04/08/2008
Adieu, Alexandre Issaïevitch
Il est mort hier à Moscou : hommage international à Soljenitsyne, témoin et dénonciateur du matérialisme mercantile de l’Ouest
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Le 8 juin 1978, à Harvard, Alexandre Soljenitsyne prononçait ce discours prophétique :
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<< Je suis très sincèrement heureux de me trouver ici parmi vous, à l'occasion du 327e anniversaire de la fondation de cette université si ancienne et si illustre. La devise de Harvard est VERITAS. La vérité est rarement douce à entendre ; elle est presque toujours amère. Mon discours d'aujourd'hui contient une part de vérité ; je vous l'apporte en ami, non en adversaire.
Il y a trois ans, aux Etats-Unis, j'ai été amené à dire des choses que l'on a rejeté, qui ont paru inacceptables. Aujourd'hui, nombreux sont ceux qui acquiescent à mes propos d'alors...
La chute des "élites"
Le déclin du courage est peut-être le trait le plus saillant de l'Ouest aujourd'hui pour un observateur extérieur. Le monde occidental a perdu son courage civique, à la fois dans son ensemble et singulièrement, dans chaque pays, dans chaque gouvernement, dans chaque pays, et bien sûr, aux Nations Unies. Ce déclin du courage est particulièrement sensible dans la couche dirigeante et dans la couche intellectuelle dominante, d'où l'impression que le courage a déserté la société toute entière. Bien sûr, il y a encore beaucoup de courage individuel mais ce ne sont pas ces gens là qui donnent sa direction à la vie de la société. Les fonctionnaires politiques et intellectuels manifestent ce déclin, cette faiblesse, cette irrésolution dans leurs actes, leurs discours et plus encore, dans les considérations théoriques qu'ils fournissent complaisamment pour prouver que cette manière d'agir, qui fonde la politique d'un Etat sur la lâcheté et la servilité, est pragmatique, rationnelle et justifiée, à quelque hauteur intellectuelle et même morale qu'on se place. Ce déclin du courage, qui semble aller ici ou là jusqu'à la perte de toute trace de virilité, se trouve souligné avec une ironie toute particulière dans les cas où les mêmes fonctionnaires sont pris d'un accès subit de vaillance et d'intransigeance, à l'égard de gouvernements sans force, de pays faibles que personne ne soutient ou de courants condamnés par tous et manifestement incapables de rendre un seul coup. Alors que leurs langues sèchent et que leurs mains se paralysent face aux gouvernements puissants et aux forces menaçantes, face aux agresseurs et à l'Internationale de la terreur. Faut-il rappeler que le déclin du courage a toujours été considéré comme le signe avant coureur de la fin ?
Quand les Etats occidentaux modernes se sont formés, fut posé comme principe que les gouvernements avaient pour vocation de servir l'homme, et que la vie de l'homme était orientée vers la liberté et la recherche du bonheur (en témoigne la déclaration américaine d'Indépendance). Aujourd'hui, enfin, les décennies passées de progrès social et technique ont permis la réalisation de ces aspirations : un Etat assurant le bien-être général. Chaque citoyen s'est vu accorder la liberté tant désirée, et des biens matériels en quantité et en qualité propres à lui procurer, en théorie, un bonheur complet, mais un bonheur au sens appauvri du mot, tel qu'il a cours depuis ces mêmes décennies.
Une société dépressive
Au cours de cette évolution, cependant, un détail psychologique a été négligé : le désir permanent de posséder toujours plus et d'avoir une vie meilleure, et la lutte en ce sens, ont imprimé sur de nombreux visages à l'Ouest les marques de l'inquiétude et même de la dépression, bien qu'il soit courant de cacher soigneusement de tels sentiments. Cette compétition active et intense finit par dominer toute pensée humaine et n'ouvre pas le moins du monde la voie à la liberté du développement spirituel.
L'indépendance de l'individu à l'égard de nombreuses formes de pression étatique a été garantie ; la majorité des gens ont bénéficié du bien-être, à un niveau que leurs pères et leurs grands-pères n'auraient même pas imaginé ; il est devenu possible d'élever les jeunes gens selon ces idéaux, de les préparer et de les appeler à l'épanouissement physique, au bonheur, au loisir, à la possession de biens matériels, l'argent, les loisirs, vers une liberté quasi illimitée dans le choix des plaisirs. Pourquoi devrions-nous renoncer à tout cela ? Au nom de quoi devrait-on risquer sa précieuse existence pour défendre le bien commun, et tout spécialement dans le cas douteux où la sécurité de la nation aurait à être défendue dans un pays lointain ?
Même la biologie nous enseigne qu'un haut degré de confort n'est pas bon pour l'organisme. Aujourd'hui, le confort de la vie de la société occidentale commence à ôter son masque pernicieux.
La société occidentale s'est choisie l'organisation la plus appropriée à ses fins, une organisation que j'appellerais légaliste. Les limites des droits de l'homme et de ce qui est bon sont fixées par un système de lois ; ces limites sont très lâches. Les hommes à l'Ouest ont acquis une habileté considérable pour utiliser, interpréter et manipuler la loi, bien que paradoxalement les lois tendent à devenir bien trop compliquées à comprendre pour une personne moyenne sans l'aide d'un expert. Tout conflit est résolu par le recours à la lettre de la loi, qui est considérée comme le fin mot de tout. Si quelqu'un se place du point de vue légal, plus rien ne peut lui être opposé ; nul ne lui rappellera que cela pourrait n'en être pas moins illégitime. Impensable de parler de contrainte ou de renonciation à ces droits, ni de demander de sacrifice ou de geste désintéressé : cela paraîtrait absurde. On n'entend pour ainsi dire jamais parler de retenue volontaire : chacun lutte pour étendre ses droits jusqu'aux extrêmes limites des cadres légaux.
" Médiocrité spirituelle "
J'ai vécu toute ma vie sous un régime communiste, et je peux vous dire qu'une société sans référent légal objectif est particulièrement terrible. Mais une société basée sur la lettre de la loi, et n'allant pas plus loin, échoue à déployer à son avantage le large champ des possibilités humaines. La lettre de la loi est trop froide et formelle pour avoir une influence bénéfique sur la société. Quand la vie est tout entière tissée de relations légalistes, il s'en dégage une atmosphère de médiocrité spirituelle qui paralyse les élans les plus nobles de l'homme.
Et il sera tout simplement impossible de relever les défis de notre siècle menaçant armés des seules armes d'une structure sociale légaliste.
Aujourd'hui la société occidentale nous révèle qu'il règne une inégalité entre la liberté d'accomplir de bonnes actions et la liberté d'en accomplir de mauvaises. Un homme d'Etat qui veut accomplir quelque chose d'éminemment constructif pour son pays doit agir avec beaucoup de précautions, avec timidité pourrait-on dire. Des milliers de critiques hâtives et irresponsables le heurtent de plein fouet à chaque instant. Il se trouve constamment exposé aux traits du Parlement, de la presse. Il doit justifier pas à pas ses décisions, comme étant bien fondées et absolument sans défauts. Et un homme exceptionnel, de grande valeur, qui aurait en tête des projets inhabituels et inattendus, n'a aucune chance de s'imposer : d'emblée on lui tendra mille pièges. De ce fait, la médiocrité triomphe sous le masque des limitations démocratiques.
Il est aisé en tout lieu de saper le pouvoir administratif, et il a en fait été considérablement amoindri dans tous les pays occidentaux. La défense des droits individuels a pris de telles proportions que la société en tant que telle est désormais sans défense contre les initiatives de quelques-uns. Il est temps, à l'Ouest, de défendre non pas temps les droits de l'homme que ses devoirs.
D'un autre côté, une liberté destructrice et irresponsable s'est vue accorder un espace sans limite. Il s'avère que la société n'a plus que des défenses infimes à opposer à l'abîme de la décadence humaine, par exemple en ce qui concerne le mauvais usage de la liberté en matière de violence morale faites aux enfants, par des films tout pleins de pornographie, de crime, d'horreur. On considère que tout cela fait partie de la liberté, et peut être contrebalancé, en théorie, par le droit qu'ont ces mêmes enfants de ne pas regarder er de refuser ces spectacles. L'organisation légaliste de la vie a prouvé ainsi son incapacité à se défendre contre la corrosion du mal...
L'évolution s'est faite progressivement, mais il semble qu'elle ait eu pour point de départ la bienveillante conception humaniste selon laquelle l'homme, maître du monde, ne porte en lui aucun germe de mal, et tout ce que notre existence offre de vicié est simplement le fruit de systèmes sociaux erronés qu'il importe d'amender. Et pourtant, il est bien étrange de voir que le crime n'a pas disparu à l'Ouest, alors même que les meilleurs conditions de vie sociale semblent avoir été atteintes. Le crime est même bien plus présent que dans la société soviétique, misérable et sans loi...
Les médias fabriquent un " esprit du temps "
La presse, aussi, bien sûr, jouit de la plus grande liberté. Mais pour quel usage ? (...) Quelle responsabilité s'exerce sur le journaliste, ou sur un journal, à l'encontre de son lectorat, ou de l'histoire ? S'ils ont trompé l'opinion publique en divulguant des informations erronées, ou de fausses conclusions, si même ils ont contribué à ce que des fautes soient commises au plus haut degré de l'Etat, avons-nous le souvenir d'un seul cas, où le dit journaliste ou le dit journal ait exprimé quelque regret ? Non, bien sûr, cela porterait préjudice aux ventes. De telles erreurs peut bien découler le pire pour une nation, le journaliste s'en tirera toujours. Etant donné que l'on a besoin d'une information crédible et immédiate, il devient obligatoire d'avoir recours aux conjectures, aux rumeurs, aux suppositions pour remplir les trous, et rien de tout cela ne sera jamais réfuté ; ces mensonges s'installent dans la mémoire du lecteur. Combien de jugements hâtifs, irréfléchis, superficiels et trompeurs sont ainsi émis quotidiennement, jetant le trouble chez le lecteur, et le laissant ensuite à lui-même ? La presse peut jouer le rôle d'opinion publique, ou la tromper. De la sorte, on verra des terroristes peints sous les traits de héros, des secrets d'Etat touchant à la sécurité du pays divulgués sur la place publique, ou encore des intrusions sans vergogne dans l'intimité de personnes connues, en vertu du slogan : « tout le monde a le droit de tout savoir ». Mais c'est un slogan faux, fruit d'une époque fausse ; d'une bien plus grande valeur est ce droit confisqué, le droit des hommes de ne pas savoir, de ne pas voir leur âme divine étouffée sous les ragots, les stupidités, les paroles vaines. Une personne qui mène une vie pleine de travail et de sens n'a absolument pas besoin de ce flot pesant et incessant d'information. (...) Autre chose ne manquera pas de surprendre un observateur venu de l'Est totalitaire, avec sa presse rigoureusement univoque : on découvre un courant général d'idées privilégiées au sein de la presse occidentale dans son ensemble, une sorte d'esprit du temps, fait de critères de jugement reconnus par tous, d'intérêts communs, la somme de tout cela donnant le sentiment non d'une compétition mais d'une uniformité. Il existe peut-être une liberté sans limite pour la presse, mais certainement pas pour le lecteur : les journaux ne font que transmettre avec énergie et emphase toutes ces opinions qui ne vont pas trop ouvertement contredire ce courant dominant.
Sans qu'il y ait besoin de censure, les courants de pensée, d'idées à la mode sont séparés avec soin de ceux qui ne le sont pas, et ces derniers, sans être à proprement parler interdits, n'ont que peu de chances de percer au milieu des autres ouvrages et périodiques, ou d'être relayés dans le supérieur. Vos étudiants sont libres au sens légal du terme, mais ils sont prisonniers des idoles portées aux nues par l'engouement à la mode. Sans qu'il y ait, comme à l'Est, de violence ouverte, cette sélection opérée par la mode, ce besoin de tout conformer à des modèles standards, empêchent les penseurs les plus originaux d'apporter leur contribution à la vie publique et provoquent l'apparition d'un dangereux esprit grégaire qui fait obstacle à un développement digne de ce nom. Aux Etats-Unis, il m'est arrivé de recevoir des lettres de personnes éminemment intelligentes ... peut-être un professeur d'un petit collège perdu, qui aurait pu beaucoup pour le renouveau et le salut de son pays, mais le pays ne pouvait l'entendre, car les média n'allaient pas lui donner la parole. Voilà qui donne naissance à de solides préjugés de masse, à un aveuglement qui à notre époque est particulièrement dangereux. (...)
L’erreur matérialiste de la pensée moderne
Il est universellement admis que l'Ouest montre la voie au monde entier vers le développement économique réussi, même si dans les dernières années il a pu être sérieusement entamé par une inflation chaotique. Et pourtant, beaucoup d'hommes à l'Ouest ne sont pas satisfaits de la société dans laquelle ils vivent. Ils la méprisent, ou l'accusent de plus être au niveau de maturité requis par l'humanité. Et beaucoup sont amenés à glisser vers le socialisme, ce qui est une tentation fausse et dangereuse. J'espère que personne ici présent ne me suspectera de vouloir exprimer une critique du système occidental dans l'idée de suggérer le socialisme comme alternative. Non, pour avoir connu un pays où le socialisme a été mis en oeuvre, je ne prononcerai pas en faveur d'une telle alternative. (...) Mais si l'on me demandait si, en retour, je pourrais proposer l'Ouest, en son état actuel, comme modèle pour mon pays, il me faudrait en toute honnêteté répondre par la négative. Non, je ne prendrais pas votre société comme modèle pour la transformation de la mienne. On ne peut nier que les personnalités s'affaiblissent à l'Ouest, tandis qu'à l'Est elles ne cessent de devenir plus fermes et plus fortes. Bien sûr, une société ne peut rester dans des abîmes d'anarchie, comme c'est le cas dans mon pays. Mais il est tout aussi avilissant pour elle de rester dans un état affadi et sans âme de légalisme, comme c'est le cas de la vôtre. Après avoir souffert pendant des décennies de violence et d'oppression, l'âme humaine aspire à des choses plus élevées, plus brûlantes, plus pures que celles offertes aujourd'hui par les habitudes d'une société massifiée, forgées par l'invasion révoltante de publicités commerciales, par l'abrutissement télévisuel, et par une musique intolérable.
Tout cela est sensible pour de nombreux observateurs partout sur la planète. Le mode de vie occidental apparaît de moins en moins comme le modèle directeur. Il est des symptômes révélateurs par lesquels l'histoire lance des avertissements à une société menacée ou en péril. De tels avertissements sont, en l'occurrence, le déclin des arts, ou le manque de grands hommes d'Etat. Et il arrive parfois que les signes soient particulièrement concrets et explicites. Le centre de votre démocratie et de votre culture est-il privé de courant pendant quelques heures, et voilà que soudainement des foules de citoyens américains se livrent au pillage et au grabuge. C'est que le vernis doit être bien fin, et le système social bien instable et mal en point.
Mais le combat pour notre planète, physique et spirituel, un combat aux proportions cosmiques, n'est pas pour un futur lointain ; il a déjà commencé. Les forces du Mal ont commencé leur offensive décisive. Vous sentez déjà la pression qu'elles exercent, et pourtant, vos écrans et vos écrits sont pleins de sourires sur commande et de verres levés. Pourquoi toute cette joie ?
Comment l'Ouest a-t-il pu décliner, de son pas triomphal à sa débilité présente ? A-t-il connu dans son évolution des points de non-retour qui lui furent fatals, a-t-il perdu son chemin ? Il ne semble pas que cela soit le cas. L'Ouest a continué à avancer d'un pas ferme en adéquation avec ses intentions proclamées pour la société, main dans la main avec un progrès technologique étourdissant. Et tout soudain il s'est trouvé dans son état présent de faiblesse. Cela signifie que l'erreur doit être à la racine, à la fondation de la pensée moderne. Je parle de la vision du monde qui a prévalu en Occident à l'époque moderne. Je parle de la vision du monde qui a prévalu en Occident, née à la Renaissance, et dont les développements politiques se sont manifestés à partir des Lumières. Elle est devenue la base da la doctrine sociale et politique et pourrait être appelée l'humanisme rationaliste, ou l'autonomie humaniste : l'autonomie proclamée et pratiquée de l'homme à l'encontre de toute force supérieure à lui. On peut parler aussi d'anthropocentrisme : l'homme est vu au centre de tout.
Historiquement, il est probable que l'inflexion qui s'est produite à la Renaissance était inévitable. Le Moyen Age en était venu naturellement à l'épuisement, en raison d'une répression intolérable de la nature charnelle de l'homme en faveur de sa nature spirituelle. Mais en s'écartant de l'esprit, l'homme s'empara de tout ce qui est matériel, avec excès et sans mesure. La pensée humaniste, qui s'est proclamée notre guide, n'admettait pas l'existence d'un mal intrinsèque en l'homme, et ne voyait pas de tâche plus noble que d'atteindre le bonheur sur terre. Voilà qui engagea la civilisation occidentale moderne naissante sur la pente dangereuse de l'adoration de l'homme et de ses besoins matériels. Tout ce qui se trouvait au-delà du bien-être physique et de l'accumulation de biens matériels, tous les autres besoins humains, caractéristiques d'une nature subtile et élevée, furent rejetés hors du champ d'intérêt de l'Etat et du système social, comme si la vie n'avait pas un sens plus élevé. De la sorte, des failles furent laissées ouvertes pour que s'y engouffre le mal, et son haleine putride souffle librement aujourd'hui. Plus de liberté en soi ne résout pas le moins du monde l'intégralité des problèmes humains, et même en ajoute un certain nombre de nouveaux.
L’Ouest, aussi matérialiste que l’Est
Et pourtant, dans les jeunes démocraties, comme la démocratie américaine naissante, tous les droits de l'homme individuels reposaient sur la croyance que l'homme est une créature de Dieu. C'est-à-dire que la liberté était accordée à l'individu de manière conditionnelle, soumise constamment à sa responsabilité religieuse. Tel fut l'héritage du siècle passé.
Toutes les limitations de cette sorte s'émoussèrent en Occident, une émancipation complète survint, malgré l'héritage moral de siècles chrétiens, avec leurs prodiges de miséricorde et de sacrifice. Les Etats devinrent sans cesses plus matérialistes. L'Occident a défendu avec succès, et même surabondamment, les droits de l'homme, mais l'homme a vu complètement s'étioler la conscience de sa responsabilité devant Dieu et la société. Durant ces dernières décennies, cet égoïsme juridique de la philosophie occidentale a été définitivement réalisé, et le monde se retrouve dans une cruelle crise spirituelle et dans une impasse politique. Et tous les succès techniques, y compris la conquête de l'espace, du Progrès tant célébré n'ont pas réussi à racheter la misère morale dans laquelle est tombé le XXe siècle, que personne n'aurait pu encore soupçonner au XIXe siècle.
L'humanisme dans ses développements devenant toujours plus matérialiste, il permit avec une incroyable efficacité à ses concepts d'être utilisés d'abord par le socialisme, puis par le communisme, de telle sorte que Karl Marx pût dire, en 1844, que « le communisme est un humanisme naturalisé ». Il s'est avéré que ce jugement était loin d'être faux. On voit les mêmes pierres aux fondations d'un humanisme altéré et de tout type de socialisme : un matérialisme sans frein, une libération à l'égard de la religion et de la responsabilité religieuse, une concentration des esprits sur les structures sociales avec une approche prétendument scientifique. Ce n'est pas un hasard si toutes les promesses rhétoriques du communisme sont centrées sur l'Homme, avec un grand H, et son bonheur terrestre. A première vue, il s'agit d'un rapprochement honteux : comment, il y aurait des points communs entre la pensée de l'Ouest et de l'Est aujourd'hui ? Là est la logique du développement matérialiste...
Je ne pense pas au cas d'une catastrophe amenée par une guerre mondiale, et aux changements qui pourraient en résulter pour la société. Aussi longtemps que nous nous réveillerons chaque matin, sous un soleil paisible, notre vie sera inévitablement tissée de banalités quotidiennes. Mais il est une catastrophe qui pour beaucoup est déjà présente pour nous. Je veux parler du désastre d'une conscience humaniste parfaitement autonome et irréligieuse.
Elle a fait de l'homme la mesure de toutes choses sur terre, l'homme imparfait, qui n'est jamais dénué d'orgueil, d'égoïsme, d'envie, de vanité, et tant d'autres défauts. Nous payons aujourd'hui les erreurs qui n'étaient pas apparues comme telles au début de notre voyage. Sur la route qui nous a amenés de la Renaissance à nos jours, notre expérience s'est enrichie, mais nous avons perdu l'idée d'une entité supérieure qui autrefois réfrénait nos passions et notre irresponsabilité.
Nous avions placé trop d'espoirs dans les transformations politico-sociales, et il se révèle qu'on nous enlève ce que nous avons de plus précieux : notre vie intérieure. A l'Est, c'est la foire du Parti qui la foule aux pieds, à l'Ouest la foire du Commerce : ce qui est effrayant, ce n'est même pas le fait du monde éclaté, c'est que les principaux morceaux en soient atteints d'une maladie analogue. Si l'homme, comme le déclare l'humanisme, n'était né que pour le bonheur, il ne serait pas né non plus pour la mort. Mais corporellement voué à la mort, sa tâche sur cette terre n'en devient que plus spirituelle : non pas un gorgement de quotidienneté, non pas la recherche des meilleurs moyens d'acquisition, puis de joyeuse dépense des biens matériels, mais l'accomplissement d'un dur et permanent devoir, en sorte que tout le chemin de notre vie devienne l'expérience d'une élévation avant tout spirituelle : quitter cette vie en créatures plus hautes que nous n'y étions entrés.
" Revoir à la hausse l’échelle de nos valeurs humaines "
Il est impératif que nous revoyions à la hausse l'échelle de nos valeurs humaines. Sa pauvreté actuelle est effarante. Il n'est pas possible que l'aune qui sert à mesurer de l'efficacité d'un président se limite à la question de combien d'argent l'on peut gagner, ou de la pertinence de la construction d'un gazoduc. Ce n'est que par un mouvement volontaire de modération de nos passions, sereine et acceptée par nous, que l'humanité peut s'élever au-dessus du courant de matérialisme qui emprisonne le monde.
Quand bien même nous serait épargné d'être détruits par la guerre, notre vie doit changer si elle ne veut pas périr par sa propre faute. Nous ne pouvons nous dispenser de rappeler ce qu'est fondamentalement la vie, la société. Est-ce vrai que l'homme est au-dessus de tout ? N'y a-t-il aucun esprit supérieur au-dessus de lui ? Les activités humaines et sociales peuvent-elles légitimement être réglées par la seule expansion matérielle ? A-t-on le droit de promouvoir cette expansion au détriment de l'intégrité de notre vie spirituelle ?
Si le monde ne touche pas à sa fin, il a atteint une étape décisive dans son histoire, semblable en importance au tournant qui a conduit du Moyen-âge à la Renaissance. Cela va requérir de nous un embrasement spirituel. Il nous faudra nous hisser à une nouvelle hauteur de vue, à une nouvelle conception de la vie, où notre nature physique ne sera pas maudite, comme elle a pu l'être au Moyen-âge, mais, ce qui est bien plus important, où notre être spirituel ne sera pas non plus piétiné, comme il le fut à l'ère moderne. Notre ascension nous mène à une nouvelle étape anthropologique. Nous n'avons pas d'autre choix que de monter : toujours plus haut. >>
Alexandre Soljénitsyne, Harvard, 8 juin 1978
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09:53 Publié dans Idées | Lien permanent | Commentaires (16) | Tags : soljenitsyne
Commentaires
NOS MEDIAS N'ONT RIEN COMPRIS
> Oui, honneur et merci à Soljenitsyne. Et souvenons-nous de l'attitude minable de nos médias à son égard : d'abord ils lui ont fait la gueule (années 1974 etc) parce qu'il contestait l'URSS au nom de la spiritualité russe, et pas au nom d'un "progressisme" rive gauche. Ensuite ils ont re-fait la gueule (après Harvard 1978) prce qu'il contestait l'hypermarché babélique occidental. Et ne parlons pas de son discours sur la Vendée de 1793 alors qu'il regagnait la Russie, en 1993 ! Là, nos médias l'ont traîné dans la boue. Avant de décréter (2007, quand Poutine lui a décerné le prix d'Etat) que le vieux prophète n'était qu'un russkof abruti, puisqu'il pactisait avec Poutine qui est, comme chacun sait, la bête noire des salles de marché, donc des salons parisiens. Total : nos médias n'ont rien compris de A à Z. Mais ce n'est pas étonnant, puisqu'ils sont un rouage du système occidental.
Écrit par : Ramon | 04/08/2008
LA ROUTE
> Vraiment, un magnifique discours qui résume très bien notre société et qui nous montre également la route à suivre pour nous écarter de ces dangers décrits avec autant de précision.
Seul un retour vers Dieu pourra sauver notre humanité et l'humanité de l'abime vers lequel on se dirige.
Écrit par : christine | 04/08/2008
MERCI AU GUARDIAN
> Merci aussi au quotidien de gauche anglais The Guardian, qui a réfuté l'accusation d'antisémitisme formulée contre Soljenitsyne par un historien américano-polonais et une publication trotskiste ! Accusation totalement injuste, ainsi qu'on peut le vérifier en... lisant Soljenitsyne. On a aussi fait ce faux procès récemment à Alain Badiou. C'est facile mais déloyal. (Il existe évidemment de vrais antisémites, mais ni Soljenitsyne ni Badiou n'en font partie).
Écrit par : F. Martiano | 04/08/2008
COMMENT LE COMPARER A NOS ECRIVAILLONS ?
> Il est le premier à dénoncer l'occident et le monde soviétique comme deux faces du même matérialisme. Ce discours est une analyse complète et d'une lucidité extraordinaire de notre monde et de sa déchéance. Avec sa mort, nous perdons un géant et un prophète. Après avoir lu Soljénitsyne, je suis incapable de lire un écrivain français contemporain. Comment le comparer à ces écrivaillons pour gare de province?
Écrit par : vf | 04/08/2008
LES CLOCHES DE MOSCOU CE MATIN
> Quelle lucidité il y a déjà 30 ans....
Merci de m'avoir fait connaître ce discours.
Ce matin, à Moscou (j'y vis), les cloches des églises ont sonné à 9h du matin, peut être pour Soljenistyne?
Écrit par : Alexandre | 04/08/2008
VERITES INSUPPORTABLES
> Je crois que là A.S. a tout compris... en 78. C'est un prophète et nous savons que les prophètes ne sont pas aimés car ils disent des vérités insupportables pour certains. Voyons comment les médias vont traiter de son oeuvre maintenant... Paix à son âme.
Écrit par : Lucie | 04/08/2008
PROFONDEMENT D'ACCORD
> Quelle clairvoyance. Vraiment, nous avons perdu un des plus grands esprits de notre époque.
Je regrette l'attitude des médias qui ne connaissent que la critique et son combat qu'il a mené contre le communisme. Certes, ce combat a été une grande victoire. Mais vous rappelez dans cette citation combien il luttait aussi contre l'effondrement de notre société occidentale.
Notre mal est plus pernicieux, il se cache derrière le confort de nos vies, qui nous ramollit. Je suis profondément d'accord avec son point de vue et honteux de constater que je me laisse aussi aller à ce confort...
Écrit par : Vincent | 04/08/2008
MAGNIFIQUE
> Merci d'avoir remis sous nos yeux ce discours magnifique, qui ne devrait jamais être trop loin de nos tables de travail, à portée de main dans la bibliothèque. Soljénitsyne était un géant, frère d'âme de Jean-Paul II, la mémoire de la Russie à lui tout seul, ou presque, et de sa langue qu'il a contribué à sauver par sa prose admirable.
Pour nous, ses contemporains, nous avons contracté à son égard une dette énorme, et n'avons pas fini de faire le tour de son héritage. Et l'on ne peut oublier qu'il a sauvé une partie de la gauche intellectuelle en l'arrachant à la fascination du soviétisme.
PS. À F. Martiano: le rapprochement avec Badiou me semble à la limite de l'incongru — pourquoi pas Soljénitsyne et Siné, tant qu'on y est! Badiou est tout de même un mao non repentant, ce qui le met dans une tout autre galaxie que l'auteur de l'Archipel. Sans compter la boursouflure insupportable du personnage, sa manie de la persécution, et la vindicte qui suinte de la moindre de ses lignes.
Écrit par : Philarete | 04/08/2008
GOULAG BOBO
> Je lis dans les commentaires divers et variés (pas si variés d'ailleurs) sur les sites des journaux, qu'AS était gravement suspect. Par exemple "il n'avait jamais démenti avoir des sympathies royalistes". Je ne crois pas qu'il ait été réellement "royaliste", ce qui n'a plus guère de sens en 2008 de toute façon. Mais même si cela avait été le cas, en quoi être "royaliste" est-il un délit ? Il va falloir que les journalistes nous disent une fois pour toutes quelles sont les opinions obligatoires, afin qu'on se mette en règle. On ne tient pas à être envoyé au Goulag par les bobos.
Écrit par : Anton | 04/08/2008
À ANTON
> S'il est interdit par les bobos d'être "royaliste" en Russie, c'est parce que cette formule est censée correspondre à l'histoire d'un pays: or pour la presse bobo, les pays n'existent pas. N'existent que les teufs et les salles de marché. C'est à cette idée qu'on se shootait il y a dix ans.
Alors évidemment le gag c'est que la presse bobo est de plus en plus obsolète, décalée, retardataire, par rapport au nouveau cours de l'actualité mondiale qui consacre l'effondrement du mythe américain ("l'hyperpuissance" des années 1990), l'évaporation du mirage du "global", et le retour des Etats et des nations sur le devant de la scène. Autant dire : le retour des réalités, et la défaite annoncée de la dictature du virtuel.
Un livre passionnant : Jacques Sapir, "Le nouveau XXIe siècle, du siècle américain au retour des nations", Le Seuil, 2008.
Écrit par : Kaliman | 04/08/2008
DEUX GEANTS
> « Corporellement voué à la mort, la tâche de l’homme sur cette terre n’en devient que plus spirituelle », nous dit Alexandre Soljenitsyne au terme de ce superbe discours de Harvard. Puis il poursuit : « (Il convient) que tout le chemin de notre vie devienne l’expérience d’une élévation avant tout spirituelle : quitter cette vie en créatures plus hautes que nous n’y étions entrés ». Il conclut : « Nous n’avons pas d’autre choix que de monter : toujours plus haut ».
Ces fortes pensées d’Alexandre Soljenitsyne ont de quoi retenir l’attention. Je pense en écho aux paroles que prononçait Jean-Paul II, au Champ-de-Mars, le 31 mai 1980, devant les Polonais de France : « L’homme est la mesure des choses et des faits dans un monde créé. Mais c’est Dieu qui est la mesure de l’homme ». « Monter, toujours plus haut », si l’on reprend les mots d’Alexandre Soljenitsyne, n’est-ce pas « revenir à cette source, cette mesure unique qu’est Dieu Incarné, Jésus-Christ », pour reprendre maintenant ceux de Jean-Paul II ?
Alexandre Soljenitsyne et Jean-Paul II : deux géants de notre temps !
Écrit par : Sophrone | 04/08/2008
LA FIN D'UN CYCLE ?
> Août 1914 - Août 2008 : La boucle est bouclée.
Août 14 : début de la Grande Guerre, mère de toutes les atrocités du 20ème siècle.
Août 2008 : Mort d'Alexandre Soljenitsyne. Il raconta dans son cycle "La Roue rouge" les prémices de cette tragédie mondiale. Il avait là aussi compris que la Première Guerre Mondiale, cette guerre civile européenne, était en fait les prémices des plus grands crimes commis contre l'humanité qui allaient survenir. Sa mort survenue ces jours-ci veut-elle signifier la fin de ce cycle littéralement infernal?
François
[ De PP à F. - Je partage votre sentiment sur le rôle "matriciel" de 14-18 envers les horreurs du siècle dernier. Les véritables causes de la Première Guerre mondiale (l'affrontement des économies industrielles) contenaient d'avance l'industrialisation du carnage (Verdun), laquelle contenait d'avance l'industrialisation des massacres politiques totalitaires. Sans l'usine de mort de 14-18, les doctrines de haine n'auraient pas eu les moyens de leurs ambitions...
D'où le reproche (immense) aux élites qui dirigeaient les pays - politiquement et culturellement - en 1914 : aveuglées par leur passéisme, mentalement enfermées dans le XIXe, elles furent incapables de deviner ce à quoi elles ouvraient la porte en déclenchant la guerre. (Seul Jaurès l'avait entrevu, dans sa grande polémique contre le tout-Paris républicain-militaire. Maurras n'avait pas compris que le monde risquait de basculer. Barrès non plus. Idem à Londres. Quant à Berlin, c'était le pouvoir quasi-direct des industriels, régnant sur des idéologues nébuleux). Soljénitsyne raconte tout cela admirablement, version Saint-Pétersbourg.
Question posée par l'économiste Jacques Sapir, mentionné plus haut : les "dirigeants" français en 2008 ne sont-ils pas, à leur tour, enfermés mentalement dans le siècle précédent (le XXe) ? Bloqués dans leur américanolâtrie et leur mirage du "global", ne retardent-ils pas d'une époque ? Que vont-ils ainsi déclencher, ou laisser déclencher ?]
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Écrit par : François | 05/08/2008
D'UN CONFRÈRE DE SUISSE
> Merci d'avoir publié dans votre blog LE discours d'Harvard. Et voici le commentaire que j'ai publié aujourd'hui dans mon journal 'Le Nouvelliste' :
" Penseur profond et intemporel, Alexandre Soljenitsyne a démonté de manière magistrale les mécanismes du communisme matérialiste et athée. Après lui, on ne pouvait plus être consciemment communiste en Occident. Il n’était pourtant plus en odeur de sainteté auprès des élites qu’il appelait malicieusement «la tribu instruite». Il faut dire que son dernier combat fut politiquement incorrect et fit de lui définitivement un dissident. L’auteur de «L’archipel du goulag», a en effet pris pour cible à la fin de sa vie le «matérialisme» et «la sécularisation arrogante» de l’Occident capitaliste. Il y voyait des matrices communes au marxisme. L’écrivain a d’ailleurs prôné depuis 1994 le retour aux valeurs morales pour son pays la Russie et pour le monde occidental. Son leitmotiv a été Dieu et la Patrie, ce qui est apparu au mieux comme un archaïsme au sein des cercles les plus médiatisés de l’intelligentsia européenne. Cette nouvelle nomenklatura de l’esprit n’a jamais pardonné à Soljenitsyne son discours dit de Harvard sur la démission civilisationnelle et morale de l’Occident. Il y délivrait notamment ce terrible constat: «Votre société ignore dans l’homme ses facultés les plus hautes; votre intelligentsia est libre mais sans courage, soumise aux censures de la mode.» Il parla plus tard «d’épuisement» de la culture. Soljenitsyne a ainsi connu un dernier exil, celui qui l’a éloigné de la plupart des grandes salles de rédaction. Son «conservatisme» lui a valu d’être morigéné par les nouveaux commissaires de la démocratie d’opinion. Imperturbable, il a continué à porter son regard au loin, avertissant: «Si l’humanité s’abstient de résoudre certains problèmes, rien ne dit qu’au XXIe siècle, on ne verra pas apparaître des phénomènes semblables au communisme.» Il avait expérimenté jusque dans sa chair à quel point le totalitarisme peut se cacher partout. Alexandre Soljenitsyne a lancé un ultime avertissement à ce monde épuisé. Sera-t-il entendu? voir aussi sur ce sujet mon blog http://religions.blog.lenouvelliste.ch
Vincent Pellegrini "
Écrit par : Vincent | 05/08/2008
VIEUX LENINISTE
> J.-L. Mélenchon refuse tout hommage à Soljenitsyne. Il l'accuse -alors que sa dépouille commence à peine de refroidir- d'antisémitisme.
Une telle accusation est-elle fondée?
En tout cas un comportement pareil à l'égard d'un homme qui s'est dépensé sans compter, jusqu'à mettre en danger sa vie! pour faire passer la vérité, malgré le barbelé de mensonges, méritait mieux que ça. L'attitude de Mélenchon n'est pas très glorieuse. Elle même assez vile.
Pourquoi s'en prendre à Soljenitsyne?
Blaise
[ De PP à B. - C'est simple : Mélenchon est un nostalgique de Lénine, mais n'ose pas le dire. (Il devrait: ça le disqualifierait mais courageusement). Voulant attaquer Soljénitsyne - grand anti-léniniste -, il use donc du même biais que d'autres postléninistes actuels : l'accusation d'antisémitisme, terriblement efficace même quand elle est fausse. (On a vu avec Badiou à quel point cette efficacité fonctionne, y compris à mauvais escient ! C'est sur ce plan seulement que la comparaison Badiou-AS est pertinente).
Cela dit, ce que Mélenchon dit d'AS sur son blog ne parle pas d'antisémitisme ; mais ce ne sont que des borborygmes et des inexactitudes.
http://www.jean-luc-melenchon.fr/
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Écrit par : Blaise | 05/08/2008
MELENCHON UBU
> Pour voir par comparaison combien Mélenchon ressemble au père Ubu, il n'y a qu'à lire l'article de Georges Nivat dans Le Monde daté du 5 août. Un hommage nuancé, sans complaisance, qui s'achève ainsi :
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" L'œuvre de polémiste, d'abord le long duel avec le pouvoir soviétique, marqué par la proclamation 'Vivre hors du mensonge !' puis l'exil, avec le Discours de Harvard, une mise en garde adressée aux Américains, et qui les irrite, et en 1990, un programme d'action : 'Comment réaménager notre Russie ?', enfin les encycliques émises après le retour en Russie, vitupérant la fausse démocratie, prônant une nouvelle Russie des zemstvos, comme du temps de Tchekhov… Soljenitsyne reprend en 2001 le harnais de l'historien et les flèches du publiciste : il livre sa nouvelle enquête sur 'Deux siècles ensemble', une histoire de la cohabitation des juifs et des Russes. Il ne pouvait trouver meilleur bâton pour se faire battre, et se fit battre.
"J'aurais aimé éprouver mes forces à un sujet moins épineux, mais je considère que cette histoire – à tout le moins l'effort pour y pénétrer – ne doit rester une zone interdite." Fourmillant de faits (tous de seconde main, surtout empruntés à l'Encyclopédie juive Brockhaus Efron de 1913), le livre n'est pas un travail d'histoire, plutôt une grande esquisse inspirée par l'idée que les deux peuples, en dépit d'une rancune mutuelle (Soljenitsyne voit surtout la juive !), ont connu deux siècles de liens étroits, auxquels le nouvel exode juif a mis fin. Ame juive et âme russe devaient se rencontrer, "il y avait là quelque chose de providentiel". Didactique et prophétique, portée vers les formes courtes du poème en prose, mais emportée vers les formes les plus longues qui soient, l'œuvre de Soljenitsyne reste paradoxale et évidente. Durant ses quinze dernières années, il a connu le sort d'un "classique vivant", mais la fougue juvénile ne le quittait pas, non plus que l'ambition de corriger la société. Le vieux, l'infatigable lutteur lançait avec 'Deux siècles ensemble' son dernier défi à la "tribu instruite" de la fausse intelligentsia qu'il brocardait depuis longtemps. Une fois de plus il tentait d'embrasser le réel, de le pétrir, de l'interpréter. Une fois de plus les esthètes ont fait la fine bouche, mais cet entêtement de lutteur fait de lui la plus grande voix du XXe siècle russe et européen, que l'on ajoute "hélas" ou pas. "
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Quand on lit ces lignes de Nivat, on a l'impression de reprendre contact avec la réalité...
Écrit par : Florian | 05/08/2008
MELENCHON
> Merci du lien vers le site Melenchon. C'est assez affligeant et se passe de commentaires.
Écrit par : ludovic | 07/08/2008
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