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24/07/2009

Un christianisme laïcisé n'aurait plus aucun sens

Réflexions en marge de l'évangile de la multiplication des pains (ce dimanche, Jean 6, 11) :


 

« Alors Jésus prit les pains et, après avoir rendu grâce, les leur distribua ». Ce sont les mots de la dernière Cène. Les lecteurs chrétiens de l'épître comprennent (dit l'exégète) que « le miracle des pains sur la petite montagne de Galilée est le signe du banquet de l'Eucharistie qu'ils célèbrent chaque dimanche depuis la résurrection du Christ  ». Mais qu'a fait Jésus exactement en instituant l'Eucharistie ? Ce débat dure depuis quatre siècles entre la Tradition (catholique) et les protestants : entre le rite de la consécration-communion à la messe, et le geste de la Sainte Cène au culte, il n'y a pas seulement une différence de regard et un « juridisme dogmatique catholique », comme le croient les protestants et une partie des catholiques eux-mêmes. Catholique croyant, je crois que la « Présence réelle » eucharistique est le trésor transmis depuis le Christ par les successeurs des apôtres.

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Soulignons avec Louis Bouyer (dans un livre récemment réédité [*]), l'inanité de ce qui fut tenté, en 1970-1980, pour banaliser et désacraliser l'Eucharistie dans les églises catholiques. C'était une rupture, non seulement avec la Tradition, mais avec la Bible tout entière.

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En effet, le rite de la messe reprend (en le transcendant) le cérémonial de la Pâque d'Israël :

« De quel prix ces rites, déjà sacrés pour Jésus comme ils le sont restés (et non point devenus) pour nous, ne doivent-ils pas nous apparaître, maintenant que nous savons que lui-même les a tous accomplis en cette nuit suprême ! Ce n'est pas seulement pendant les brèves minutes où le prêtre redit les verba consecrationis qu'il refait ce que fit le Christ, c'est d'un bout à l'autre de la messe. Avec quel respect, avec quel amour ne devons-nous pas donc conserver ce merveilleux ensemble euchologique et rituel ! De quelle prudence ne devons-nous pas nous montrer quand il s'agit de toucher à des cérémonies ou des formules que Jésus lui-même n'a pas voulu changer, mais seulement éclairer d'un sens nouveau !

...La profondeur avec laquelle nous voyons Jésus en personne insérer le plus neuf de son Evangile dans le plus traditionnel de l'Ancien Testament, est pour nous une leçon que nous ne saurions trop méditer. Dans le domaine de la foi, comme dans celui du rite, en effet, un christianisme déraciné sous le fallacieux prétexte d'être ''mis à la page'' serait seulement un christianisme vidé de sa substance, privé de son sens. Le drame rédempteur de la Croix se greffe sur Israël […] Pas plus qu'il ne peut y avoir de religion chrétienne laïcisée, arrachée à la sphère du sacré, il ne peut y avoir d'Evangile séparé de toute la Bible. Il n'y a jamais eu, en effet, qu'un seul peuple de Dieu, que Dieu a travaillé à se constituer depuis Abel jusqu'à nous. »

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[*] La Bible et l'Evangile, Cerf 2009.

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Commentaires

EUCHARISTIE

> Les réactions provoquées par l'encyclique du pape Jean-Paul II, "Ecclesia de Eucharistia" (2003), paraissaient correspondre à la volonté plus ou moins assumée chez certains catholiques de "laïciser" l'eucharistie, pour reprendre votre expression.
Ainsi l'a-t-on accusé de méconnaître la liturgie de la parole et l'action de grâce; en somme de se complaire dans une théologie rétrograde datant du XIIIe siècle et de la controverse anti-protestante; de se crisper sur la dimension sacrificielle de l'eucharistie et l'importance du rôle sacerdotal du prêtre. J'ai même lu qu'il était de mauvais goût de sa part d'encourager les chrétiens à l'adoration eucharistique, - dévotion paraît-il tardive et anti-protestante.
Et encore : en rappelant le rôle irremplaçable du prêtre il "inférioriserait" les laïcs. Effectivement, il me semble exister aujourd'hui chez certains chrétiens une sorte de lutte des classes prêtres-laïcs. Ainsi lorsque Benoît XVI est venu en France, les accusations de cléricalisme portées contre lui, parce qu'il a eu le malheur de parler du ministère du prêtre aux évêques. Ce genre de mentalité est assez malsaine; espérons qu'elle disparaisse avec les plus jeunes générations.
L'année saint Jean-Marie Vianney sera une occasion inespérée de remettre les choses à plat. Je me souviens mon émotion d'enfant quand je lisais sa vie!!!
Saint Jean-Marie Vianney, qui avait cette parole :
"Sans la divine Eucharistie, il n’y aurait pas de bonheur en ce monde, la vie ne serait pas supportable. Quand nous recevons la sainte communion, nous recevons notre joie et notre bonheur."
C'est lui aussi qui disait du prêtre :
"Quand on veut détruire la religion, on commence par attaquer le prêtre, parce que là où il n’y a plus de prêtre, il n’y a plus de sacrifice, et là où il n’y a plus de sacrifice, il n’y a plus de religion."
Ce qui est tout-à-fait dans la ligne de Vatican II, quoi qu'on dise.

Écrit par : Blaise | 24/07/2009

@ Blaise

> Il est exact que l'adoration eucharistique est une dévotion relativement tardive, mais pas anti-protestante, au moins initialement, car, comme l'institution de la fête du Saint Sacrement (Fête-Dieu), dont la messe et l’office ont été composés par saint Thomas d’Aquin, elle date du XIIIème siècle.
Elle date en effet d’une époque où les communions des fidèles étaient devenues rares, et où le désir de "voir" l’hostie avait pris le pas sur le désir de "manger" le Corps du Christ, par une sorte de substitution compensatrice.
En effet, l'usage s'était alors répandu, les fidèles ne se sentant pas dignes de communier, de remplacer la communion par la vision de l'hostie au moment de l'élévation (qui date aussi de cette époque et pour les mêmes raisons), au point que le Magistère dût instituer l'obligation de la communion eucharistique, au moins une fois l'an, à Pâques.
Sans vouloir le moins du monde dévaluer cette dévotion qu'est l'adoration eucharistique, mais pour remettre les choses à leur juste place, il est bon de relire et de méditer l'institution de l'Eucharistie ("Prenez et mangez-en tous") et le discours sur le Pain de Vie (Jean 6) :
- "Je suis le pain vivant, descendu du ciel. Qui mangera ce pain vivra éternellement. Et même, le pain que je donnerai, c'est ma chair pour la vie du monde." (Jean 6, 51)
- "Qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi et moi en lui" (Jean 6, 57)

Écrit par : Michel de Guibert | 25/07/2009

à Michel de Guibert

> Je me contentais de rapporter une critique adressée à l’encyclique de Jean-Paul : sous prétexte que l’adoration eucharistique se serait particulièrement développée à l’époque de la Contre-Réforme, en réponse aux objections des Protestants, il faudrait y renoncer, parce qu’anti-œcuménique. Le fait est sans doute avéré, mais la déduction est plutôt réductrice.
L’habitude de ne communier qu’une fois l’an n’est pas propre à l’Occident. De nos jours, l’Eglise éthiopienne fait de même. Par contre c’est vrai, je crois bien que l’adoration eucharistique est une dévotion propre à la chrétienté latine. Mais cela ne me choque pas : c’est une bonne chose que les églises aient des dévotions qui leur soient plus particulières qu’à d’autres. Comme dans un cœur, chacune apporte sa note pour enrichir la mélodie générale.
En fait, j'ai du mal à séparer adoration eucharistique et méditation de l'Institution eucharistique. Car au fond du fond, il s'agit bien de prendre le temps de peser toute l'ampleur des paroles du Christ à la Cène. Présence et Parole sont inséparables.

Écrit par : Blaise | 27/07/2009

@ Blaise

> Oui, l'adoration eucharistique est, à ma connaissance, une dévotion propre à l'Eglise latine.
Pour le reste, je suis d'accord avec vous ; j'insistais seulement sur le fait que le corps du Christ, pain de vie, est fait pour être mangé.
Vous dites ne pas séparer adoration eucharistique et méditation de la Parole de Dieu ; ne parle-t-on pas précisément de "manducation" de la Parole !

Écrit par : Michel de Guibert | 30/07/2009

à Michel de Guibert

> Je vous avais mal compris. Mais je suis d'accord avec vous. L'adoration eucharistique doit conduire le fidèle à désirer la consommation du Corps du Christ. L'adoration eucharistique doit approfondir ce désir.

Écrit par : Blaise | 30/07/2009

@ Blaise

> Oui, et, comme disent les Pères, quand nous communions au corps du Christ, nous devenons ce que nous recevons.

Écrit par : Michel de Guibert | 03/08/2009

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