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25/02/2009

« Réformer la réforme » de la liturgie catholique ?

Du site allemand  http://www.kath.net/ (Katholische Nachrichten), via le site Pro Liturgia (lien ici en colonne de gauche, section Esprit) :


 

<< Mgr Malcolm Ranjith, secrétaire de la congrégation pour le Culte divin et la discipline des sacrements, demande des décisions "audacieuses et courageuses" contre les abus liturgiques. La réforme doit se poursuivre, a déclaré Mgr Ranjith, en laissant définitivement de côté les mauvaises applications des décisions prises par le Concile, ainsi que l'influence d’idéologies marquées par le laïcisme.


Ces idées apparaissent dans la préface que Mgr Ranjith a écrite pour un nouveau livre concernant les interrogations du cardinal Fernando Antonelli au sujet de la liturgie. (Le cardinal Antonelli, rappelons-le, s'était beaucoup impliqué dans le mouvement liturgique avant et après Vatican II).


Pour Mgr Ranjith, l'actuelle mise en oeuvre de la réforme liturgique ne correspond que de très loin à ce que les Pères conciliaires avaient souhaité. Par conséquent, on ne peut pas dire que les liturgies d'aujourd'hui sont toutes véritablement conformes à la constitution [de Vatican II] Sacrosanctum Concilium : "Certaines pratiques actuelles - écrit Mgr Ranjith - comme la célébration face au peuple, comme la communion dans la main, comme l'abandon généralisé du chant grégorien et du latin, comme la généralisation de cantiques et de chants qui laissent peu de place à Dieu... tout ça n'a jamais été voulu par le Concile." Et Mgr Ranjith parle aussi de "grosse erreur" à propos de la façon dont a été comprise et mise en oeuvre la "participation active" des fidèles à la liturgie.


En convoquant le Concile, le pape Jean XXIII avait en vue un "renforcement de la foi" et "certainement pas une invitation à se laisser entraîner par les idées du moment". Mais ceux qui ont été chargés de mettre le Concile en oeuvre l’ont perdu de vue. Ils ont mis de côté des thèmes chrétiens essentiels à la vie de l'Eglise (les notions de victime, de salut, de mission, d’annonce, de conversion, d'évangélisation)... Même dans les commissions post-conciliaires chargées d'aider à la mise en oeuvre de la réforme liturgique, on voit que des idées nouvelles, étrangères à Sacrosanctum Concilium, finirent par émerger. C'est ce qui explique que dans bien des documents publiés à la suite de Vatican II, on constate un manque de clarté, une mauvaise répartition des rôles et des compétences, et malheureusement aussi une place trop grande laissée à des expériences liturgiques qui n'auraient jamais dû se faire.


Aujourd'hui, il nous faut regarder ce qui a été fait sans référence à Vatican II, et avoir le courage d'améliorer, de corriger les célébrations liturgiques en modifiant si nécessaires certaines pratiques introduites par erreur et qui contredisent la dignité de la liturgie. Mais il faut aller encore plus loin: la nécessaire "réforme de la réforme" ne doit pas simplement consister à corriger des erreurs; elle doit partir de la nécessité ressentie par les fidèles de retrouver ce qu'est vraiment la liturgie, pour faire en sorte que le culte rendu à Dieu soit célébré conformément à ce que Vatican II a voulu. >>

 

 

Commentaire à l’usage de mes confrères – Les propos de Mgr Ranjith ne doivent pas être déformés. Il ne dévalorise pas la forme ordinaire du rite catholique : il demande qu’elle soit ressourcée et que l’on applique mieux la pensée conciliaire. Une partie de ce qui a été fait dans le catholicisme au nom de Vatican II était contraire à ce que Vatican II a pensé et voulu : on le vérifie facilement en se reportant aux textes du concile. (Pour ceux que ces choses intéressent, évidemment. Ceux qu’elles n’intéressent pas feraient mieux de ne pas écrire d’articles à leur propos. Comme disait Wittgenstein: ce sur quoi rien ne peut être dit, le mieux est de le taire).  

 

 

  

Commentaires

OLRIK ET VATICAN II

> J'imagine Williamson errant fou dans le désert, comme Olrik à la fin du Mystère de la Grande Pyramide ("que ton nom ne soit plus !"). Mais soyons sérieux. Evidemment vos confrères, cher PP, vont monter en épingle la déclaration de Ranjith (si toutefois ils en entendent parler), pour titrer que Rome continue son grand retour en arrière. Mais quelque chose s'est produit depuis la semaine dernière : les plus violents censeurs anti-Benoït XVI en sont à dire (cf dans Le Monde) que l'Eglise catholique ne se civilisera que le jour où elle adoptera le relativisme. Selon eux, c'est parce qu'elle est antirelativiste (en clair : parce qu'elle a une foi religieuse) qu'elle se gouverne mal et fait des choses comme la levée d'excommunication des quatre lefebvristes. Bon, là on y voit plus clair : ceux qui prétendent parler au nom de "l'esprit de Vatican II" s'asseoient sur Vatican II en réalité, ce qu'ils veulent c'est éradiquer le catholicisme ! Ce que l'air du temps veut ce n'est pas un catholicisme "ouvert", mais un catholicisme qui ne serait plus une foi religieuse. J'invite tous les catholiques, quelle que soit leur sensibilité d'origine, à faire face à ce challenge inadmissible. Ce sera un pas en avant dans l'oecuménisme entre catholiques !!

Écrit par : Rembar | 25/02/2009

BOF

> Et les glands qui disent que "Vatican II est sans intérêt" ?
maschero

[De PP à M. :
- Ne les appelez pas "glands" : ce sont des gens qui n'ont rien à faire du catholicisme.
C'est leur droit.
- Certains d'entre eux se disent catholiques ? Alors là, oui, eux sont des glands. ]

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Écrit par : maschero | 25/02/2009

RECTIFIER

> Il serait bien que l'on ose commenter et lire dans les diocèse de France l'instruction Redemptionis Sacramentum. Il n'y a pas que les prêtres qui ont des choses à rectifier, mais aussi l'ensemble de l'assemblée dominicale.

Écrit par : Maximilien Friche | 25/02/2009

QUESTION

> Petite question, d'un farouche partisan d'une telle réforme, question posée à tous ceux qui ne voient aucun problème sérieux dans la manière dont la liturgie est appliquée dans nos paroisses : appliqueriez-vous mieux la réforme que vous ne l'avez fait pour l'Ordo Missae de Paul VI ?
Parce qu'après tout, si la messe de Paul VI a été à ce point bricolée, on peut légitimement douter de la (bonne) volonté des clercs qui devront mettre en application une réforme destinée à mettre fin aux abus...

Écrit par : Edouard | 25/02/2009

PRATIQUES ACTUELLES

> Cet article est d'un intérêt certain, et je suis assez d'accord sur le fait que certaines pratiques actuelles (plus particulièrement lors de célébrations qui entourent le sacrement de mariage, certains enterrements, baptêmes...) sont déplacées, et peut-être contraires à Vatican II (que j'avoue n'avoir pas encore lu).
Lorsque j'entends du Patrick Bruel ou autre JJ Goldman, je me demande ce en quoi ce type de chant rend grâce à Dieu... et surtout quelle est la place de tels chants dans une célébration liturgique.
De même, rien ne m'agace plus que les prêtres qui modifient les Prières Eucharistiques proposées par la liturgie, et remplacent les mots sacrés par des inventions personnelles. Dans quel but? Les paroles consacrées sont pourtant limpides.
D'un autre côté, la célébration face au peuple m'apparaît comme une union plus sensible entre Dieu, son Ministre du Culte, et les fidèles participants.
Pourriez-vous m'expliquer l'idée de Mgr Ranjith à ce sujet?

Écrit par : Toinon | 25/02/2009

DEMOGRAPHIE

> Je pense que ce recadrage liturgique va pouvoir se faire car c'est une question, très souvent, de génération et, vu la démographie de nos paroisses, on va bientôt l'enterrer cette génération "réformiste" ou "progressiste" c'est selon.

Écrit par : vf | 25/02/2009

DOUTE

> "De même, rien ne m'agace plus que les prêtres qui modifient les Prières Eucharistiques proposées par la liturgie, et remplacent les mots sacrés par des inventions personnelles. Dans quel but? Les paroles consacrées sont pourtant limpides."
Wahou...
Heu, si le prêtre n'a pas utilisé la prière eucharistique proposée par la liturgie, il y a un doute sur la validité de la consecration. En d'autres termes, il ne donne à l'adoration des fidèles que de vulgaires bouts de pain. Ce n'est plus un "abus liturgique", c'est un sacrilège pur et simple (doublé d'idolatrie). Si un prêtre fait vraiment ça, il faut le signaler à l'évêque.

Écrit par : vhp | 25/02/2009

REPONSE À TOINON

> L'idée de Mgr Ranjith sur l'orientation de la célébration... n'est pas de Mgr Ranjith, mais du Concile et du Missel romain actuel. En fait, ce qu'on constate, c'est que le fait de célébrer systématiquement face au peuple a fait perdre de vue à bien des prêtres que la liturgie était une action faite pour Dieu et non pour les fidèles (à l'exception de la "liturgie de la Parole"). On voit donc beaucoup de célébrant dire les oraisons et la Prière eucharistique en regardant les gens qui sont devant eux, oubliant que ces prières s'adressent au Seigneur. La tentation est grande aussi, pour certains prêtres, de se conduire comme des leaders qui doivent s'adapter à l'assemblée qu'ils ont devant eux au lieu de chercher à conduire l'assemblée dans la liturgie de l'Eglise telle qu'elle est. Enfin - ce n'est pas négligeable - il y le fait que les célébrants risquent d'être davantage distraits par ce qui se passe dans les assemblées que concentrés sur ce qu'ils devraient faire à l'autel. Pensons ici au rôle joué par l'iconostase dans les liturgies orientales.
Il faut encore terminer sur une question d'architecture et de symbolisme. Le choeur d'une église est un espace qui a son unité; déplacer un élément constitutif de ce tout revient souvent à rompre l'unité. On le voit, par exemple, dans certaines grandes églises où l'ancien autel est abandonné et où l'espace sacré perd de ce fait son sens à l'intérieur de l'édifice. De plus, la majorité des autels "face au peuple" qui ont été mis dans nos églises ne sont que des édicules sans valeur artistique, qu'on peut déplacer quand un groupe de chanteurs vient donner un concert (alors que le Concile demand que l'autel soit fixe); on a alors du mal à enseigner que l'autel symbolise le Christ et est l'endroit le plus sacré du sanctuaire. Dans la liturgie actuelle, il est bien précisé que si l'on choisi de célébrer "face à l'Orient" plutôt que "face au peuple", il n'est pas nécessaire que toute la liturgie se déroule à l'autel: le prêtre n'y monte qu'au moment de la procession des offrandes, et il n'y est plus après la communion.

Écrit par : Denis Crouan | 26/02/2009

CHOSES MINEURES ?

> Vous ne croyez pas qu'on perd beaucoup de temps à discuter de choses mineures? Je ne vois pas en quoi le fait que le prêtre soit face aux fidèles l'empêche de s'adresser au Seigneur. J'imagine que Dieu est aussi bien devant lui que derrière.
Excusez-moi mais dans ce monde de violences exacerbées, je pense que nous devrions nous soucier des affaires du monde et plus spécifiquement de la paix qui fait cruellement défaut au lieu de discuter de la valeiur artistique de l'autel. La liturgie par elle-même n'a aucune importance. C'est le salut de l'humanité qui doit être le souci des chrétiens et non les débats entre partisans ou adversaires du latin. J'imagine que Dieu s'en fiche de toutes ces puérilités.
fraber


[ De PP à F. - Les deux soucis , ne sont pas incompatibles. Ils sont complémentaires. Maurice Clavel, dans les années 1970, était en première ligne à la fois en politique (justice et paix) et dans les controverses sur la liturgie ! Plus modestement, notre blog parle de luttes sociales, de combats écologiques, de l'urgence de changer le système économique, de résister au retour de la France dans l'OTAN, etc - mais il parle aussi de liturgie ! Tout marche ensemble.
Le catholicisme est une religion incarnée : elle s'incarne à l'autel, et c'est la source de son incarnation dans les luttes pour la justice et la paix... La source et le fleuve sont inséparables. Je crois en un catholicisme insurgé (et même révolutionnaire sur le plan de la société), découlant d'une foi sacramentelle profonde. D'où parfois ces mises au point sur les questions liturgiques, qui peuvent paraître superflues mais qui ne le sont pas : dans une religion incarnée, les actes, les mots, les formes "physiques" véhiculent le sens ; on ne peut pas les zapper, sous peine de tomber dans un "spiritualisme" désincarné - ou, excès contraire, dans une déspiritualisation stérilisante...]

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Écrit par : fraber | 26/02/2009

CE N'EST PAS SECONDAIRE

> La liturgie serait-elle secondaire ou même sans importance? Oui, si l'on considère que l'Eglise n'est qu'un club à but humanitaire. Oui, si l'on oublie que le premier message céleste adressé aux hommes au moment de la naissance du Sauveur a été "Gloire à Dieu... et paix aux hommes".
La glorification de Dieu - par la liturgie qui est une "orthopraxis" - vien en premier: d'elle dépend la paix à laquelle aspirent les hommes et qui est autant sinon plus spirituelle que simplement matérielle.

Écrit par : Denis Crouan | 26/02/2009

L'ENGRENAGE

> La liturgie secondaire? Au XVIIème siècle, dans le monde anglican, est apparu un groupe de fidèles qui fut qualifié de "latitudinaire". Qu'étaient les "latitudinaires"? C'était des anglicans qui, tout en restant attachés au mode épiscopal de gouvernement et aux formes liturgiques de l'anglicanisme traditionnel, estimaient qu'au fond, ces choses-là n'étaient pas essentielles pour la foi.
Un siècle plus tard, on a appelé "latitudinaires" ceux qui, bien qu'ayant la foi, étaient indifférents aux symboles et aux formes exprimant cette foi. Autrement dit, que la liturgie soit célébrée comme ça ou autrement, ça n'avait pas grande importance, l'essentiel étant de croire...
Le "latitudinaire" est lassé des querelles et des controverses, et il en arrive à penser que la plupart des questions qui divisent les chrétiens portent sur des choses qui n'ont pas de réelle importance et qui ne sauraient de toutes façons pas intéresser des gens cultivés. Quelle importance qu'il y ait ou qu'il n'y ait pas des cierges sur l'autel? Quelle importance que le célébrant respecte le missel à la lettre ou qu'il se permette quelques digressions? Est-ce que cela vaut vraiment la peine de se quereller pour des histoires d'orientation de l'autel, d'aubes à dentelles ou d'emploi du latin? Non, bien sûr: tout cela doit rester très secondaire.
A ce stade, le croyant qui se veut cultivé et bien au-dessus des querelles de chapelles, commence par se dire que c'est faire preuve d'une étroitesse d'esprit peu en rapport avec l'enseignement évangélique que de limiter les réflexions et les débats touchant à la religion à ce que pensent les différents groupes de fidèles. Et peu à peu, il se dit que pour avoir la paix mieux vaut tenir compte de toutes les "sensibilités", l'essentiel étant d'accepter l'idée de l'existence de Dieu. Et de "latitudinaire" qu'il était, le croyant devient "déiste": il pourra se contenter de célébrer un Dieu qui chante et qui fait danser la vie... et accepter qu'ailleurs on chante le Credo de l'Eglise. Il faut savoir se montrer "ouvert" à tout...
Le "déiste" reconnaît l'existence de Dieu - d' "un" Dieu -, mais il devient suspicieux dès qu'on lui parle de Révélation, d'Eglise, de Magistère, le liturgie, de rites... Si le "déiste" va encore à la messe, le dimanche, c'est généralement pour y retrouver la communauté locale des croyants constituée autour du plus petit dénominateur commun en matière de foi, et non pour s'affirmer et se sentir en communion avec toute l'Eglise. C'est cette position qui permet de comprendre qu'à la messe dominicale, le "déiste" acceptera plus facilement les fantaisies liturgique du célébrant local qu'une liturgie célébrée vraiment comme l'Eglise demande qu'elle soit célébrée.
Enfin, en constatant que personne n'est plus vraiment d'accord sur des questions fondamentales de foi et sur la façon de célébrer cette foi, le "déiste" finira par se désintéresser des questions religieuses: il versera dans l'athéisme.
Le "latitudinarisme", que l'on retrouve sous différentes formes nouvelles dans nos communautés paroissiales actuelles, est moins un ensemble de convictions bien établies qu'une mentalité. A l'origine du problème se trouve quelque chose de difficile à diagnostiquer et, par conséquent, d'impossible à éradiquer: une aimable piété, une attitude d'ouverture sympathique à l'autre - y compris à ses erreurs -, un sentiment d'autosatifaction permettant de faire la leçon aux autres - à ceux qui sont "intolérants" -, et aussi l'honnête conviction qu'après tout, chacun peut se construire sa propre foi et que l'Eglise doit vivre avec son temps. Ce sont ces perpétuelles concessions faites à la modernité, à l'esprit du temps, à la pseudo-science comme à l'ésotérisme, aux bons sentiments et aux idées dans le vent, qui alimentent ce qu'on a appelé "la trahison des clercs", et qui mènent à célébrer des liturgies aléatoires conduisant à vider les églises de leurs fidèles.

Écrit par : Denis Crouan | 26/02/2009

ACTIONS ET GESTES EXPRIMENT LES CROYANCES

> J'ai été frappé récemment par la réflexion d'un philosophe soulignant que « les actions et les gestes expriment les croyances ». Le propos a une portée générale : quand je me rends à la gare pour prendre un train, ma conduite manifeste que je crois qu'un train partira bien de la gare, à l'heure prévue, pour la destination qui m'intéresse, etc. Mais je trouve que l'idée s'applique aussi, et de façon très profonde, à la liturgie, cette « action de l'Eglise » par excellence.
Et il m'est souvent arrivé de me demander, en assistant à la messe : quelle est la foi que les gestes et les postures que j'observe autour de moi (aussi bien à l'autel que dans l'assemblée), quelle est la foi que ces attitudes expriment? Est-ce que ces gens, ces fidèles pratiquants se conduisent comme si, réellement, le Dieu tout-puissant, créateur et rédempteur, était parmi eux? Est-ce que ce célébrant manifeste par ses gestes sa foi dans le fait qu'il est en train d'agir « dans la personne du Christ »?
Même sans nourrir des nostalgies superficielles, il m'est difficile de ne pas éprouver, à ce moment-là, l'énorme gâchis — mieux, la perte dramatique de substance — qu'a occasionné la « réforme liturgique » dans de larges parties du peuple chrétien. Il y a sûrement là, à n'en pas douter, une des sources du malaise dont l'intégrisme est la traduction, et sûrement aussi une des sources de ce désir de « réformer la réforme » pour lui permettre de rendre visible la pérennité de la foi de l'Eglise.

Écrit par : Philarete | 26/02/2009

BIEN POSER LA QUESTION

> La question de l'orientation de la célébration liturgique est souvent mal posée, opposant jusqu'à la caricature "face au peuple" ou "dos au peuple" ou "tournés vers le Seigneur"...
En fait, l'orientation du célébrant dépend de l'action liturgique, comme l'a bien montré le Père Paul De Clercq dans son ouvrage : "L'intelligence de la liturgie".
Quand le prêtre s'adresse au Christ (le Kyrie, l'Agnus), il se tourne vers l'Orient puisque le Soleil levant symbolise le Christ ressuscité.
De même quand le prêtre s'adresse au Père (les oraisons, la prière eucharistique), il est symboliquement normal qu'il se tourne aussi vers l'Orient.
De même pour les laïcs quand ils disent les intentions de prière universelle, qui s'adressent au Seigneur.
En revanche, quand le prêtre s'adresse aux fidèles (les monitions, la proclamation de l'Evangile, l'homélie), il se tourne naturellement vers eux.
De même pendant la liturgie de la Parole, il est avec les fidèles pour écouter la Parole de Dieu.
Denis Crouan dit fort justement dans sa réponse à Toinon : "Il n'est pas nécessaire que toute la liturgie se déroule à l'autel: le prêtre n'y monte qu'au moment de la procession des offrandes, et il n'y est plus après la communion."
C'est ainsi que, dans la liturgie chaldéenne, le prêtre est pendant la liturgie de la Parole dans le "béma" au coeur des fidèles.
Tout cela donne sens à la liturgie, beaucoup plus sûrement que la question du latin ou des dentelles, qui sont à mes yeux tout à fait secondaires !

Écrit par : Michel de Guibert | 26/02/2009

EXPLIQUER

> Je ne crois pas que la liturgie soit secondaire. Je suis moi-même choquée lorsque, comme récemment, je vois le prêtre effectuer tous les gestes et tous les rites nécessaires à l'Eucharistie, mais à une vitesse défiant toute concurrence, ânonnant les textes connus par coeur, parce qu'il avait manifestement rendez-vous après la célébration...
Que la liturgie soit ce qu'elle doit être. Mais surtout, de la pédagogie ! La plupart des fidèles ont du mal à comprendre les symboles, la portée des gestes qu'ils font à chaque messe. Peu importe que le prêtre soit face à Dieu (ou plutôt "à l'image de Dieu qui est figurée dans l'église") ou face aux fidèles, s'il explique son attitude...
J'élargirai en parlant d'oecuménisme : pédagogie, toujours pédagogie ! Expliquer aux autres pourquoi on fait tel ou tel geste, pourquoi une dévotion plus particulière à ce moment, pourquoi le pasteur monte en chaire pour la prédication et pourquoi le prêtre s'agenouille lors de la consécration, etc... Cela devrait nous permettre de nous entendre, de dialoguer en connaissant mieux nos particularités.

Écrit par : Tigreek | 26/02/2009

SUR L'ORIENTATION DU PRETRE

> « La position du prêtre tourné vers le peuple a fait de l’assemblée priante une communauté refermée sur elle-même. Celle-ci n’est plus ouverte ni vers le monde à venir, ni vers le Ciel. La prière en commun vers l’est ne signifiait pas que la célébration se faisait en direction du mur, ni que le prêtre tournait le dos au peuple – on n’accordait d’ailleurs pas tant d’importance au célébrant. De même que dans la synagogue tous regardaient vers Jérusalem, de même tous ensemble regardaient "vers le Seigneur". Il s’agissait donc, pour reprendre les termes de J. A. Jungmann, un des pères de la Constitution sur la Liturgie de Vatican II, d’une orientation commune du prêtre et du peuple, conscients d’avancer ensemble en procession vers le Seigneur. Ils ne s’enfermaient pas dans un cercle, ne se regardant pas l’un l’autre mais, peuple de Dieu en marche vers l’Orient, ils se tournaient ensemble vers le Christ qui vient à notre rencontre. »
L’esprit de la liturgie (2001), Cardinal Joseph Ratzinger, aujourd'hui Benoit XVI.

Écrit par : Michel de Guibert | 26/02/2009

CATÉCHÈSE MYSTAGOGIQUE

Pour Tigreek et ceux que cela intéresse...

64. La grande tradition liturgique de l'Église nous enseigne qu'en vue d'une participation fructueuse, il est nécessaire de s'engager à correspondre personnellement au mystère qui est célébré, par l'offrande à Dieu de sa propre vie, unie au sacrifice du Christ pour le salut du monde entier. Pour cette raison, le Synode des Évêques a recommandé de s'assurer de l'accord profond des gestes et des paroles des fidèles avec leurs dispositions intérieures. Si cela faisait défaut, nos célébrations, bien que vivantes, s'exposeraient à la dérive du ritualisme. C'est pourquoi il faut promouvoir une éducation de la foi eucharistique qui dispose les fidèles à vivre personnellement ce qu'ils célèbrent. Face à l'importance essentielle de cette participatio personnelle et consciente, quels peuvent être les instruments de formation appropriés? À l'unanimité, les Pères synodaux ont indiqué, à ce sujet, la voie d'une catéchèse à caractère mystagogique, qui pousse les fidèles à entrer toujours mieux dans les mystères qui sont célébrés. (186) En particulier, concernant la relation entre l'ars celebrandi et l'actuosa participatio, on doit avant tout affirmer que « la meilleure catéchèse sur l'Eucharistie est l'Eucharistie elle-même bien célébrée ». (187) En effet, de par sa nature, la liturgie a son efficacité pédagogique propre pour introduire les fidèles à la connaissance du mystère célébré. Toujours à ce sujet, dans la tradition la plus antique de l'Église, le chemin de formation du chrétien, sans négliger l'intelligence organique du contenu de la foi, comportait toujours un caractère d'initiation où la rencontre vivante et persuasive avec le Christ, annoncé par des témoins authentiques, était déterminante. En ce sens, celui qui introduit aux mystères est avant tout le témoin. Cette rencontre s'approfondit assurément dans la catéchèse et elle trouve sa source et son sommet dans la célébration de l'Eucharistie. De cette structure fondamentale de l'expérience chrétienne, naît l'exigence d'un itinéraire mystagogique, dans lequel trois éléments doivent toujours être présents :
a) Il s'agit d'abord de l'interprétation des rites à la lumière des événements salvifiques, conformément à la tradition vivante de l'Église. En effet, la célébration de l'Eucharistie, dans son infinie richesse, contient de continuelles références à l'histoire du salut. Dans le Christ crucifié et ressuscité, il nous est donné de célébrer vraiment le centre qui récapitule toute la réalité (cf. Ep 1, 10). Depuis ses origines, la communauté chrétienne a lu les événements de la vie de Jésus, en particulier le mystère pascal, en relation avec toute l'histoire vétéro-testamentaire.
b) La catéchèse mystagogique devra, par ailleurs, se préoccuper d'introduire au sens des signes contenus dans les rites. Ce devoir est particulièrement urgent à une époque fortement technicisée comme la nôtre, où il existe un risque de perdre la capacité de percevoir les signes et les symboles. Plutôt que d'informer, la catéchèse mystagogique devra réveiller et éduquer la sensibilité des fidèles au langage des signes et des gestes qui, associés à la parole, constituent le rite.
c) Enfin, la catéchèse mystagogique doit se préoccuper de montrer la signification des rites en relation avec la vie chrétienne dans toutes ses dimensions, travail et engagement, réflexion et sentiments, activité et repos. Mettre en évidence le lien des mystères célébrés dans le rite avec la responsabilité missionnaire des fidèles fait partie de cet itinéraire mystagogique. En ce sens, le résultat final de la mystagogie est la conscience que sa propre existence est progressivement transformée par la célébration des saints Mystères. De fait, le but de toute l'éducation chrétienne est de former le fidèle, comme « homme nouveau », à une foi adulte, qui le rend capable de témoigner dans son milieu de l'espérance chrétienne qui l'anime.
Pour pouvoir accomplir, au sein de nos communautés ecclésiales, une telle tâche éducative, il faut disposer de formateurs préparés de manière appropriée. Le peuple chrétien tout entier doit assurément se sentir engagé dans cette formation. Toute communauté chrétienne est appelée à être un lieu d'introduction pédagogique aux mystères qui se célèbrent dans la foi. À cet égard, durant le Synode, les Pères ont souligné l'opportunité d'une plus forte implication des Communautés de vie consacrée, des mouvements et des groupes qui, en vertu de leur charisme propre, peuvent offrir un nouvel élan à la formation chrétienne. (188) En notre temps aussi, l'Esprit Saint répand largement ses dons pour soutenir la mission apostolique de l'Église, à laquelle il revient de diffuser la foi et de l'éduquer jusqu'à sa pleine maturité. (189)
(Exhortation post-synodale sur l’Eucharistie « Sacramentum caritatis »)

Écrit par : De l'Exhortation post-synodale, | 26/02/2009

INTERCONNEXIONS

> Que de souffrance à cause de tant de négligence ! Que Dieu nous pardonne cette formidable trahison qu'à constitué la ruine liturgique organisée, saccage qui perdure aujourd'hui, avec les graves conséquences que l'on sait. Ce que le fidèle "de base" peut vivre dans bien des paroisses est tellement éloigné de Sacrosanctum Concilium, et des documents magistériels qui ont suivi, qu'il se demande à juste titre si l'on parle bien de la même Messe.

PS : il est injuste d'ironiser sur ce sujet de préoccupation majeur des fidèles (la preuve : inflation de commentaires dès que ce thème est abordé ici) sous prétexte que des problèmes plus graves devraient occuper toute notre pensée et toute notre action. A ce titre, je remercie M. de Plunkett et M. Crouan pour leur mise en lumière des interconnexions intimes liant contemplation et action (rappel que l'Eglise, singulièrement Jean-Paul II et Benoît XVI, ne manque d'ailleurs pas de faire très souvent).

Écrit par : Thomas | 27/02/2009

@ Tigreek

> Dans le long texte extrait de l'exhortation post-synodale sur l'Eucharistie que je citais, un passage essentiel que je détache ci-dessous répond plus particulièrement à mon sens à votre souci :
"On doit avant tout affirmer que « la meilleure catéchèse sur l'Eucharistie est l'Eucharistie elle-même bien célébrée ». En effet, de par sa nature, la liturgie a son efficacité pédagogique propre pour introduire les fidèles à la connaissance du mystère célébré. Toujours à ce sujet, dans la tradition la plus antique de l'Église, le chemin de formation du chrétien, sans négliger l'intelligence organique du contenu de la foi, comportait toujours un caractère d'initiation où la rencontre vivante et persuasive avec le Christ, annoncé par des témoins authentiques, était déterminante. En ce sens, celui qui introduit aux mystères est avant tout le témoin. (...) De cette structure fondamentale de l'expérience chrétienne, naît l'exigence d'un itinéraire mystagogique".

Mais il faut lire tout le texte, notamment ce § 64 (cf. supra) !

Écrit par : Michel de Guibert | 27/02/2009

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