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14/08/2009

Afghanistan : impasse américaine, mots creux français. Seuls les morts sont réels...

Sauf les officiels et les neuneu, tout le monde admet que c'est une « guerre perdue » (cf. la presse de ce matin) :


 

Il ne suffit pas de répéter que les talibans sont méchants. Leur méchanceté est sûre, mais ce n'était pas une raison pour agir en Occidentaux aveugles là-bas. Or c'est ce qu'ont fait les Américains, comme d'habitude en Asie, et nous avec eux depuis qu'on nous a ramenés dans la vassalité. Le résultat est sous nos yeux : « Afghanistan - Pourquoi la guerre est perdue », titre Libération ce matin. Résumé du dossier : « Les responsables militaires reconnaissent que leurs ennemis occupent le terrain. Obama a décidé d'accroître la présence militaire sans associer la France, qui joue un rôle mineur. » Jouer un rôle mineur dans un échec n'est pas la pire des situations ; mais cela montre que Paris a raté son seul objectif, qui était de devenir l'associé de Washington.

La modicité de leur rôle là-bas n'empêche d'ailleurs pas les forces françaises d'être détestées des Afghans : « La population ne nous aime pas. Dans certains villages, nous sommes même haïs », reconnaît le colonel Chanson, chef de corps du 3e RPIMa. Position qui doit plaire aux quelques partisans parisiens du « choc des civilisations », mais qui répond mal au prétexte de l'Elysée (« lutter contre l'obscurantisme »). Et aux dérisoires théories militaires de « contre-insurrection »... (Comme si des étrangers pouvaient « contrer » des autochtones, dans ce domaine dont la clé est la psychologie locale). Quant au porte-parole de l'état-major français, il allègue encore d'autres objectifs : « sécuriser des zones », « permettre à l'Etat afghan de se reconstruire », « aider au développement », « soutenir une montée en puissance de l'armée afghane ». Nul n'est dupe d'une telle rhétorique. Aucun de ces objectifs politiquement corrects n'est en passe d'être même approché ; ils sont aussi plausibles que la visite de BHL à Kaboul, il y a six ans, pour y « encourager » la libération de la femme. Ou que le boniment du député atlantiste du Vaucluse : « Nous avons le devoir de l'emporter, militairement d'abord, mais aussi et surtout en gagnant la confiance des Afghans ». Un peu tard pour le dire !

Extrait de l'éditorial de François Sergent (Libération, 14 août) :

« Les Afghans n'aiment pas les envahisseurs. Ils les chassent : les Anglais, les Russes, les Soviétiques. Les Américains et leurs supplétifs, notamment français, pourraient bien devenir les prochains à être vaincus par ce pays violent et âpre. […] Cette guerre a échoué. Les Américains et leurs alliés ont privilégié les objectifs militaires au mépris de la population, qui perçoit l'étranger comme un ennemi. Les troupes occidentales n'ont apporté que terreur et instabilité aux populations civiles. […] Obama a décidé de se retirer d'Irak, alors qu'il entend accroître l'effort de guerre en Afghanistan. Mais on perçoit mal quelle part la France, son président, ses militaires, ont pris dans l'élaboration de cette nouvelle stratégie à hauts risques. »

 

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Commentaires

CAROTTE-BÂTON

> Cette guerre se présente comme un élément de la "politique étrangère de civilisation" qui manie tour à tour la carotte et le bâton:
- la carotte de l'adhésion de la Turquie à l'Union européenne pour forcer la naissance en Turquie d'un Etat démocratique et libéral qui puisse servir de modèle aux autres pays musulmans (il y avait bien le Liban, mais il a échoué en ce domaine);
- le bâton de la guerre en Irak pour faire la même chose (y faire naître un Etat démocratique et libéral qui serve de modèle au monde musulman);
- le bâton de la guerre en Afghanistan avec un peu le même objectif, et aussi celui de faire le "containment" des talibans avant qu'ils n'emportent dans leur mouvement le Pakistan voisin où il serait bien plus difficile d'intervenir.
On voit bien les graves lacunes de ces politiques (les chrétiens d'Orient payent la facture par une relance de la persécution qui conduit ceux qui le peuvent à l'exil), mais que faire d'autre ? Se retirer brutalement d'Irak en prenant le risque de voir s'implanter un régime islamiste radical; abandonner l'Afghanistan et donc, à terme, le Pakistan; forcer l'entrée d'une Turquie bien peu démocratique en Europe contre l'avis des peuples européens ? Les élections en Iran ouvraient la possibilité d'une autre voie, mais elle a été brutalement refermée.
BH

[ De PP à BH - Quand j'ai débuté dans le journalisme, en 1972, les chroniqueurs de politique internationale disaient : "La guerre au Vietnam tourne à l'enlisement et au carnage, mais que peut faire d'autre la Maison Blanche ?" ]

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Écrit par : B.H. | 14/08/2009

CARNAGES

> Que peut faire d'autre la Maison Blanche ? L'enlisement et le carnage vietnamien ont débouché, après le départ des américains, sur un autre carnage... Celui dont les médias occidentaux n'ont pas parlé, en tout cas pas autant qu'ils avaient dénoncé la guerre du Viet-Nam... Demandez à l'homme de la rue ce qu'est un boat-people... En revanche il connaît Rambo, Platoon, Full metal Jacket, Apocalypse Now, et j'en passe !
Alors bien entendu c'est un échec cuisant et prévisible. Les Français ont la mémoire courte, eux dont l'armée avait compris en Algérie que la pacification passait par la "guerre psychologique" et le maillage du territoire. Avec des résultats probants en termes militaires ! Mais il ne suffit pas de pointer du doigt un échec : pour que l'horrible expérience vietnamienne ne se reproduise pas, il faut inventer autre chose. Quoi ??
Edouard

[ De PP à E. - Si De Gaulle et une majorité de Français ont estimé que la situation mondiale rendait impossible le maintien de l'Algérie dans l'obédience de Paris, le fait est que l'armée avait réussi une contre-insurrection pendant quelques mois en en 1958. Mais cela n'avait été possible qu'en raison des 130 ans de présence française outre-Méditerranée qui avaient produit des références communes, discutables et fragiles mais existantes... Rien à voir avec les invasions militaires américaines en Asie.
Quant au régime de Hanoï ayant conquis le Vietnam, il fut totalitaire, mais on ne peut pas parler (après 1975) de "carnage" symétrique à celui de la guerre américaine (jusqu'en 1975): les bombardements massifs, les villages napalmés, etc. (Evitons de dire "on ne fait pas d'omelette sans casser des oeufs" : d'abord cette idée est atroce, ensuite il n'y a pas eu d'omelette bien qu'on ait cassé des centaines de milliers d' "oeufs" humains). Ce qu'a fait le Pentagone pendant la guerre du Vietnam ne saurait être effacé rétrospectivement au nom de l'anticommunisme. Surtout quand on sait qu'à la fin, le pays a été... livré aux communistes !
J'ajoute que le public occidental a été gavé d'histoires de boat people pendant les années 1980. Souvenez-vous. Il en était question tous les jours. LE film qui a marqué le public fut "Killing Fields", sur l'horreur des Khmers rouges, et non les films anti-guerre US. Je me permets de signaler que si les Khmers rouges ont pu s'emparer du Cambodge, c'est parce que les Etats-Unis avaient étendu la guerre à ce malheureux pays.
(Oserai-je rappeler que le héros du film, Haing Ngor - après s'être tiré par miracle de l'enfer de Pol Pot - a fini assassiné aux Etats-Unis en 1986 par des drogués ? mais c'est une autre histoire).]

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Écrit par : Edouard | 14/08/2009

LECONS

> Non cher Patrice je n'efface rien au nom de l'anticommunisme ! Vous ne me prendrez pas en flagrant délit de relativisation. Le régime vietnamien a été, comme tous les régimes totalitaires, atroce. 20 ans avant, sous les mêmes dirigeants (Hô Chi Minh et Giap), les villageois ralliés aux Français étaient massacrés (relisez Hélie de Saint Marc, traumatisé par ce souvenir).
Le problème, en Indochine, en Algérie, au Viet Nam, et demain au Moyen Orient, c'est de combattre un ennemi idéologique, éventuellement de le vaincre (Algérie) mais le plus souvent de s'y prendre n'importe comment, puis ensuite de lui livrer le pays qui subit un traitement de choc (communisme, FLN ou islamistes) dramatique. Que les américains quittent l'Afghanistan et l'Irak est nécessaire. Ils n'auraient jamais du y mettre les pieds. Mais nous savons que leur départ aura des conséquences immédiates et dramatiques ! Alors que fait-on ? Qu'au moins l'histoire des massacrés, des tonkinois de Saint Marc, des harkis refoulés par Messmer, des viets alliés aux américains, etc. serve de leçon !

Écrit par : Edouard | 14/08/2009

@ EDOUARD

> Ne confondez pas les "massacres vietminh et vietcong" pendant les deux guerres, et la "tyrannie du régime" après 1975. Durant les deux guerres, les forces viêtnamiennes ont combattu avec les armes de la guerre révolutionnaire, qui vont jusqu'aux mesures les plus extrêmes. Mais ce genre de méthodes (villages éradiqués, exécutions de Hué, etc) sont liées à la situation de guerre : terreur révolutionnaire contre surarmement et surpuissance de l'ennemi impérialiste. Elles ne sont plus pratiquées (cessant d'être "nécessaires") après la victoire, où l'on passe à un autre type de pouvoir.

Écrit par : Doc Lap | 14/08/2009

NOUVELLE DEMONSTRATION DE FORCE DES TALIBANS DANS KABOUL

> " Samedi 15 août 2009 : attentat suicide devant l'Otan à Kaboul - Au moins sept civils afghans ont été tués et 91 personnes blessées samedi dans un attentat suicide à la voiture piégée devant l'entrée du QG de la force de l'Otan en plein centre de Kaboul, une nouvelle démonstration de force des talibans à cinq jours de l'élection présidentielle. L'attaque, survenue dans une des zones les plus sécurisées du pays, a été rapidement revendiquée par les insurgés islamistes, qui ont affirmé avoir voulu viser l'ambassade des Etats-Unis toute proche.
Vers 8h30, à une heure de pointe, un kamikaze a fait sauter sa voiture bourrée d'explosifs devant l'entrée principale du quartier général de la Force internationale d'assistance à la sécurité (Isaf) de l'Otan, en plein centre de la zone ultra-sécurisée où sont établis nombre d'ambassades occidentales et le principal camp militaire américain de la capitale.
Selon un dernier bilan du ministère afghan de la Défense, sept civils ont été tués et 91 personnes blessées, dont la plupart légèrement, dont quatre soldats afghans et une parlementaire, Hawa Alam Nuristani. Un porte-parole de l'Isaf a indiqué à l'AFP que cinq soldats de la force ont été blessés, mais que leur vie n'était pas en danger.
Un porte-parole habituel des talibans, Zabihullah Mujahid, a revendiqué l'attentat au téléphone auprès de l'AFP. "Un kamikaze a fait sauter 500 kg d'explosifs à bord d'un 4X4 devant l'ambassade américaine", a-t-il assuré.
"Il a été stoppé par les forces de sécurité afghanes à la première porte" menant au quartier général de l'Otan, a expliqué le général Eric Tremblay, porte-parole de l'Isaf.
L'attaque a détruit une grande barrière de béton qui protégeait la base militaire où sont stationnés des centaines de soldats étrangers, endommageant des véhicules et faisant voler en éclat les vitres des habitations du quartier, a constaté un journaliste de l'AFP. Elle a eu lieu non loin du palais du président afghan Hamid Karzaï, largement favori du scrutin de jeudi. L'attaque est un nouveau camouflet pour son gouvernement et ses alliés occidentaux dont les troupes ont chassé les talibans du pouvoir fin 2001 et tentent, depuis, d'endiguer leur insurrection qui a gagné du terrain depuis deux ans. "

Écrit par : Argus, | 15/08/2009

PAS DE DEBAT EN FRANCE

> Moi j'ai lu ça :

" Aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne, le débat sur le fait de savoir si l'Otan n'a pas déjà perdu cette guerre est lancé. Mystérieusement, pas en France, où le principal engagement de l'armée française à l'étranger ne fait polémique que lorsque le nombre de pertes est trop élevé.
« Les talibans gagnent » a titré le Wall Street Journal le 10 août. Dans un entretien accordé au quotidien financier, le général Stanley McChrystal, commandant des forces américaines et de l'Otan en Afghanistan, a reconnu les difficultés des forces étrangères face au durcissement des combats dans le pays. ...Les déclarations d'un autre haut gradé des forces occidentales présentes en Afghanistan en rendent compte. Le général David Richards, qui prendra fin août le commandant en chef de l'armée britannique, juge que l'Otan n'a aucune chance de se retirer totalement du pays et que même si le rôle de l'armée britannique évolue, « le processus complet pourrait prendre entre 30 et 40 ans ». De quoi plomber les Britanniques, majoritairement opposés, selon les sondages, au maintien de leurs soldats en Afghanistan après des pertes à répétition enregistrées par leurs « boys », et récemment très ému par le cas de Joe Glenton, un jeune déserteur qui a publiquement condamné la guerre dans une lettre ouverte : « La guerre en Afghanistan ne réduit pas le risque terroriste et, loin d'améliorer la vie des Afghans, sème la mort et la désolation dans tout le pays. La Grande-Bretagne n'a rien à faire dans ce pays. »
...[En France], aucun débat n'a véritablement lieu sur la nature, sur l'ampleur, et sur les objectifs cet engagement. Silence radio, à droite comme à gauche. Le terrain est donc libre pour la langue de bois officielle. "

Écrit par : Ona Luça, | 15/08/2009

NEUNEU

> Précisément, Ona, les neuneu aiment la langue de bois. C'est le seul côté écologique.

Écrit par : Nedlud, | 15/08/2009

201 MORTS BRITANNIQUES

> " 15 août - Le nombre de soldats britanniques tués en Afghanistan depuis l'invasion de 2001 a atteint samedi la barre des 200 après le décès dans un hôpital du centre de l'Angleterre d'un militaire blessé jeudi dans la province d'Helmand, annonce le ministère de la Défense. "La mort du 200e soldat britannique en Afghanistan est une nouvelle profondément tragique", déclare le Premier ministre Gordon Brown dans un communiqué.
Londres dispose de 9.000 militaires engagés contre les taliban en Afghanistan, où les violences se sont accrues à l'approche de l'élection présidentielle du 20 août.

" 16 août - Un soldat britannique a été tué par une explosion lors d'une patrouille à pied dans la province d'Helmand, dans le sud de l'Afghanistan, a annoncé l'armée dimanche. Son décès porte le bilan à 201 militaires britanniques tombés dans ce pays. Le ministère de la Défense a précisé que l'homme avait succombé à des blessures reçues samedi. Le bilan des soldats britanniques tués en Afghanistan a passé la barre des 200 samedi. Le Premier ministre Gordon Brown a déploré ces "informations profondément tragique" mais réaffirmé la nécessité de poursuivre la mission en Afghanistan... "

Écrit par : R.I.P., | 16/08/2009

" LONDRES (AFP) - Trois soldats britanniques ont été tués dimanche dans le sud de l'Afghanistan, ce qui porte à 204 le bilan des militaires britanniques morts dans ce pays depuis le début des opérations en 2001, a annoncé le ministère britannique de la Défense."

Écrit par : R.I.P., | 17/08/2009

GUY SORMAN

> Dans les pages Opinions du Figaro de ce jour, Guy Sorman nous incite à mourir pour Kaboul avec réalisme. Arguments : poursuivre le combat armé serait in fine moins cher que de partir. Mais il faudrait aussi changer d’objectifs : oublier la construction d'un Etat et l’éradication de la culture du pavot ; acheter les tribus les unes après les autres ; et légaliser la drogue ce qui aurait l’avantage de faire chuter son prix en Occident.
L’approche économique libérale de la géopolitique est fascinante. A l'en croire, les talibans qui contrôlent désormais plus de la moitié du pays se battent non pour Allah, mais pour des parts de marché. Et les Américains devraient offrir au mollah Omar et à Ben Laden de devenir des chefs d’un cartel de drogue légalisé, coté à la bourse de New York.
C’est fascinant !
Je n’ai jamais été un grand admirateur de la prose de Sorman, mais là, cela frise le magnifique. Nous devrions devenir libéraux d’urgence, vous ne croyez pas ?

Écrit par : Fore-and-Aft, | 21/08/2009

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