Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

04/03/2009

Ahurissant : à Bordeaux, un projet d’urbanisme durable baptisé… "Darwin" !

C’est le comble de la confusion mentale :


Construire un « éco-quartier d'entreprises et de services » exemplaire sur le plan environnemental, c’est une excellente idée : «  Les locaux fonctionneront en basse énergie, l'eau de pluie sera récupérée, l'énergie recyclée et les émissions de CO2 divisées par quatre », expliquent les promoteurs de ce projet à Bordeaux. « Cette structure atypique, inspirée des éco-quartiers du monde entier, doit s'installer à l'extrémité d'une caserne aujourd'hui désaffectée, à la Bastide, sur la rive droite de la ville. L'éco-quartier s'étendra sur 30 hectares dans le cadre d'une zone d'aménagement concerté et sera l'une des réalisations phares du nouveau projet urbain de la ville...  Le coût global du projet est estimé à 14,4 millions d'euros, dont 3 millions de fonds propres. Maintenant que l'engagement de la CUB (communauté urbaine de Bordeaux) est acquis, les choses sérieuses vont commencer : diagnostic approfondi des bâtiments et dépôt du permis de construire. L'utopie devrait devenir réalité fin 2012, début 2013 », nous précisent les journaux.

Et quel nom porte ce projet ? Stupeur : « Darwin » ! On se frotte les yeux. Pourquoi pas  « Blitzkrieg », pendant qu’on y est ?

De deux choses l’une : ou bien les promoteurs du projet n’ont pas la moindre idée de ce qu’est l’idéologie darwiniste sociale, ou bien ils le savent mais veulent noyer le poisson.

Rien n’est plus contraire à l’écologie que la vision darwinienne... Darwin a enquêté sur le vivant ? Oui, certes. Mais lui et ses épigones ont assujetti les fruits de cette enquête à une philosophie qui lui était étrangère. Laquelle ? Celle des libéraux dogmatiques de la fin du XVIIIe siècle et des débuts du XIXe, avec leur théorie réduisant l’existence aux forces de la concurrence. C’est Darwin lui-même qui le dit : il emprunta le dogme de la « sélection naturelle » à deux idéologues libéraux qui n’étaient pas des scientifiques : Spencer et Malthus. Comme disait l’écologiste Teddy Goldsmith en 2004, « le darwinisme donne une apparence rationnelle aux normes socio-économiques de la révolution industrielle, comme le changement perpétuel, dit "progrès", qui exalte les valeurs d’égoïsme et de compétition tant admirées par la nouvelle classe moyenne oublieuse des traditions de coopération et de sociabilité » - alors que « les êtres vivants de se regroupent pas au hasard, mais tissent, au contraire, les relations qui constituent les écosystèmes ». [1]

Il y a quinze jours, à Bruxelles, je signalais cet aspect de la question à un jeune journaliste. Il m’a exprimé son grand étonnement. Jusque là, il pensait, pour l’avoir entendu dire partout, qu’il y avait deux camps en présence : d’un côté les nice guys, forcément darwiniens ; de l’autre les bad guys, forcément « antidarwiniens ». Il n’en revenait pas d’apprendre : a) que les « antidarwiniens » n’avaient jamais fait de mal à personne, b) que le darwinisme social était l’origine idéologique, non seulement du capitalisme sauvage, mais du léninisme, de l’hitlérisme et de la révolution culturelle maoïste  [2], trois abattoirs de masse. Voilà dans quelle confusion nous sommes après vingt ans de pensée unique ultralibérale.

Faut-il aller à Bordeaux l’expliquer aux promoteurs de l’éco-quartier ?

    



[1]  L’Ecologiste, n° 12, printemps 2004.

[2]  « Nos professeurs nous enseignaient  le darwinisme comme socle du marxisme-léninisme », m'a dit une Chinoise qui était au lycée à Pékin pendant la Révolution culturelle.

 

 -

15:26 Publié dans Ecologie | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : écologie, darwin

Commentaires

MOTS SANS CONTENU

> Les mots et les noms ont perdu leur contenu, ne reste que leur valeur d'usage imposée par la "com'". "Darwin" est cool-sympa-libéré-anticurés. Quant aux anti-Darwin ou supposés tels, chacun sait qu'ils tuent les médecins d'IVG. Aucun rapport pourtant, mais c'est ainsi que ça fonctionne dans les têtes via les amalgames du JT. Le mot "Darwin" est une étiquette ou mieux le drapeau d'un camp, peu importe ce qu'il y a dessous. Lu dans Le Monde l'an dernier, presque mot pour mot : il faut être pour Darwin, parce que ceux qui sont contre invoquent une création divine, donc un Dieu, donc une morale, donc ils sont homophobes. (Sic: absolument authentique, sous la plume d'un essayiste reconnu, je n'ai plus la référence exacte mais ça peut se retrouver).

Écrit par : Amicie T. | 04/03/2009

NOUS SOMMES UN CONCOURS DE BÊTISES, CHERS AMIS
...si j'en crois J.A. dans le message suivant :

> Il ne faudrait tout de même pas se sentir obligé de participer au concours de bêtise médiatique en jouant les anti-darwiniens (?!) parce que quelques furieux érigent ce grand personnage de l'histoire des sciences en symbole de combats idéologiques qui sont aujourd'hui largement fantasmés.
Je ne vois quant à moi aucun problème à appeler un éco-projet "Darwin". Le pauvre naturaliste n'est pas responsable de ce qu'on a fait de sa théorie (Spencer ou autres). Quant à l'emprunt à Malthus, il n'a rien de honteux : il ne s'agissait pas pour Darwin d'un quelconque rattachement moral à ce qu'on a appelé plus tard le malthusianisme, mais d'une simple inspiration pour une explication d'ordre scientifique (donc vérifiable ou, comme on voudra, falsifiable). En l'occurrence : la sélection naturelle à travers la lutte pour les ressources alimentaires. Pas de quoi fouetter une mouche drosophile.
JA


[ De PP à JA - Libre à vous de zapper le problème du darwinisme social, bien qu'il ait eu le feu vert de Darwin lui-même de son vivant... Décidément, mettre Darwin "über alles" est un marqueur du bon chic parisien ! Mais la question Spencer-Malthus est autrement plus décisive que vous ne le dites. Je conçois que cette copulation du darwinisme et du libéralisme sauvage irrite dans les milieux où l'on se rêve "non-libéral" ; mais hélas pour eux, le fait est là.
ps/ je vous précise que je suis tout à fait acquis à l'hypothèse évolutionniste - et nullement "créationniste" ( au sens médiatique du terme).]

Cette réponse s'adresse au commentaire

Écrit par : J.A. | 04/03/2009

MARKETING CREUX

> D'accord avec Amicie. On pourrait ajouter : mais quel est le lien entre un quartier écologique et Charles Darwin ? Même le plus darwiniste ne verra pas de connexion entre les 2. C'est surtout du marketing creux (pléonasme ?)...Darwin étant un mot anglo saxon, sonnant "bien", et à la mode.
J'espère que dans la réalité, la dimension écologique de ce quartier n'est pas aussi creuse...

Écrit par : Damien | 04/03/2009

OÙ MÈNE LE DARWINISME PHILOSOPHIQUE

Clémence Royer, dans la préface de la première édition française du livre de Darwin, "De l’origine des Espèces", écrivait :

« La loi de sélection naturelle appliquée à l'humanité, fait voir avec surprise, avec douleur, combien jusqu'ici ont été fausses nos lois politiques et civiles, de même que notre morale religieuse. Il suffit d'en faire ressortir ici un des vices le moins signalés, mais non pas l'un des moins graves. Je veux parler de cette charité imprudente et aveugle pour les êtres mal constitués où notre ère chrétienne a toujours cherché l'idéal de la vertu sociale et que la démocratie voudrait transformer en une sorte de solidarité obligatoire, bien que sa conséquence la plus directe soit d'aggraver et de multiplier dans la race humaine les maux auxquels elle prétend porter remède. On arrive ainsi à sacrifier ce qui est fort à ce qui est faible, les bons aux mauvais, les êtres bien doués d'esprit et de corps aux êtres vicieux et malingres. Que résulte -t-il de cette protection inintelligente accordée exclusivement aux faibles, aux infirmes, aux incurables, aux méchants eux-mêmes, enfin à tous les disgraciés de la nature? c'est que les maux dont ils sont atteints tendent à se perpétuer indéfiniment : c'est que le mal augmente au lieu de diminuer, et qu'il s'accroît de plus en plus aux dépens du bien. Pendant que tous les soins, tous les dévouements de l'amour et de la pitié sont considérés comme dus aux représentants déchus ou dégénérés de l'espèce, rien ne tend à aider la force naissante, à la développer, à multiplier le mérite, le talent ou la vertu. »

Elle a une façon originale d’envisager le bien et le mal. Mais au fond, depuis le jardin d’Eden rien de neuf !

Écrit par : Blaise | 04/03/2009

MAIS QUE FONT-ILS ?

> Il faudra un jour que les postchrétiens de salon (ou d'aumôneries) nous expliquent après quoi ils courent. Tout leur effort est pour effacer la pensée chrétienne sur la vie et l'univers. Ils plaident avec acharnement pour la vulgate matérialiste archidominante (tout vient du hasard, l'homme n'est qu'une étape dans l'histoire du vivant, etc, etc) : pures hypothèses, auxquelles ont peut aisément en opposer d'autres sans quitter le terrain des sciences. En quoi ces gens méritent-ils leur titre de "chrétiens" ? A quoi servent-ils ? Si je ne craignais pas d'être lynché par leur public (celui des universités du troisième âge), je dirais qu'ils me rappellent les "Chrétiens allemands" qui s'évertuaient à imposer dans le christianisme une autre vulgate matérialiste alors dominante. C'était en Allemagne dans les années 1933-1945. Il y a des gens qui sont instinctivement du côté du manche.

Écrit par : calystène | 04/03/2009

SANS LA BIBLE

> Calystène dit vrai. A un colloque scientifique oecuménique à la Catho de POaris, il y a quelques semaines, j'ai entendu un pasteur luthérien effectivement dire que "l'homme est une étape dans l'évolution du vivant". D'accord mais alors Jésus-Christ devra revenir sous une autre forme biologique pour sauver une autre espèce ultérieure ? Ou bien il faut brûler les deux Testaments (qui donnent une autre vision de l'avenir de l'univers) ? Mais alors que deviendra M. le pasteur luthérien sans la Bible ?

Écrit par : Jane | 04/03/2009

ROYAL JAURÈS

> Un promoteur Grenoblois a baptisé une résidence cours Jean Jaurès le "Royal Jaurès" bien avant la ségolatrie.
Je pense aussi qu'il s'agit d'un délire marketing qui atteste avant tout d'une certaine inculture. On peut s'étonner néanmoins que le nom retenu ait été accepté par les élus de la municipalité bordelaise compte tenu de sa portée idéologique.
Le pire est toujours à venir quand la bêtise est au sommet.

Écrit par : Qwyzyx | 04/03/2009

POURQUOI PAS "LA VILLE DE MIRMONT" ?

> Bordelais,mes frères,il ne nous reste plus qu'à susciter un changement de nom pour ce quartier promis à un bel avenir:plutôt qu'un nom de dépliant publicitaire à la vague résonnance scientifique et à la consonnance anglo-saxonne -tellement plus chic,en effet ! - je propose un nom baignant dans notre histoire:par exemple La Ville de Mirmont, du nom du jeune poète à la vie tranchée en 1914,poète des nostalgies maritimes ("Vaisseau manqué,jamais parti vers les Antilles!") pour un quartier au bord de fleuve,dont le contour fait penser à un vaisseau amarré long de la rivière ou encore Jean Balde du nom de l'écrivain -devrais-je écrire "écrivaine" malgré son pseudo masculin ? -,dont la maison s'élevait à peu de distance de là ...

Écrit par : Gerard Brasquet | 04/03/2009

@ PdP

> Il y a de la place entre la théorie de l'évolution et le créationnisme et des voix autorisées ont fait entendre leur différence quand à ces deux "extrêmes" telle que Anne Dambricourt-Malassé que je citais dans une note en janvier sur Dawkins et le darwinisme social, dont ce dernier est un "crypto" promoteur.
Dawkins synthétise finalement assez bien le sujet de ce post. Il sera peut-être nommé prochainement citoyen d'honneur de Bordeaux...

Écrit par : Annie | 05/03/2009

DARWINISATION DES ESPRITS

> si vous passez à Bordeaux, poussez donc jusqu'à Toulouse, où le Muséum d'Histoire Naturelle s'est lancé dans une gigantesque opération de "darwinisation des esprits" :
http://www.museum.toulouse.fr

Écrit par : Frédéric Ripoll | 05/03/2009

Les commentaires sont fermés.