13/11/2007
Social et christianisme : un colloque franco-russe à Paris (1)
C'était hier 12 novembre 2007, au centre Sèvres :
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J’étais hier au colloque franco-russe du centre Sèvres (facultés jésuites de Paris) sur la doctrine sociale chrétienne et la convergence des Eglises en matière sociale. Comme promis, en voici le compte-rendu.
« Travailler ensemble : sur cette question, nous ne nous situons pas dans le domaine du vœu pieux, mais dans celui de la concrétisation », a souligné le cardinal Ricard en ouvrant les travaux.
Les deux premiers intervenants étaient Mgr Roland Minnerath, archevêque de Dijon, pour la doctrine sociale catholique ; et le métropolite Cyrille de Smolensk, pour la doctrine sociale de l'Eglise orthodoxe russe, autour du livre que celle-ci vient de publier en français aux éditions du Cerf*.
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1. Mgr MINNERATH ET LA DOCTRINE SOCIALE CATHOLIQUE
L’exposé de Mgr Minnerath a dégagé treize points-clés. Résumons-les ainsi :
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- La pensée sociale de l’Eglise n’est pas un ajout superflu. Elle « fait partie du message chrétien en lui-même », sous des formes différentes selon les époques mais en restant substantiellement identique. L’idée que l’homme est créé à l’image de Dieu, l’idée qu’il est le garant et l’intendant d’une Création qui lui est destinée (Création qui est – comme aussi le temps – le cadre de la première révélation du Créateur), fondent la doctrine sociale et son universalité.
- En effet cette doctrine sociale n’est pas un parti-pris confessionnel : elle est universelle parce qu’elle se fonde sur le droit naturel. Ce qui permet (en principe) de dialoguer avec ceux qui n’ont pas les mêmes racines religieuses que nous, et d’élaborer avec eux une éthique commune.
- Au fil de l’histoire, Dieu intervient par des appels successifs. L’homme a la capacité d’accepter ou de refuser l’offre de Dieu (en s’instituant sa propre référence) : en effet il a été créé libre. C’est cette liberté humaine qui permet l’existence d’une éthique. Aucune éthique ne peut exister sans liberté.
- D’où le fait que l’anthropologie chrétienne soit fondée sur la liberté.
- D’où aussi les distinctions, propres au christianisme, du spirituel et du temporel, du temporel et de l’eschatologique, de la nature et de la grâce, de la raison et de la foi, etc.
- Inscrite dans l’humanité de tout homme, l’éthique peut donc exister même là où il n’y a pas de conscience de la Révélation.
- Quant à l’idée de « loi naturelle », elle tient au fait que les hommes, créés par Dieu, sont dotés d’une commune humanité. La loi naturelle est ce que la raison est capable de découvrir comme étant commun à toute l’humanité.
- La doctrine sociale chrétienne n’a aucunement pour but d’établir le Royaume de Dieu sur la terre : le Royaume est concentré dans le Christ et ne peut être établi par l’homme**. Rêver de l’établir par force sur la terre ne serait même pas chrétien. Ce que peut faire la foi, par contre, c’est « d’injecter des valeurs nouvelles au vivre-ensemble commun à tous les hommes ».
- L’ambition de la doctrine sociale est donc de rejoindre « l’ensemble des hommes ». Une éthique ne saurait être sociale si elle n’est pas partagée. Nous devons l'incarner dans la société et l’époque où nous sommes.***
- Mais s’il n’y a pas en arrière-plan « une transcendance de la loi naturelle partagée », alors la société est livrée un volontarisme « dont nous ne voulons pas ».
- Les droits de l’homme allégués aujourd’hui ont un fondement biblique : la dignité humaine, la personne, la solidarité. La personne humaine doit donc être au centre de toute construction sociale ; ce qui ne va pas dans le sens de l’individualisme contemporain, parce que l’homme est un être social par nature : la personne s’épanouit à travers « la famille, les milieux de travail, la cité, la nation, toutes les nations » ; par ailleurs, une société qui ne mettrait pas la personne au centre serait totalitaire.
- La doctrine sociale ne propose pas de solutions toutes faites. Elle propose des critères de discernement, que l’on trouve notamment dans l’encyclique Pacem in terris : la liberté de se déterminer, la garantie de pouvoir chercher la vérité, la solidarité, inscrite dans la structure même des rapports humains, la justice…
Sur ces deux derniers critères, Mgr Minnerath fait deux observations :
a) la solidarité s’appuie aussi sur le fait que nous bénéficions tous de l’apport – sans commune mesure avec notre propre apport personnel – du capital de l’œuvre des autres au fil des siècles ;
b) la justice ne se confond pas avec le positivisme juridique (« c’est légal parce que la loi le dit ») : une loi humaine contredisant la loi naturelle « n’est pas une loi ».
- Ces principes doivent être tenus « constamment opérationnels », face au renouvellement constant des problèmes et à leur caractère inédit. Par exemple le défi apporté par la Deep ecology, pour laquelle les êtres humains n’ont pas plus de droits à l’existence que les insectes. Sur toutes ces questions fondamentales, les chrétiens doivent pouvoir parler d’une même voix.
(A suivre : l'intervention du métropolite Cyrille).
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(*) Fondements de la doctrine sociale, Cerf 2007.
(**) NDA : d’où l’aspect hérétique de l’interprétation ultra-traditionaliste de la DES, qui confond le omnia instaurare in Christo avec on ne sait quelle utopie pseudo-politique. C’est tout le problème du lefebvrisme (bien plus que la question liturgique).
(***) D’où le problème du « pluralisme » actuel (éclatement de toutes les références et déboussolage général. L’intervention du métropolite Cyrille va insister là-dessus).
10:45 Publié dans Oecuménisme | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : oecuménisme, doctrine sociale de l'Eglise, orthodoxie, catholicisme, métropolite Cyrille, Mgr Minnerath, droits de l'homme
Commentaires
LIBERTE
> Il y a, me semble-t-il, des choses à dire sur cette présentation qui insiste sur la liberté...
l'anthropologie chrétienne est d'abord fondée sur la nature humaine et le réalisme de l' intelligence qui permet d'en découvrir et conceptaliser en vérité les exigences, le primat des facultés spirituelles, la volonté incluant la liberté, l' intelligence spirituelle, l' immortalité de l'âme; avant que d'être fondée sur la liberté de la volonté;
ce sont les existentialismes qui essaient de fonder une éthique sur la liberté, on avance un peu mais pas loin.
En doctrine sociale, la notion de bien commun est première, en lien avec le bien humain et les biens humains concrets, lui-même en lien avec cette nature, elle est absente de cette présentation, c'est pourtant le nerf des arguments principaux;
les droits de l' homme ont un venin idéologique, un noyau de principe ( la conception de l' homme, de son bonheur, que se sont faite "les Lumières" notamment) qu' il faut dire à peine de perpétuer un malheureux malentendu qui nous fait beaucoup de mal; nous retombons par recoupement sur beaucoup de droits en tout ou en partie, mais avec un éclairage de départ différent, comme deux spots de théatre...
Plus j'avance plus je crois que nous devons reprendre l'engagement de l' Eglise pour la philosophie réaliste aristotélico-thomiste au sérieux...ça fait la différence dans 80% des questions, non?
vicenzo
[ De PP à V. - On ne peut pas dissocier la nature humaine de la liberté : l'homme est créé libre, c'est absolument central ! Renoncer à ça, ce serait sortir du christianisme.
Ceci étant clair, reste à ne pas fausser l'idée de liberté en faisant semblant de croire qu'elle recoupe la notion postmoderne de "liberté". Contrairement à vous, je trouve que Mgr Minnerath vaccine son lecteur en désignant explicitement les deux maux : l'absence d'une transcendance de la loi naturelle, et le volontarisme.
Si vous le lisez avec soin, il n'y a pas d'équivoque. ]
Cette réponse s'adresse au commentaire
Écrit par : vicenzo | 13/11/2007
CRABES DORMEURS
> Si cela pouvait réveiller les "crabes dormeurs" du catholicisme sociologique ! Faire honte aux saints bernard-l'ermite qui se cachent au fond de leur coquille en faisant semblant de relire Tauler ! Ouvrir le coeur des zultras blanc-de-blanc qui rêvent d'une caserne qu'ils appelleraient "chrétienté" !
Le jour ou tous les catholiques allégués prendront leur religion au sérieux, ils arrêteront de se plaindre et se mettront au travail.
Écrit par : Matthieu Boulay | 13/11/2007
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