22/09/2009
Le matérialisme libéral : incompatible avec la vision biblique et chrétienne de la vie
« Nous avons aujourd'hui besoin de chercher à nouveau le bien commun dans un échange ininterrompu et un développement créatif » (John Milbank, Liberté politique n° 37) :
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En guise de réplique au message de Blaise (note d'hier), je reçois le message d'un libéral qui traite John Milbank [1] d' « hystérique » et nous invite à châtrer Caritas in veritate, à la façon des écoles de commerce. Je ne publie évidemment pas cette note et j'invite son auteur à lire, dans Liberté politique n° 37 (été 2007), le long et dense article de Milbank intitulé : Vers une issue théologique au libéralisme. Extraits : http://www.libertepolitique.com/les-extraits-de-la-revue-liberte-politique/4714
Considérons comme un symptôme la violence méprisante de certains messages émanant de la droite néolibérale : leurs auteurs ne supportent pas le démenti infligé à leur utopie par la réalité d'aujourd'hui. Ce démenti est pourtant massif. L'encyclique sociale de Benoît XVI en prend acte et propose de mettre la solidarité sociale au coeur de l'activité économique, ce qui contredit radicalement l'idéologie libérale. Ce nouveau paradigme rejoint la vision chrétienne de la vie ; l'anglican Milbank le dit (op. cit.) d'une façon proche de celle du pape : « Nos points de référence ne devraient plus être le pur individu dont nous rêvons, ni le pur Etat souverain, ni le pur libre marché. Au lieu de ces abstractions, nous devrions découvrir et former de vrais groupes poursuivant des biens réellement bons et échangeant de véritables dons entre tous et avec chacun, conformément à des critères de mesure intrinsèquement justes... Tous ces groupes ne peuvent communiquer et échanger entre eux que s'ils sont conçus comme oeuvrant sous l'effet de la grâce et cela suppose que nous parvenions à voir que ces corps sociaux reçoivent les réalités créées comme des dons objectifs et subjectifs, comme des réalités imprégnées d'une signification antérieure à celle que l'homme peut leur conférer. Encore faut-il comprendre que ces associations accomplissent un ordre naturel : elles oeuvrent à rendre à Dieu le don de la création... »
[1] Cf Wikipedia : "John Milbank (né à Londres en 1952) est un théologien chrétien anglican, actuellement professeur de religion, politique et éthique à l'université de Nottingham. Il a notamment enseigné à l'université de Virginie et à Cambridge. Il fait l'objet d'une controverse au sujet de sa vision des rapports entre la théologie et les sciences sociales. D'après Milbank, les sciences sociales sont un produit de l'ethos moderne séculariste, qui reposerait sur une ontologie de la violence. La théologie ne devrait donc pas chercher à faire usage des théories issues des sciences sociales, parce que la théologie offre une vision permettant d'embrasser l'ensemble de la réalité, y compris les réalités sociales et politiques. John Milbank est souvent décrit comme un théologien métaphysique, en ce qu'il travaille à l'élaboration d'une ontologie chrétienne trinitaire. Il se fonde principalement sur certains aspects de la pensée platonicienne, mais aussi sur l'œuvre de saint Augustin. Avec Graham Ward et Catherine Pickstock, il a contribué à lancer un nouveau mouvement théologique connu sous le nom de Radical Orthodoxy - un courant regroupant des catholiques, des anglicans et des orthodoxes dans une critique radicale de la modernité."
11:28 Publié dans Idées | Lien permanent | Commentaires (13) | Tags : christianisme
Commentaires
"NOUS ACHÈTERONS LE PAUVRE POUR UNE PAIRE DE SANDALES"
> Ces effroyables mickeys, les néolibéraux, tombent sous le coup d'Amos 8, 4-7 :
"Ecoutez ceci, vous qui dévorez le pauvre et qui ruinez les malheureux du pays ! Vous dites : 'Quand le début du mois sera-t-il passé, afin que nous puissions vendre du blé ? Quand finira le sabbat, afin que nous puissions ouvrir les greniers ? Nous diminuerons la mesure, nous augmenterons le prix, nous falsifierons les balances pour tromper. Puis nous achèterons les faibles pour de l'argent et le pauvre pour une paire de sandales, et nous vendrons le déchet du blé.' --- L'Eternel l'a juré par la gloire de Jacob : 'Je n'oublierai jamais aucun de leurs actes.' Le pays, à cause de cela, ne sera-t-il pas ébranlé, et tous ses habitants ne seront-ils pas dans le deuil ? Le pays montera tout entier comme le Nil, il se soulèvera et s'affaissera comme le fleuve d'Egypte..."
Écrit par : Selah, | 22/09/2009
UNE DISCUSSION À OUVRIR
> Le point à discuter théologiquement avec Radical orthodoxy, c'est son surnaturalisme peut-être trop intense. L'Eglise catholique est plus "ouverte" : ainsi la doctrine sociale catholique ne conditionne pas toute évolution positive de la société par une intervention directe de la grâce : elle voit le social comme terrain de coopération entre croyants et incroyants, sur la base de la conditon humaine. Certes nous savons que celle-ci est créée par Dieu, mais cela ne veut pas dire que toute amélioration de la société doit porter a priori le sceau chrétien. A voir ?
Écrit par : zor, | 22/09/2009
ONTOLOGIE ?
> Veuillez m'excuser, mais j'ai vraiment un problème avec le mot "ontologie" que je crois comprendre et qui m'échappe constamment.
C'est un mot dont je pense cerner le sens occasionnellement, mais ici, "ontologie de la violence", "ontologie chrétienne trinitaire", sont des suites de mots imperméables pour moi.
Et ce ne sont pas les quelques définitions accessibles du mot "ontologie" qui m'aident vraiment.
Écrit par : omicron, | 23/09/2009
AD NAUSEAM
> Ce qui me gêne dans le dossier de Liberté Politique n°37 c'est la position de Monsieur Naudet qui encense le système actuel et qui se débrouille pour nous démontrer que le pape est tout à fait d'accord avec cela.
Bernard
[ De PP à B. - Naudet est l'expression d'un certain milieu (l'aile figée de la droite catho, bloquée en 1984 : époque où l'on mélangeait tout, "défense de l'école libre" + libéralisme économique "face au PS", etc). Lui et d'autres se répètent ad nauseam. Mais "Liberté politique" donne aussi la parole à des gens qui ne réagissent pas comme eux. Une revue n'est pas un livre : des voix diverses s'y font entendre.]
Cette réponse s'adresse au commentaire
Écrit par : Bernard, | 23/09/2009
ONTOLOGIE 2
> Je suis comme omicron, un peu perdu par "l'ontologie de la violence". Alors, si une bonne âme versée dans la théologie ou la philosophie peu nous donner une petit éclaircissement, ce serait vraiment bienvenu. Merci d'avance à tous.
Écrit par : vf, | 23/09/2009
ONTOLOGIE 3
> "Ontologie de la violence" signifie ici pour Milbank que le libéralisme conçoit l'homme, dans son être, dans son essence, comme entièrement défini par les rapprots violents, conflictuels qu'il entretient avec les autres hommes et avec la nature en général.
Il y oppose l'"ontologie chrétienne trinitaire " qui envisage, elle, l'homme comme un être dont les fondements tiennent essentiellement dans les relations d'amour qu'il entretient avec les autres, son prochain et son Dieu.
Écrit par : JG, | 23/09/2009
> Merci JG. Finalement, libéralisme et marxisme se rejoignent dans leur analyse,où la violence et l'affrontement sont centraux et omniprésent. Cela explique aussi la désespérance de notre époque. On ne peut définitivement pas être libéral et chrétien, comme on ne peut être marxiste et chrétien.
Écrit par : vf, | 23/09/2009
> Merci JG, voilà qui est beaucoup plus clair pour moi à présent.
Écrit par : omicron, | 23/09/2009
ONTOLOGIE 4
> L'ontologie de la violence se constate par le rapport de force systématique auquel nous confronte notre type de société, fondé sur un rapport d'obligations, des devoirs et quelques droits. Le contraire du don.
Cette vision "positiviste" du droit est contredite par la jurisprudence de la CEDH et la théorie subjective des droits de l'homme qui l'inspire ; laquelle est proche de la conception personnaliste de l'Eglise, qui inspire également la déclaration universelle des droits de l'homme. La déclaration française est à l'opposé, elle est conditionnelle (les droits de l'homme découlent de la qualité de citoyen qui repose sur l'appréciation du pouvoir dans la bonne exécution des devoirs qui y sont attachés). La déclaration française se prête et a prêté à l'arbitraire (La Terreur) comme elle a servi de justificatif au Goulag.
Il n'est peut-être pas indifférent que la cour de Strasbourg, l'ONU ou l'Eglise, fassent l'objet de récriminations de la part des mêmes personnes.
Écrit par : Annie, | 23/09/2009
à BERNARD
> A propos de Naudet, j'ai lu il y a quelques heures son article dans Liberté Politique. Je n'y ai pas trouvé de propos encensant le système actuel. Peut-être l'ai-je mal lu ? Mais justement lorsque j'ai vu son nom je me suis précipité sur sa contribution pour connaître la position développée à la lecture de l'encyclique. Bernard, voulez-vous nous donner des précisions complémentaires ?
Écrit par : Edouard, | 23/09/2009
NAUDET COMME WEIGEL
@ Edouard
> D'après Bernard Laurent ("L'Enseignement social de l'Eglise et l'économie de marché", p. 292) :
"Jean-Yves Naudet revendique le parrainage des hérauts du libéralisme autrichien (Ludwig von Mises, Friedrich von Hayek). Aussi regarde-t-il la propriété privée et le marché comme les institutions les plus favorables à la liberté humaine et à la stabilité de l'ordre social. Il s'appuie sur l'anthropologie individualiste (chacun est meilleur juge que quiconque pour définir son intérêt) et utilitariste (cette recherche est légitime) de la pensée libérale pour défendre l'idée d'harmonie naturelle des intérêts. La stabilité d'une société de liberté procèdera de la recherche par chacun de son intérêt. Il affirme la supériorité du marché sur toute autre forme d'organisation pour coordonner les actions humaines. En conséquence il cherche à réduire le rôle de l'Etat à la défense de la propriété privée et celle de la concurrence.
"Jean-Yves Naudet interprète la doctrine sociale dans un sens favorable à la société libérale et au jeu du marché concurrentiel. Sa lecture apparaît foncièrement partiale. En outre, il abuse des citations tronquées qui, déconnectées de leur contexte, semblent favorables à ses thèses."
Laurent considère que Naudet partage les mêmes thèses que les membres de l'Institut Acton aux Etats-Unis, tels George Weigel.
Écrit par : Blaise, | 24/09/2009
NAUDET ESQUIVE
> Hier, Louis Daufresne promettait un affrontement entre le néo-libéral Jean-Yves Naudet et le Père Baudouin-Roger (par ailleurs un prêtre de ma paroisse). Rien du tout ! Le problème avec Naudet, c’est qu’il a soigneusement évité d’expliciter sa philosophie. Alors même que Louis Daufresne l’y incitait. Dans le jeu savant d'éluder les questions, de "nuancer" ou d'arrondir les angles, il est fort.
Mais je retiens le dernier mot, celui du Père Baudouin-Roger : « Je pense qu’il y a un rapport direct entre eucharistie et économie ».
Entre le pain des travailleurs et l'Eucharistie.
Après ça, allez donc y loger une poursuite aveugle et sans règle des intérêts privés!
Écrit par : Blaise, | 24/09/2009
> On comprend Naudet d'esquiver. La situation mondiale est une réfutation "apocalyptique" (="révélatrice") du théorème néolibéral. A ce point de ridicule et d'indécence (Wall Street obligeant quand même Obama à se vautrer), nos néolibéraux franchouillards se sentent gênés. Le problème est qu'on persiste à les inviter partout comme s'ils n'étaient pas démonétisés. Pourquoi ? En fait d'économistes chrétiens, on préférerait entendre Paul H. Dembinski ! (D'ailleurs on commence à l'entendre un peu : récemment sur RFI).
Écrit par : Jean-François, | 24/09/2009
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