Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

12/09/2009

Souffrance au travail : 23ème suicide de salarié(e) chez France Télécom

affiche-J-ai-_tres_-mal-au-travail-2006-1-2-855ba.jpgJusque dans les entreprises dont l'Etat

est actionnaire, le type de management

induit par le ''nouvel esprit du capitalisme'' *

nuit gravement au psychisme des salariés :


-

Les médias :

<< Face au nouveau suicide d'une salariée de France Télécom, le 23e en un an et demi, Xavier Darcos propose d'envoyer le directeur général du travail dans l'entreprise, les syndicats exprimant de leur côté de vives critiques contre le management du groupe. La dernière victime, une jeune femme de 32 ans, est décédée vendredi après s'être jetée par la fenêtre de son bureau. Deux jours plus tôt, un autre salarié avait tenté de se tuer en se plantant un couteau dans le ventre en pleine réunion.

Le ministre du Travail Xavier Darcos, qui doit rencontrer le PDG du groupe Didier Lombard en début de semaine, annonce qu'il compte proposer "que le directeur général du travail, autorité centrale de l'inspection du travail en France, assiste à une prochaine réunion du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail" de l'entreprise. Il lui demandera aussi "d'engager les négociations avec les représentants du personnel de l'entreprise, pour transcrire au niveau du groupe" l'accord sur la prévention du stress au travail conclu par les partenaires sociaux en novembre 2008. Jeudi, au soir d'une mobilisation nationale, la direction s'était déjà engagée à ouvrir ces négociations vendredi 18 septembre, mais aussi à suspendre provisoirement les mobilités et à recruter des DRH et médecins du travail.

Pour Xavier Darcos, qui manifeste "sa très forte préoccupation", "il faut aujourd'hui que les entreprises (...) prennent en compte les facteurs de risques pour la santé mentale liés aux organisations de travail et à leurs évolutions".

Pour les syndicats, dont la mobilisation jeudi dénonçait les conditions de travail, ce sont les méthodes de management qui sont à l'origine de la série noire observée depuis février 2008 (23 suicides sur 100.000 employés).

"Inacceptable", "insupportable"... FO-Com, CGT, CFTC et Sud-PTT, ont réclamé tour à tour à l'entreprise des "mesures radicales", la plupart appelant l'Etat à "prendre ses responsabilités", en tant qu'actionnaire majoritaire, et FO menaçant de faire jouer son droit de retrait (qui permet à un salarié se jugeant en danger de cesser le travail).

D'autant que l'inquiétude reste forte: "je suis intimement convaincu qu'il va y avoir d'autres cas", car "on oublie tout ceux qui font des tentatives sans qu'on le sache ou qui sont en arrêt de maladie", dit Patrice Diochet (CFTC). Une crainte partagée par la psychanalyste Marie Pezé, spécialiste du stress au travail : "On aura des suicides de cadres, et même des meurtres, les couteaux sont sortis", dit-elle, tant les mesures envisagées par la direction sont "insuffisantes" voire "délétères". Depuis plusieurs années, les syndicats déplorent le malaise au travail et la pression sur les salariés, notamment pour les inciter à partir dans le cadre d'un plan de départs volontaires qui a permis de se séparer en trois ans de 22.000 salariés (pour 5.000 embauches). >>

-

[*] Le nouvel esprit du capitalisme est le titre de la monumentale enquête de Luc Boltanski et Eve Chiapello (Gallimard 1999, 828 pages), qui montre, sur le terrain, comment le management new look utilise les modes psy et l'individualisme pour aliéner radicalement les salariés à l'idéologie d'entreprise. Cette aliénation engendre des troubles psychiques quand elle se conjugue avec les destructions d'emplois, comme aujourd'hui : l'entreprise devient misanthrope après s'être érigée en seul horizon de l'existence. Ne pas s'étonner des effets pervers dans ces conditions.

18:29 Publié dans Société | Lien permanent | Commentaires (15) | Tags : social

Commentaires

à PP

> Peut-être que votre itinéraire "personnel" vous pousse à être "sensible aux ravages du capitalisme international" comme dit BH, mais cela ne doit pas cacher que la doctrine sociale de l'Eglise appelle à changer un système déshumanisant pour faire naître un nouveau modèle de société mettant le respect de l'homme au coeur du système. Je déplore que des sites "catholiques" se fichent du social et n'en parlent jamais. Leur approche économique consiste à faire une révérence au "marché", comme si son empire était menacé !!! Ils sont coupés des réalités actuelles. Pire, ils font des réflexions aigres contre l'épiscopat quand il parle du social. Drôle de gens qui jugent que l'argent est au dessus de tout soupçon.

Écrit par : Ariane, | 13/09/2009

> J'avais lu ce livre de Boltanski aussi à l'époque. Voir ce que les salariés d'AOL disaient déjà : "chez AOL les chefs ont des piercings et des vêtements de cuir" mais leurs exigences sont plus violentes que celles des chefs d'autrefois.

Écrit par : sbahn, | 13/09/2009

MODES PSY

> "le management new look utilise les modes psy et l'individualisme pour aliéner radicalement les salariés à l'idéologie d'entreprise" (dit PP) : plus exactement il faut bien voir que les modes psy, parallèlement au management, sont le produit du système consumériste de masse qui implique un contrôle des mentalités : celle du public (consommation), celle des salariés (production), etc. Tant qu'on ne portera pas le fer au coeur de ce système, pas d'issue.

Écrit par : Ned, | 13/09/2009

A LA RACINE

> D'accord avec Ned. Il faut prendre le mal à la racine sinon c'est cataplasme sur jambe de bois. J'ai vécu personnellement ces dix dernières années ces méthodes de management newlook catastrophiques, reposant sur un système d'auto-persuasion empêchant toute remise en question des dirigeants et surtout évitant toute approche simplement humaine des relations de travail, ce qui est exactement le symptôme actuel à France Telecom. Il s'agissait de la reconstruction et re-fondation d'une vénérable institution culturelle de province. Un mode de management très psy-coaching déjanté et destructeur l'a conduite, un an après sa ré-ouverture, à une situation de crise telle que les pouvoirs publics ont dû envoyer en urgence une armada d'audits pour éteindre l'incendie et sauver l'institution au bord de l'explosion. Lorsqu'un de ces audits, après 3 heures d'entretien me confiait, très sérieusement : "dans votre équipe de direction il s'est développé des relations de type sado-masochiste", je me dis que ce monde du travail est vraiment très malade.

Écrit par : anon, | 13/09/2009

SOCIOLOGUE ET STRESS


> J'ai lu ceci :

"Les salariés sont à cran." La sociologue Monique Crinon analyse pour lepoint.fr le malaise des salariés de France Télécom. Membre de l' Observatoire du stress et des mobilités forcées à France Télécom , elle a mené une expertise auprès d'une quarantaine de salariés de l'entreprise en Île-de-France, fin 2008.

lepoint.fr : Comment se traduit le mal-être des salariés de France Télécom ?
Monique Crinon : Le malaise s'exprime beaucoup dans les mots utilisés. Les salariés ont l'impression d'être des "pions" : ils sont déplacés de site, changés de poste sans même comprendre pourquoi. D'autre part, la "perte d'estime de soi" est un terme qui revient souvent. Les salariés ont le sentiment de ne pas être reconnus dans leur métier. Pour eux, au quotidien, c'est comme si la compétence appartenait au poste occupé et non à la personne qui y travaille. Le sentiment d'"incertitude" est aussi important. La multiplication des mobilités forcées les empêche de se projeter dans l'avenir. Enfin, dans une entreprise qui réduit sa masse salariale sans passer par un plan social, beaucoup se plaignent de "harcèlement" et d'être poussés vers la sortie.

Comment expliquez-vous les suicides ?
Le travail apparaît comme la cause principale du suicide pour les 23 salariés qui ont commis ce geste depuis février 2008. C'est l'organisation du travail au sein de France Télécom qui fragilise les salariés, et cela, la direction refuse de l'admettre. L'entreprise ne semble pas se sentir responsable de ce qui se passe dans ses murs. Tous ces suicides doivent être reconnus comme des accidents du travail. C'est d'ailleurs ce que réclament les syndicats.

Les salariés de France Télécom sont-ils exposés à un stress particulier ?
Il est certain que le management par le stress se généralise et qu'il n'existe pas qu'à France Télécom. Mais il y a un contexte bien précis qui explique cette situation tendue. La privatisation de l'opérateur en 1997 a été l'occasion de changer la culture d'entreprise et cela a été très mal maîtrisé. La modification de l'organisation du travail, les déplacements de salariés, les fermetures de sites augmentent la pression sur les salariés. On parle beaucoup des suicides, mais n'oublions pas tous les salariés qui ne font que "survivre" au sein de l'entreprise. Pour tenir, ils ont recours à des médicaments, consultent régulièrement des médecins et enchaînent les arrêts maladie. Même les cadres sont concernés.

Quelles solutions sont à envisager ?
La direction de France Télécom doit agir. Avec cette vague de suicides, les gens sont à cran. Il faut à tout prix cesser les mobilités forcées. Les orientations stratégiques doivent être comprises par les salariés. La culture de la négociation et le dialogue social, deux aspects qui existent peu pour le moment, doivent trouver leur place dans l'entreprise. Enfin, il faut tout faire pour que les salariés soient considérés comme de vrais professionnels, apportant une vraie valeur ajoutée. Leur valeur humaine doit être reconnue, ce qui n'est pas le cas actuellement. "

Écrit par : Luça, | 14/09/2009

"MONSIEUR BOURGEOIS"

> C'est pour ça que je considère comme des sans-coeur les Monsieur Bourgeois disant : "Fumistes de fonctionnaires qui ne veulent pas travailler." Des sans-coeur et des ignares, parce que ce jugement de mépris date d'il y a trente ans et que depuis le monde a changé et Monsieur Bourgeois ne le sait pas puisqu'il ne lit que Le Figaro, journal que personne n'a prévenu de la chute de Louis-Philippe.

Écrit par : Torbenn, | 14/09/2009

LE MEPRIS

> Un site dont le nom commence mal (comme disait le duc d'Orléans) déclare son mépris envers les suicidés de France Télécom. En somme il y a encore en 2009 des bourgeois XIXe, genre "ces gens-là, c'est vice et fainéantise ". Or l'enquête est en train de confirmer que la direction de France Télécom n'a pas voulu entendre les avertissements de ses salariés, et qu'elle vient seulement de prendre la mesure du problème parce qu'elle a été semoncée par le ministre du Travail.

Écrit par : Torbenn | 16/09/2009

''POUR QUE CA MARCHE, IL FAUT METTRE UNE PRESSION D'ENFER''

> France Télécom, 23 suicides en 19 mois :
- Le 13 décembre 2007, les syndicats publient un rapport sur l'impact psychologique catastrophique du management de France Télécom qui déstabilise les salariés en permanence, sans contact humain ni possibilité de parler. La direction traite ce rapport par le mépris ("non scientifique").
- Le 21 décembre 2007, le Syndicat national des personnels de santé proteste officiellement auprès du PDG de France Télécom en accusant le groupe "d'atteintes à la déontologie médicale et à l'indépendance des médecins du travail à propos de la souffrance au travail dans cette entreprise".
- Le 11 janvier 2008, faisant visiter son Technocentre de Châtillon dédié à l'innovation (Orange Labs), le PDG de France Télécom déclare ouvertement la méthode du groupe dans la façon de traiter les salariés : "Pour que ça marche, il faut mettre une pression d'enfer".
- A partir de février 2008 : 20 suicides à France Télécom.
- Le 14 juillet 2009, suicide d'un technicien marseillais (il s'agit d'un grand travailleur, contrairement à ce que raconteront les sites libéraux). Il laisse une lettre mettant en cause les méthodes de France Télécom. Les syndicats demandent au PDG un entretien en urgence. On leur répond de patienter jusqu'au 10 septembre.
- 11 août 2009 : nouveau suicide d'un technicien (Besançon). France Télécom accepte enfin d'organiser une réunion (25 août).
- 21 août 2009 : la direction de France Télécom tente de détourner l'attention des médias. C'est là que commencent les petites accusations infamantes : tel suicidé "avait un problème avec sa copine", tel autre était psychotique, les syndicats "instrumentalisent" ce qui n'est qu'une série de cas particuliers, etc; Les sites internet de droite relaient obséquieusement ce buzz.
- 7 septembre 2009 : deux suicides (Lannion, Paris), une tentative de suicide (Troyes). Le gouvernement tape sur la table. La direction de France Télécom change de système de défense. Mais pas les sites internet de droite, qui continuent à plaisanter sur les suicidés.

Écrit par : Jean-François | 16/09/2009

ET MAINTENANT, LES NEGATIONNISTES DE LA SOUFFRANCE AU TRAVAIL !!!

> Après les diverses sortes de négationnisme, y compris le négationnisme climatique et celui du 11 septembre, voilà celui qui nie la souffrance au travail ! Ces petits types font bon marché (le mot est juste) de la réalité. Plus de 400 personnes se sont donné la mort pour raisons professionnelles en France en 2008. "Quatre cents mauvais ouvriers", diraient les libéraux ?

Écrit par : Laurent De Smedt | 16/09/2009

PETITES CERVELLES

> Pas compliqué, il y a des petites cervelles qui refusent tout ce qui ne correspond pas à leur logiciel. Les problèmes qui ne se ramènent pas à leurs deux ou trois sujets d'intérêt, c'est simple, ils n'existent pas. Vous dites que si ? alors vous faites partie du complot.

Écrit par : Philippa | 16/09/2009

UN MAL FOU

> Ce qui me choque et me fait honte, c'est que ces sites mettent bien en évidence et affirme leur appartenance à la foi chrétienne. Ont-ils lu les évangiles? Ont-ils lu en entier les textes pontificaux? Ces types font un mal fou au message évangélique et à l'évangélisation.

Écrit par : vf | 16/09/2009

D'ACCORD AVEC JOFFRIN, À UNE NUANCE PRÈS

> Le fond du problème n'est pas France Télécom mais l'ambiance du monde ultralibéral (en crise, qui plus est, et par sa propre faute). Comme dit Joffrin ce matin :
" Les anciens cultes, souvent, reposaient sur le sacrifice. Les dieux avaient soif, il leur fallait leur content de souffrance. Ainsi en va-t-il d'un culte beaucoup plus contemporain : celui de la performance. Pratiqué dans les entreprises les plus compétitives comme dans les studios clinquants de la téléréalité, il produit lui aussi son contigent de sacrifiés. La société de concurrence, par nature, implique l'élimination, hors du Loft, pour le symbole, mais aussi hors de l'économie réelle, cet autre cercle enchanté des vainqueurs... Ancienne administration garantissant l'emploi, disposant d'honnêtes avantages sociaux, France Télécom n'est pas, comme on dit couramment, 'une mauvaise boîte', loin de là. C'est une culture globale qui est en cause, puisqu'on sait depuis Emile Durkheim que le suicide, tragédie intime, est aussi un phénomène social. Une culture créée par les forts, qui assimile l'économie à une forme de guerre, requérant la mobilisation générale, le patriotisme fervent et la sanction régulière des défaillances. Quand le management devient martial et l'entreprise une armée sans fusils, la métaphore se prolonge jusqu'au drame : chacun sait qu'à la guerre, il y a des morts. "
Je partage le point de vue de Joffrin à une nuance près :
- Le "patriotisme fervent" exigé envers elles par les grandes entreprises, est une duperie. Les véritables patries ont des devoirs envers leurs enfants. Les entreprises ne s'en reconnaissent aucun, depuis le début de l'ère ultralibérale. Au contraire : elles considèrent la présence des salariés comme un poids mort, à réduire autant que les lois locales le permettent. Chaque destruction d'emploi fait jouir l'actionnaire.

ps/ Le côté "martial" du management ultralibéral apparaît comme une imposture aux observateurs lucides, mais pas aux somnambules, surtout quand ils viennent de milieux fana-mili et ne comprennent rien au monde actuel. D'où leur pro-libéralisme compulsif. Réflexe absurde et confusion mentale.

Écrit par : PP | 16/09/2009

TELECOMS ZEBLOG

> « Face au « mal-être » chez France Telecom », « le blog telecoms » recueille le sentiment du secteur privé des telecoms sur http://telecoms.zeblog.com »
Lyon, le 21 septembre 2009 – les professionnels du secteur privé des telecoms vont pouvoir exprimer librement leur sentiment et leurs attentes dans un secteur en pleine mutation...,
la suite sur http://telecoms.zeblog.com/418228-communique-de-presse-face-au-mal-etre-chez-france-telecom-le-blog-telecoms-recueille-le-sentiment-du-secteur-prive-des-telecoms-sur-http-telecoms-zeblog-com/

Écrit par : telecoms, | 20/09/2009

PRISE SUR RIEN, MAIS RESPONSABLE DE TOUT

> La souffrance au travail, à mon sens, résulte au moins en partie de deux séries de facteurs :
- le management "moderne", où l'agent n'a prise sur rien, tout en étant responsable de tout ;
- la conception française du rapport au travail, où reste (dans l'inconscient collectif ?) le modèle de l'emploi stable, avec une vision "familiale" de l'entreprise (adhésion aux valeurs "corporate" et tout ce genre de choses), mais où on vous vire au moindre problème (avec , au surplus, si on a plus de 40 ans, des soucis sans nom pour réaccéder au monde du travail).

Écrit par : Feld, | 27/09/2009

Les commentaires sont fermés.