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08/09/2008

En attendant Benoît XVI (6) : les catholiques, le politique et l’économique

Benoit-XVI-070908[1].jpgOn n’est plus au XXe siècle, et les business schools n’étaient pas vraiment des facultés de théologie :


  

Avant la visite du pape, les médias relancent la ritournelle « Eglise catholique / pouvoirs politiques ». Mes confrères pensent à Sarkozy et au discours du Latran, pourtant accueilli par Rome avec une grande circonspection.

Dans l’esprit des journalistes, la question tourne autour d’avantages matériels et moraux que l’Eglise française attendrait (croient-ils) des pouvoirs publics.

Il serait dommage que cette version s’accrédite, parce que ce n’est pas ainsi que raisonnent les catholiques. Leur souci n’est d’ailleurs pas ce que Sarkozy pense de la religion,  mais comment  « réinventer » les façons d’être du catholicisme français  - pour le mettre à la hauteur des nouveaux enjeux de l’évangélisation au XXIe siècle. Les catholiques n’y arriveront pas en se mettant à la remorque de la classe politique ou du Medef : ce serait hors sujet, et décevant sur le plan spirituel. Voire intellectuel.

Quant aux « catholiques face à la politique », c’est une question qui ne s’envisage pas en termes de « pouvoir » à reconquérir (par on ne sait quel parti catholique inexistant) [1]. Elle s’envisage en terme de service. Des catholiques qui feraient de la politique en catholiques le feraient, non pour leurs idées à eux, mais pour le bien commun. Notion non-libérale, d’ailleurs : le bien commun étant autre chose que la somme des intérêts particuliers.

Le bien commun en 2008 est économique. Comme le souligne Jacques Julliard dans un livre remarquable qu’il vient de publier et dont nous parlerons plus à fond [2], « l’économie politique ne saurait être seulement la science des riches : elle doit devenir la science des pauvres, voire l’évangile des nations. En un mot, la gratuité est en train de sortir du domaine de la charité, pour entrer dans celui de la justice et même de l’ordre ».  Julliard dit cela à propos de Claudel, qui soulignait (dans L’Evangile d’Isaïe) « l’impossibilité pour un organe de ne pas fonctionner au profit de tous les autres. L’impossibilité, pour la mammona iniquitatis, de la richesse d’inégalité, d’iniquité, se maintenant toute seule en porte-à-faux au milieu d’un univers circumambiant de pénurie et de vide… »

 Ce porte-à-faux fut pourtant imposé, dans les années 1990, par la sphère financière devenue gérante de la planète grâce à la démission des pouvoirs politiques : apothéose de Mammon avec le concours de quelques cathos tendance business schools, hélas pour eux et pour tout le monde.  

Cette ère est révolue. Nous entrons dans un autre monde, qui réservera des surprises redoutables  – et d’autres magnifiques. Tous les milieux catholiques français pourraient s’en aviser : nous ne sommes plus en 1998. Les petits codes « modernes » de la fin du XXe siècle sont désormais invalides. L’avenir attend autre chose.

« A l'occasion d'une visite en Sardaigne, le pape Benoît XVI, parlant devant 150 000 personnes, a appelé l’Italie à engendrer  "une nouvelle génération de chrétiens convaincus, capables de chercher avec compétence et rigueur morale des solutions pour un développement durable" », nous disent les dépêches de ce matin.  Ce qui compte est l’expression « développement durable », qui pour le Vatican désigne le bien commun économique de la planète. Voilà la mission que le pape assigne aux catholiques en politique.

Les agités cathophobes diront : « Oui, mais Benoît XVI  a rencontré Berlusconi ». Par force, puisque Berlusconi est le chef du gouvernement ! Benoît XVI aurait aussi bien rencontré Walter Veltroni…

Aucun parti n’est la maison naturelle du catholicisme. Il faudra s’en souvenir vendredi, quand le pape montera le perron de l’Elysée et que les médias entonneront tous ensemble le choral  « Ô très révélatrice rencontre ».

 

_____

 

[1]  Laissons ce mythe aux jeunes énervés cathophobes dont les connaissances se résument à Dan Brown. Ils sévissent sur la Toile, y compris sur des sites « d’information ». Les lire est consternant.

[2]  L’argent, Dieu et le diable : Péguy, Bernanos, Claudel face au monde moderne (Flammarion).

 

 

Commentaires

DURABLE ?

> Pour le Vatican, "développement durable" veut dire bien commun de la planète. Bon.
Mais le problème est que "développement durable" veut dire autre chose pour les multinationales pratiquant le greenwashing. On met sous ce mot ce que l'on veut.
Si "développement" veut dire croissance illimitée (l'utopie du XXe siècle), alors il ne peut pas être durable parce que les ressources, elles, ne sont pas illimitées.

Écrit par : Amicie T. | 08/09/2008

ENTRE 2000 ET 2005

> Un petit mot au sujet des "business school" où j'ai fait mes études. Je ne sais pas très bien où vous avez trouvé vos "cathos tendance business school". Le monde de l'école que j'ai fréquentée était à 99% ouvertement non catho (et tout ce qui va avec: culte de l'argent associé à une doctrine très libérale etc...) et les quelques cathos qu'on y trouvait n'étaient au contraire pas du tout du genre à faire des compromis avec la doctrine sociale de l'Eglise (il nous semblait d'ailleurs que nous la connaissions mieux que d'autres cathos "tendance l'entreprise privée c'est mal").
En revanche, tous les "cathos UMPistes libéraux" que j'ai rencontrés étaient tous issus de cursus universitaires. Bon, je ne veux pas faire de généralité, mais souhaite juste apporter un témoignage sur ce que j'ai pu observer entre 2000 et 2005.

Thibault


[ De PP à T. - Entre 2000 et 2005, eh oui, justement ! Bien des choses avaient changé alors, depuis l'époque dont je parle dans la note : celle des années 1980 finissantes d'où sortit la génération en question. Qui n'est pas la vôtre, Dieu soit loué. ]

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Écrit par : Thibault | 08/09/2008

TROIS COURONNES OU TROIS MISSIONS

> Ce qui est paradoxal à mes yeux c'est que Benoit XVI ait abandonné sa tiare pontificale sur les armes de son pontificat, alors que plus que jamais le pontife mérite ce symbole :
- souveraineté temporelle du Pape qui porte la voix des chrétiens dans le concert des nations (très agréable quand d'autres chrétiens font de la Grosspolitik sans même se soucier des chrétiens d'autres Eglises qui se trouvent là où ils découpent de nouvelles frontières aux ciseaux). Beaucoup de gens parlent en chrétiens; peu de gens parlent pour les chrétiens. Même les non-catholiques apprécient que le Vatican remette régulièrement les pendules à l'heure des gouvernants, que ce soit sur l'économie, la dignité humaine ou l'avenir de la planète. Le pape n'est pas qu'un évêque mondial, c'est aussi un acteur du "village global" rappellant que les millards de chrétiens de par le monde ne sont pas des figurants.
- souveraineté spirituelle sur les fidèles : mises au point appréciables sur le rapport du catholicisme à la modernité, surtout que la crise de celle-ci pourrait nourrir un irrationalisme et un millénarisme déplacés. Mieux, le pape corrige les excès et les dérives du concile Vatican II, pour lui donner sa vraie portée, là où l'hypermodernisme de certains n'a fait que vider les églises et les séminaires (sans pour autant "ouvrir les portes" au dialogue interreligieux, par exemple). Et qui sait : peut être que Benoît XVI sera le pape de l'unité des chrétiens (on peut rêver, mais le ralliement des anglicans et certains orthodoxes est déjà un bon signe).
- souveraineté morale sur les princes : les deux papes qui se sont succédés, par leur énergie inépuisable, ont empêché les dirigeants et les souverains de faire de la politique en ignorant totalement l'humain. et Benoit XVI désamorce le conflit de civilisation comme aucun laïc intégriste pétri de préjugés sur les religions ne réussira jamais à le faire. Peu importe les diatribes, les falsifications, les mensonges (cf. la fausse affaire de Ratisbonne) : ce pape-là est le pape de la fin du monde unipolaire, comme son prédecesseur était celui de la fin du monde bipolaire.
La visite de Benoît XVI est à mon sens révélatrice; alors que les catholiques ont bien compris que la fausse modernité (celle du fétichisme de la marchandise et des fausses libertés égocentrées) est un arbre sec, vidé de sa sève (le concept d'intériorité -l'âme- né du christianisme, et qui périt progressivement quand on renonce à la foi), les adversaires de l'Eglise continuent à dénigrer le pape et Rome, alors qu'ils ne représentent plus aucune menace pour ce qu'ils idolatrent. La laïcité anticléricale de combat du XIXème meure de ses contradictions, le libéralisme faisant face à ses propres fruits; et pourtant, la pensée antimoderne radicale et antirationnelle ne renaît pas. Pour la première fois, la controverse antichrétienne n'est pas au-delà du débat (dans le domaine des valeurs fondamentales), mais en-deça, dans la basse et vaine polémique sur la base de calomnies, de procès d'intention et d'amalgames...
Le XXIème sera t il celui d'une catholicité enfin apaisée après des siècles de schismes, de lutte "entre les deux moitiés de Dieu" (des Hohenstauffen à Emile Combes), de révolutions déicides et de restaurations idolâtres?
A cette question, le pontificat de Benoit XVI y répond assez positivement, mais ce n'est qu'un début. Je crois que les crapauds du marais laïcard ne seront pas déçus du voyage...

LBDD

( De PP à LBDD :
- Benoît XVI vous dirait que les trois rôles dont vous parlez (à juste titre) ne sont pas des "souverainetés", et que c'est la raison de l'abandon de la tiare ! Le Royaume n'est pas un "royaume". Les foules à évangéliser ne sont pas à la recherche d'un leader mais de quelqu'un qui leur ouvre l'accès au Christ. Ce quelqu'un, c'est l'Eglise, c'est-à-dire vous et moi en communion avec les évêques et le pape. Celui-ci n'est pas "l'évêque numéro 1" (ni seulement "l'évêque de Rome" comme disent les gallicans frileux), mais le successeur de Pierre, responsable de l'organe de régulation de la planète catholique ; ce qui ne se traduit pas en termes de "pouvoir" mais en termes de charisme institué par le Christ.
- Quant à la "souveraineté sur les princes"... Il faudrait pour ça qu'il y ait des "princes":
mais le politique s'est sabordé au profit de l'économique voilà vingt ans et plus ; et il a du mal à exister aujourd'hui alors qu'on aurait besoin de lui. (Je ne parle que pour l'Europe occidentale, bien sûr. Ailleurs il existe, et pas qu'un peu). ]

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Écrit par : LBDD | 08/09/2008

OMNIA CORRUMPIT

> Vous dîtes "le politique s'est sabordé au profit de l'économique voilà vingt ans et plus"
L'économie contraint le politique depuis plusieurs siècles. La révolution française, bourgeoise et libérale, est un témoignage.
Jacob Fugger a "fourni à Charles Quint les sommes nécessaires à l´achat des votes des sept électeurs qui l´élisent empereur du Saint Empire Romain Germanique en 1519."
http://fr.wikipedia.org/wiki/Jacob_Fugger
Fraus omnia corrumpit.

Écrit par : Annie | 09/09/2008

LA MITRE

> Il me semblait que les 3 couronnes de la Tiare représentaient les 3 Eglises :
- militante sur terre
- souffrante au Purgatoire
- triomphante au Paradis
Notons tout de même que Benoît XVI a remplacé la Tiare par la mitre papale.
Où avez-vous vu que les princes de ce monde tiennent compte de l'Humain ? Même le secteur de la santé est orienté vers la rentabilité à tout prix, même celui de la privatisation (donc en opposition du service public, cf analyse marxiste).
Dans ce cas, l'usage de la mitre papale, comme Evêque de Rome étant par conséquence successeur de Pierre, donc "primat" des Evêques, n'est-il pas un meilleur symbole rappelant le "rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu" (surtout ce qui est à Dieu) et l'unité de la Chrétienté ?

Écrit par : boris | 09/09/2008

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