cette articulation n'est possible que si l'on engage la critique de l'anthropocentrisme dominant... »  Et d'expliquer ensuite que l'humanité trop expansive, c'est-à-dire trop nombreuse, doit cesser de se croire chargée de la planète.

M. Burbage saborde ainsi l'écologie. Pour deux raisons :

- sans une révolution mentale et politico-économique accouchant d'une société sobre, l'écologie n'est qu'un mot. Cette révolution est à la charge des hommes : ce sont eux les gérants et seuls responsables de la planète. (Sinon eux, qui ?). Donc M. Burbage rend l'écologie inapplicable quand il demande l'effacement de la « valeur transcendante de l'homme ».

- Jamais le saccage de la planète n'a été accompli à cause de la transcendance : il a été accompli à cause du taux de profit, de la division internationale du travail et d'un certain nombre d'autre facteurs relevant de l'économie politique, que M. Burbage découvrira avec intérêt s'il vient à lire Das Kapital. (Si, si, professeur, c'est une lecture intéressante).

Ajoutons que M. Burbage saborde aussi le socialisme : s'en prendre aux générations futures parce qu'elles sont humaines, voilà un « socialisme épouvantable » comme on disait naguère ! Ce socialisme contre l'homme, qu'est-ce que c'est ? Laissons aux historiens le soin de répondre.

Le seul résultat de M. Burbage sera de faire  jouir les écolophobes qui crieront : « vous voyez que les écologistes sont contre l'homme... » Quand il s'en sera rendu compte (et s'il tient toujours à refonder la gauche), suggérons-lui de s'abonner à La Décroissance où il apprendra les rudiments de l'anticapitalisme à visage humain. Ce qu'il faut supprimer, ce n'est pas la dignité de l'homme : c'est l'indignité du système économique. Professeur, encore un effort pour devenir vraiment écologiste.

 

Commentaires

DELIRANT

> je suis engagée à gauche, consternée de la mort clinique de la pensée de gauche, et d'accord avec vous contre le texte délirant de Burbage dans Le Monde.

Écrit par : Eglantine, | 09/10/2009

ENNEMI DU GENRE HUMAIN

> Je ne vois pas comment ce M. Burbage, poussant le darwinisme social jusqu'à ses conséquences les plus folles, peut articuler la question sociale et la question écologique en déniant à l'homme toute responsabilité et toute légitimité à intervenir dans le domaine social (lequel inclut évidemment aussi les générations futures) et dans le domaine écologique.
Voilà encore un ennemi du genre humain !

Écrit par : Michel de Guibert, | 09/10/2009

OBSCURANTISMES

> Bien dit. Jusqu'ici on n'entendait que les deux obscurantismes opposés : chez les écolobobos cathophobes, le chant sinistre que reprend Burbage. Et chez les cathofachos écolophobes, le cri stupide "écologie = paganisme" (qui contredisait les papes).

Écrit par : Amicie T., | 09/10/2009

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