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06/08/2008

Schisme anglican : la presse déforme les perspectives

Elle parle d’ « accroc à l’œcuménisme », alors que c’est un nouveau pas en avant :


 

 

Comme prévu, la conférence anglicane de Lambeth s’est achevée le 3 août sur un constat de faillite : « Nous n’avons pas surmonté nos problèmes ni réinventé nos structures », a avoué l’archevêque de Canterbury, Rowan Williams. Entre les anglicans postchrétiens de l’hémisphère Nord et les anglicans croyants de l’hémisphère Sud, il n’y a plus de langage commun. Le détonateur du schisme a été la complaisance du Nord envers le lobby gay, mais ce n’était vraiment qu’un détonateur : le corps de la bombe était constitué par une différence radicale d’attitude envers la religion. Pour le Nord riche,  il faut plier celle-ci aux normes de la société libérale-libertaire. Le Sud pauvre répond : « en raisonnant ainsi, vous finirez par dissoudre la foi ». Et la rupture Nord-Sud devient inévitable.

Face à cette réalité, la presse du Nord se sent gênée. Donner tort à des Africains anticolonialistes est difficile ! Et pourtant il faut bien leur donner tort, puisque le plus important est de faire respecter les nouvelles « normes »… Comment procéder ? En déformant les perspectives. Ce qui donne, par exemple, cet éditorial français (Le Monde du 5 août) :

 << … Libéraux et conservateurs s'affrontent désormais sur l'interdit biblique de l'homosexualité…  [Ce schisme] illustre la montée du fondamentalisme biblique. Les traditionalistes anglicans viennent d'Afrique où, tout à la fois concurrencés par un islam rigoriste et des courants sectaires et évangéliques, ils dénoncent les dérives laxistes, la sécularisation triomphante en Occident, les accommodements avec la doctrine au nom de la tolérance religieuse…  Une page se tourne donc, alors que se profile un front néoconservateur dans lequel on reconnaît, outre cette dissidence, les positions intransigeantes de Benoît XVI ou celles d'Eglises protestantes évangéliques qui s'accommodent mal de compromis avec la société moderne. >>

 

L’éditorialiste ne décrit pas la réalité :   il  fabrique  une scène d’allégorie. Il ne donne pas à voir des êtres de chair et de sang (avec leur foi, leurs doutes, leurs indignations), mais des personnages allégoriques : des « conservateurs » se rendant coupables de « rigorisme », de « sectarisme », d’infraction à la « tolérance », de refus « intransigeant » de « la société moderne ». On ne voit pas un drame de conscience au sein d’une communauté chrétienne, mais une sorte de manœuvre politique ourdie dans l’ombre par le pape de Rome, membre d’un « front néoconservateur ». Notez ce qualificatif, car son incongruité est révélatrice : « néoconservateur » n’est pas un terme religieux mais politico-économique ; les « néoconservateurs » sont des partisans de la guerre d’Irak et de la dérégulation ultralibérale. Quel rapport avec les Eglises ? Aucun : elles sont contre ces guerres et n’approuvent pas l’ultralibéralisme. Alors pourquoi dire : « néoconservateur » à propos d’un mouvement d’Eglise ? Pour rabattre une chose inédite (l’insurrection religieuse des anglicans d’Afrique-Asie) sur une chose en déclin (le courant nord-américain neocon et son échec).  Ce n’est pas de l’analyse, mais de la polémique  – et peu reluisante.

 

En page 7 du même numéro du Monde, Henri Tincq tente de situer l’affaire anglicane dans le contexte œcuménique. Il dit cette chose étrange :

 

 << Le conflit qui divise l'Eglise anglicane risque d'avoir des conséquences dans ses relations avec les autres Eglises, catholique, orthodoxes et protestantes. Le processus de rapprochement entre Eglises séparées, né dans l'entre-deux-guerres et largement confirmé après le concile Vatican II (1962-1965), subit là un nouvel accroc… >>

 

 

Pourquoi cette formulation du journaliste est-elle étrange ? Parce que la suite de son article, bon gré mal gré, ne décrit pas un « accroc » à l’œcuménisme ! Au contraire, le schisme chez les anglicans favorise le rapprochement d’une grande partie de ceux-ci avec Rome et avec les Eglises orthodoxes. Au total : l’immense majorité de la planète chrétienne. Qui s’en exclut ? Une faible minorité : les anglicans postchrétiens de quelques régions riches du Nord. En quoi se retranchent-ils du reste de la planète chrétienne ? En ce qu’ils traitent la foi par-dessous la jambe, lui préférant leurs idées et leurs mœurs. Il n’y a donc pas « accroc à l’œcuménisme », mais nouveau pas en avant de celui-ci – et payé d’un prix modique : le départ de gens qui ne s’encombraient plus d’une foi religieuse. Le Dr Orombi, archevêque anglican ougandais, a plus de points communs avec Benoît XVI et Alexis II qu’avec tel ou tel  pink bishop des beaux quartiers du monde atlantique. Tout ce qui monte converge.

 

 

Commentaires

CAP VERS LE LARGE

> C'est vrai qu'une vue superficielle des choses ferait dire : "C'est dommage de voir les dialogue s'enliser entre Rome et Canterbury". Mais dialogue sur quoi ? Canterbury tenant un discours de langue de bois politicienne (les questions de "structures" et l'unité de façade à la place de la communion de foi), on est renvoyé aux pires heures des années 1970, au postchristianisme agnostique relativiste.
Alors qu'en 2008 on n'en est plus du tout là.
On en est à la convergence des chrétiens CROYANTS !
D'où le rapprochement du discours des orthodoxes, des catholiques romains, et, chez les protestants et anglicans, de ceux qui veulent revenir à l'essentiel. C'est l'essentiel qui rapproche. Le reste divise. Et le reste, c'et la connivence avec les pseudo "valeurs sécularisées d'aujourd'hui", qui ne sont vues comme "valeurs" que dans les pays riches, et qui d'ailleurs ne sont pas des valeurs mais des laisser-aller. Un laisser-aller qui inquiètera de plus en plus le public laissé à lui-même dans un monde de plus en plus difficile. Par rapport à ce contexte, les postchrétiens affaissés n'ont rien à dire et n'intéressent plus personne sinon les médias, qui les reconnaissent pour leurs. Mais les chrétiens croyants, oecuméniques par foi dans l'essentiel, mettent le cap vers le large tous ensemble !

Écrit par : Paschase | 06/08/2008

LA BONNE OREILLE

> Très belle analyse, félicitations !
Tout cela est bien le symbole de la grande schizophrénie que vit l'Eglise anglicane à la fois dépendante du pouvoir et tentant de vivre la Foi en Christ dont le royaume n'est pas de ce monde...
La confusion linguistique des journalistes est finalement justifiée par la confusion que crée une telle posture de l'Eglise anglicane.
Que l'eglise anglicane rende enfin à la reine ce qui revient à la reine et à Dieu ce qui revient à Dieu.
Quand la religion se mêle au pouvoir c'est toujours un échec. Espérons que Rowan Williams saura tendre la bonne oreille, celle de son âme...

Écrit par : Vincent | 06/08/2008

PAR LE HAUT

> Et "les postchrétiens affaissés" sont tellement affaissés et n'ont tellement plus rien à dire qu'ils en sont à se laisser arbitrer leur vie spirituelle (ou ce qu'il en reste...) par des "médecins"! À ceux-là revient le privilège inouï de "dire" pour eux -et à leur place- ce qui est "orthodoxe" ou ce qui ne l'est pas, ce qui a de la "valeur" ou ce qui n'en a pas (sous-entendu : à "ce qui n'en a pas" sera proposée une démarche dite "thérapeutique"...)
Quand on en est là, on peut bien plaquer du vocabulaire socio-économique sur des réalités qui échappent radicalement à de tels critères analytiques, "ce n'est pas de l'analyse" comme vous le soulignez... mais il n'est pas si certain que l'intention "polémique" -aussi peu reluisante soit-elle- soit prépondérante : il y a aussi des habitudes de langage qui sont ancrées si profondément que ceux qui en usent y sont tellement empêtrés qu'ils ne parviennent plus à imaginer que l'on puisse penser autrement.
Quoi qu'il en soit -et pour rejoindre Paschase-, et que l'on soit "chrétien affaissé" (ou... à fessée ?) ou éditorialiste enfermé dans ses schémas, la convergence des chrétiens croyants implique de sortir la tête de l'eau. Et c'est par le HAUT que cela se passe : sûrement pas par des caves inondées !

Écrit par : Michel de Tiarelov | 06/08/2008

HABITUDES DE LANGAGE

> Voyez comme elles sont ancrées, ces habitudes de langage que je dénonçais à l'instant ! Et même parmi nous... Mon précédent commentaire étant tout juste posté, vient s'intercaler celui de Vincent qui évoque "le symbole de la grande schizophrénie que vit l'Eglise anglicane", employant de ce fait un terme typique de ces "médecins" faux arbitres qui prétendent à une mainmise scandaleuse sur nos âmes !
Je ne démens en rien la pensée de Vincent quant à son fond, bien entendu. Mais de grâce, que l'on apprenne à user d'un AUTRE vocabulaire lorsqu'on décrit la distorsion de ceux qui disent et ne font pas.
(Ce n'est pas la première fois que je mets le doigt sur cet aspect sémantique : demandez à Philippe Maxence ce qu'il en pense !...)

Écrit par : Michel de Tiarelov | 06/08/2008

À MICHEL DE TIARELOV

> Pas entièrement d'accord avec vous sur les "habitudes de langage".
On peut voir la chose autrement : le sens spirituel est corrodé par des réflexes psychiques, auxquels peuvent être appliqués des diagnostics comme "schizophrénie".
Donc : deux niveaux différents.
Et le diagnostic médicalisant ne s'applique qu'au niveau inférieur...
Le mal n'est donc pas dans l'existence d'un langage s'appliquant au niveau inférieur : il est que l'inférieur corrode le supérieur. Le remède serait de rétablir le niveau spirituel dans ses droits, ce qui l'immuniserait contre les divagations de l'air du temps.

Écrit par : Jérôme D. | 06/08/2008

A MICHEL DE TIARELOV

> Le terme schizophrénie que j'ai employé ici était justifié, du moins c'est mon humble avis. En effet, j'entendais ici caractériser l'état mental d'un serviteur du Christ contraint entre sa Foi et sa volonté politique. Il en vient à un comportement contradictoire, ici cette personne est l'eglise anglicane qui se partage entre servir Dieu et le Christ ou se plier au politique. Dans ce cas elle fait les deux, ce qui pousse à une schizophrénie des fidèles qui d'un côté veulent suivre Dieu et de l'autre prônent des messages allant à l'encontre de son enseignement... On ne sait plus où donner de la tête.
Amicalement

Écrit par : Vincent | 06/08/2008

@ JEROME D. :

> Bien entendu que "l'inférieur corrode le supérieur", que "le diagnostic médicalisant ne s'applique qu'au niveau inférieur", et surtout que nous avons "deux niveaux différents". D'accord également que "le remède serait de rétablir le niveau spirituel dans ses droits".
Concrètement, toute la question est de savoir OÙ est la frontière entre l'un et l'autre niveau... si tant est qu'il y en ait une, d'ailleurs. Évoquer le "niveau spirituel", c'est aborder le domaine de l'esprit... ce qui offre très peu de prise (et c'est tant mieux) à l'argumentation purement scientifique, qu'elle soit de l'ordre de la démonstration ou de celui de la réfutation. Allons-nous "prouver" par exemple l'existence (ou la non-existence) de Dieu ? Dans les deux cas, ce serait ruiner la foi par la raison : pas exactement l'esprit de "Fides et ratio", n'est-ce pas ?
Dans un autre registre, cela n'est pas sans rappeler cette fameuse phrase héritée de mai 68 : "la liberté de l'un s'arrête où commence celle de l'autre". Avec un peu de recul, le caractère sophistique de cette formule en a rapidement montré ses limites, la liberté étant moins un bien divisible "en tranches" que multipliable à l'infini en rencontrant celle de l'autre... sans nécessairement l'affronter dans un esprit polémique ! De la même façon, QUI va déterminer où "s'arrête" le "niveau psychique" et où "commence" le "niveau spirituel" ? Or, le premier niveau étant extrêmement médicalisant, il a -qu'on le veuille ou non- une prétention "scientifique" sur un domaine qui -comme je l'indiquais- n'offre AUCUNE prise à une vérification de cet ordre. Ne peuvent donc y régner que des conventions arbitraires et consensuelles, nées d'observations partielles du réel sur lesquelles on brode CE QUE L'ON VEUT, pourvu que ce soit du plus bel effet dans le paysage "scientifique"...
En conséquence, nous sommes non seulement en présence "d'habitudes de langage" mais plus sûrement d'abus de langage. En termes plus choisis, cela s'appelle de l'imposture : en fait "d'immuniser contre les divagations de l'air du temps", on les introduit ainsi par une porte ouverte à double battant... et ouvrant à une formidable corrosion du "sens spirituel". Difficile de couper l'homme en tranches sans produire des dégâts collatéraux, surtout lorsqu'il s'agit de "tranches" de l'esprit dont les contours sont par définition invérifiables.

Écrit par : Michel de Tiarelov | 06/08/2008

@ VINCENT :

> Je vous l'accorde : on ne sait plus où donner de la tête ! Raison de plus pour la garder sur les épaules, non ? Encore une fois, je ne remets pas une seconde en question votre raisonnement sur le fond. Au même titre que vous, je déplore ce grand écart (qui, à la longue, doit être fatigant !) entre certaines aspirations et l'adhésion à des messages qui les contredisent. Nous n'y changerons pas grand chose ni vous ni moi : cela fait partie inhérente du combat de tout chrétien et de tous temps.
Mais autant mener ce combat au moyen d'un vocabulaire éprouvé... et qui, de préférence, ne soit pas celui de l'adversaire... ou du faux ami, ce qui revient au même ! Pas besoin de traverser la Manche pour rencontrer des schismes : ceux-là se nichent parfois au cœur d'une seule et même personne. Au fond, pourquoi vouloir à tout prix user de cette sémantique pseudo-médicale ? Le titre de cet article emploie tout simplement le BON mot : le schisme, réalité spirituelle -toujours renaissante- à combattre (d'abord en nous-mêmes !) et non la "schizophrénie", pseudo-pathologie à "guérir"... ce qui, à mon sens, donne une connotation fataliste là où il n'y a pas de fatalité... ni de "microbe" !
Bien amicalement à vous également

Écrit par : Michel de Tiarelov | 06/08/2008

A MICHEL DE TIARELOV

> Vous avez sans doute raison, cependant il faut aussi comprendre que la langue française aime à employer un langage imagé pour faire passer certaines idées. C'est une explication allégorique en quelque sorte.
Loin de moi l'idée de vouloir sous-entendre ce que vous soulignez, c'est forcément au lecteur de faire la part des choses. J'employais ici un vocabulaire littéraire et ne voulait en aucune sorte faire appel à un diagnostic.
Il est vrai qu'il faut aussi savoir utiliser les termes exacts. En philosophie c'est une condition nécessaire. Ici, je n'ai pas jugé bon de le faire, peut-être aurais-je dû.

Amicalement

Écrit par : Vincent | 07/08/2008

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