Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

21/10/2008

Comment rétablir le contact entre la société occidentale et le fait chrétien

Avertissement de Benoît XVI au Synode des évêques (14 octobre) :


  

<<  Le fait historique est une dimension constitutive de la foi chrétienne. L'histoire du salut n'est pas une mythologie, mais une véritable histoire et c'est pour cela qu'elle doit être étudiée avec les méthodes de la recherche historique sérieuse.

 

Toutefois, cette histoire a une autre dimension, celle de l'action divine. […]  Le Concile déclare, en suivant une règle fondamentale valable pour toute interprétation d'un texte littéraire, que l'Ecriture doit être interprétée dans le même esprit que celui dans lequel elle a été écrite et indique par conséquent trois éléments méthodologiques fondamentaux afin de tenir compte de la dimension divine, pneumatologique de la Bible: c'est-à-dire que l'on doit : 1) interpréter le texte en tenant compte de l'unité de l'ensemble de l'Ecriture […] ; 2) il faut par ailleurs tenir compte de la tradition vivante de toute l'Eglise et, enfin, 3) il faut observer l'analogie de la foi. Seulement dans le cas où les deux niveaux méthodologiques, celui de nature historique et critique et celui de nature théologique, sont observés, on peut alors parler d'une exégèse théologique - d'une exégèse adaptée à ce Livre.

 

Alors qu'au premier niveau, l'exégèse académique actuelle travaille à un très haut niveau, et nous apporte ainsi une aide réelle, l'on ne peut pas en dire autant de l'autre niveau. Souvent, ce second niveau, constitué par les trois éléments théologiques indiqués dans Dei Verbum, semble presque absent. Et cela a des conséquences véritablement  graves.

 

La première conséquence de l'absence de ce second niveau méthodologique est que la Bible devient un livre seulement du passé.

 

[…] Mais il existe aussi une seconde conséquence encore plus grave: là où disparaît l'herméneutique de la foi indiquée par Dei Verbum, apparaît nécessairement un autre type d'herméneutique, une herméneutique sécularisée, positiviste dont la clef fondamentale est la conviction que le Divin n'apparaît pas dans l'histoire humaine. […] Par conséquent, on propose des interprétations qui nient l'historicité des éléments divins. Aujourd'hui, ce que l'on appelle le mainstream de l'exégèse en Allemagne nie, par exemple, que le Seigneur ait institué la Sainte Eucharistie et déclare que le corps de Jésus serait resté dans son tombeau. La Résurrection ne serait pas un événement historique, mais une vision théologique. Ceci advient parce qu'il manque une herméneutique de la foi: on affirme alors une herméneutique philosophique profane qui nie la possibilité de l'entrée et de la présence réelle du Divin dans l'histoire.

 

[…]  C'est pourquoi pour la vie et pour la mission de l'Eglise, pour l'avenir de la foi, il est absolument nécessaire de surmonter ce dualisme entre exégèse et théologie. La théologie biblique et la théologie systématique sont deux dimensions d'une unique réalité que nous appelons théologie. Par conséquent, il me semble souhaitable que, dans une des propositions, on parle de la nécessité de tenir compte dans l'exégèse des deux niveaux méthodologiques indiqués par le n. 12 de Dei Verbum, là où l'on parle de la nécessité de développer une exégèse non seulement historique mais également théologique. Il sera donc nécessaire d'élargir la formation des futurs exégètes dans ce sens afin d'ouvrir réellement les trésors de l'Ecriture au monde d'aujourd'hui et à nous tous.

 

  

Commentaires

LE DOIGT SUR LE PROBLEME

> Merci à Benoît XVI de mettre une fois de plus le doigt sur le problème. S'il y a un tel "gap" entre la culture européenne actuelle et le christianisme, c'est largement de la faute de pédants chrétiens, ou plutôt postchrétiens, qui s'acharnent à détruire l'objet de leurs études (qu'ils mènent aux frais de l'Eglise, à tous points de vue puisque souvent ils sont... salariés par elle). La dernière offensive, qu'on sent monter autour de nous en ce moment, est de disloquer le corpus des Ecritures en demandant que l'Ancien Testament ne soit plus présenté en écho au Nouveau et vice-versa, mais "pour lui-même" (disent-ils), c'est-à-dire, en fait, selon la lecture rabbinique tardive (Basse Antiquité, haut Moyen Age), largement postérieure au christianisme et parfois bâtie contre lui. C'est une façon de tout brouiller. Autant on doit respecter la lecture rabbinique d'après le Ier siècle, qui est passionnante en elle-même, autant il serait absurde de l'introduire dans le christianisme, ce que d'ailleurs elle ne demande pas et à quoi elle ne se prête pas ! Lisons là-dessus les livres d'André Paul.
Ce n'est pas au moment où commence la nouvelle évangélisation, que l'on va brouiller le kérygme en transformant le témoignage chrétien en colloque comparatif multireligieux !!
Je suis très attaché au dialogue inter-religieux, mais pour dialoguer on doit être deux et s'accepter mutuellement dans nos différences ; on ne doit pas se haïr soi-même, et encore moins renier Celui qui parle à travers nous et à qui nous devons tout. A lui seul la gloire.

Écrit par : kaliman | 20/10/2008

@ Kaliman :

> Les Juifs Messianiques sont une preuve vivante de ce que vous dites : ils découvrent le Christ par la lecture et l'étude de l'Ancien Testament (AT).
Non pas comme la majorité juive qui attend encore le Messie dont par l'AT, mais en reconnaissant que Jésus a bien posé les signes et gestes annoncés longtemps avant Lui.

Écrit par : boris | 21/10/2008

DOM CLAUDE JEAN-NESMY

> A cet égard, on ne saurait trop recommander la "Bible chrétienne", Mère Elisabeth de Solms et Dom Claude Jean-Nesmy (Ed. Anne Sigier).
4 tomes parus :
- Tome I - Le Pentateuque
- Tome II - Les 4 Evangiles
- Tome III - Les Actes des Apôtres et les Epîtres (Romains 1 et 2 Corinthiens, Galates)
- Tome IV (à paraître)
- Tome V - Les Psaumes
Chaque tome comprend deux volumes.
Dans le volume 1, le passage biblique étudié, en page de gauche, avec en page de droite les parallèles tirés de l’Ancien et du Nouveau Testament : c’est la Bible commentée par la Bible.
Dans le volume 2, le même passage avec des commentaires des Pères de l’Église ou des exégètes.
Un outil remarquable !

Écrit par : Michel de Guibert | 21/10/2008

TOUT A FAIT LICITE

> Ce commentaire me met mal à l’aise, pour plusieurs raisons.
Il me paraît tout à fait licite, pour le chrétien, de faire une lecture littérale de l’Ancien Testament, sans être soupçonné de vouloir «disloquer» la révélation — pourvu que cette lecture n’exclue pas la possibilité de l’interprétation typologique, laquelle «consiste à lire l’Ancien Testament comme préparation et, à certains égards, ébauche et annonce du Nouveau» (Commission pour les relations religieuses avec le judaïsme, 24 juin 1985). Que ne dirait-on pas si le chrétien, au nom de la lecture typologique, niait par exemple le caractère historique des récits bibliques?!
Le «disent-ils» me semble frôler le procès d’intention. On peut lire l'Ancien Testament pour lui-même sans être accusé de se livrer à un entreprise de destruction.
Lire l’Ancien testament pour lui-même est une chose, en faire une lecture «rabbinique tardive» en est une autre. Cette lecture «rabbinique tardive» (mais que met-on sous ces termes ?) n’est pas spécialement historico-critique !
Entrer dans l’esprit de la lecture juive ancienne, dont le principal ressort est précisément le sens de l’unité de l’Écriture (c’est l’Écriture qui explique l’Écriture), ne signifie pas «introduire» cette lecture dans le christianisme (comment comprendre ces formules?), mais permet de mieux comprendre la manière dont les auteurs du Nouveau lisaient l’Ancien (idée classique depuis Bonsirven, Le Déaut etc.).
Il est exact que la tradition rabbinique contient des passages polémiques anti-chrétiens — moins nombreux, sans doute, que les passages anti-juifs que l’on put trouver dans la littérature patristique. Mais les Pères (Origène et d’autres) connaissaient aussi les commentaires juifs et ne se sont pas privés de les reprendre, parfois tels quels, parfois en les christianisant.
Ce n’est pas transformer le témoignage chrétien en colloque comparatif multireligieux que de prendre acte de l’héritage commun, surtout si la connaissance de cet héritage peut nous faciliter l’accès à nos propres sources.

Écrit par : Jérôme | 21/10/2008

à Jérôme

> Oui bien sûr. A un détail près (mais comme mon précédent commentaire ne le donnait pas, je comprends qu'on ne voie pas ce que je voulais dire). En fait je suis troublé par le rapport d'une commission épiscopale française remis au pape, et demandant, non pas seulement la lecture de l'AT pour lui-même (qui est évidemment indispensable), mais UNE REFORME DU LECTIONNAIRE CATHOLIQUE qui y mettrait les textes de l'AT "lus pour eux-mêmes" et non plus lus à travers le Christ.
On peut vérifier, c'est dans une dépêche Zenit.
Je ne mets pas en doute les bonnes intentions d'évêques français, mais je n'arrive pas à comprendre qu'on veuille substituer une lecture "érudite" à la lecture que Jésus fait lui-même à l'usage des deux disciples d'Emmaüs. Est-ce qu'on rêve de transformer tous les catholiques en exégètes universitaires ? Mais non bien sûr. Donc c'est autre chose. Je voudrais qu'on m'explique quoi.

Écrit par : kaliman | 21/10/2008

à Kaliman:

> Pouvez-vous nous donner la référence de ce rapport? Merci d'avance.

Écrit par : Jérôme | 21/10/2008

@ Kaliman

> Je ne comprends pas bien le sens de cette déclaration, et je considère pour ma part que la réforme du Lectionnaire opéré par la réforme liturgique qui a suivi Vatican II a été une belle réussite (mis à part quelques problèmes de traduction en français) !
Je lis ceci dans la dépêche de Zénit à laquelle fait allusion Kaliman (Zénit du 17/10) : "A propos d'une éventuelle révision du lectionnaire, des évêques de ce groupe [le groupe francophone] suggèrent que l'on puisse lire l'Ancien Testament aussi pour lui même et pas uniquement en parallèle avec un passage du Nouveau Testament. Le cardinal Barbarin avait souhaité, au début du synode que l'on lise la Bible « entière »."
Pour ce qui concerne le Cardinal Barbarin, je me rappelle très bien qu'il avait émis un voeu très précis : que l'on ne gomme pas les passages difficiles de la Bible. C'est autre chose,et il a raison !
Jérôme a raison, me semble-t-il, de justifier la lecture de l'AT pour lui-même comme le faisaient les Juifs de l'époque de Jésus y compris les Juifs qui suivaient Jésus ; il me semble cependant que la liturgie eucharistique est le lieu par excellence d'une lecture chrétienne de la Bible, celle qu'a dû faire Jésus sur le chemin d'Emmaüs comme le dit fort justement Kaliman, celle aussi par laquelle il a inauguré son ministère public en lisant le rouleau d'Isaïe dans la synagogue de Nazareth (Luc 4, 16-21) :
"Cette parole de l'Ecriture, que vous venez d'entendre, c'est aujourd'hui qu'elle s'accomplit."

Écrit par : Michel de Guibert | 21/10/2008

@ Michel de Guibert.

> Merci pour la référence à Zenit.
Il y aurait effectivement des traductions à revoir dans le lectionnaire actuel.
Un autre problème est celui que soulève le cardinal Barbarin : celui du découpage. On trouve dans le lectionnaire des références dont certaines d’une longueur invraisemblable (exemple : Ex 33,7-11.18-23;34,4b-9.28). On comprend que les auteurs du lectionnaire aient voulu supprimer des longueurs ou des répétitions, mais on se demande parfois quels critères ont conduit à l’amputation de tel ou tel verset ou fragment de verset. Avec un tel «charcutage», on peut, à l’extrême, faire dire aux textes n’importe quoi.
Vous attirez l’attention sur un autre point, important : le contexte dans lequel la Bible est lue. Une lecture continue, solitaire ou en groupe, peut s’attacher aux différents niveaux de lecture du texte, littéral, typologique, christologique, et privilégier l’un ou l’autre de ces niveaux. La liturgie, par le rapprochement de deux ou trois textes, mis eux-mêmes en relation avec l’eucharistie, crée, en quelque sorte, un nouveau contexte, proprement chrétien, et différent du contexte d’origine. Ce contexte liturgique incite de lui-même à la mise en relation de l’Ancien et du Nouveau. L’idéal — souvent difficile à atteindre, il faut le reconnaître — serait que la prédication mette en lumière ce lien entre l’Ancien et le Nouveau, et entre le pain et la parole.

Écrit par : Jérôme | 22/10/2008

@ MdG :

> j'ai l'impression que vous ne parlez pas de la même chose que Jérôme.
Ce dernier nous parle d'une demande pour une hypothétique révision future du Lectionnaire Romain, et qui consisterait à "rompre" le lien entre "A-T" et Evangile.
Il ne s'agit pas de l'actuelle restauration des années 70 et du Lectionnaire tel que nous le connaissons.
Pour la remarque du Card. Barbarin, je suis surpris de ce qu'il dit : je n'ai aucun ressentiment mais je suis étonné.
Il y a des versets et un ou deux psaumes qui ont été exclu de l'Office Divin en raison de leur dureté s'ils ne sont pas expliqués.
En même temps, la Bible a été écrite pour des besoins Liturgiques, mais pas forcément pour le Rite Romain ni même pour les liturgies chrétiennes. L'A-T répond à des besoins Judaïques.
Les Evangiles sont déjà lus en entier, du moins dans le lectionnaire de semaine.
Si le Cardinal demande à ce que même les passages difficiles soient proclamés, cela nécessitera une meilleure formation des liturges.
C'est plutôt bon signe.

Écrit par : boris | 22/10/2008

@ Boris

> Vous écrivez à MdG: «j'ai l'impression que vous ne parlez pas de la même chose que Jérôme. Ce dernier nous parle d'une demande pour une hypothétique révision future du Lectionnaire Romain, et qui consisterait à "rompre" le lien entre "A-T" et Evangile.»
Si vous l'avez compris ainsi, c'est que je me suis mal exprimé et j'en suis désolé. Je n'ai pas parlé de rompre le lien entre l'Ancien Testament et l'Évangile, et encore moins d'inscrire visiblement cette rupture dans le lectionnaire liturgique! J'ai voulu dire simplement que quand j'ouvre ma bible chez moi, je peux lire pour eux-mêmes les récits de la Genèse, de l'Exode etc., et m'en nourrir, sans me demander en permanence ce que cela "préfigure".
Je pense avoir été assez clair, dans ma seconde contribution, sur la nécessité de manifester le lien entre l'Ancien et le Nouveau dans la lecture liturgique. Et veuillez m'excuser si je vous ai mal compris.

Écrit par : Jérôme | 22/10/2008

@ Jérôme

> Je suis en plein accord avec ce que vous dites.
Pour ce qui est des traductions du Lectionnaire, je crois qu'il nous faudrait un autre Jérôme, si vous me permettez !
Pour ce qui est du contexte dans lequel est lu la Bible, je suis en plein accord avec vous, mais je crains que la proposition des évêques francophones à laquelle se référait Kaliman (rapport de Mgr Carré) ne porte précisément sur le lectionnaire ; il me paraîtrait calamiteux de renoncer à cette lecture chrétienne de la Bible à la manière des Pères de l'Eglise, manière dont les prédicateurs -et leurs ouailles- ne pourraient que tirer bénéfice dans leurs homélies.

Écrit par : Michel de Guibert | 22/10/2008

@ Boris

> Vous m'avez mal lu : je disais précisément que la réforme du Lectionnaire romain était une réussite (mis à part la question des traductions) car elle permet précisément une lecture chrétienne de l'AT (c'est précisément la belle réussite de cette réforme du lectionnaire que de mettre en parallèle chaque dimanche lecture de l'AT et Evangile).
Ce dont je crois parlaient les évêques du groupe francophone (rapport de Mgr Carré) et dont discutaient Kaliman et Jérôme, c'est de revoir le Lectionnaire pour rompre le lien entre l'AT et l'Evangile, autrement dit de ne plus se situer dans la perspective d'une lecture chrétienne de l'AT pour le lire ce dernier "pour lui-même".
Ce serait à mes yeux très malheureux, mais la dépêche de Zénit est assez laconique, et il faudrait être sûr que c'est bien de cela qu'il s'agit... l'inquiétude n'en demeure pas moins légitime !
Pour ce qui est des propos tenus par le Cardinal Barbarin, cela n'a rien à voir, même si la dépêche de Zénit met tout ensemble en donnant compte-rendu du rapport de Mgr Carré.
Je crois qu'il a raison et que nous n'avons pas à charcuter la Bible au risque de la dénaturer, à en soustraire les paroles dures (y compris les paroles dures de Jésus dans l'Evangile) ; cela demande des explications ? Certes, et c'est précisément le rôle de l'homélie ! Mais ne gommons pas ce qui nous embarrasse, cherchons plutôt à voir ce que Dieu veut nous dire !

Écrit par : Michel de Guibert | 22/10/2008

Les commentaires sont fermés.