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07/10/2008

La crise ne réveille pas les somnambules

Et même s'ils se réveillaient, ils ne disposent pas du logiciel mental qui leur permettrait de décrire la réalité :


  

Certains commentateurs aujourd’hui, à la radio ou à la télévision, donne l'impression de somnambules. Selon eux, rien ne permettait de prévoir ce qui est en train d’arriver : l’effondrement de pans entiers de la machinerie financière (ce casino virtualiste), sous les coups d’une réalité dont ils niaient l’existence – et qu’ils voudraient pouvoir continuer à nier, car ils sont formatés pour ça. J’entendais tout à l’heure « débattre » deux notables de la com’ ; leur inquiétude était de voir en ce moment les Etats se réveiller et tâcher de soutenir le bien commun, qu’ils avaient si longtemps laissé dépecer par les prédateurs. Les deux invités étaient choqués de ce retour du Politique. Ils semblaient incapables de comprendre la situation, ne disposant que du vocabulaire ultralibéral virtualiste – qui ne permet évidemment pas de décrire le réel. Changer de logiciel leur était impossible. [1]

Pourtant les avertissements n’avaient pas manqué.

Je ne parle pas des analyses d’ATTAC, d’Emmanuel Todd, etc, multipliées il y a déjà dix ans, mais simplement de ce qu’on pouvait lire dans les journaux il y a juste un an. Par exemple dans Libération du  19 octobre 2007, sous le titre : « Wall Street, nous avons un problème … », cet article de Patrice Baubeau (Paris X Nanterre) :

 

 

<<  1929, 1987, 2001… Les mois d’octobre font-ils peur aux marchés financiers ? Et qu’attendre en 2007, alors que les promesses de croissance de part et d’autre de l’Atlantique sont menacées ? Le krach qui a secoué Wall Street, le 19 octobre 1987, a entraîné la plus forte baisse jamais enregistrée en une seule journée par le marché américain : moins 22,6 %, davantage que lors du « jeudi noir » de 1929. Mais ce krach n’a pas eu de conséquences majeures sur la croissance et les pertes boursières ont été vite comblées, alors que, de 1929 à 1933, le cours des actions avait diminué  de 80%, tandis que la production industrielle était divisée par deux.

 

Comment expliquer, alors, qu’un tel événement ait eu lieu il y a vingt ans, et non cinquante ou cent ans ? On pointa d’abord du doigt les programmes informatiques boursiers, accusés d'avoir accentué la baisse par leurs automatismes. Pourtant, malgré la mise en place de « coupe-circuit », les secousses sur les marchés financiers mondiaux ont été plus fréquentes depuis 1987 que durant les vingt années précédentes.

 

Si l’explication technique ne tient pas, que reste-t-il ? D’abord, le développement même des marchés financiers, placés au cœur de nos économies depuis les années 1980.  Tenus en suspicion après la crise de 1929, ils n’ont joué qu’un rôle très limité dans la forte croissance économique après la Seconde Guerre mondiale, et ce n’est qu’à partir des années 60 qu’ils ont peu à peu repris de l’importance. Or, l’instabilité apparaît caractéristique de ces marchés, et l’ampleur de la crise de 1987 résulte en grande partie de la transition entre un système longtemps stabilisé par les Etats et un système qui confère un rôle central aux marchés financiers.

 

Depuis, les marchés sont secoués par des crises liées à la modification des opinions. En 1987, c’est l’évolution future des taux d’intérêts qui inquiète ; en 2001, c’est la rentabilité de la nouvelle économie ; aujourd’hui, c’est la capacité des ménages et des entreprises à rembourser leurs dettes. Or le contexte de cette modification des opinons importe au plus haut point. C’est parce que le contexte économique était porteur que le krach de 1987 a pu être conjuré par la coopération internationale des banques centrales. Au contraire, la crise de 1929, comme celle que nous connaissons aujourd’hui, ont été précédées d’anticipations « exubérantes » quant à la croissance économique, empêchant de prendre en compte les facteurs de fragilité. >>

 



[1]  Sans parler des dogmatiques ultralibéraux de l’UMP (Copé, Mariton), déchaînés contre Henri Guaino parce qu’il a osé dire  que dans la conjoncture actuelle, les normes de Maastricht n’étaient pas « la priorité des priorités ». Blasphème !

 

 

Commentaires

LES PLUS GRANDS BANDITS DE NOTRE TEMPS

> Non seulement beaucoup font les surpris (alors même que, dans tout mon entourage par exemple, nous envisagions sérieusement une crise majeure depuis une bonne année), mais encore constate-t-on toujours ce faux optimisme partout. En effet, on nous dit tous les jours depuis le mois de mai : "rassurez-vous, les banques vous encaisser, rassurez vous, ça va remonter très vite, rassurez-vous, ce ne sera bientôt plus qu'un souvenir". Des hypocrites nous expliquent aujourd'hui que, pour un Etat moderne, augmenter son déficit brutalement de 1000 milliards de dollars, ce n'est pas grand chose, que c'est même normal au fond, que c'est un sacrifice nécessaire pour le bien du marché.
Mais derrière tous ces faux optimistes se cache une véritable fatalité qu'on veut nous imposer : nous ne sortirons jamais de ces logiques ultra matérialistes, les "riches" n'en auront jamais fini d'exploiter pour leur profit le travail des autres, les travailleurs et les pauvres seront à jamais les pions sur l'échiquier des puissants.
Un chef d'entreprise, Georges Gourdin, témoigne ainsi sur le site du Monde : "Vous êtes bien dans l'axe de la pensée dominante en tendant à faire croire que la crise va toucher les entreprises, et que, pour cette raison, il faut tout mettre en œuvre pour l'éviter. La crise va toucher toutes les entités qui ont compensé par des artifices financiers leur incapacité à générer suffisamment de valeur ajoutée pour couvrir leurs charges : ça fait du monde ! Mais ce ne sont pas les entreprises qui seront touchées car elles ont depuis longtemps appris qu'on ne peut dépenser plus que ce qu'on l'on gagne. Je parle ici des PME. La crise, je l'attendais. Vive la crise !"
On ne pouvait pas mieux dire. Et les États, en rachetant les dettes de tous ces acteurs-voyous de la finance, permettent certes à nos investissements de ne pas plonger complètement. On croit donc y voir un gain. Mais dans quelques mois, qui devra payer la facture ? Nous sommes en train de laisser notre gouvernement justifier en notre nom une des pires infamie de l'histoire de l'homme. Nous sommes en train d'accepter de payer durant toute notre existence pour que s'enrichissent sans heurts les plus grands bandits de notre temps.

Écrit par : Quentin | 07/10/2008

DINOSAURES DE LA COM'

> Entièrement d'accord avec vous. Tous ceux qui utilisent le net, ont pu lire depuis des années la chronique Agora ou les chroniques de Paul Jorion, qui décrivent depuis longtemps le problème et dans les moindres détails. Pendant ce temps là, les commentateurs officiels sont passés du déni de réalité à la révolte contre les Etats qui osent prendre le problème en main. On ne les changera pas, ils appartiennent (les pros de la com) à l'espèce des dinosaures et on peut espérer que leur destin sera le même.

Écrit par : Loïc | 07/10/2008

MAASTRICHT ?

> Les normes de Maastricht doivent permettre une gestion saine des finances de l'Etat. Difficile de s'opposer à ce principe, surtout lorsque l'on voit les dettes publiques de certains pays !
Encore une fois, n'allons pas chercher dans l'opposé que nous présente le monde la solution à la crise.
L'état actionnaire a failli (cf. le crédit Lyonnais). Le capitalisme financier a failli aussi.
Dans les deux cas, on avait une confusion des rôles (état omnipotent ou finance omnipotente).
La DSE nous propose une autre voie, celle qui place l'homme en premier, sachant bien sûr la perfection n'est pas de se monde et que l'Eglise ne promet donc pas la solution miracle sur terre comme l'ont fait l'ultralibéralisme ou l'étatisme.

Écrit par : Ludovic | 07/10/2008

SCRATCH

> Le débat existait sur votre blog pour y avoir participé à propos de l'emballement des marchés favorisé par les NTIC. Le scandale de la Société Générale atteste de la dérive des produits financiers et le souci d'anticiper sur l'anticipation.
Le manque de rigueur est la cause de l'effondrement des marchés. La crise actuelle est le scandale de la Barings à l'échelle mondiale.
Richard Fuld, patron de feu Lehman Brother, a reçu 500 millions de dollars de bonus. De telles performances auraient soulevé la suspicion en sport. C'est en supprimant le contrôle anti-dopage que la finance américaine a créé des champions du bonus dont elle en tirait un certain orgueil.
Fly as an eagle or scratch as a chicken
http://fr.biz.yahoo.com/06102008/202/le-patron-de-lehman-brothers-sur-la-sellette-au-congres.html

Écrit par : Annie | 07/10/2008

TITANIC ET KERGUELEN

> A Quentin: c'est ce que je disais il y a quelques jours à propose des prométhée fous furieux qui voulaient recréer la nature. Si on les envoyait tous sur une île déserte? Je ne sais plus qui parlait des kerguelen, c'est pas mal comme idée. il y aurait les docteurs frankenstein et leurs financiers réunis. Allez, une bonne révolution et on reconstruit le Titanic pour les expédier au bout du monde.

Écrit par : vf | 07/10/2008

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