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03/06/2009

Euthanasie : rapport instructif sur la Belgique

...dans le bulletin de l'Institut européen de bioéthique :


 

BULLETIN DE L'INSTITUT EUROPEEN DE BIOETHIQUE, 2 JUIN 2009

http://www.ieb-eib.org/


Evaluation de la politique de l'euthanasie et sa pratique en Belgique.

L'euthanasie a été dépénalisée en Belgique par une loi du 28 mai 2002. Les
sept années écoulées depuis lors procurent un recul raisonnable pour évaluer
l'application de la loi. Une telle étude a été réalisée récemment par le
professeur Raphaël Cohen-Almagor, de l'Université de Hull (Royaume-Uni) et
publiée, sous le titre « Euthanasia Policy and Practice in Belgium :
Critical Observations and Suggestions for Improvement », dans la revue
Issues in Law & Medicine (volume 24, Number 3, 2009, pp. 187-218).

L'étude s'appuie sur les nombreux entretiens réalisés par l'auteur avec des
médecins belges (partisans ou critiques de la loi) et les visites effectuées
auprès des principaux hôpitaux du pays. Les intervenants ont relu
l'ensemble de l'étude, clôturée en janvier 2009.

Sur base de ces entretiens, le Professeur Cohen-Almagor souligne certaines
difficultés rencontrées par des médecins dans l'application de la loi
dépénalisant l'euthanasie en Belgique. Nous en relevons quelques-unes qui,
aux yeux de l'auteur, illustrent non seulement certaines imperfections de la
loi belge, mais aussi de possibles dérives.

1. La Commission d'évaluation est-elle vraiment un organe de contrôle ?

La Commission d'évaluation qui a été chargée par le législateur de
veiller à la bonne application de la loi n'a pas a priori connaissance de
l'identité du médecin qui aurait pratiqué l'euthanasie. Cet anonymat ne
peut être levé, par un vote à la majorité que si la Commission suspecte le
non-respect des conditions prévues par la loi. L'étude s'interroge sur
l'opportunité de maintenir le caractère confidentiel du deuxième volet de la
déclaration d'euthanasie, remplie par le médecin. Elle souligne que, n'ayant
pas accès à toute l'information entourant l'acte d'euthanasie, la Commission
ne peut juger du bien-fondé et de la licité de cet acte.

2. La sédation n'est-elle pas une euthanasie déguisée ?

Un médecin, cité dans l'étude, souligne que la moitié des personnes
décédées à l'hôpital meurent en état de sédation terminale. Alors que
l'euthanasie résulte d'une demande expresse du patient, l'acte de sédation
n'est pas forcément demandé par le patient. Elle ne fait l'objet d'aucune
déclaration ni document signé. Aucune loi ne règle cette pratique de plus en
plus courante de la sédation. L'auteur de l'étude pose alors la question de
savoir si bon nombre de sédations ne sont pas des euthanasies déguisées,
avec le facteur aggravant que le patient n'aurait pas été consulté et
n'aurait pas lui-même formulé cette demande. Le Professeur Cohen-Almagor
souligne ainsi l'urgence de mettre au point des consignes strictes eu égard
à la sédation terminale.

3. La demande du patient est-elle libre ?

La loi dépénalisant l'euthanasie précise que la demande d'euthanasie
doit être volontaire, réfléchie et répétée. Par ailleurs, le patient ne doit
subir aucune pression extérieure, de ses proches notamment. Après interview
de différents médecins, l'auteur de l'étude souligne que la loi devrait
spécifier le mécanisme garantissant que la requête d'euthanasie présente
dans la réalité ces trois qualités garantissant le libre choix de la
personne.

4. Le médecin peut-il proposer lui-même l'euthanasie à son
patient ?


Ayant entendu le témoignage de médecins, le Professeur Cohen-Almagor
se penche aussi sur la relation patient-médecin et pose la question de
l'influence qu'aurait ce dernier s'il en venait à proposer lui-même l'acte
d'euthanasie à son patient. L'auteur est interpellé par le fait que peu se
posent la question de savoir si, évoquer l'euthanasie avec le patient,
n'engendre pas une certaine pression sur la personne malade, influençant
ainsi de façon évidente le choix que celle-ci ferait, guidée par la relation
de confiance en « son » médecin traitant. La volonté du législateur, qui
souligne la liberté de choix du malade, serait ainsi inévitablement
compromise. Proposer l'euthanasie ne revient-il pas, bien souvent, à ruiner
la volonté de vivre et d'explorer des voies alternatives qui seraient encore
ouvertes, s'interroge l'auteur de l'étude ?

5. Indépendance du médecin à qui s'adresse la demande
d'euthanasie par rapport au médecin « consultant ».


Dans le cas de patients qui ne sont pas en fin de vie et pour
lesquels l'avis d'un deuxième praticien est requis, le Professeur
Cohen-Almagor met en évidence la réponse troublante des médecins ayant
participé volontairement à son étude : il arrive que le médecin consulté
rende son avis par téléphone et n'examine pas la personne malade. Un autre
point plus troublant concerne le choix de ce second médecin : l'auteur
laisse entendre que les médecins font naturellement appel à des confrères,
souvent les mêmes, connus pour leur ouverture à la pratique de l'euthanasie.
Se rendre ainsi mutuellement service ne pose-t-il pas problème ? Le
législateur ne devrait-il pas fixer certaines règles quant au choix du
second médecin consulté ? L'auteur de l'étude s'interroge ainsi sur le
nombre de cas pour lesquels le second avis a été divergent de celui du
médecin qui l'appelait. Il pose également la question de savoir ce qui est
prévu en cas d'avis divergents. La loi n'aborde en effet pas cet aspect des
choses.

6. Les soins palliatifs, discriminés par rapport à l'euthanasie ?

Le Professeur Cohen-Almagor estime aussi que les soins palliatifs en
Belgique sont discriminés par rapport à la pratique de l'euthanasie. Il
constate que beaucoup de médecins n'ont pas de formation en soins palliatifs
et ne consultent pas les spécialistes en la matière. Le filtre palliatif
proposé dans la loi semble donc inopérant.

En conclusion de son étude de terrain, l'auteur, soulignant le déficit de
contrôle et le laxisme dans certaines pratiques, invite le législateur à
instaurer des mécanismes pour éviter les abus. Il rappelle, au passage, la
responsabilité des pharmaciens à qui il revient de contrôler la délivrance
des substances létales. Ces derniers devraient garder un registre nominatif
des ventes et des retours des produits non utilisés après une euthanasie.

Le Professeur Cohen-Almagor lance un appel aux associations de médecins pour
mettre en place un comité dont le rôle serait d'enquêter sur les faits
litigieux rapportés et d'imposer une peine sévère s'il s'avérait que le
médecin contrevenait à la loi.

NDLR : (Plusieurs cas litigieux sont en effet connus en Belgique, sans que
la justice n'ait à ce jour prononcé la moindre condamnation).


©
Institut Européen de Bioéthique         

00:29 Publié dans Société | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : bioéthique

Commentaires

A LA POINTE

> Je suis Belge et ce constat sur la pratique de l'euthanasie dans notre pays ne m'étonne aucunement. La Belgique est à la pointe de toutes les initiatives pour légaliser tout ce qui va dans la mauvaise direction. Le monde politique est largement dominé par les laïques et ce qui était jadis le parti social chrétien s'est mué en un parti "humaniste"; celui-ci a même voté la motion de la Chambre des Représentants fustigeant les propos du pape relatifs au préservatif. De leur côté, les évêques belges ne font guère entendre leur voix pour protester contre toutes ces "avancées" éthiques qui portent atteinte au respect de la vie et de la famille. L'historien belge Henri Pirenne considérait autrefois que le catholicisme tenait lieu de patriotisme dans notre pays; on est bien loin de cela aujourd'hui où notre Etat (ou ce qu'il en reste) apparaît comme un laboratoire de tout ce qu'il ne faut pas faire. C'est à pleurer et à désespérer.

Écrit par : hildebrand, | 03/06/2009

PRESSION

> Les animateurs de nos "états généraux bioéthiques" vont-ils méditer cet exemple ? On peut se le demander. La pression médiatique en faveur de l'euthanasie est tellement forte...

Écrit par : Fulup, | 03/06/2009

LA G.P.A.

> Mais l'euthanasie n'est pas le pire problème en bioéthique. La vraie embrouille c'est le bizness des mères porteuses (location d'utérus) rebaptisé GPA, "grossesse pour autrui", pour faire humanitaire. Autant l'euthanasie fait froid dans le dos a priori, autant la GPA est prise pour une générosité. C'est là qu'il faut expliquer ce que c'est en fait !

Écrit par : Medbh, | 03/06/2009

EMOTION

> L'euthanasie aussi est prise pour une "générosité": il faut avoir pitié des personnes qui souffrent atrocement en fin de vie. La dictature de l'émotion...

Écrit par : Mahaut | 03/06/2009

STATISTIQUES

> On attend aussi des statistiques telles que celle ci à ce sujet.
Pays Bas avec euthanasie légalisée
8 centenaires pour 100 000 habitants
Belgique avec euthanaise légalisée
11 centenaires pour 100 000 habitants
Etats unis et Japon 18 centenaires pour 100 000 habitants
France 22 centenaires pour 100 000 habitants
Royaume Uni 28 centenaires pour 100 000 habitants
Nombre de centenaires tirés d'un encadré d'article de Gérard François Dumont dans la revue Fusion Hors Série N°3 et comparés avec la population des pays concernés.

Écrit par : Philippe Edmond | 03/06/2009

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