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07/09/2009

Ecologie, libéralisme, droite/gauche : trois réponses de Nicolas Hulot qui ne sont pas dépourvues d'intérêt

...dans la nouvelle formule de Libération :


 

Dans le premier numéro de Libération nouvelle formule [1], Nicolas Hulot est interrogé sur la cacophonie de la taxe carbone. On peut partager les reproches que les écologistes radicaux font à Hulot (traité par eux de vecteur du greenwashing des multinationales : cf http://www.pacte-contre-hulot.org/); cependant voici des éléments de son interview qui sonnent assez juste et que l'on ne peut réfuter, à moins d'écarter toutes les données factuelles :

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« La mutation écologique est-elle incompatible avec le libéralisme ? »

« N.H. - C'est incompatible parce que le libéralisme, c'est l'absence de limites. Ce qui pose problème dans nos sociétés, ce sont nos excès. La planète nous fixe des limites. Comment prospérer sans croître, c'est l'équation du ''développement durable'', même si c'est un mot que je n'aime plus trop, parce qu'il est utilisé à toutes les sauces, une camomille mielleuse pour nous faire ingérer tous nos excès. Notre économie repose sur l'exploitation des matières premières, et si on arrive à épuisement de la plupart des stocks, je ne vois pas comment les systèmes sociaux et économiques vont perdurer et comment nos démocraties vont résister. C'est une perspective envisageable. Sur le pétrole, on n'a pas de plan B. »

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À retenir aussi :

« Pourquoi l'écologie est [2] souvent vue comme une préoccupation de bobos ? »

« N.H. - Ceux qui disent ça jouent avec le feu. Cela fait vingt ans que j'entends que l'écologie, c'est un truc de riches. Mais c'est un devoir de riches. Au Nord comme au Sud, ce sont toujours les mêmes qui vont trinquer. Et pas dans cent cinquante ans. On est face à des menaces de crises majeures. »

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Et encore ceci :

« Vous devenez gauchiste ? »

« N.H. - Au risque de vous choquer, je ne sais pas où je me situe. Je ne sais pas s'il y a un protocole de gauche ou de droite. Les contraintes sont telles que le réalisme prime sur l'idéologie. Dans le contexte de gravité et de complexité actuel, ce clivage-là n'est plus opérant. »



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- Quand Hulot dit : « le libéralisme, c'est l'absence de limites. Ce qui pose problème dans nos sociétés, ce sont nos excès », il parle comme Benoît XVI et les évêques du monde entier (sauf une poignée d'Américains). Quand les Français de droite esquivent ce problème de l'excès inhérent au libéralisme, ils sont sourds au message de l'Eglise catholique : celle-ci parle plutôt comme Hulot lorsqu'elle examine la crise actuelle.  

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- Quand Hulot dit : « Notre économie repose sur l'exploitation des matières premières, et si on arrive à épuisement de la plupart des stocks... », etc, il constate simplement les faits. Ceux qui prétendent le réfuter sont obligés de nier ces faits. Ils se retrouvent ainsi défendant une vision folle : la possibilité d'une exploitation croissante perpétuelle des ressources de la planète ! Dogme dérisoire, sachant que le pic de pétrole condamne notre système productiviste actuel. Et dogme étrange, quand par hasard il est soutenu par des chrétiens – lesquels devraient savoir que la Création et la créature sont limitées (« finies »). Certitude qui est au fondement de l'écologie chrétienne plénière : nature + humanité... [3]

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- Hulot a raison de stigmatiser cette assertion : «l'écologie est un truc de riches ». Slogan non seulement stupide, mais anti-évangélique ! Car l'écologie (le souci envers les ressources de la planète) est un devoir de riches, comme dit très bien Hulot. Nier que les riches aient des devoirs, c'est tourner le dos au christianisme. Et rejeter l'écologie plénière [4], c'est nier que les riches aient des devoirs. Nous avons « le grave devoir » de « laisser la terre aux nouvelles générations dans un état tel qu'elles puissent elles aussi l'habiter décemment et continuer à la cultiver », dit Benoît XVI dans l'encyclique (§ 50). Cela implique, dit le pape, que la communauté internationale prenne des décisions pour « contrecarrer efficacement les modalités d'exploitation de l'environnement qui s'avèrent néfastes »... La protection « de l'environnement, des ressources et du climat » le demande. Elle demande aussi (au § 51) que la « société actuelle » reconsidère « son style de vie » et rompe avec « l'hédonisme » et « le consumérisme », au prix d'un «véritable changement de mentalité ». Le pape et les écologistes parlent – dans ce domaine – le même langage, n'en déplaise aux écolophobes... et aux écologistes papophobes, empressés à prêter les pires intentions à Josef Ratzinger. [5]

 

- Et quand Hulot dit que le clivage gauche-droite n'est plus opérant et qu'il faut se situer autrement, je l'approuve : ayant la même certitude depuis des années,  je la souhaite à tous les chrétiens. Alors on pourra construire.

 

 

 

 

 

________________ 

[1]  Formule riche en contenu. Le pauvre Figaro pourrait en prendre de la graine.

[2] Ce n'est hélas pas une coquille : comme les quatre cinquièmes des Français, les journalistes parlent le pidgin global qui supprime notamment les tournures interrogatives. (« Pourquoi est-elle... »).

[3]  Opposer l'écologie humaine à l'écologie naturelle ne serait pas judéo-chrétien. Ce serait renier le livre de la Genèse.

[4]  Qu'on ne dise plus : « Caritas in veritate condamne l'écologie ». Assertion grotesque ! Dans le paragraphe 48 où l'encyclique renvoie dos à dos deux extrêmes (considérer la nature comme une réalité « intouchable » ou « en abuser »), elle développe, ainsi qu'aux §§ suivants, la conception plénière chrétienne qui intègre au premier chef l'écologie : solidarité et la justice envers les générations futures, nécessaire réglementation mondiale de l'exploitation des ressources, diminution de la consommation énergétique des pays riches (donc sortie du modèle économique actuelc'est l'objectif même de la décroissance !), et gestion responsable de la Terre pour qu'elle puisse « accueillir dignement et nourrir la population qui l'habite » : car « il y a de la place pour tous sur la Terre ». Cette idée démographique n'est pas le contraire de l'écologie, comme le croient les catho-intégristes écolophobes : elle fait partie de l'écologie plénière. (Se rappeler la polémique du journal La Décroissance contre le malthusianisme d'Yves Cochet, note de ce blog du 02/05/09). De même : opposer la sauvegarde de la nature et le combat pour la vie, c'est insulter le pape, qui ne les oppose pas mais les associe inséparablement et avec la plus forte insistance (§ 51). Noter enfin que le raisonnement de Benoît XVI repose sur la prise en compte du facteur anthropique : « les modalités d'exploitation de l'environnement qui s'avèrent néfastes », § 50. (On sait que ces nuisances humaines sont niées, obsessionnellement, par la droite religieuse américaine et ses relais français).

[5]  Je leur dis fraternellement : si vous voulez émettre un avis sur une encyclique, lisez-la, plutôt que sa démolition-réflexe dans Golias ou son résumé déformant par un bedeau du Medef.

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13:02 Publié dans Ecologie | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : écologie

Commentaires

ET LES ACTES ?

> Intéressantes déclarations de Mr Hulot mais il faut espérer que cela se traduise par des actes réels et que cela ne soit pas une récupération médiatique dans le but de neutraliser ces positions. Nicolas Hulot est-il vraiment différent de yann Arthus Bertrand? Fera-t-il avancer les choses ou est-ce un "greenwashing"plus subtil?
vf

[ De PP à VF - Je fais les mêmes réserves que vous. Reste que le contenu des déclarations citées va dans le bon sens. ]

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Écrit par : vf | 07/09/2009

HELICOLOGISTE

> Hulot devrait cesser ses sorties en hélicoptères avant de faire la morale aux honnêtes citoyens, et familles, qui ont légitimement besoin de leur véhicule.
Culot

[ De PP à C. :
- Vous avez raison si vous faites partie des écolos radicaux, qui jugent sévèrement Hulot à ce sujet (et au sujet des multinationales qui soutiennent sa fondation).
- Mais si vous êtes en réalité un écolophobe (ce que laisserait supposer votre phrase sur les véhicules, les honnêtes familles, etc : argument bien souvent utilisé par les journaux et partis de l'industrie automobile), êtes-vous sûr que votre argument soit de bonne foi ?
- Sur les hélicos : le recordman du genre serait plutôt Arthus-Bertrand, de nos jours. ]

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Écrit par : Culot | 07/09/2009

DISCUTABLE HULOT

> Bonjour,
J'apprécie à leur juste valeur ces propos pleins de bon sens, mais je trouve l'anecdote, quant à cette lecture, assez curieuse : pas plus tard qu'hier je découvrais par hasard le contenu du "Pacte contre Hulot" - http://www.pacte-contre-hulot.org/ - (comme quoi tout arrive). Je trouve amusant qu'avant même d'être tenté d'apposer un jugement sur ce monsieur, votre article vienne faire comme un contre-poids. Il est véritablement difficile de juger, je trouve, les efforts et apports de chacun. Toujours est-il que l'oeuvre d'Hulot se juge moins à ses options de transport pour faire découvrir la planète (ne soyons pas hypocrites) qu'à son impact sur les mentalités. Si il éveille certaines consciences, il est difficile de ne pas le considérer comme LE cheval de Troie des nouveaux lobbies de l'écologie mercantile, et du développement (ultra libéral) "durable"... Dieu nous préserve que ce développement, tel qu'il est envisagé, soit durable !!!

Écrit par : Pneumatis | 07/09/2009

VALABLE ?

> Le fait que Hulot se soit servi d'hélicoptères est un grief valable s'il vient d'écologistes, mais pas s'il vient de sites partisans des hélicoptères (de combat).

Écrit par : Craonne | 07/09/2009

ETRANGE

> Une fois de plus, comme cela s'était produit récemment avec l'article de Xavier Darcos dans "L'Osservatore Romano", une personnalité contestée exprime des choses justes, qui rejoignent la pensée de Benoît XVI... et au lieu de s'en féliciter, bon nombre de commentaires saisissent l'occasion pour envoyer une volée de bois vert à l'auteur de ces propos.
Étrange !
Étonnez-vous alors que Benoît XVI ne soit pas écouté, ni même lu, de ceux qui sortent leur griffe dès qu'ils entendent prononcer son nom...

Écrit par : Michel de Guibert | 08/09/2009

Cher michel de Guibert,

> je n'envoie aucune volée de bois vert, je suis dubitatif vis à vis de mr Hulot. J'attends la suite de son action avant de me prononcer. Justement par ce que sa position de membre du monde médiatique (cf ses émissions ou sa fondation), donc du système que l'on critique, le rend contestable, je préfère attendre ce qu'il va faire. Pour Mr Darcos, l'action, je l'avais déjà vue comme prof, là est la différence.

Écrit par : vf | 08/09/2009

DROITE

> Je suis assez gêné par le signe d'égalité que vous mettez souvent entre "Français de droite" et "libéral" (ici, comme dans d'autres notes du présent blog). Je suis Français de droite, longtemps membre de l'UMP, catholique, mais jamais je ne me suis reconnu dans le libéralisme. A droite, y'a un courant anti-libéral plus puissant qu'on ne le dit ... René Rémond n'écrivait-il pas qu'en France il y a 3 droites, dont l'une seulement est libérale? A l'inverse, il y a clairement une gauche libérale, qui se revendique comme telle.

Écrit par : Olivier C. | 09/09/2009

TAXE CARBONE

> Je ne suis ni écolo radical, ni écolophobe. Merci de ne pas classer les gens selon une dialectique de type marxiste. Je suis respectueux de l'environnement. Et sur ce plan, l'exemplarité a plus d'impact que les jolies phrases. En outre, je ne suis pas lié à l'industrie automobile, mais je suis issu d'une famille nombreuse, j'ai habité en pleine campagne où j'ai appris à aimer la nature mais dont le corollaire, pour mes pauvres parents, était d'utiliser un véhicule (pour famille nombreuse...) pour le moindre déplacement (école, messe, etc.). A ce titre, je m'insurge contre la taxe carbone, car elle va encore toucher les nantis et non les bobos comme Hulot qui n'ont que faire de l'environnement dans leur vie privée (mais pas à la télé).
Culot

[ De PP à C. :
- Ne pas crier au marxisme dès qu'on pose une question, ce serait une bonne chose.
- Ensuite, il y a encore plus opposés que vous à la taxe carbone : ce sont les anticapitalistes écologiques de "La Décroissance". Extrait du denrier numéro de ce journal : la taxe carbone, c'est "l'écologie antisociale. En effet, les ménages les plus riches pourront se payer des voitures moins polluantes, installer des panneaux solaires ou se déplacer en train. Les plus modestes, par contre, ne pourront pas accéder à ce mode de vie 'écologique'... Le plus scandaleux reste que les grands groupes industriels seront exonérés de taxe, puisqu'ils sont déjà assujettis au marché du carbone... A présent, on comprend mieux l'intérêt du matraquage de films comme 'Home', avec son discours totalement dépolitisé : il s'agit, en pointant uniquement la responsabilité individuelle et jamais la responsabilité politico-économique, de faire accepter cette écologie antisociale..." ]

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Écrit par : Culot | 09/09/2009

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