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29/09/2007

"Kephas" : un dossier sur le Motu proprio (et une étude sur le problème foi /raison)

Le numéro d'automne 2007 vient de paraître :


Il contient un remarquable dossier de huit articles* sur le Motu proprio, ses buts, sa réception, ses fruits prévisibles, et les efforts que nos subjectivités ont à faire pour se libérer d’elles-mêmes et partager ce que Josef Ratzinger a nommé « l’esprit de la liturgie » (titre d’un de ses livres).

Dans ce numéro, d’autre part, on remarque notamment un article de Philippe Secrétan sur la conférence de Ratisbonne, « hymne à la raison ». Cette étude brève et dense met plusieurs points en lumière, dont ceux-ci :

1. Benoît XVI a montré** que « la raison – et cela est capital mais difficile à recevoir pour la pensée moderne – est "par elle-même et toujours" le contraire du désaccord avec la nature de Dieu, ce qu’atteste  l’affirmation du Logos initial [dans le prologue de l’évangile selon Jean]. Et cette affirmation elle-même indique qu’il existe un lien entre religion et violence là où la religion affirme un Dieu qui transcende tellement toute loi qu’il peut vouloir tout et son contraire, donc l’irrationnel. Et c’est cette conception de Dieu que traverse radicalement la proclamation d’un Dieu qui est Logos. »

2. Benoît XVI montre que « la rencontre du message biblique et de la pensée grecque n’était pas un hasard » (ni une déviation antibiblique, comme le répètent les victimes de sessions de désinformation postchrétienne sur la "culture biblique"). Il y a en effet une analogie entre : a) le déclassement des dieux mythiques par le Je suis du Buisson ardent, b) la victoire de Socrate sur le mythe.  Ces deux mondes mentaux, le grec et le biblique, étaient en marche l’un vers l’autre, vers un « ajustement »*** dont une étape décisive est la Septante, traduction de la Bible en grec par les intellectuels juifs d’Alexandrie au IIIe siècle avant notre ère. Ainsi le message divin et la parole grecque étaient déjà mariés quand Jésus naquit à Bethléem.

3. Benoît XVI, à Ratisbonne, souligne que la raison scientifique moderne « contient en elle une question qui va au-delà de ce qu’elle est et de ses possibilités méthodologiques. Elle doit admettre comme un fait la structure rationnelle de la matière ainsi que la correspondance entre notre esprit et les structures rationnelles qui régissent la nature. » Il en ressort qu’une « rationalité » préalable [dans la nature] conditionne l’accès de la raison humaine au réel.  D’où vient cette rationalité ? Voilà la question essentielle, et la recherche à mener entre esprits ouverts.

« C’est ainsi, si l’on peut dire, à une nouvelle Aufklärung qu’appelle Benoit XVI. Non plus à celle d’une Raison qui ramène tout à elle, mais à une ‘conversion’ de la raison, à nouveau ouverte sur ce qui tout à la fois la dépasse et l’élargit, l’éclaire et l’ennoblit. »  

Ce numéro de Kephas  est une lecture indispensable pour ceux qui souhaitent approfondir leur compréhension de ce qui s’est accompli à Ratisbonne, et de ce qui s’ensuit aujourd’hui. Ne laissons pas rabâcher autour de nous que la foi chrétienne est « l’ennemie de la raison ».  (C’est l’un des poncifs actuels, et c’est paradoxal dans une époque qui s’enferme par ailleurs dans le culte de ses « émotions » !).

 

>   Revue Kephas, 5 rue Brault, 49100 Angers : n° 23, 198 pages, 15 €.

 

____

(*) Sens et portée du Motu proprio, par : Bruno le Pivain, Mgr Kurt Koch, François Cassingena-Trévedy, Grégori Solari, Albert Jacquemin, François Clément, Vincent Richard.

(**) notamment à partir de sa citation (si controversée à l’époque) de l’empereur Manuel II.

(***)  A mon contradicteur de Nancy. Si vous niez ça, si vous affirmez une incommunicabilité entre la pensée juive et la pensée grecque, vous niez des faits (ce qui n'est pas sain), et vous vous retrouvez en compagnie des "identitaires" les plus fermés, ce qui est carrément bizarre de votre part !

 

 

 

 

Commentaires

GAUCHET

Rendons justice à la pensée grecque ! Même un agnostique, en l'occurrence Marcel Gauchet, souligne dans "Le Désenchantement du Monde" que la pensée grecque rejoignait en bien des points la pensée biblique, par sa rupture avec le mythe :
- "Toutes deux inversent pareillement l'axe temporel : c'est le présent qui rend raison du passé (puisque l'ordre du monde a toujours été ce que nous voyons qu'il est, ou puisque le monde est suspendu à la volonté d'un dieu tout-puissant, qui ne peut donc que l'avoir créé, pour être absolument tout-puissant)."
- "Toutes deux unifient pareillement le principe moteur de l'être, et substituent de façon générale le point de vue de la réduction à l'unité à celui de la pluralité inépuisablement à raconter et à classer (qui constituent proprement le mode mythique d'appréhension de la réalité et sa dynamique de "fuite en avant", par opposition à l'impératif structurant de retour sur soi de la pensée rationnelle). Tout ce qui est, peut être et doit être ramené à l'Un -n'importe la façon dont est conçu cet Un."
-"[...] Ainsi la pensée est-elle appelée sur tous les plans à se structurer autour d'une différence interne, depuis ses instruments élémentaires (concret/abstrait) jusqu'à son idéal régulateur (transcendance de son but par rapport à ses résultats), en passant par son usage social (ouverture critique sur fond de visée commune). Telle se dessine au sortir du bouleversement du cadre mythique et de ses contraintes la matrice d'une réflexion rationnelle."
Et Marcel Gauchet d'ajouter que la raison grecque était prédisposée à rencontrer la foi chrétienne, comme celle-ci à adopter l'exercice de la rationalité des philosophes. Il va même jusqu'à dire que si la pensée grecque n'avait pas existé, ma foi, pourquoi pas ? les chrétiens auraient pu l'inventer!

Écrit par : Blaise | 29/09/2007

ESPRIT DE LA LITURGIE

> Le titre du livre de Josef Ratzinger : "L'esprit de la liturgie" ne doit rien au hasard ; il est la reprise exacte du titre même de l'ouvrage de Romano Guardini (heureusement récemment réédité aux Editions Parole et Silence).
Le lire ou le relire permet de mieux comprendre la pensée de notre Pape.
A la suite de Romano Guardini, pionnier du mouvement liturgique, Benoît XVI plaide inlassablement pour que la liturgie n’apparaisse jamais comme une fabrication humaine, mais comme cet ensemble lié à la Tradition vivante de l’Église et qui ouvre les hommes au mystère de Dieu et à sa révélation.
Citons les admirables dernières lignes de l'ouvrage :
« Dans la liturgie, le Verbe a la préséance qui lui revient sur la volonté. De là découle sa sérénité admirable, sa paix profonde. De là vient aussi qu'elle semble s'absorber entièrement dans la contemplation, l'adoration et la glorification de la Vérité divine. De là son indifférence apparente aux petites misères de nos jours. De là son désintéressement de tout effort immédiat " d'éducation ", d'enseignement moral. Il y a dans la liturgie quelque chose qui fait penser aux étoiles, à l'éternité égale de leur course, à leur ordre immuable, à leur silence profond, à leur infinie distance.
Ce n'est toutefois qu'en apparence que la liturgie paraît se désintéresser de la vie morale de l'homme, de son effort, de son action. En vérité elle sait fort bien que quiconque vit en elle possède la vérité, la santé surnaturelle, la paix intime et que celui qui quitte son royaume sacré pour affronter la vie saura y faire rayonner sa force. »

Écrit par : Michel de Guibert | 29/09/2007

VOM und DER

> Il faux de croire que les titres des livres de Romano Guardini et de Josef Ratzinger sont identiques : c'est un problème de traduction (encore un).
Titre de Romano Gardini : Vom Geist der Liturgie
Titre de Josef Ratzinger : Der Geist der Liturgie
Est-ce qu'un germanophone peut nous expliquer la nuance entre "Vom" et "Der" ?

Écrit par : Boris | 30/09/2007

@ Boris

Autant pour moi et merci Boris pour cette rectification.
N'étant pas germanophone, je m'étais fié au titre français et je ne peux éclaire la question que vous posez sur la nuance ente "Vom" et "Der"...
Quoi qu'il en soit, et même si l'éditeur français a eu tort de reprendre un titre identique pour la traduction des deux ouvrages, il est néanmoins question de l'esprit de la liturgie !
Et surtout il est patent que Josef Ratzinger s'inscrit dans le fil de la pensée de Romano Guardini.
C'est ce que je voulais dire ci-dessus.

Écrit par : Michel de Guibert | 30/09/2007

@ M. de G. :
les recherches sur internet donnent que "der" est un article et "vom" une préposition.
Peut-être (hypothèse personnelle) que l'un des titres est "Dans l'Esprit de la Liturgie" et l'autre "De l'Esprit de la Liturgie".
Gardons à l'esprit que l'un des ouvrages est pré-conciliaire (1918), dans le vent du Mouvement liturgique authentique et que l'autre est post-conciliaire (2000), clin d'oeil au premier à tel point qu'il se veut une continuité de celui-ci en vue d'inciter le respect et la protection de la merveille que le premier livre avait mis à nu (image de la fresque et de la mosaïque).
Quant à votre phrase : "Ce n'est toutefois qu'en apparence que la liturgie paraît se désintéresser de la vie morale de l'homme, de son effort, de son action", il me semble que vous oubliez de citer un ouvrage de référence allant dans ce sens :
"Sacramentum Caritatis"

Écrit par : Boris | 01/10/2007

> Vom (Von dem) signie "De" avec idée de provenance, de source (à la manière du "from" anglais): De l'Esprit de la Liturgie - et je pense qu'il doit s'interpréter en tant que mise en évidence de la matière traitée, à la manière du titre célèbre de Montesquieu: "De l'Esprit des Lois"

Écrit par : Philippe M | 01/10/2007

@ Boris

On me suggère de traduire :
- "Der Geist der Liturgie" (titre de l'ouvrage de Josef Ratzinger) par "L'Esprit de la Liturgie" ;
- "Vom Geist der Liturgie" (titre de l'ouvrage de Romano Guardini) par "De l'Esprit de la Liturgie".
Vous m'accorderez qu'il n'y avait pas un gros contresens à assimiler les deux titres.
Un germanophone peut-il confirmer ?

L'ouvrage de Romano Guardini est effectivement "pré-conciliaire", mais il ne se situe pas dans une perspective d'analyse des formes d'un rite, mais bien plutôt dans une réflexion sur la nature même de la liturgie.

La phrase que vous citez n'était pas de moi, mais était extraite des dernières lignes de l'ouvrage de Romano Guardini.
Cela dit, cette citation peut de fait être rapprochée de l'exhortation apostolique post-synodale "Sacramentum Caritatis" du Pape Benoît XVI.

N.B. : Le livre de Romano Guardini peut être consulté et téléchargé gratuitement sur Internet :
http://www.jesusmarie.com/romano_guardini_l_esprit_de_la_liturgie.html

Écrit par : Michel de Guibert | 01/10/2007

A propos de la traduction des titres des ouvrages de R. Guardini et de J. Card. Ratzinger

> "Vom Geist der Liturgie" signifie littéralement "De l'esprit de la liturgie" (Vom est la contraction de Von dem).
"Der Geist der Liturgie" signifie littéralement "L'esprit de la liturgie".
"Der" est l'article défini correspondant au nom masculin Geist (l'esprit). Employé avec la préposition "Von" qui requiert le datif, "der" se décline en "dem".
Les deux titres sont donc très proches : celui de Romano Guardini est inspiré de la manière latine de nommer des traités, celui du cardinal Ratzinger est plus proche de la manière actuelle de nommer un traité.

Écrit par : Alexandre | 01/10/2007

> Grand merci à Philippe M et à Alexandre pour leurs éclaircissements. En l'occurrence, il ne s'agit pas d'un gros traité, mais d'un petit livre dense et lumineux.
Et ce que je voulais souligner, c'est la parfaite continuité entre la pensée de Romano Guardini et celle du cardinal Josef Ratzinger, exprimée à travers la reprise par le second du titre d'un livre célèbre du premier, titre très proche sinon identique !

Écrit par : Michel de Guibert | 01/10/2007

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