02/09/2007
Catholiques français : la tentation de se "séparer" ?
Ce ne serait pas la bonne voie :
La fin de la note sur Mère Teresa, hier, évoquait ceux qui ne veulent pas qu’on analyse la panne de Credo en milieu catholique français. Selon eux, il y aurait « du pharisaïsme » dans le fait de constater cette panne.
Ils ont tort d’esquiver ainsi, et en bloc, un vrai problème qui préoccupe le pape et les évêques.
Mais il y a bien, par ailleurs, des tentations « pharisiennes » aujourd’hui.
Elles existent sous diverses formes contradictoires : notamment chez ceux qui se veulent les plus cohérents des catholiques.
La cohérence était aussi l’idéal de vie des vrais pharisiens historiques, ceux du Ier siècle. Le Christ les en approuvait. Mais il leur disait que cette vertu ne suffisait pas et qu’elle pouvait devenir un vice. C’est la situation de l’évangile de ce dimanche [Luc 14, 7-14] : Jésus dîne chez « un chef des pharisiens » un jour de chabat, et en profite pour faire des mises au point. Il faut se souvenir que les relations entre lui et eux sont complexes. Il a de l’estime pour leur idéal de vie : la fidélité à l’Alliance et le refus des compromissions ; mais il voit ce qui est au verso de cet idéal : le goût de se « séparer ». Peroushîm (« pharisiens ») signifie : « les Séparés ». Devant le risque croissant d'une banalisation de l’espace sacré d’Israël, due à l’occupation romaine, l’éthique pharisienne devenait exclusion – et mépris – à l’encontre des juifs moins observants, considérés comme des traîtres envers l'identité nationale.
Cependant il y avait la promesse de Dieu au peuple d’Israël (Ex 19,4) : « Vous serez pour moi un peuple de prêtres »… Si tout ce peuple avait vocation à être « prêtre », c’était forcément en vue du salut du reste de l’humanité. Donc la séparation à la pharisienne n’était pas une bonne voie : ni entre Israël et les autres peuples, ni en créant des barrières d'exclusion à l’intérieur du peuple d’Israël.
Se retrancher entre « purs », c’est encore moins catholique. Le christianisme est pour toute l'humanité, et cath’olon veut dire « selon la totalité », expliquait le cardinal Lustiger au Yediot Aharonot*: ce qui interdit le repli sur la tour d'ivoire. Le fantasme de pureté conduit d'ailleurs à la surenchère ; or vouloir être plus catholique que l’Eglise, c’est se faire ‘plus forts que Dieu’ au nom de Dieu. Alors que « la conversion qui conduit au Royaume n’est possible que si l’homme se reconnaît ‘faible devant Dieu’ » - dit l’exégète...
(*) sur ce blog, note du 17.08.
08:50 Publié dans Eglises | Lien permanent | Commentaires (12) | Tags : catholicisme, christianisme, foi, Eglise catholique, religions en France
Commentaires
JANSENISTES
> Chacun devrait se souvenir de cette critique jadis adressée aux jansénistes : "purs comme des anges, orgueilleux comme des démons". Plutôt que de s'ériger en parangon d'un catholicisme pur jus, il vaudrait mieux faire acte d'humilité et se dire que nous ne sommes pas appelés à faire le tri entre le bon grain et l'ivraie.
Écrit par : hildebrand | 03/09/2007
PAS DE "BONS"
> Tout à fait d'accord, il est indispensable de se croire au-dessous de tous et sans importance si l'on veut être chrétien. Il est indispensable de se croire mauvais chrétien, mauvais théologien, ignorant.
Il n'y a pas de "bons" catholiques. Il y a des catholiques. Il y a des humains tous meilleurs que moi car s'ils avaient reçu autant que moi, ils seraient bien plus avancés dit à peu près saint François d'Assise à Fr. Léon dans les Fioretti.
De plus on observe que c'est une bonne règle de vie en société, faute de quoi on devient vite pénible, désagréable. Or le christianisme exige de ses croyants d'être agréable et de faire plaisir.
Bref, tout à fait d'accord avec vous, merci pour votre post.
Écrit par : Denis Merlin | 03/09/2007
D'ACCORD
> Entièrement d'accord sur les deux aspects. Il y a des insuffisances dans l'affirmation de la foi par nos communautés mais s'en retrancher n'est pas la solution, c'est même anti-évangélique.
Continuez donc à nous tarabuster, c'est le rôle des bons prophètes (mais leur triste sort est aussi souvent de prêcher dans un désert...apparent du moins. Quand ils ne sont pas pris à partie !) Bon courage.
Écrit par : Christine | 03/09/2007
FONDAMENTALISMES
> Problème de tous les fondamentalismes qui ne tiennent pas compte de la nécessaire désappropriation dont il faut faire preuve. C'est Dieu qui juge, pas les hommes. Aux hommes il revient de rester disponible, dans la prière, et de vivre la charité envers ceux que Dieu met sur la route, nos prochains. Pour vivre l'Evangile on ne peut que se faire petit et humble, offert. Voir le discours des Béatitudes pour commencer.
Me revient à l'esprit une image de Tim Guénard qui disait lors d'une intervention que la vie, le prochain, celui qui est différent de toi, c'est comme un hérisson, tu n'en vois la richesse et la beauté (les yeux et la partie "tendre" de la bestiole) que si tu restes petit, à "ras sol". Si tu te fais grand, hautain, tu ne verras que la boule qui pique - tu ne sauras pas te faire proche.
Écrit par : Philippe M | 03/09/2007
@ Philippe M sur les fondamentalistes :
> je suis souvent jugé comme tel par des gens qui disent qu'il ne faut pas juger ! En effet je fait des reproches (parfois nombreux) sur des pratiques, en particulier sur la fidélité à la liturgie et à ses normes.
Et là, tout sort : pharisien, fondamentaliste...
Ainsi moi qui juge des actes en regard des normes et de l'enseignement de l'Eglise et du magistère (je ne juge pas les personnes), je me retrouve jugé sur ma personne et non sur mes actes ou mes propos.
Alors, il est facile de dire de telle ou telle personne qu'elle est fondamentaliste car elle vous dérange dans votre manière de pratiquer, et ensuite de lui dire qu'il ne faut pas juger alors que vous venez de le faire !
Cette attitude montre encore plus l'incohérence des pratiques mises en cause.
Il n'est pas charitable de laisser son frère persister dans l'erreur. C'est le laisser se tromper et tromper par la suite son entourage.
Ainsi pour reprendre l'exemple de la liturgie, ne pas respecter les règles, c'est empêcher l'Eglise de prier à travers une communauté réunie (Cf. l'instruction "Doctrina et Exemplo" au n°4 en 1965 validée par Paul VI).
Donc ne pas rappeler les normes et ne pas faire remarquer les manquements aux normes (ce qui a tout de même donné lieu à l'instruction "Redemptionis Sacramentum" en 2004 validée par Jean-Paul II) c'est laisser la communauté se séparer de l'Eglise dans sa prière et dans l'expression de sa foi (=la liturgie).
Or on remarque combien de nos jours il est difficile de faire entendre le discours du respect des normes liturgiques, et de ne pas être jugé fondamentaliste ou pharisien lorsqu'on le fait.
Pourtant il faut être cohérent comme le dit PP : accepter tout le Credo sans rien y retrancher.
Le Credo implique l'ouverture aux autres. D'ailleurs "Ite missa est" veut dire "Allez c'est la mission". C'est donc une invitation à l'ouverture aux autres et non un simple envoi dans la paix du Christ, paix qui ne se pose que sur nous dans la formulation officielle francophone !
Écrit par : Boris | 04/09/2007
@ Boris
> Etre pour la tradition, pour les règles, pour l'interprétation traditionnelle de l'Ecriture, rappeler des textes fondamentaux, ne fera pas de vous un "fondamentaliste", un "intégriste", ce qui fera de vous un "intégriste" c'est de ne pas le faire en restant humble, c'est de le faire en humiliant votre interlocuteur, en le lassant, en le provoquant.
Car il est de foi que nos esprits peuvent accéder à la vérité, vous pouvez donc affirmer.
Il existe des fondamentalistes athées, communistes, anarchistes, cela peut les conduire à l'assassinat (ce qui n'est pas le cas des "intégristes" catholiques) ; ce n'est pas l'opinion qui fait le fondamentaliste, c'est la mentalité.
Quant au "pharisaisme" et aux "pharisiens", comme le fait observer le P. Cantalamessa, il faudrait faire sortir de l'ombre les qualités qu'ont eu les pharisiens auxquels l'humanité doit beaucoup (Notre-Seigneur Lui-même recommande des les "écouter"). Même si certains et la plupart à la fin (mais pas tous), étaient devenus odieux à force de scrupules, de conseils parfois absurdes et de suffisance.
Écrit par : Denis Merlin | 04/09/2007
SEPARATION ?
> Je ne saisis pas bien de quelle séparation on parle.
Nous le sommes par la force des choses en France quand on constate combien la religion catholique y est souvent marginalisée. Ce blog souligne assez souvent les anecdotes qui reflète le rejet que nous inspirons.
L'essentiel est d'aimer son prochain. C'est difficile de le faire sans le fréquenter (même s'il existe le cas particulier des ordres érémitiques pour me contredire).
Écrit par : Qwyzyx | 04/09/2007
@ Boris
> Je suis d'accord avec tout ce que vous dites, sauf votre conclusion qui me paraît à côté.
La formule latine "Ite, missa est", qui a donné son nom à la "messe" et que l’on pourrait traduire : "Allez, le renvoi est fait" ou "Allez, le congé vous est donné", avait une simple fonction de renvoi de l’assemblée.
La formule française de l'envoi : "Allez dans la paix du Christ", formule présente dans les Constitutions Apostoliques et empruntée aux Eglises d'Orient ("Allez en paix") et à la liturgie ambrosienne ("Procedamus in pace"), et qui n'est pas propre à la seule édition francophone, est singulièrement plus riche, il me semble !
Elle trouve d'ailleurs sa source dans les formulations pauliniennes : "Que, dans vos coeurs, règne la paix du Christ à laquelle vous avez été appelés pour former en lui un seul corps." (Colossiens 3, 15)
Il ne s'agit bien sûr pas de garder cette paix pour soi, mais de vivre dans la joie, dans l'action de grâce et dans la paix du Christ pour la transmettre.
Écrit par : Michel de Guibert | 04/09/2007
COMMENT POURRIONS-NOUS ?
> "A la vue des foules il en eut pitié, car ces gens étaient las et prostrés comme des brebis qui n'ont pas de berger" Mt 9, 36
Nous qui savons que le Christ aime tout les hommes, qui nous savons aimés, nous pouvons nous appuyer en permanence sur cet amour pour vivre. Mais les autres enfants de Dieu, qui ne le savent pas ou le refusent, comment pourrions nous nous séparer d'eux. Nos frères qui ont besoin de l'Amour de Dieu comme nous mais qui ne le sollicitent pas, accablés par les épreuves de la vie comme nous mais qui ne prennent pas force en Dieu pour les traverser?
Comment abandonner son frère qui meurt de soif, ne sais pas qui a de l'eau ou refuse de boire alors que nous savons où est la Source d'Eau Vive?! Source qui nous a été montrer pas d'autre frères qui l'a connaissaient avant nous, alors que nous même étions peut etre gravement déshydraté, refusant de boire jusqu'à que nous choisissons la Vie.
L'isolationnisme religieux est antinomie de l'Evangile.
Écrit par : Frederic | 04/09/2007
@ Boris,
> Sans nier l'importance des codes et des documents que vous citez, je crois important de rappeler et de proclamer aux oreilles des sages et des savants que la seule liturgie qui compte aux yeux de Dieu, c'est celle qui émane de l'action de l'Esprit Saint dans le coeur et l'âme des croyants.
Laissez-moi témoigner du fait que le Seigneur m'a saisi et converti dans un contexte propre à épouvanter le premier col romain venu: messes "jeunes" type "pseudo-esprit du concile" gratinés des pires abus liturgiques à vous retourner le coeur. Aujourd'hui je ne pourrais plus assister à "ça". Oui, aujourd'hui j'aime fréquenter le milieu des cols romains, où je me sens chez moi, liturgiquement parlant. Mais pourtant, c'est bien dans ce milieu pauvre et désolé, déboussolé, des messes de jeunes "créatives" que j'ai rencontré Dieu et qu'il ne m'a plus lâché. Quel autre moyen aurait-il eu pour me parler, si je n'avais pas été d'abord accroché par ce spectacle peu ragoûtant? Enigme. C'est pas en ce temps là que j'aurais fréquenté une messe en surplis, c'est certain.
D'autre part, il m'arrive aujourd'hui de prier avec des croyants d'autres dénominations chrétiennes! Les formes liturgiques de notre prière collective sont bien pauvres, il faut le dire. Cela n'empêche pas le Christ d'être présent au milieu de nous, qui nous réunissons en son nom. Et si ce n'est pas une part de l'Eglise qui prie à travers nous, qu'est-ce donc?
Si l'Eglise catholique possède la plénitude de la Vérité et bénéficie des formes les plus parfaites dans l'expression de sa foi et du culte dû à Dieu (c'est là ce que je crois, sans rire du tout) il ne faudrait pas pour autant figer trop les choses et confondre la forme avec l'essentiel. l'Amour, la vie divine en nous. Et celle-ci ne grandit que dans l'humilité et le non jugement (ne regarde pas trop la paille de ton voisin mais plutôt de la poutre qui entrave ton regard, me redis sans cesse l'Evangile..) J'en ai la certitude: Dieu ne regarde pas beaucoup les formes. Si j'ose cela: il s'en tape un peu. J'aurais beau connaître par coeur et observer à la lettre toutes les rubriques et tous les documents romains publiés depuis 2000 ans, si je n'ai pas l'Amour, je ne suis qu'airain qui sonne...
Écrit par : Philippe M | 06/09/2007
NON NEGOCIABLE
> Une dernière chose (c'est promis, c'est la dernière sur ce thème): la liberté d'éducation est un point non négociable selon Benoit XVI. Où est cette liberté si il y a les mêmes programmes, les mêmes méthodes et les mêmes professeurs dans le public et dans le privé?
Écrit par : vf | 06/09/2007
GHETTOS CATHO : ANTI-TRADITION
> Les ghettos cathos sont totalement contraire à la Tradition : "Nous autres, chrétiens, nous ne vivons pas à l'écart du monde. Nous fréquentons, forum, bains, ateliers, boutiques, marchés, places publiques. Nous faisons les métiers de marin, de soldat, de cultivateur, de négociant." (Tertullien)
Écrit par : Lionel | 17/09/2007
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