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30/07/2008

Après l’échec final de l’OMC, la presse parisienne doit des excuses à ses lecteurs

h_9_ill_684826_mandelson[1].jpg…pour leur avoir présenté la situation           d’une façon étrangère à la réalité :

< Peter Mandelson.


 

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Les « journaux de référence » français sont dirigés par des ultralibéraux atlantistes.  D’où leurs partis-pris en économie. Et en politique internationale.  Et en politique européenne...  D’où  aussi la chute de leurs ventes, sans cesse aggravée : car ils s’acharnent à présenter les situations de façon à les faire cadrer avec leur idéologie, non avec la réalité.

On vient d’en avoir un exemple flagrant à propos de l’OMC.  

Fait majeur de l’échec du cycle de Doha : il est dû à l’affrontement de méga-intérêts économiques continentaux (USA d’un côté, Inde et Chine de l’autre).

Faits mineurs : une série d’Etats ont imité l’Inde et la Chine dans leur opposition à un « paquet » soumis aux intérêts US.

Quant à la présidence européenne française, voyant la situation, elle a tenté - avec l'appui de nombreux Etats de l'UE - de tirer son épingle du jeu en esquissant une stratégie « européenne » autonome (au grand scandale des ultralibéraux Lamy et Mandelson). Puisque la fiction du paradis libre-échangiste part en morceaux, puisque la « main invisible du marché » est prise de convulsions, l’Elysée suggère que l’Europe devienne ce qu’elle devait être initialement (avant d’être détournée par les Mandelson Boys) : un pôle de puissance, doté d’une politique économique commune.

Cette proposition est-elle choquante ?

Oui, du point de vue des élites « euro-atlantiques » parisiennes ; elles s’en déclarent offusquées.

Comparons la façon dont les médias internationaux d’un côté, et la presse parisienne de l’autre, ont décrit ce qui vient d’arriver :

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1. Les médias internationaux :

<<  L'échec des pourparlers de Genève sur le commerce international va inciter les pays à se tourner vers des accords bilatéraux, plus faciles à conclure malgré des bénéfices économiques moindres, ont parié les négociateurs en quittant le siège de l'OMC.

Après neuf jours de discussions destinées à relancer le cycle de négociations de Doha, les ministres du Commerce ont tous réaffirmé d'un bel élan leur attachement au système multilatéral défendu par l'Organisation mondiale du Commerce.

Mais beaucoup ont aussi admis qu'il faudrait du temps pour relancer ces pourparlers engagés il y a sept ans déjà, et que pour l'heure, les accords bilatéraux ou régionaux primeraient.

…Ll'expansion des échanges multilatéraux, objectif affiché par le cycle de Doha lancé en novembre 2001, a subi à Genève un sérieux revers malgré les tentatives de compromis lancées par le directeur général de l'OMC, Pascal Lamy.

Les négociations devraient se multiplier en vue de conclure de nouveaux accords bilatéraux… L’Afrique du Sud avoue qu'elle se concentrera sur les pactes bilatéraux ou régionaux pour stimuler ses exportations.

S'il a assuré qu'il n'était pas près de "jeter l'éponge", le directeur de l'OMC a aussi souligné la nécessité de digérer cet échec et consulter les pays membres.

Le commissaire européen au Commerce, Peter Mandelson, a dit ne voir, dans un avenir proche, aucune perspective d'accord de principe sur l'agriculture et l'industrie, les deux grands dossiers de Doha.

Lamy a estimé qu'un accord aurait renforcé les garanties contre le protectionnisme mais ajouté que la "résistance du système" devrait lui permettre de traverser la "mauvaise passe" qui s'annonce.

Cette période agitée devrait se traduire concrètement par une inflation des litiges. Les différends sur des produits comme les bananes, le coton ou sur la tarification des importations vont se poursuivre. Ce qui, paradoxalement, permettra à l'OMC "de continuer à être utilisée pour régler les disputes, là où son intégrité est intacte", selon les termes de David Woods, ancien porte-parole du Gatt, l'organisation qui a précédé l'OMC, créée en 1995. >>

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2. Situation imaginaire, telle que veulent la voir les patrons de presse parisiens :

« OMC – Les pressions de M. Sarkozy divisent les Européens », proclame Le Monde daté du 30 juillet, sur quatre colonnes à la une ! C’est la leçon que ce journal tire de la situation. A la veille de l’échec de Doha, pas un mot de l’attitude américaine, ni de celle de la Chine et de l’Inde… Selon le « quotidien de référence », la chose grave est que Sarkozy fait « fausse route » en « se mettant à dos M. Mandelson », et que la France « fait plutôt partie des mauvais élèves » dans « le champ économique ». (Si la France est « mauvais élève », il faut nous dire qui est le professeur  – et pourquoi le monde devrait être vu comme une salle de classe).

Dans son numéro daté du 31 juillet, Le Monde expédie le problème en adoptant le point de vue de Mandelson. Selon le commissaire européen, le cycle de Doha était en faveur des pays « les plus vulnérables dans l’économie mondiale ». C’est l’argument habituel des ultralibéraux*. Ils ne nous disent pas pourquoi leur système – qui règne depuis vingt ans – a abouti cette année aux émeutes de la faim. Ils ne nous disent pas non plus pourquoi la négociation a échoué, et que  son déraillement vient du colossal cynisme de Washington. (Résumé par le négociateur indien Kamal Nath : « Ce que les Etats-Unis disent, c’est : ‘Nous voulons avoir le droit de doubler nos subventions. Nous voulons bien ne pas les tripler, mais alors que donnez-vous en échange ?’ »).

Ils n’osent tout de même pas en accuser la France. Le Monde du 30 juillet était au bord de le faire, taxant Sarkozy de chiraquisme agricole ; grief non entièrement inexact, mais insuffisant à décrire la complexité de la situation actuelle. Sarkozy ne fait que tirer les conséquences du déraillement global. Le sans-frontiérisme ultralibéral faisait les affaires des multinationales, non celles des peuples ni des Etats – qui sont l’ultime protection des peuples, même si cette idée répugne aux libéraux.  Le sans-frontiérisme s’est révélé cette année sous son véritable visage : l’incendie de la planète financière et la flambée des prix alimentaires. L’histoire se remet en marche. L’heure est à la résurrection du politique. Cela ne signifie pas la guerre de tous contre tous, mais la recherche d’un nouvel équilibre, réaliste.**

______

(*)  Le même argument est brandi par les agro-industriels en faveur des OGM, avec une mauvaise foi équivalente.

(**) Quant aux guerres véritables, celles de ce temps ne se font pas au nom de nationalismes mais au nom du « global » - même si elles sont cuisinées par le Pentagone.

 

 

10:17 | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : omc

Commentaires

DEPECHES

> Depuis que l'internaute accède directement aux dépêches via les sites genre yahoo, on peut constater combien les journaux "de référence" désinforment leurs derniers lecteurs.

Écrit par : perko | 30/07/2008

JOURNALISME

> Encore une fois, bravo et merci de faire du vrai travail de journalisme!

Écrit par : Alexandre | 30/07/2008

> Bravo Patrice pour être un veilleur actif. Continuez nous sommes nombreux à être de tout coeur avec vous
Amicalement

Écrit par : G de Vigneral | 30/07/2008

SCEPTIQUE ?

> cher Patrice, vous dites que l'heure est à la résurrection du politique. Je suis sceptique pour l'instant. Que cette résurrection soit une nécessité, j'en suis entièrement convaincu mais qu'elle ait commencée...De plus, au moins en Europe, avons-nous les hommes et les femmes capable de réaliser cette résurrection? De jeunes chrétiens talentueux et dynamiques, il y en a mais le problème, trop souvent, est leur lobotomisation ultra-libérale dans les grandes écoles dans lesquelles les poussent leurs parents. Se lèvera-t-il une génération qui écoutera Benoit XVI et s'engagera?

Écrit par : vf | 30/07/2008

OUEST-FRANCE

> Pour une rare fois, je pense qu'il y a un journal qui vous contredit, et qui, je pense le savoir (vous noterez que je n'ai pas écrit " je crois savoir", ce qui exposerait au doute mon assertion, et rassemblerait ma foi dans le même champ de doute permanent, alors que dans ma foi, je crois ce que je crois, c-a-d le CREDO, relié à mes pensées par un lien indélébile, mon baptême, n'est-ce pas chers amis?)...
...bref, je vous écrivais donc.." je pense savoir" que ce journal en question, ne subit pas de perte à la vente :
c'est, si vous me le permettez de l'énoncer ici, "Ouest France". Qui d'alleurs a publié recemment, sous 4 colonnes à la une, comme vous le dites, l'apologie de la foi de nos héros de maintenant !
êtes-vous d'accord ?

jean-christian


[ De PP à JC - Je ne parlais que de la presse quotidienne parisienne ! (Et à deux exceptions près : Le Parisien et La Croix, qui ne perdent pas de lecteurs. ]

Cette réponse s'adresse au commentaire

Écrit par : jean christian | 31/07/2008

@ VF

> Pourquoi croyez-vous que les hommes (et femmes) politiques de demain doivent obligatoirement sortir de grandes écoles ? Vous dites justement qu'ils y sont lobotomisés. Je crois qu'une personne intelligente et de bon sens, non embrigadée idéologiquement, peut faire beaucoup. Les études supérieures ne sont pas nécessaires, ou alors de préférence dans le domaine des sciences expérimentales. Ca permet de garder les pieds sur terre.
Sinon, encore merci et bravo à PP. Ca fait du bien d'avoir accès à une réinformation qu'on n'a pas toujours le temps de chercher par soi- même.

Écrit par : Barbara | 31/07/2008

A BARBARA

> Je ne parle pas de la future génération mais de l'actuelle quand je parle de lobotomisés. Quant à dire que les études supérieures sont inutiles pour faire de la politique, il faut quand même une formation solide pour les fonctions importantes et pas seulement scientifique car cela risquerait de voir le monde seulement sous l'angle technologique en négligeant les cultures, l'Histoire, la morale etc. Que l'on ne sorte plus des grandes écoles, d'accord, mais il faut une culture de niveau supérieur. Bref, je ne crois pas au mythe de l'ouvrier quittant sa chaîne pour devenir président (mais il peut très bien être efficace localement). Par contre, ce que j'appelle de mes voeux est de retrouver des "honnêtes hommes" (au sens culturel).

Écrit par : vf | 31/07/2008

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