09/01/2008
Dans "Kephas" : une critique du capitalisme comme paganisme
...par un philosophe toulousain :
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Numéro 24 de Kephas, la revue de prospective catholique* : le cardinal Cottier parle de la deuxième encyclique de Benoît XVI, l’abbé Philippe-Marie Airaud et Marie-Thérèse Urvoy étudient la question du dialogue chrétiens-musulmans (les fruits de la conférence de Ratisbonne), l’abbé Christian Métais étudie la question de l’éducation des enfants à l’eucharistie, Christine Sourgins l’idéologie du chaos dans l’art contemporain… Je signale particulièrement l’article Mutation du paganisme, du philosophe Yves Urvoy. Angle : le surgissement actuel d’un paganisme qui s’avance masqué « en s’appropriant la Raison ». « Il faut s’interroger sur la prétention à utiliser cette raison à des fins qui ne lui sont pas propres », dit Urvoy. Extraits :
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« Ramené à son principe, le paganisme est la sacralisation de l’état de fait, c’est-à-dire de ce qui s’impose à l’homme à partir de ce qui le dépasse dans son individualité, que ce soit d’abord la Nature dans l’Antiquité suivant tous ses modes de manifestation, la violente suprématie de l’Empire, plus tard l’Histoire, etc. Mais au cours de ces derniers siècles, l’état de fait est moins ce qui se réalise effectivement, que ce qui paraît s’imposer comme prémisse du futur. Rappelons-nous en particulier l’attitude de beaucoup de philosophes, intellectuels et artistes européens du XXe siècle devant la montée du nazisme ou les prétendues avances du socialisme communiste mondial…
« L’inscription dans les esprits du paganisme dans sa forme nouvelle s’est faite grâce à une désarticulation du temps vécu qui permet de diviser le présent réel en un passé finissant porteur de tous les maux, à rejeter, et un état de choses qui paraît s’imposer comme l’avenir déjà à l’œuvre. Le nouvel état de fait est ainsi purifié des maux attribués à la seule histoire passée. Mais c’est le mythe sans dieu avoué qui produit cette scission fantasmatique qui permet d’ignorer la réalité du présent. Car la désarticulation de celui-ci empêche de voir la complexité effective de la situation actuelle, de l’analyser et de pouvoir la critiquer… »
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Cette « scission de la réalité en un impur hérité, d’une part, et un pur en train d’advenir, d’autre part », explique « l’évolution des mœurs d’une société qui dissout les rapports sociaux autres que professionnels et marchands – et en premier lieu les relations familiales ». Urvoy discerne dans le capitalisme une « forme actuelle du paganisme » : « Le règne de l’argent gagne tous les domaines des relations humaines, progressivement mais sûrement. Et pour produire cet argent, pour exploiter de la façon la plus efficace les facultés et la force de travail des hommes en même temps que les matières premières du globe, l’économie capitaliste a accaparé la vie des travailleurs et la propriété du monde. La nécessité économique, qui parvient à déterminer toutes les activités sociales, détruit parallèlement toute règle associative qui cherche à rester étrangère à ses impératifs… »
C’est ce qui explique le conflit de plus en plus ouvert entre le système global et l’Eglise catholique, « règle associative » mondiale qui est la plus « étrangère » aux impératifs de l’économie-monde.
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(*) 5 rue Brault, F-49100 Angers, tél. 02 41 86 48 86.
09:25 | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : Kephas, capitalisme, catholicisme, christianisme
Commentaires
NOVLANGUE
> De nombreux signes confirment ce diagnostic, à commencer par l'invasion du vocabulaire économique dans toutes les sphères de l'existence humaine:
"Préservez votre capital santé", enjoignait récemment une affiche publicitaire (car, si l'économie semble la seule instance autorisée à décrire objectivement la vie humaine, l'hygiène est aussi la seule norme recevable en matière de conduite).
L'Unesco, quant à elle, s'est depuis longtemps proposée de protéger le "capital culturel" des sociétés humaines. Normal, puisque l'on doit parler désormais de la "production" culturelle…
Je n'ai pas le temps de faire un relevé complet de la novlangue qui, insidieusement, transforme notre regard sur les êtres et les choses, mais un sort particulier doit être fait à l'omniprésent "marché du travail", notion incongrue, si l'on y songe bien, et dont le pape Léon XIII avait déjà fait la critique dans l'encyclique Rerum Novarum.
Écrit par : Philarete | 09/01/2008
> Histoire connue de l'homme qui veut être son propre Dieu; Merci Adam!
Écrit par : Xavier | 10/01/2008
MARXISTES
> Sans oublier bien sûr la reprise des mots et concepts marxistes dans Rerum novarum.
lecteur
[ De PP à "lecteur" - Et alors, ça vous choque ? Moi non. Si les idées vous effraient, retournez lire le Wall Street Journal.]
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Écrit par : Lecteur | 12/01/2008
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