11/09/2008
A mes confrères, au sujet du pape : ne disons pas n’importe quoi
…et essayons de nous informer un peu avant de parler :
À vingt-quatre heures de l’arrivée de Benoît XVI à Paris, radios et télés s’y mettent. Combien de rédactions se sont-elles informées ? Quels journalistes connaissent l’action du Saint-Siège en faveur des pays pauvres ? Sa critique de l’égoïsme occidental ? Ses appels à changer le système global de développement ? Et l’engagement écologique du Vatican ? Aucune radio (jusqu’ici) n’en parle, ni aucune télé.
Ce que l’on entendait ce matin, c’était - devinez quoi ? Oui : « le pape est un conservateur ».
A quel sujet ?
- Au sujet des mœurs, bien sûr. Les rédactions sont persuadées que le pape passe la moitié de son temps à parler contre l’homosexualité, qui est, comme chacun sait, la question prioritaire mondiale absolue. (En réalité le pape n’en parle pas : mais mes confrères négligent ce détail). [1]
- Le pape, disent-ils, est conservateur aussi « pour la messe ». À cause « du latin »... Ils ne se sont pas informés de ce qu’est la messe, ni de ce que le pape a réellement voulu en 2007 à ce sujet. Ils le croient obsédé du désir de faire revenir à Rome les gens d’Ecône. En réalité ce n’est pas le cas [2], mais peu leur importe.
Peu leur importe, pourquoi ? Parce que - dans la machinerie médiatique - les sujets « pape » ou « catholicisme » (et tous les autres sujets) sont formatés sous un seul angle : « progressisme contre conservatisme ». Cet angle n’a rien à voir avec la foi catholique ? Mais le religieux est ce qui intéresse le moins un journaliste quand il traite de la religion.
Obligés de faire rentrer tous les sujets religieux dans cet angle nul, les médias audiovisuels s'y évertuent.
Ils laissent tomber l’actualité réelle de l’Eglise catholique, et promeuvent une actualité fictive.
D’où cette déferlante de phrases creuses: voire aux limites du ridicule, quand on essaie de faire rentrer un sujet aussi transcendant que la liturgie dans le moule à gaufres du journal de 8 heures. [3]
>
Comptons sur Benoît XVI pour décontenancer ces gens. En espérant qu’ils ne vont pas lui refaire le coup de Ratisbonne : s’emparer de quinze mots mal compris, parce qu’on n’a pas écouté le reste du discours...
Mais quand on voit les fruits positifs du discours de Ratisbonne, on se dit que les « mal-comprenants », comme disait feu Coluche, n’ont pas le dernier mot. Tout ira bien. À Dieu vat.
_____
[1] Entendu ce matin. Le journaliste à l’auditeur : « …Et ce que le pape dit des homosexuels ? » - L’auditeur : « Mais je suis moi-même homosexuel ! L’Eglise indique comment être heureux ; chaque catholique est libre d’agir plus ou moins selon ce qu’elle dit, c’est une question de conscience personnelle. » Le journaliste semblait déçu de cette réponse.
[3] Après quoi les radios claironnent que « 60 % des catholiques jugent Benoît XVI conservateur ». Si ce sondage n’est pas bidonné, cela veut simplement dire que 60 % des catholiques se laissent désinformer par les médias au sujet de leur propre Eglise, plutôt que de s’informer dans leurs paroisses. (Ils n’y trouveraient pas l’information ? C’est que leur paroisse se porterait mal... Ce serait alors à eux de la prendre en main, d’y faire naître des organes d’information et de débat. Et de contourner l’équipe d’animateurs laïcs si elle faisait barrage).
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Commentaires
SYSTÈME
> Lassants médias. Rien ne les fera bouger. Lourds comme du plomb. Rivés à leur système. De moins en moins crédibles heureusement. (Sauf pour les moutons cathos qui croient la télé plus que le pape ?)
Écrit par : Tref | 11/09/2008
" JEAN-PAUL II "
> le plus irritant est de les entendre faire semblant de vanter le "charisme" de Jean-Paul II par rapport au "manque de charisme" de Benoît XVI ("charisme" étant un de ces mots creux qui servent de pensée aux médias), alors que, du vivant de JP II, les mêmes médias le traînaient dans la fange ! Mais ils croient que nous sommes comme eux, amnésiques par système.
Quant à B 16, son charisme réel est immense mais d'une nature qui échappe aux journalistes, pauvres zozos.
Écrit par : Rembar | 11/09/2008
LES BLOGS CONTRE LA GROSSE MACHINE
> Ce manque d'imagination de la presse écrite est la meilleure justification des blogs comme celui-ci, rédigés par des personnes qui prennent le temps de s'informer.
On peut gager qu'avec le temps, ces blogs-là finiront par imposer leur niveau d'exigence, puisque tout le monde, à commencer par le public, y trouve son compte.
Philarète
[ De PP à P. - La presse écrite serait plutôt "moins pire" que l'audiovisuel. Exemple : l'article de Claire Chartier dans L'Express de ce jour (signalant des aspects dont aucune radio ni aucune télé ne diront jamais rien). Le problème, oui, c'est l'audiovisuel: c'est lui qui fabrique l'ambiance, en répétant sans cesse les mêmes âneries. ]
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Écrit par : Philarete | 11/09/2008
JOURNALISTE
> Je me souviens de débats houleux face à un rédacteur en chef qui voulait absolument me faire faire un sujet sur les "nouveaux péchés" ajoutés par l'Église, au printemps dernier, à l'époque où la presse s'en gaussait avec délectation... J'ai eu beau lui faire une lecture critique de la dépêche à l'origine de l'"affaire", lui faire une petite catéchèse sur le sens du péché pour les catholiques et lui expliquer en quoi ce sujet n'en était pas un, il n'a rien entendu. Résultat : comme j'ai refusé d'être l'auteur de la (petite, certes, mais tout de même) désinformation qu'il me demandait, quelqu'un d'autre a fait le sujet de ses rêves ! Le pire, c'est que je n'ai eu aucune fierté de garder les mains propres, puisque tous mes efforts n'avaient servi à rien... Éternel recommencement.
Sur les sondages, le plus étonnant est que les radios ont négligé un autre résultat : 53% des Français (et 65% des catholiques) ont une "bonne opinion" du pape ! Je l'avais lu hier sur un fil AFP, et j'ai sursauté ce matin en voyant quelle question les radios avaient privilégiée, sans même faire mention de l'autre (qui faisait pourtant le titre de la dépêche).
Source : http://www.leparisien.fr/societe/une-majorite-de-bonnes-opinions-11-09-2008-214759.php
La constante mise au premier plan des questions morales (ou issues d'insignifiantes dialectiques droite/gauche) est désespérante, je vous l'accorde. Ce qui ne doit pas malgré tout nous empêcher d'espérer, et de trouver parfois quelques signes encourageants, pour peu qu'un catholique interrogé sache élever un peu le débat, comme l'auditeur que vous citez en note...
Si vous me permettez un tout petit peu d'auto-promo, il y a eu aussi récemment un bon exemple qui m'a rassuré : http://edmondprochain.wordpress.com/2008/09/01/hommage-a-la-jolie-blonde-qui-levait-les-yeux-au-ciel/
Je termine en vous remerciant pour ce billet (et les autres). C'est à la fois un plaisir et une joie ! (Sans compter que ça aide à se sentir moins seul...)
Écrit par : Edmond Prochain | 11/09/2008
GRAIN DE SABLE DANS LA MECANIQUE
> Les détails du sondage du CSA/Parisien sur l'image du pape sont intéressants.
En moyenne, les Français sont 53% à avoir une bonne opinion du pape.
On y constate que ceux qui ont une bonne opinion du pape sont
- pour les tranches d'âge : les moins de 30 ans (56%) et les plus de 65-74 ans (68%). Ceux qui ont la moins bonne image de Benoît XVI se situent dans la tranche 30-39 ans (45%), 40-49 (50%) et 50-64 ans (50%).
- Pour les catégories socio-professionnelles, ce sont les personnes de famille dont le père est ouvrier qui ont la meilleure image de lui (65%), et plus globalement les CSP - (58%), les plus critiques étant les cadres et professions libérales (36%).
Malgré toutes les limites de ces études d'opinion, n'y a-t-il pas un enseignement à en tirer ?
Même si les médias ne relayent pas tout le message du pape et de l'Eglise, les plus directement touchés par les dérives du materialisme mercantile ont bien compris qu'ils avaient un protecteur en la personne du pape. Ils perçoivent aussi peut-être aussi l'action concrète de l'Eglise pour le bien commun, au-delà des clichés habituels.
Quant aux artisans de ces dérives ("les idiots utiles"), ils sentent bien que le Pape est un grain de sable dans leur belle mécanique...
Écrit par : Marco | 11/09/2008
SOURIRES DE MEPRIS
> Le problème est l'ignardise monumentale, socle d'une pyramide de certitudes fausses. Une foule de gens sont maintenant persuadés que Vatican II avait supprimé "les dogmes" et déclaré que toutes les religions se valent ; donc que Benoît XVI supprime Vatican II. Et si vous expliquez ce qu'il en est réellement, vous avez droit à des sourires de mépris ou d'hystérie froide, comme on en a eu un échantillon à la télé l'autre soir...
Écrit par : Pillaouer | 11/09/2008
MEDIAS
> Pour paraphraser Groucho Marx qui disait qu'il n'adhérerai jamais à un club qui l'accepterait comme membre, je me méfierai d'une foi encensée par les médias.
En ce temps de matérialisme individualiste triomphant, seule une réussite financière individuelle (bonus,audience...), une démarche impérialiste (invasion de l'irak cf médias US) trouve grace aux yeux de médias dépendants.
Je suis donc fier et me sens renforcé dans ma foi d'avoir des valeurs peu goutées par des canaux de communication (supposés d'information).
Le jour ou la pape battra des records d'audience, ou les médias en parleront en bien il sera devenu mou et consensuel, ce qui n'est pas son role.
Écrit par : etienne | 11/09/2008
@ ETIENNE
> Il existe tout de même une différence entre "parler en bien" et "bien parler"... ou tout simplement : dire des choses justes !
Bien sûr que nous pouvons être fiers que notre foi reste dérangeante, et nous pouvons même nous réjouir (dans une certaine mesure ! et en rétablissant le vrai chaque fois que c'est possible) que le message de l'Église soit critiqué... On était prévenus : cf. les Béatitudes, par exemple.
Le message du Christ dérange ; tant mieux. Mais ça ne nous dispense pas de le rétablir chaque fois qu'il est déformé ! Le drame, aujourd'hui, c'est que les déformations occupent presque plus de place que le cœur du message.
Écrit par : Edmond Prochain | 11/09/2008
HOMOSEXUALITE : LE SUJET DONT BENOIT XVI NE PARLE QUASIMENT PAS
> « Les rédactions sont persuadées que le pape passe la moitié de son temps à parler contre l’homosexualité, qui est, comme chacun sait, la question prioritaire mondiale absolue. (En réalité le pape n’en parle pas : mais mes confrères négligent ce détail) ».
Poussé par la curiosité, je viens de faire une enquête que je crois assez exhaustive, grâce aux moyens informatiques. Combien de fois le pape Benoît XVI a-t-il prononcé le mot « homosexualité » ou « homosexuel » depuis le début de son pontificat ?
La recherche incluait tous les textes et toutes les interventions du pape recueillies sur le site du Saint-Siège.
La réponse est : deux mentions.
La première, le 13 mai 2006, dans un discours aux participants de l'Assemblée plénière du Conseil pontifical pour la famille. La seconde, le 10 mai 2008, dans l'adresse aux évêques de Hongrie en visite ad limina. L'une et l'autre mention interviennent dans l'expression « unions homosexuelles », dans le contexte de leur reconnaissance juridique promues par certains Etats.
Si j'ai le temps, je ferai le même travail pour « contraception », par exemple. Mais on peut retenir la réponse du saint-père au journaliste qui relevait que, lors de son voyage à Valence, pour la Journée de la famille, il n'avait pas prononcé une seule fois le mot « homosexualité » :
« Il faut savoir avant tout ce que nous voulons réellement, n'est-ce pas? Et le christianisme, le catholicisme, n'est pas une somme d'interdits, mais une option positive. Et il est très important que cela soit à nouveau visible, car aujourd'hui, cette conscience a presque totalement disparu. On a tellement entendu parler de ce qui n'était pas permis, qu'il est nécessaire aujourd'hui de dire: nous avons une idée positive à vous proposer, à savoir que l'homme et la femme sont faits l'un pour l'autre, qu'il existe - pour ainsi dire - une échelle: sexualité, éros, agapè, qui sont les dimensions de l'amour… » (5 août 2006).
PS. De P à PdP : parfaitement en accord, bien sûr, avec votre réponse à mon précédent commentaire. L'audio-visuel est le "grand niveleur" — ceux qui écrivent encore sauvent l'honneur!
Écrit par : Philarete | 11/09/2008
FOUREST = DAN BROWN ?
> J'ai vu hier le débat entre Michel Kubler et Caroline Fourest dans l’émission de Michel Field sur LCI.
J’ai apprécié le flegme de Michel Kubler.
La France donne une image très caricaturale de la laïcité militante.
Caroline Fourest a avancé des contre-vérités et de poncifs laïques militants.
Elle enseigne à l'IEP de Paris.
Elle était venu faire la promotion de son dernier livre, une sorte de Dan Brown prétentieux.
A l'entendre, je me suis interrogée à savoir si les laïcs ne développaient pas un réflexe millénariste devant le succès grandissant de l'Eglise.
http://fr.wikipedia.org/wiki/Caroline_Fourest
http://carolinefourest.wordpress.com/
http://carolinefourest.wordpress.com/2008/09/06/les-nouveaux-soldats-du-pape-en-librairies-le-4-septembre/
Écrit par : annie | 11/09/2008
UN TEST SIMPLE
> Dans le prolongement de ce qu'écrit Philarete, je voudrais ajouter ceci: au delà des reproches adressés à Benoit XVI qui serait prétendument braqué sur l'homosexualité , il s'agit toujours de cette sotte légende d'une Eglise obsédée par le sexe, légende forgée par une époque dont on pourrait dire qu'elle est comme Freud, chaussée d'une paire de testicules en guise de lunettes. Il existe quoiqu'il en soit, un autre moyen fort simple pour réduire à néant cette légende.
J'ai sous les yeux le catéchisme de l'Eglise catholique en édition "Pocket". C'est un gros pavé de près de 1000 pages au sein duquel la sexualité n'occupe au maximum qu'une quinzaine de pages. (15 lignes seulement sont consacrées à l'homosexualité!)
Comme quoi les véritables obsédés sexuels sont ceux qui se focalisent sur ces quelques quinze pages (qu'ils n'ont d'ailleurs jamais pris la peine de lire!) ne voulant pas tenir compte des 980 autres où il est traité d'une multitude d'autres questions.
Écrit par : Falcophil | 11/09/2008
RECENTRONS-NOUS
> Cette vision étroite des médias est consternante.
Et malheureusement les médias catholiques n'y échappent pas.
Vas t'on comprendre un jour que l'Eglise catholique n'est pas un club?
Il ne s'agit pas de savoir si l'on va enfin retrouver la belle époque où on n'admettait dans le club que ceux qui avaient une cravate.
Il s'agit du message révolutionnaire du Christ qui est venu pour les pauvres et les pêcheurs.
Alors arrêtons une fois pour toutes, si cela est possible, de tourner autour des sempiternelles questions (messe dos au peuple, communion à genoux, latin etc...), recentrons-nous sur le message du Christ et accueillons Pierre, son représentant sur Terre.
Je serais un récent converti, quand j'entends cette insistance obstiné de certaines rédactions catholiques à ramener sur cette vision étroite, je pars en courant.
Et connaît-on le nombre des récents convertis qui partent en courant?
Devenir catholique, c'est, comme l'a dit le Christ, rejoindre des amis (vous êtes mes amis), une famille et pas une famille qui nourrit la division.
Écrit par : olivier le Pivain | 12/09/2008
DUQUESNE BOUGE ENCORE
> Jacques Duquesne vient parler de l'Eglise sur LCI.
Il ne semble pas le mieux placé pour parler de la foi chrétienne et encore moins pour l'expliquer :
http://www.mariedenazareth.com/4336.0.html
Écrit par : Annie | 12/09/2008
MAIS IL HABITE EN FACE
(message du 14 septembre)
> Vous ne savez pas la meilleure : Duquesne habite rue de Poissy, quasiment en face du collège des Bernardins. Le 12 il était à son balcon et regardait la foule qui acclamait Benoit XVI remontant dans la papamobile. Duquesne n'avait pas l'air content du tout. D'autant que la foule l'a reconnu et lui a lancé quelques vannes, du genre : "ça y est, maintenant vous êtes complètement excommunié !". Pénible journée pour ce Géronte pénible.
Écrit par : Totoro | 14/09/2008
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