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13/11/2007

Social et christianisme : un colloque franco-russe à Paris (2)

40ff332857bd3c099ad69586eedbff30.jpgL’intervention du métropolite Cyrille de Smolensk et Kaliningrad :


 

Intervenant à son tour, le métropolite Cyrille  – exprimant son accord avec l’exposé de Mgr Minnerath  [cf. note précédente sur ce blog] – a  expliqué que l’Eglise russe était déjà en train de préparer un nouveau document social : sur le thème des droits et de la responsabilité de l’homme. Ce faisant, le métropolite a opéré un déplacement d’angle intéressant : il a mis l’accent sur l’aspect concret de la doctrine sociale, en état de perpétuelle naissance dans les biotopes historiques et sociétaux les plus divers.

 

Parmi les problèmes soulevés par Mgr Cyrille :

 

-   Peut-on penser la dignité humaine en excluant le problème du mal et du péché ? (« La dernière chose que nous cherchions serait d’être politiquement corrects par rapport à la doctrine séculière des droits de l’homme, qui exclut la notion de péché… »)

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-  « La difficulté instaurée par le postmoderne est  la relativité de la vérité, c’est-à-dire son inexistence : si tout dépend des points de vue, alors la vérité et le mensonge ne se distinguent plus, et c’est en définitive la puissance techno-médiatique qui imposera tel ou tel point de vue ! Ceci est un défi immense pour la pensée chrétienne. »

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- « Notre doctrine sociale est à développer. Des séries de questions se posent. Dans cette pérégrination spirituelle, nous ne voulons pas être seuls. Votre Eglise et la nôtre sont dans des situations comparables, vivant dans des sociétés très sécularisées ; je suis très ouvert à la perspective d’une avancée commune. Le temps est venu de donner ensemble une réponse à ces problèmes. »

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- « Mais dans le dialogue œcuménique général*, les questions de morale sont celles qui fâchent. Il y a des divergences très profondes dans ce domaine au sein de la famille chrétienne (je pense au problème des bénédictions de couples homosexuels dans certaines Eglises), et ces nouveaux problèmes viennent s’ajouter aux anciens différends théologiques. Ces contradictions prennent même une importance croissante… Ceci est une difficulté dans notre dialogue avec les non-chrétiens !  Des musulmans ont récemment écrit à toutes les Eglises chrétiennes pour proposer un dialogue mondial. Mais qu’en sortirait-il, dans l’état de division où sont aujourd’hui les chrétiens sur des questions graves ? »

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- Cela dit, « il existe entre des Eglises chrétiennes un niveau élevé de compréhension mutuelle, y compris sur les questions morales fondamentales. Un colloque a eu lieu récemment en Russie sur ces questions, entre orthodoxes, catholiques et protestants. Nous savions que nous allions être en accord avec  les catholiques ;  nous avons été frappés de constater que l’accord existait aussi avec les protestants qui étaient là. Si ces Eglises peuvent conclure alliance sur ces questions, elles pourront mener un dialogue avec les autres religions. »

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- « Cette alliance permettrait un accord plus grand et plus profond que dans les institutions œcuméniques actuelles. Celles-ci ont vécu longtemps dans une euphorie œcuménique naïve ; il faut aujourd’hui sortir de l’euphorie internationale et aborder les problèmes concrets de nos communautés,  afin de dépasser ces problèmes, plutôt que de s’en tenir indéfiniment  à des points d’accord acquis de longue date. »

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- « Le dialogue bilatéral entre catholiques et orthodoxes dans le domaine social est d’une grande importance. Il faut se montrer capables de défendre ensemble les mêmes valeurs, sans euphorie ni volontarisme ! »

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Après quoi le métropolite Cyrille a captivé l’auditoire (Russes et Français mêlés) en racontant les circonstances historiques de la naissance de la doctrine sociale russe. Cet événement a une date précise : le 19 août 1991, pendant la tentative de putsch à Moscou, lorsque les chars tiraient sur l’immeuble du Parlement :

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- « C’était une situation sans précédent : les deux camps demandaient l’avis de l’Eglise, mais sans pouvoir l’influencer ! Pour la première fois nous allions pouvoir parler selon le seul critère de la parole de Dieu et de la tradition apostolique. Ce que nous avons dit alors n’a plu à aucun des deux partis en présence, qui attendaient autre chose... Ainsi naquit la doctrine sociale de l’Eglise de Russie.  Ce ne fut pas un travail théorique tranquille : il y avait des barricades dans les rues, une atmosphère de conflit violent. Et pourtant nous avons expérimenté qu’en appliquant le seul critère de la parole de Dieu, on trouvait la réponse, la seule possible. »

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 En conclusion, le métropolite a répondu à une objection qui circule, à l’Est comme à l’Ouest ** et chez des traditionalistes religieux comme chez les ultralibéraux mercantiles : « Est-ce que l’Eglise a besoin d’une doctrine sociale ? ne cherche-t-elle pas ainsi à s’immiscer dans la vie de la société ? L’Eglise ne doit-elle pas seule-ment s’occuper des âmes ? » :

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-  Même un intervieweur du Spiegel m’a posé cette  question,  ce  qui  m’a  étonné  de  sa  part. Je  lui  ai  répondu  en  ouvrant  l’évangile, et en tombant sur cette parole du Christ : « Comme tu m’as envoyé dans le monde, moi aussi je les envoie dans le monde. »*** Aucune discussion possible. C’est parfaitement clair ! »

 

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____

(*) c’est-à-dire au Conseil œcuménique des Eglises, où les orthodoxes russes sont confrontés à des courants anglo-saxons qui ont dérivé très loin de la morale chrétienne de base.

(**)  Et même dans ce blog, qui reçoit de temps à autre des messages de « spirituels » jugeant le social très vulgaire. Ou de jeunes marchands de vent, morts de rire à l'idée de la justice sociale.

(***) Jean 17, 18.

 

 

 

Commentaires

DYNAMISME GRANDISSANT

> Cette rencontre est le témoignage du dynamisme spirituel grandissant du christianisme. Ce travail va permettre d'apporter une réponse à tous ceux qui souffrent de la désespérance que leur inspire le monde actuel, parce qu'ils sont détachés de tout repère qui pourrait perturber la programmation consumériste dans laquelle on tente de les entretenir.

Je me réjouis de ce rapprochement et je peux confirmer le rapprochement ou sinon l'existence d'une convergence avec les musulmans sur ce débat pour l'avoir constaté lors de rencontres interreligieuses. Le monde ne se divise pas entre croyants de telle ou telle foi. L'opposition fondamentale se situe entre incroyants et croyants. Les premiers ont pour soucis le développement du marché et laissent aux seconds celui de réconforter ceux qui en sont exclus, leur enseigner que le chemin de l'espérance ne se trouve pas forcément dans l'accumulation des biens. L'argent est un bon serviteur mais un mauvais maître.

Comme le souligne le métropolite, le préalable est de nous entendre entre chrétiens (même si les divergences entre musulmans existent et ne sont pas minces non plus) parce qu'il est évident que nous avons développé une interprétation personnelle de la foi qui confine parfois à la posséssivité ou la réification (voir le comportement des vieilles dames dans les églises qui s'instaurent gardiennes du temple sans le savoir - c'est l'exemple le plus anecdotique et le moins conséquent).

Je me réjouis de ce mouvement oecuménique qui se retrouve dans le débat social. Il apporte des réponses concrètes et illustre la richesse de la foi aux yeux de ceux qui en doutent ou la méprisent. L'Eglise est en marche. Remercions le Ciel et continuons à le prier pour qu'il nous soutienne dans cet effort.

Écrit par : Qwyzyx | 13/11/2007

EVANGELISATION ?

> Pour le chrétien, le social est la conséquence de l'Evangélisation. Il est dans le Monde mais il n'est pas du Monde (Jean, 17). Il n'y a de social que le saint, pourquoi, alors vouloir faire passer le social avant la nouvelle Evangélisation ? Vivez en chrétien, convertissez-vous à l'Evangile, soyez saint, il n'y a pas d'autre solution au problème social.

Loïc de Bénazé


[ De PP à LB - L'Eglise met vigoureusement l'accent sur le social comme FAISANT PARTIE du témoignage évangélique. Le Christ nous a avertis sans ambage : personne ne sera saint (=sauvé) sans avoir vêtu ceux qui étaient nus et nourri ceux qui avaient faim. Les autres iront griller où vous savez. Alors ? Toujours ennemi du social ?
ps / Où avez-vous pris qu'on fasse passer le social "avant" la nouvelle évangélisation ? Il passe "en même temps" qu'elle. Il en fait intégralement partie. Sans lui (vêtir ceux qui sont nus, etc), il n'y a que du prêchi-prêcha entre bons jeunes gens contents d'eux-mêmes.
Si vous n'êtes pas convaincu de cela, parlez-en à saint Martin et à saint Vincent de Paul. ]

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Écrit par : Loïc de Bénazé | 14/11/2007

LB à PP

> L'amour du prochain est une conséquence de l'amour de Dieu: "Si tu dis que tu aimes Dieu alors que tu n'aimes pas ton frère, tu es un menteur",je n'en doute pas; ce que je regrette c'est que vous vous faites l'interprète de l'Eglise de France qui ne voit dans l'Evangile que le social, c'est l'impression qu'elle me donne. Si l'amour de Dieu conduit à l'amour du prochain , l'amour du prochain ne conduit pas toujours à l'amour de Dieu
surtout si elle exclu le problème " du mal et du péché".
Le social est une conséquence et non un but.
Que pensez-vous de "Malheurs aux religions qui deviennent humaines parce que leurs prêtres et leurs fidèles n'ont plus l'Esprit vital" ?

Loïc de Bénazé


[De PP à LB :

- Lisez, svp, mes réponses aux précédents commentaires. Je ne dis pas que le social est un but. Je dis même le contraire. Ne me prêtez pas cette idée, sous prétexte que, vous, vous n'aimez pas le social.

- Je ne me fais pas "l'interprète" de l'Eglise de France : j'en fais partie, simplement.
Je ne suis que l'un des millions de membres de l'Eglise réelle, la grande, l'universelle. La seule.
Dans les chapelles de clans on ne peut pas respirer. Il est trop facile de se retirer du terrain et de se réfugier dans des clubs réactionnaires à langage religieux, en ne se fréquentant qu'entre gens de Coblence...

- Comme disait le P. Bruckberger que j'ai bien connu (et qui était loin d'être un pharisien !), "l'Eglise catholique est un grand caravansérail et doit surtout le rester, sinon elle ne serait plus l'Eglise catholique".
N'en restez pas aux impressions, monsieur. Dire que "l'Eglise ne voit dans l'évangile que le social", c'est inexact. Lisez le Catéchisme des évêques de France (1995) : même des ergoteurs anticonciliaires invétérés avaient reconnu la qualité de ce manuel de référence et l'avaient signalée dans leurs publications. Le catholicisme français d'aujourd'hui a de sérieuses pannes ; mais pour croire qu'il est toujours dans la situation de 1970-1980, il faut n'avoir pas mis les pieds dans une église paroissiale diocésaine depuis bien longtemps. Et il faut croire sur parole - ce qui est un tort - les rabâcheurs anticonciliaires qui tiennent, depuis des dizaines d'années, un discours de plus en plus éloigné de la réalité.

- Ce slogan du "trop de social" est le leur. Il sert à masquer un malaise grave. En fait, les anticonciliaires (et autres catholiques à étiquette) refusent une partie du contenu de la doctrine sociale de l'Eglise : ils refusent tacitement ce que le Magistère dit aujourd'hui de l'économie, de l'environnement, des droits des migrants, etc. N'osant pas avouer ce rejet fondamental - parce que cela les priverait de la carte d'identité "catholique" -, ils préfèrent dire que l'Eglise "fait trop de social"...
Mais en réalité il y a un désaccord de fond entre eux et la pensée de l'Eglise.

- Pour mon humble part, j'adhère à cette pensée parce qu'elle est celle de l'Eglise. Je ne prétends pas lui donner des leçons. S'en prendre continuellement au clergé est une attitude stérile. Soyons lucides sur les défauts (graves) de la situation actuelle, mais n'en tirons pas prétexte pour nous retirer dans une marginalité amère et confortable, entre vieux pamphlétaires et jeunes zozos. Les uns et les autres feraient mieux : a) de travailler, crayon en main, et de ne parler que de ce qu'ils connaissent pour l'avoir étudié ou pratiqué ; b) de fréquenter un peu le monde réel : oui, là-bas, au delà de la grille du prieuré.

Excusez-moi de parler nettement ; mais on ne gagne rien à rester dans le langage diplomatique. ]

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Écrit par : Loïc de Bénazé | 14/11/2007

PAS VU

> vous n'avez pas vu que l'Eglise de France était la première responsable de l'apostasie, votre blogue est borné

LB


[ De PP à LB - C'est cela, je suis myope. Vous devriez me prêter votre lorgnon. ]

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Écrit par : Loïc de Bénazé | 15/11/2007

MA PIERRE

> je lis régulièrement ce site, et là je souhaitais apporter ma modeste pierre à l'édifice.

si le Christ nous donne le Salut par sa Sainte Eglise et par ses Sacrements, n'est-il pas saint de gagner son adversaire à sa cause, plutôt que de lui tenir tête?....Mt 5,39........sans violence évidemment mais sans compromission non plus?

toi tu cites très justement la prière sacerdotale de Notre Seigneur :

"> Pour le chrétien, le social est la conséquence de l'Evangélisation. Il est dans le Monde mais il n'est pas du Monde (Jean, 17). Il n'y a de social que le saint, pourquoi, alors vouloir faire passer le social avant la nouvelle Evangélisation ? Vivez en chrétien, convertissez-vous à l'Evangile, soyez saint, il n'y a pas d'autre solution au problème social.
Loïc de Bénazé"

et tu as raison, soyons saint et alors le problème social se résoudra !

oui cela est source de bonté et d'Amour envers son prochain, mais cette action présente une différence dans la situation d'aujourd'hui.

autrefois le témoignage chrétien, l'annonce de l'Evangile conduisait rapidement à la martyrologie......

aujourd'hui, peu d'hommes dans nos contrées modernes (depuis la fin du nazisme et du communisme) sont enclins à vouloir crucifier (comme au temps des romains), où à vouloir bruler vif (comme au temps de Jeanne d'Arc), où à vouloir fusiller (comme pendant nos dernières guerres) où à vouloir envoyer au goulag (comme au temps...) ceux qui les contredisent, entre autres :nous autres chrétiens........!

......ainsi, par une expression posée, réfléchie, attendrissante, compatissante comme l'est Notre Père qui est au cieux, et donc patiente, nous amenons malgré tous les soubresauts de l'histoire, cette humanité à prendre à son compte une part visible et donc "sociale" de l'Esprit d'Amour qui nous anime

c'est peut-être la chance "d'une expression sociale de la foi catholique", que d'être lue , voir pourquoi pas entendue, par des âmes ignorantes où éloignées du Royaume ; il faut donc laisser à la disposition de tout homme "une doctrine sociale de l'Eglise"....

Elie ne fut-il pas confié à une veuve non juive de Sarepta, et pourtant n'y avait-il pas tant de veuves dans tout Israël........(1R 17, 24)........elle qui n'était pas croyante fut gagnée à sa cause, dans la paix.

Certes au vu d'un miracle de Yahvé, elle crut et hébergea Eli, mais ne s'en prit-elle pas quand même à Eli et à son dieu quand son fils mourut...

Dieu pourtant apporta en premier à boire et à manger à Elie ainsi qu' à la femme et son enfant, pour pallier la famine, car Dieu a souci des biens sociaux nécessaires à la vie physique, pour convertir ensuite à la vie divine.

si la citation de la prière sacerdotale que tu emploies est correcte, en revanche tu ne peux pas conclure juste après par :

"Il n'y a de social que le saint, pourquoi, alors vouloir faire passer le social avant la nouvelle Evangélisation "

car il n'y pas de contradiction;

l'un va avec l'autre

jean christian

Écrit par : fosset | 03/12/2007

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