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15/09/2009

Le rapport Stiglitz - Vraies questions - Il faut encadrer sévèrement les banques, mettre en place un conseil mondial de coordination économique...

 ... mais aussi interroger l'idée de « croissance » , centre nerveux du système prédateur :


 

Le rapport Stiglitz-Sen-Fitoussi sur la notion de PIB fait un bruit considérable. On peut discuter des innovations qu'il propose. On peut être sceptique devant l'hyperbole de Sarkozy, parlant de « formidable révolution » à propos de l'injection du « bien-être » dans les statistiques d'évaluation de notre société. On peut ironiser sur la notion de « bonheur national brut » évoquée ici et là – le bonheur étant un élément moral trop subjectif (et variable) pour être quantifié, à moins qu'on ne le confonde justement avec le « bien-être » (matériel) : ce qui nous ramènerait aux paramètres de la consommation marchande que Stiglitz souhaite relativiser.

On peut aussi se demander de quoi parle Stiglitz quand il prône une « autre croissance ». S'il s'agit – comme il dit – de trouver une forme d'activité économique « plus humaine, plus durable, moins inégale et plus respectueuse de l'environnement », alors le terme « croissance » est-il adéquat ? « Croissance » ne peut vouloir dire que « croissance illimitée » : ce qui implique ce que Jean Bastaire [1] appelle « dévoration » (de l'humain et de la nature)... Ne faudrait-il pas un autre terme que croissance, pour mieux rendre l'idée soutenue par Stiglitz ? Benoît XVI propose : « développement véritable », qui veut dire « développement de toutes les dimensions de l'existence humaine » ; perspective excluant le matérialisme mercantile, donc le productivisme.

Sur la crise et ses fauteurs, Joseph Stiglitz dit des choses intéressantes dans la presse de ce matin [2]. Notamment ceci :

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« Le PIB ne reconnaît que la production de biens et ne donne aucun crédit aux loisirs. Mais en quoi la production de biens, qui peut être destructive à terme pour la planète, traduit-elle une ''bonne économie'' ? »

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«[Depuis la crise], les choses ont changé... en pire. Avec le vent de concentration, les banques sont encore plus grosses qu'avant. Beaucoup de banques jugées ''trop grandes pour faire faillite'' sont donc devenues encore plus grandes. [...] Elles ont toujours leur activité orientée vers la spéculation plutôt que vers la gestion du crédit et des prêts. La finance ressemble toujours à un casino»

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« Prenez les Etats-Unis. On veut donner plus de pouvoir de régulation à la Réserve fédérale (FED). Mais la FED avait déjà beaucoup de pouvoir avant la crise. Elle ne s'en est simplement pas servi. Elle a nourri la bulle. Elle a laissé les subprimes se développer. Elle a permis l'essor des produits dérivés toxiques. Parce qu'un grand nombre d'administrateurs de la réserve fédérale sont des dirigeants des banques américaines. Comment changer les mentalités si on ne change pas les structures pour mettre fin à ces incroyables conflits d'intérêts ? Compliqué. Ces mêmes grands banquiers lobbyistes, qui ont grandi dans le sérail de la finance, sont désormais les plus proches conseillers économiques de Barack Obama. Ceux-là mêmes qui dénonçaient la régulation des produits dérivés, tentent de nous expliquer qu'il faut maintenant les encadrer ! De quoi engendrer beaucoup de frustration et de colère. »

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Des innovations radicales ?

   

Stiglitz préconise des pistes : « Il faut surtout créer un conseil de coordination économique mondial élu et représentatif... Face à la première crise de la mondialisation et à la rupture historique qu'elle induit, il faut une réponse globale ». (C'est ce que prône aussi Benoît XVI dans Caritas in Veritate ! proposition qui a donné la jaunisse à certains).

Il ajoute :

« Que faire ? Se concentrer sur les bonus, sujet crucial si l'on veut vraiment changer les incitations aux comportements purement spéculatifs. Se pencher sur les grandes banques, en les taxant parce qu'elles taxent le reste de la société ; en les obligeant à se recentrer sur leur mission première, le prêt et non la spéculation. On doit les contraindre à ne plus jouer avec leurs normes comptables, le déplacement d'activités hors bilan. Les encadrer par une commission qui détermine quels sont les prêts ou les produits financiers qu'elles distribuent... »

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Stiglitz prône un « service public de la finance » : « J'y pense de plus en plus. Nos banques ne comprennent toujours pas que la finance est un moyen et pas une fin. » Prix Nobel d'économie, il dénonce depuis dix ans les dérives ultralibérales des institutions et la pensée unique des économistes ; il plaide pour une taxe contre la spéculation financière. « Economiste le plus cité au monde » [3] selon Newsweek, il souligne : « Tous les économistes n'ont pas plongé dans l'apologie de l'autorégulation des marchés ou la théologie de la finance. Nous sommes un certain nombre à avoir engagé bien avant une bataille intellectuelle et mis en garde contre de telles dérives. On avait en partie gagné dans la reconnaissance de nos travaux, comme sur l'asymétrie de l'information, l'imperfection des marchés, etc... » Cependant il constate : « Nos thèses sont enseignées dans toutes les universités du monde, mais se volatilisent quand elles devraient rentrer dans le champ des politiques économiques. » Car sous l'emprise du libéralisme, « l'économie est autant une idéologie qu'une science... »

Cette idéologie a littéralement abruti une génération entière, y compris dans les rangs catholiques. Chassons le libéral de notre tête.

 

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[1] Jean Bastaire est un philosophe catholique connu, ami du cardinal Barbarin. Nous serons nombreux à aller l'écouter en l'église Saint-Gervais à Paris, le 3 octobre : cf ici note du 14 /09/09.

[2]  Libération, 15 septembre, spécial Stiglitz.

[3] Ce qui ridiculise le slogan de nos libéraux : « ceux qui ne pensent pas comme nous devraient étudier l'économie. »

  

 

Commentaires

MONSTRUEUX LOBBY DES BANQUES AMERICAINES

> Article de Sylvain Cypel dans Le Monde du 16 septembre : à Wall Street, tout recommence comme avant et prépare une nouvelle crise pire que la crise actuelle. Selon le rapport d'un analyste de la banque JP Morgan Chase, les huit premières banques américaines et européennes verseront en 2010 aux 141 000 employés de leurs divisions de capital investissement la somme de 77 milliards de dollars, en moyenne 243 000 dollars par personne ! La machine à carboniser l'économie repart à tout berzingue. Cypel écrit : « Comment en est-on arrivé là, ou plutôt revenu là ? Certains incriminent l'activité extrêmement efficace d'un lobby créé par neuf grandes banques américaines le 13 novembre 2008, un mois après l'octroi du renflouement financier dont elles ont bénéficié. Ce lobby, nommé CDS Dealers Consortium, doté d'opulents moyens, a fait appel aux services d'un vieux briscard de la lutte antirégulation, financière au Congrès, l'avocat Edward Rosen. Objectif : dès le gros de la crise financière passé, garantir que l'activité reprenne ''comme avant''... C'est, pour la plupart des observateurs, ce qui est en train d'advenir. »

Écrit par : Luça | 15/09/2009

STIGLITZ PARMI LES "EXPERTS DU PAPE"

> Joseph Stiglitz fait partie de l'Académie pontificale des sciences sociales.
http://www.vatican.va/roman_curia/pontifical_academies/acdscien/own/documents/stiglitz.html
et
http://www.vatican.va/roman_curia/pontifical_academies/acdscien/own/documents/rc_pa_acdscien_doc_09111999_academicians_social_en.html

Écrit par : Nicolas Dangoisse | 15/09/2009

THE YES MEN

> Une solution pour vous dérider un peu autour de ces questions angoissantes, the YES MEN :
http://plus7.arte.tv/fr/1697660,CmC=2848364,scheduleId=2809450.html

Écrit par : Frédéric Ripoll | 16/09/2009

BARROSO

> A quoi cela sert-il d'encadrer les banques si un ayatollah du Libéralisme comme Barroso peut continuer à infliger le libéralisme sauvage à 400 millions d'Européens ?
pétrel

[ De PP à P. - Bien d 'accord avec vous. ]

Écrit par : pétrel | 16/09/2009

LIBERALISME : LES RESTAURATEURS ARNAQUENT L'ETAT

> A propos des déclarations du président de la République, on pourrait regarder les résultats réels de la fameuse "baisse de la TVA pour les restaurateurs", cheval de bataille s'il en fut pour les poujado-libéraux. Il fallait décharger les bistrotiers de "la charge que l'Etat faisait peser sur eux", et on allait voir ce qu'on allait voir : prix bas, clients ravis, répercussion de la baisse sur les salaires, les embauches (40 000, c'était promis) et les investissements : donc triomphe de "l'entreprenariat" libéré, patin couffin.
Eh bien on voit, par les chiffres de l'Insee publiés le 15 septembre. Les bistrotiers ont leur baisse de TVA depuis le 28 avril (cadeau fiscal coûtant 2,4 milliards d'euros à la nation), mais rien n'a changé dans leurs us et coutumes. Leurs prix ? ils n'ont baissé qu'en août, et seulement de... 0, 2 % (restaurants) et 0,1 % (cafés). Leurs embauches ? "pas de candidats", disent-ils (mais les salaires offerts sont honteux). Leurs salaires ? aucun effort en faveur des smicards (60 % des employés de ce secteur). Leurs investissements ? "On verra... "
Du coup, l'ultralibéral Novelli, secrétaire d'Etat au Commerce, ne sait plus quoi dire - lui si Tartarin - pour garder la face. La théorie libérale est mise à poil par la pratique. Et la pratique c'est simple : si l'archer du roi ne surveille pas le limonadier, le limonadier arnaque le client. C'est comme ça depuis les tavernes du XIe siècle.
Pendant ce temps les consommateurs indignés engueulent leurs députés UMP, qui engueulent les ministres. "On ne peut pas lâcher comme ça 2,4 milliards d'euros sans contrepartie, au vu de nos déficits publics", dit le député villepiniste Jacques le Guen. Même Estrosi, député bien libéral des Alpes-Maritimes, en est à demander qu'on suspende la baisse de la TVA à cause du comportement "choquant" des restaurateurs.
Novelli répond en défendant ceux-ci. Ils ont "des intentions d'embauche", dit-il. Oui, et le système ultralibéral dans son ensemble avait des "intentions de bien-être". Sans doute pas pour tout le monde.

Écrit par : Valtin | 16/09/2009

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