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07/11/2008

Encore un prof traîné devant les tribunaux sur dénonciation d’un élève

noose[1].jpgJusqu’où ira cette spirale ?                                       Un suicide ne suffit-il pas ?


Médias : << Ils portent plainte pour "violences par personne chargée d'une mission de service public " : contre un prof de leur fils de 12 ans, collégien à Pont-à-Mousson, en Meurthe-et-Moselle. Ce dernier nie. Ce prof aurait multiplié les violences verbales à l'encontre de cet élève, qui est devenu dépressif à la fin de sa 6ème. Hospitalisé 2 mois en pédo-psychiatrie au CHU de Nancy, il a raconté à ses parents les violences présumées dont il a été victime, selon LCI qui reprend l'Est républicain. "Le prof de maths l'a persécuté, et certains élèves de la classe se sont mis à en faire autant", explique Gérard Michel, l'avocat de la famille, au Post."Cet enseignant est dévoué et compétent et le collège a fait son possible pour venir en aide à cet élève qui a des difficultés, semble-t-il, depuis l'école primaire" selon le rectorat de Nancy-Metz au Post.Quelles violences verbales? "Il nous a dit qu'un de ses profs l'avait insulté toute l'année. (...) Il le traitait d'incapable, de gros nul, de débile, de retardé mental. Il disait à Félicien qu'il fallait le mettre à l'asile, qu'il avait oublié son cerveau", racontent les parents dans l'Est républicain, repris par LCI. Selon l'avocat de la famille Gérard Michel, les mots de l'enseignant ont "entraîné les brimades d'autres élèves", et plongé le collégien "timide" dans une dépression "profonde, enkystée, dont il mettra des années à sortir." Qu'en dit le prof? "Que ce qu'on lui reproche n'est pas la réalité" selon L'Est républicain citant le cabinet du recteur de Lorraine, qui demande un complément d'information et d'enquête. "Il est atterré par ces allégations", confie le rectorat au Post. L'ado a changé d'école à la dernière rentrée scolaire. >>

 

 

 

L’affaire semble moins grave que les deux précédentes (voir ci-dessous), mais elle apporte une preuve supplémentaire du délire de judiciarisation qui enfièvre aujourd’hui des papas-mamans de l’Hexagone. Ce qui est arrivé dans l’Aisne aurait dût servir de leçon. Je me permets de citer ici mon bloc-notes du Spectacle du monde de ce mois :

 

 

<< 23 octobre – A Saint-Michel dans l’Aisne, l’élève Maxime avoue qu’il avait menti : M. Bubert, le prof de physique, ne lui avait pas donné un coup de poing. Le malheur est que maintenant M. Bubert est mort. Suicidé. Après sa garde à vue… Car on l’avait mis en garde à vue : aucun crime n’est plus grave que de malmener les jeunes Ashley Courtecuisse et autres Nathan Moulard, petits technoïdes ne supportant que le bonheur.

 

En réalité, M. Bubert n’avait pas malmené Maxime. Alors pourquoi l’élève avait-il raconté à sa maman, comme on dit (le mot « mère » étant proscrit), que M. Bubert lui avait cassé une dent ? La dent était cassée depuis l’été, cariée par trop de sucreries ; mais la police ne l’a pas su. Gonflés d’importance et d’indignation, Maman et papa voulaient la tête de M. Bubert. Ils l’ont eue.

 

Ce 23 octobre aussi, à Pézenas dans l’Hérault, une institutrice se retrouve à l’hôpital : une maman l’a jetée par terre, lui a frappé la tête contre le sol et l’a traînée par les cheveux sur plusieurs mètres.  Pourquoi tant de haine ? Un communiqué de l’Education nationale – signé de l’inspecteur – nous l’explique dans le nouveau langage des académies : « L'auteure des coups a pété les plombs suite à sa convocation par l'enseignante pour la sensibiliser aux problèmes de sa fille. » Ladite élève (Charlene ? Britney ?) avait voulu sortir des rangs pour aller aux w.c., mais l’institutrice lui avait dit d’attendre. Scandale à la maison. D’où la scène ci-dessus décrite.

 

A Pézenas comme à Saint-Michel, on a dépêché des « cellules d’aide psychologique » aux élèves, aux enseignants et aux papas-mamans. Si ces psy avaient lu le vieux Freud (mais c’est mal vu aujourd’hui), ils sauraient que l’enfant est un pervers polymorphe. Le croire sur parole est absurde. C’est pourtant la consigne des policiers et des gendarmes ; elle n’a pas été modifiée depuis le drame d’Outreau. >>

 

 

  

19:19 Publié dans Société | Lien permanent | Commentaires (16) | Tags : école

Commentaires

> C'est vrai, mais il y a eu dans l'autre sens cette affaire d'enfant martyrisé jusqu'à la mort par son beau-père sans que personne ne bronche, pas même la mère.
Tout cela est difficile, peut et doit justifier une enquête sociale pour protéger l'enfant si on a de bonnes raisons de suspecter des mauvais traitements, mais ne devrait pas aboutir à des inculpations hâtives et à de tels drames ; ce professeur qui s'est suicidé parce qu'injustement accusé n'est hélas pas le premier.

MG

[De PPà MG - L'affaire de l'enfant tué ne va pas dans "l'autre sens" : elle se déroule dans une "autre case" de la mentalité de masse d'aujourd'hui. Hélas. ]

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Écrit par : Michel de Guibert | 07/11/2008

ENSEIGNANTS

> vous écrivez : "Si ces psy avaient lu le vieux Freud (mais c’est mal vu aujourd’hui), ils sauraient que l’enfant est un pervers polymorphe"
je pensais que les théories de freud n'étaient pas conforme à la foi catholique, alors sans doute que vous allez m'enseigner quelque chose d'autres?
ce sera avec plaisir.
ceci dit, toute la difficulté dans ces histoires d'enfants-parents-élèves-enseignants, c'est que :
pendant très longtemps, l'enfant ne pouvait rien dire contre ses supérieurs, tandis que c'est vrai, l'obéissance la courtoisie et la politesse guidait ses pensées et ses réactions. Mais ce monde issu de l'enseignement et de l'éducation religieuse devait être aboli par des enseignants tout puissants !
les enseignants devenus "les maîtres" ont pensé guider les esprit vers la vérité et le bonheur dans ce monde!
maintenant que le masque est tombé, et qu'il est désormais interdit d'interdire, les parents ne font désormais plus du tout confiance en ces enseignants : en plus, il faut voir les bétises "gauchos" que l'on a pu entendre !!!
au moindre pretexte, maintenant c'est la guerre entre les enseignants les élèves et leurs parents; pour mieux les enfoncer, les parents et leurs progénitures, inventent maintenant tout et n'importe quoi (le mensonge n'étant plus un péché, ni condamnable dans un enseignement laïque déchristianisé, puisque plus enseigné comme une déchéance de soi même, avant d'abimer l'autre) pour destabiliser toute l'autorité du corps enseignant.
d'ailleurs les enseignants ne sont plus des "professeurs" (au sens où ils ne maitrisent pas tout le savoir!!!!), mais bien justement de "enseignants" : ce terme les remet à une plus juste place.

JC

[ De PP à JC - Vous avez compris que mon allusion à Freud était une plaisanterie. D'autre part, ne tapons pas trop sur les enseignants, qui font désormais un métier intenable. Enfin, ne prêtez pas de bonnes raisons aux parents abusifs : s'ils s'en prennent violemment aux professeurs, ce n'est pas à cause des dérives idéologiques d'hier, c'est à cause de la mentalité consumériste de la société actuelle. On a "droit" à tout, et on peut tout casser si l'on n'est pas content. Même à tort. ]

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Écrit par : jean christian | 08/11/2008

JE PEUX TEMOIGNER

> L'extension du sentiment de défiance des parents vis-à-vis des professeurs est lié à de très nombreux facteurs. On y retrouvera, pêle-mêle, la judiciarisation consumériste "à l'américaine", l'égocentrisme de parents qui ne se soucient que de la "honte" qui leur est faite lorsque l'on "critique" leur progéniture, la volonté politique de démolition systématique du système éducatif... Je peux témoigner de la difficulté croissante, en réunion parent-professeur, de faire entendre que nous ne sommes pas des adversaires, mais des adultes dont le rôle est de coordonner nos efforts pour le bien d'un enfant.

Écrit par : Ren' | 08/11/2008

DANS LE MEME SENS

> Oui, Ren', c'est tout à fait cela, et on peut y ajouter aussi le besoin rémanent de certains parents de régler des comptes non soldés avec l'institution scolaire.
Quand donc parents et professeurs comprendront qu'ils oeuvrent nécessairement et qu'ils doivent oeuvrer dans le même sens, en se parlant et en s'écoutant, pour le bien de l'enfant qu'ils ont en charge à des degrés divers !

Écrit par : Michel de Guibert | 08/11/2008

LE MYTHE ENTREPRENEURIAL DES "BONNES PRATIQUES"

> Ceux qui parlent d'un sentiment de « toute-puissance » chez les profs n'ont pas dû mettre les pieds dans un établissement scolaire depuis quarante ans. La formation dispensée en IUFM mériterait plutôt le reproche inverse, de fonder toute pratique pédagogique sur la conscience d'une impuissance fondamentale de l'enseignant. Heureusement que, « sur le terrain » (comme on dit désormais dans l'Education nationale, en empruntant en expression qui, au début du XXe siècle, était réservée aux anthropologues en exploration chez les primitifs), le bon sens reprend vite le dessus.
Cela dit, autant qu'on puisse se prononcer sur l'affaire en cours à partir de ce qui est rapporté dans la presse, on a surtout l'impression que les parents veulent, plus ou moins consciemment, reporter la responsabilité de leur propre impuissance éducative sur la victime désignée par l'idéologie de l'époque — en l'occurrence le prof, forcément incapable et d'ailleurs toujours en grève (sauf lorsqu'il est en vacances, c'est-à-dire pratiquement tout le temps).
Il y a deux postulats contemporains qui révèlent ici leur nocivité:
1°) En toutes choses, on peut définir des « bonnes pratiques » qui doivent nécessairement produire le succès;
2°) En conséquence, tout échec découle d'une mauvaise application des procédures, et doit donc être imputé à un responsable, qui devient ipso facto un justiciable.
Ce modèle, forgé d'abord pour la conduite des entreprises (avec les résultats pour le moins mitigés que l'on sait), est devenu la norme sociale ultime. Si vous êtes malade, attaquez votre médecin; si vous ratez le bac, attaquez le prof; si vous êtes fatigués, attaquez votre patron; si vous n'êtes pas beau et intelligent, faites donc un procès à vos parents… On se demande si ce n'est pas crainte d'une telle suite que les malheureux parents du collégien de Pont-à-Mousson ont entrepris de se couvrir en lançant les premiers la procédure contre le bourreau de leur fils.

Écrit par : Philarete | 08/11/2008

LE METIER DE PROF

> En tant que professeur j'aurais beaucoup à dire, cela prendrai des pages entières. Mais finalement, aujourd'hui, je ne dirai que deux choses. D'abord je suis fatigué. J'en ai assez de ramer à contre-courant d'une société dont les valeurs et les buts sont fondamentalement opposés à ceux de mon métier (hier encore, 10 minutes à expliquer à des troisièmes - qui se préparent à aller en lycée général- pourquoi il est important d'étudier la montée du nazisme dans les années trente face à des réactions du genre: "c'est nul" ou plus répandu, "ça m'soule ces conneries" ( je passe sur les rigolades pendant la projection de "Nuit et brouillard") et préparation d'une x ième réunion parents pour leur expliquer qu'il est, peut-être, du moins selon nous, sans vouloir les offusquer, nécessaire pour leur progéniture de travailler le soir à la maison et pour eux, parents de vérifier ce travail). Deuxième chose: je suis écoeuré par les chrétiens pratiquants que je rencontre dans les paroisses ou dans certaines organisations que je ne citerais pas. Au lieu de prendre conscience de la catastrophe et de l'abîme vers laquelle plonge la société, ils tombent dans des schémas totalement dépassés. Réaction classique quand on découvre que je suis prof (et oui, maintenant j'évite de dire que je le suis) :" De toute façon vous l'avez cherché depuis 68"; ou alors "ah, vous êtes du public!" et oui, je suis prof du public donc un bolchévique le couteau entre les dents prêt à pervertir leur précieuse progéniture (qui au passage se défonce allègrement dans les rallyes). Ras-le-bol d'entendre dire que je suis responsable de l'avortement, du préservatif, etc. Ils sont dans des schémas à la Don Camillo sauf que l'on n'est plus en 1950. C'est à ce moment que je me demande où sont les disciples du Christ? Ils lisent l'Evangile ces gens-là?
Intenable d'être prof? Certains jours, sans vouloir usurper quoique ce soit, c'est un Verdun moral. Et puis quand on voit une c.......e comme "Entre les murs" être censée nous représenter et montrer la voie de l'avenir...
Ah, une dernière chose difficile à imaginer. Etre professeur est un métier solitaire. Nous sommes seuls en classe, devant notre bureau,face aux parents ou à notre hiérarchie. L'équipe pédagogique n'existe que les jours de conseils de classe.
P.S: A ceux qui voudront accuser les profs, les syndicats etc. Je rappelle juste que la politique scolaire, les programmes et les réformes sont décidés par la gouvernement et le ministre de l'Education Nationale. Si elles ne vous plaisent pas, adressez-vous à ces instances.

Écrit par : vf | 08/11/2008

MANQUE DE SENS

> Vous faites un rapprochement entre 2 affaires différentes et votre article du coup manque de sens, vous semblez justifier le comportement humiliant de certains professeurs qui sont hélas une réalité, ne l'avez vous pas vécu vous-même?
De plus, l'enfant ne naît pas "pervers polymorphe"...., mais effectivement, une accusation grave demande à être vérifiée scrupuleusement, et ce par plusieurs personnes, car dans le camp des psys, ou assistantes sociales et compagnies existent toutes sortes de comportements justifiant des "missions punitives " souvent selon l'histoire personnelle de ces intervenants, la tendance majoritaire étant malheureusement,( c'est mon avis), à défendre le comportement des adultes par rapport aux enfants.

Écrit par : Anthony | 08/11/2008

UN BEAU METIER

> Ce qui est arrivé est très triste, mais relève de certaines dérives de notre société dans son ensemble et non seulement dans l'enseignement.
Pour ma part, je suis professeur dans un lycée public et j'aime mon métier, j'aime mes élèves et je trouve que la plupart des parents se rendent compte que nous faisons de notre mieux pour leurs enfants et essayent de nous soutenir. Je reste prudente, notamment vis-à-vis de "l'administration", mais quand même, c'est un très beau métier, exigeant et fatigant, parfois décourageant c'est vrai, mais utile et qui donne souvent de grandes joies, simples, mais tonifiantes. Si je devais recommencer en toute connaissance de cause, je choisirais à nouveau ce métier. Et puis quel magnifique lieu de mission qu'une classe d'adolescents, ils manifestent une telle attente, et dans une telle confiance, c'est à la fois impressionnant et très émouvant. Bien sûr, nous devons respecter leur liberté de jugement, nous devons même les aider à former leur sens critique, dans cette société où ils auront à prendre leur part, mais nous témoignons avec ce que nous sommes et non seulement avec ce que nous leur disons, et ils sont si extraordinairement réceptifs. Oui, c'est un beau métier.

Écrit par : Christine | 08/11/2008

UN CAS A MEDITER

> Je suis lecteur de longue date de ce blog, même si je n’y interviens pas, et j’ai été très intéressé par les remarques faites ici sur le métier de professeur. Pour quelqu’un comme moi, qui ne le connais pas, c’est utile de lire des témoignages de première main qui permettent d’évaluer le fossé qui existe entre le cliché de l’enseignant gauchiste barbu en sandalettes qui manifeste au lieu de bosser et les aspirations qui sont celles des professeurs qui interviennent ici. Merci pour ça.
Sans vouloir le moins du monde mettre en parallèle nos professions, qui n’ont rien à voir, il me semble que j’éprouve une lassitude voisine de celle exprimée par VF, en ce que dans notre entreprise nous nous faisons insulter alors même que notre but est de sortir des schémas utilitaristes et cupides qui sont fréquents dans notre métier.
Je travaille dans une petite entreprise (moins de 10 personnes), sous-traitante dans le domaine informatique. Il y a dix ans, au sortir de la fac, mon actuel patron (à l’époque, je faisais pour lui un peu de travail de free-lance pour payer mes études), écoeuré par ses deux emplois dans lesquels il avait eu le sentiment d’être traité comme un chien, décida de monter sa propre boîte, où cet état d’esprit qu’il réprouvait serait exclu. Il me demanda si je voulais essayer avec lui et on s’est lancé. Quoiqu’il soit athée, avec une petite tendance anticléricale, ses conceptions sur la responsabilité morale (oui, la responsabilité morale !) d’un chef d’entreprise étaient proches des miennes, et il ne s’est jamais trahi à cet égard. Quelques exemples :
- Lors d’une très mauvaise année, il a cessé de se payer un an pour ne pas renvoyer un employé : ce n’est pas un patron du CAC 40, son salaire n’avait rien d’extravagant. Pour parvenir à ses fins, il a demandé pour le loyer une aide à madame sa mère et c’est sa femme, nullement richissime non plus, qui a mis la soupe sur la table pour les enfants.
- Nous ne cherchons jamais de stagiaire pour réduire les coûts, pratique commune dans notre petite « niche » (on doit avoir une dizaine de concurrents en France dans notre domaine spécifique). Quand nous en prenons un, c’est lui qui nous sollicite pour valider son année universitaire, et nous lui proposons à la fin de son stage un CDD de 3 mois, avec plein salaire, tickets-restaurant, etc., pour qu’il gagne enfin un peu d’argent avant de se lancer dans la vie active. Les employés, volontairement, offrent à nos stagiaires un quart de leur tickets-restaurant pour se nourrir et le patron compense en nous invitant à manger une fois par semaine : avant, c’est la boîte qui payait le déjeuner des stagiaires, mais nous avons été redressés par l’administration fiscale (il paraît que c’est illégal).
- Nous choisissons nos employés sans considération de diplômes, dès lors qu’on sent qu’ils ont les aptitudes. Mon patron et moi compensons, pendant leur temps de formation, en reprenant leur travail le soir et le week-end (leur travail étant, les premiers temps, inexploitable professionnellement). Dès lors, en dix ans, j’ai dû prendre une douzaine de semaines de vacances, et mon patron pas davantage.
- S’il y a du bénéfice à la fin de l’année, il est coupé en trois : un tiers pour les impôts, un tiers pour les frais de la boîte (renouvellement des ordinateurs et des appareillages, etc.), un tiers réparti également en primes pour les employés (mais pas le patron, de sorte que si l’année a été bonne, le patron touche moins que nous !)
- Le patron, qui a 75% des parts, a reçu d’une grosse boîte internationale, il y a cinq ans, une offre de rachat alléchante qu’il a refusée. Les acheteurs potentiels ne l’ont jamais cru quand il disait qu’il voulait préserver son indépendance et ses méthodes de travail, ils ont toujours cru que c’était un « truc » pour faire monter les enchères et ils n’ont jamais répondu qu’en alignant des billets de banque. En fin de compte, ils lui ont dit qu’ils paieraient ce qu’il voudrait rubis sur l’ongle en lui garantissant son poste (a contrario, les employés étaient « sacrifiables »). C’est à peine poliment que mon patron les a envoyés promener.
- Toute décision pouvant avoir un impact sur les primes est prise à l’unanimité par les employés en votant à main levée. Nous avons eu il y a deux ans un ancien stagiaire qui nous a demandé à faire sa dernière année de fac en apprentissage chez nous, et nous l’avons payé plus que la loi nous y contraignait, notamment en lui versant à Noël ou en fin d’année la même prime qu’aux autres, et je suis fier de dire que tous les employés en voté pour à l’unanimité.
- Le patron a une vision familiale des liens qui nous unissent. Un dimanche soir, un employé qui était chez nous depuis trois semaines m’appelle pour me dire que sa grand-mère, très malade depuis longtemps, est sans doute en train de mourir. Il a appelé madame sa mère, mais elle est en Belgique et il lui faudra la moitié de la nuit pour revenir. Peut-il s’absenter le lendemain ? J’avise mon patron, nous sommes allés chez lui tous les deux et nous avons veillé sa grand-mère avec lui. Il était seul et désemparé. Elle s’est effectivement éteinte quelques heures plus tard.

Bref, je pourrais continuer comme ça un moment. Mais le résultat ? Je n’ai jamais pu dire à quelqu’un que j’avais 20% des parts de ma petite société sans me faire traiter d’esclavagiste cupide vendu au capitalisme international. J’ai parfaitement conscience que lorsqu’une grosse boîte prend 10 apprentis par an, ce n’est pas par souci pédagogique, mais nous, quand nous avons pris (alors que nos finances étaient compromises cette année-là) notre apprenti, c’était exaltés à l’idée de travailler main dans la main avec la fac et de « désenclaver » un peu nos forteresses respectives. Quand nous nous sommes rendus à la première réunion de tuteurs, le discours introductif du professeur de notre apprenti a été de nous expliquer que nous étions l’ennemi, pratiquement en ces termes, et que la fac veillerait à ce que nous nous conduisions bien avec leurs protégés. Depuis trois mois déjà, nos employés avaient renoncé à leurs primes pour payer l’apprenti et se relayaient auprès de lui pour le former vraiment (au lieu de lui faire faire les sales besognes sans s’occuper de lui), ils ont été furieux d’apprendre qu’ils étaient des trafiquants de chair humaine.
Un monsieur de l’inspection du travail a fait son petit tour chez nous et, à la fin (n’ayant, je le précise, rien trouvé à nous reprocher) a harangué les employés en leur disant qu’ils étaient des victimes de la société et qu’ils devaient s’unir contre les patrons exploiteurs. Il a dû être surpris de voir les employés faire bloc contre lui (l’un d’eux l’a même traité de fasciste, il a fallu que le patron intervienne pour le calmer).
Sur un blog, où j’essayais d’expliquer ce que je dis ici même, je me suis fait insulter par le tenancier qui, puisque je respecte mon patron et que je suis son second, a décrété que j’étais un bourgeois du 16e diplômé d’HEC et mû seulement par l’appât du gain (j’ai fait mes études à la fac, madame ma mère travaillait déjà à l’âge de douze ans, et mon père est né dans les quartiers populaires d’un père mécano. Enfant, je partageais une chambre de 12m2 dans une barre d’immeubles de banlieue avec mes deux sœurs).
Le pire est que nos concurrents ont fait, eux, leur révolution vers la « nouvelle économie » : le travail est fait chez la plupart d’entre eux par des stagiaires sous-payés et les dividendes sont reversés, non aux techniciens, mais à des commerciaux qui font un travail agressif d’acquisition de clientèle, ou d’expansion en ouvrant des bureaux à Berlin ou à Madrid. Chez nous, il n’y a que des techniciens, pas de service marketing, et nous luttons contre la délocalisation qui fait que nous sommes jusqu’à 4 fois plus chers que certains d’entre eux en misant sur la qualité et la réactivité de notre travail (quoi que toujours volontaires, nos employés ne font jamais d’heures supplémentaires, c’est mon patron et moi qui nous en chargeons). Au point que, depuis un an, nous nous faisons vraiment du souci pour notre avenir. Nous ne sommes plus compétitifs. Mais nous refusons de changer de mentalité. Et mon patron me le répétait l’autre jour : « si pour survivre dans ce que devient notre industrie, il faut faire ainsi, eh bien, nous mourrons. Moi, ce sera sans regret ».

Une fois encore, il ne s’agit pas de comparer ce qui ne peut l’être. Il y a une part de vocation chez un professeur qui n’existe pas chez nous. Mais nous avons dépensé des sommes considérables de temps et d’argent pour lutter contre le fonctionnement utilitariste et la rentabilité maximale qui sont assez couramment l’obsession dans notre industrie et nous offrir à tous, du stagiaire au patron, des conditions de travail décentes et humaines. Tout ça pour, selon les interlocuteurs, se faire traiter soit de suppôts de la banque juive, soit de pigeons. Lassitude, en effet. Et pourtant, satisfaction d’être, certainement pas des saints, mais simplement d’honnêtes gens.

(M. de Plunkett, j’ai conscience que mon message et long et d’intérêt médiocre, n’hésitez pas à le mettre à la poubelle, je ne serai pas vexé).

Écrit par : Jean-Baptiste | 10/11/2008

MERCI

> Je ne vois pas vraiment pour ma part, en quoi votre message est d'intérêt médiocre : Au contraire, il vient de me redonner un peu la foi dans le monde de l'entreprise et de m'en faire une meilleur image, l'image que nous en avons, est, je dois l'admettre assez négative car souvent sur les gros titres pour des scandales ou des délocalisations.
Merci pour ce témoignage !

Écrit par : Théa | 10/11/2008

@ Jean-Baptiste

> Merci pour ce témoignage. Et ne dites pas que nous, profs, avons "une part de vocation" qui "n’existerait pas chez vous"... Ce que vous avez exprimé reflète tout le contraire.

Écrit par : Ren' | 10/11/2008

> Merci les profs qui vous exprimez là (Ren', vf et Christine) et merci Jean-Baptiste ; vous nous faites du bien !

Écrit par : Michel de Guibert | 10/11/2008

A vf

> Sur les deux points que vous évoquez :
1/ Je ne suis pas enseignant mais mon épouse l'est. Je comprends -un peu car uniquement par procuration- ce que votre métier peut avoir de décourageant : passivité des élèves, attitude consumériste des parents, ... Je n'aimerais pas faire ce qu'elle fait, au contact de pré-ados (et d'ados tout court) pas toujours faciles, même si le fait d'être dans un établissement privé lui évite peut-être le pire du pire. Je l'admire d'autant plus qu'elle est entrée dans la carrière sur le tard, après un certain nombre d'années passées dans le consulting...
2/ Je suis assez d'accord avec vous sur l'état d'esprit d'un certain nombre de catholiques français, y compris parmi les gens de ma génération (je vais bientôt aborder la quarantaine). J'ai jadis pensé que la génération Jean-Paul II, particulièrement celle gravitant autour du Renouveau charismatique, allait mettre le feu au monde. Tu parles...
Cordialement,

Écrit par : Feld | 11/11/2008

ENSEIGNANTS ET ENSEIGNEMENT

> Encore une fois, notamment dans les interventiosn de Ren' et MdG, je note que se vérifie cette expression que j'ai lue peut-être sur ce blog :
Mai 68 est une révolution infantile.
Révolution signifie retour en arrière et donc accouplé à infantile, retour à l'enfance.
Les réactions des parents sont bien des comportements enfantins.
Il faut faire un peu d'analyse transactionnelle pour décoder cela. Ren' et MdG nous parlent d'être adulte, d'avoir des relations d'adulte à adulte entre un "prof" et un parent. Ce qui est sain.
Mais nous voyons bien avec ces histoires de "prof" maltraités que les parents se mettent dans des positions d'enfants, ce qui force les "prof" en face à ce mettre dans une position de parent.
Or ce ne peut être une relation viable et encore moins constructive.
La seule solution est la sortie par le haut, en éduquant tout le monde, parents et enfants les premiers. Mais cela, le "pédagogisme" l'interdit !
J'ai entendu ce matin sur Radio Notre Dame l'invité du "Grand Témoin" parler d'une religion d'état : je crois que cette interdiction de murir et de devenir adulte fait partie de cette religion d'état.

@ vf :
reconnaissez au moins que plusieurs de vos collègues ne font rien pour contrecarrer les programmes mensongers de la république, comme l'enseignement d'une histoire ré-écrite (mélange entre 1789 et 1793, vide complet sur la loi d'éradication de la Vendée, ...) ou l'enseignement des lettres de manières à empêcher techniquement l'apprentissage du Latin et du Grec et favorisant le dégout de la littérature et de la culture. (cf. l'association des professeurs de lettre).

Écrit par : boris | 12/11/2008

PROGRAMMES

> Sans vouloir vous offensez, cher Boris, il faut se tenir au courant. Lisez ces fameux programmes et dites moi en quoi ils sont mensongers? Pour la révolution, nous devons présenter de manière synthétiques les grandes phases et acteurs des événements de 1789 à 1815. je ne vois pas où il est écrit que l'on ne doit pas parler de la Vendée? (Tous les collègues d'Histoire que j'ai rencontré dans ma carrière abordent la Terreur et ses effets. Au passage, la guillotine seule, c'est un peu plus de 16000 morts. La répression des Versaillais lors de la semaine sanglante de 1871: 40000. Ce jeu d'accusation de telle ou telle période est stupide voire débile. Il faut comprendre les faits et leurs conséquences. Le reste n'est que vide et fantasme. C'est marrant quand on a 20 ans en fac mais c'est tout. Il y a des profs de gauche qui voient les événements à l'aune de leur lorgnette, je suis d'accord. Je connais aussi des profs de droite voire plus qui ne jurent que par la colonisation ou Pétain. Aux deux je leur dit toujours la même chose: vous faites de la politique, pas de l'Histoire.De toute façon, tout programme doit faire des choix. Sont-ils heureux? Je l'ai dit, si cela ne vous plaît pas, écrivez au ministre. Mais le côté endoctrinement de la république commence à dater. Laissez ces discussions à ceux que cela concernent, eux qui avaient 20 ans en 1900. En 2008, cela me semble un peu archaïque. Enfin, pour le pédagogisme sur lequel je suis d'accord avec vous quant au désastre culturel et de la pensée qu'il nous amène, il vient du matérialisme-mercantile. Je ne crois pas au complot pédagogique qui est mis en place par les illuminatis infiltrés dans l'E.N. Mais ce mouvement est le fruit d'un système qui qui ne parle que plaisir, jouissance et fric. Tout cela sans effort, ni responsabilité. Il faut former des consommateurs uniquement préoccupés de consommer et de bien lire les pubs. Endoctrinement, oui. complot? L'E.N n'est pas le WTC.
P.S: J'écris tout cela sans aménités bien sur.
P.P.S: Cher Boris: ne confondez pas les programmes officiels et les manuels qui eux sont le fruit du tri des éditeurs et n'ont rien d'officels.
P.P.PS:Enfin, j'ai les actes d'un stage de l'E.N qui avait pour but d'approfondir nos connaissances afin de pouvoir enseigner le Christianisme. Aucunes erreurs et même un petit mémoire nous fut donné afin d'enseigner les preuves de l'existence du Christ d'un point de vue historique (académie de Nice il y a quelques années).

Écrit par : vf | 13/11/2008

A feld:

> J'ai 42 ans, je pense donc faire partie de cette génération JPII (je l'ai rencontré en 80 lors d'une audience à Rome). J'ai aussi cru qu'on allait mettre le feu... Où est passée notre génération?

Écrit par : vf | 17/11/2008

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