27/08/2007
Débat (2) : quelle place pour la nation dans une vision chrétienne du monde ?
Premiers avis (lire aussi les commentaires à la note 1) :
De Philippe Devred :
<< Les lectures liturgiques de ce dimanche apportent un début de réponse :
Isaïe 66, 18-21 / « Je viens rassembler les hommes de toute nation et de tout langage ». Ce qui veut dire transcender les différences, non les abolir. D’ailleurs c’est Dieu lui-même, selon la Genèse, qui a institués ces différences : cf. l’histoire de la dispersion de Babel.
Psaume 116, 1-2 / « Louez le Seigneur, tous les peuples. Fêtez-le, tous les pays ! ». Même idée : la notion de peuples et de pays, mais unis dans une même adoration.
Lc 13,29 / « Alors on viendra de l’Orient et de l’Occident, du Nord et du Midi, prendre place au festin dans le Royaume de Dieu ». C’est toujours la même idée.
Claude Tresmontant avait un côté systématique qui lui faisait assimiler la solidarité entre compatriotes au cerveau reptilien, et l’universalisme au néocortex. Ce qui est un petit peu court comme analogie ! Heureusement, il faisait mieux dans d’autres domaines. >>
De Marie-Pierre Joly :
<< Rejeter une communauté humaine comme la nation, c’est tomber dans un spiritualisme qui n’appartient pas à la pensée catholique. >>
En sens contraire
D’Armel Le Du :
<< Au nom du catholicisme "national", on a justifié (en grand autrefois, en petit aujourd’hui) des complaisances désastreuses envers le paganisme de la Realpolitik. « Limitation de Jésus-Christ », disait sévèrement Mauriac. Les curés bénissant la viande à canon dans le grand suicide collectif de 14-18. Le général de Castelnau avec son ordre du jour Non nobis Domine, sed nomini tuo da gloriam, comme si la gloire de Dieu avait à voir avec l’entrétripage du poilu et du landser ! >>
De Sibylle Oriol :
<< L’erreur est de confondre message chrétien et culture nationale. La foi chrétienne est certes née dans la culture juive, grecque, latine, mais elle est une puissance d’innovation dans toutes les cultures, qui produit des effets différents à toutes les époques et en tous lieux. Si on ne croit pas cela et que l’on n’est pas prêt à une Eglise déseuropéanisée où domineront les pays du Sud, est-on catholique ? Je ne crois pas. >>
00:25 Publié dans Idées | Lien permanent | Commentaires (22) | Tags : nation, religion, christianisme, catholicisme, Tresmontant
Commentaires
LA DOULCE
> A Armel: Je crains que vous ne fassiez fausse route si vous poursuivez votre raisonnement, pour la raison suivante: vous ne semblez pas distinguer "nation" de "nationalisme révolutionnaire"
Quels points communs voyez-vous en effet entre "France la Doulce" et "mugir ces féroces soldats"?
Pour répondre enfin au Débat (I): les analystes sérieux (par. ex. Marcel Gauchet, Pierre Manent, H. Védrine ou Samy Cohen) ne pensent pas que la nation soit une forme politique qui appartienne au passé. Au contraire...(cf: 'La Raison des nations', de Pierre Manent). Il n'y a que qlq catholiques spiritualistes ou apolitiques forcenés pour penser une chose pareille.
Écrit par : Greg. | 27/08/2007
LES BAPTISER
> Le Christ ne demandait-il pas aux apôtres de baptiser les nations? Ce qui est anti-chrétien, c'est le nouveau paganisme qui consiste à sacraliser la nation. Paganisme qui remonte à la philosophie des lumières appliquée par la révolution française, notament en en faisant un nouveau corps mystique d'où est issu le pouvoir politique légitime. Cependant, nombre d'historien (Legoff par exemple) font remonter le sentiment national français, à la guerre de cent ans, donc bien avant le XVIIIE et ses théorie fumeuses. Maintenant, j'ai une question: qu'est-ce qu'une nation? Avant de s'étriper (au figuré bien sur) là-dessus, il faudrait peut-être savoir de quoi l'on parle. Est-ce un peuple qui à une langue, une culture, une religion commune? Alors cela pose un problème pour la France car la Corse, la Bretagne, le Pays Basque sont-ils français? La définition républicaine (adhésion à un pacte social commun)n'est pas non plus valable car du coup, quid des cultures différentes? Personellement, j'y réfléchi depuis des années sans réponse car je suis Corse (de la diaspora) et j'aime ce que j'appelle mon Pays (mon île), mais je suis aussi français par ce que j'ai reçu de la France. A notre époque, il est impossible de conciler les deux. On me somme de choisir dans toutes les discussions que j'ai sur ce sujet. c'était plus simple sous LouisXV, Corse et sujet du roi de France et c'était réglé (du moins pour les francophiles!). Tout ceci pour dire quoi? Que c'est un problème moderne en France. C'est un problème d'identité et de vision politique. A mon sens, le Christ n'est pas plus venu abolir les nations que la famille. Au royaume des cieux, il n'y aura plus de couleur, de nation, etc. Etre chrétien ne change rien à notre culture, notre patrimoine et je me demande si ceux qui prônent l'abolition des nations ne cherchent pas à justifier une mondialisation qui n'a pas de sens? Tentent-ils de lui donner un sens chrétien pour cela?
Écrit par : VF | 27/08/2007
CULTURE N'EST PAS NATION
> Remettre en cause l'idée d'Etat-nation n'est pas vouloir son abolition. Il s'agit surtout d'éveiller les consciences et l'esprit critique par rapport à une notion qui présente l'inconvénient majeur de les niveler.
La culture et l'Etat-nation ne sont pas la même chose. La notion d'Etat-nation n'est pas culturelle, elle peut s'affirmer en dehors de toute culture (cf. les arts dans les Etats totalitaires, la télé dans les pays occidentaux). Et la culture est indépendante d'idée de la Nation (Cf. le courant humaniste : Thomas More, Erasme).
A ce titre, le christianisme est un courant anational comme le prouve son développement et son implantation.
Le problème de la mondialisation est sa connotation économique et financière (globalisation, délocalisation, etc.). Le chrétien n'est pas macro-économique, ni libéral, ... Il peut concevoir un monde dans lequel il voit en chaque homme son prochain sans lui demander son passeport.
Écrit par : Qwyzyx | 27/08/2007
A VF:
> Je suis parfaitement d'accord avec votre analyse. La nation depuis la seconde moitié du XVIIIe siècle a pris une acception assez totalitaire, et sa prétention de "nouveau corps mystique" me fait furieusement penser à l'antéchrist.
Pour une appréhension chrétienne de ce problème, j'en profite pour conseiller ces articles de Cavanaugh, qui sont excellents:
http://www.catho-theo.net/Les-liturgies-de-l-Eglise-et-de-l
http://www.catho-theo.net/L-Eglise
http://www.catho-theo.net/La-theologie-publique-est-elle
Écrit par : Blaise | 27/08/2007
PATRIE ET NATION
> Il me semble que le pape Jean-Paul II (dans Mémoire et Identité) fait la distinction entre la notion de "nation", idole construite au XVIIIème siècle et celle de "patrie", qui se définit comme ce qui est transmis par nos pères. Au-delà de la connotation vichyste, la notion de patrie me paraît plus conciliable avec notre foi: la patrie comme « dépôt » de nos familles, cela me plait assez !
Écrit par : Thibault | 27/08/2007
Holà les enfants!!
> La nation n'a rien de totalitaire en soi.
Ce terme désigne seulement une communauté politique dont le ciment est la "Philia", l'amitié politique... En gros, ce serait un jardin plutôt qu'un blockhaus ou un building.
Rien d'anti-catholique là-dedans bien entendu.
Dois-je préciser que l'Eglise délivre un message a-politique, et que si elle s'en occupe, ce n'est que de façon indirecte sauf s'il sagit de donner des bornes au politique (Mgr von Galen par ex.)?
A Thibault: je constate que vous vous débrouillez tant bien que mal ds le monde des concepts; tout y passe: Vichy, JP2 ou les Lumières. JP2 n'a jamias rejeté le substantif "nation", ou citez moi le passage de votre singulière édition. Il recommande juste de mettre la nation à la place qu'il lui convient, sans idéologie ni hubris.
Pour mémoire: la nation n'est que la "face" politique de la communauté, la patrie étant le côté culturel.
See you.
Écrit par : Greg. | 27/08/2007
@ Qwyzyx et aux autres
> Le christianisme n'est pas "un courant anational", mais il est universel, donc trans-national.
Ce n'est pas la même chose.
Nous sommes à peu près tous d'accord pour ne pas "sacraliser" la nation, ce qui serait de l'idolâtrie et a conduit aux pires horreurs et désastres.
Pour autant, le christianisme n'est pas non plus "an-historique", car fondé sur l'événement inouï de l'Incarnation de notre Dieu, et il serait téméraire de mépriser nos patries charnelles, lieux parmi d'autres communautés de nos enracinements.
Dans une telle conception, les frontières ne sont pas des barrières pour séparer les peuples, mais les limites nécessaires pour construire une identité incarnée et pouvoir aimer les autres peuples en les respectant, loin du désir fusionnel qui empêche toute relation d'altérité...
Écrit par : Michel de Guibert | 28/08/2007
LUMIÈRES ?
> Constitution du 26 août 1789, article 3:
"Le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la nation; nul corps, nul individu ne peut exercer d'autorité qui n'en émane expressément."
Constitution du 3 septembre 1791, article 1er:
"La souveraineté est une, indivisible, inaliénable et imprescriptible. Elle appartient à la nation; aucune section du peuple ni aucun individu ne peut s'en attribuer l'exercice."
Si après ça la nation n'est pas totalitaire, que dois-je penser? Mais je précise: ce qui est en question c'est la nation moderne, autrement dit la nation-Etat. Ce que nous attaquons, c'est cette conception absolue de la nation qui apparaît vraiment sous Louis XV. Cette nation-là se considère comme le seul corps social véritable, constitué d'individus. C'est pourquoi la loi Le Chapelier a supprimé en 1791 toutes les Corporations (enlevant aux ouvriers les protections dont ils bénéficiaient jusqu'alors). Et la Constitution civile du clergé, en 1790, suit la même logique.
Non, Jean-Paul II n'a jamais défendu une telle conception. Il n'acceptait pas tels quels les concepts mijotés par la modernité. Il savait être critique. Lorsqu'il s'est opposé à la guerre d'Irak, que faisait-il sinon d'exhorter les catholiques américains à s'opposer à la décision du chef de l'Etat (élu par la volonté de la nation, ne l'oublions pas)?
Écrit par : Blaise | 28/08/2007
CONCEPT AMBIGU
> Il ne faut pas instituer une querelle de mots. Il vaut mieux savoir ce que les mots représentent.
Le concept de "nation" dans la Bible et sous l'Ancien Régime est un concept qui vient de "naissance". Il s'agit d'un groupement de familles ayant une naissance (des ancêtres communs)
Ainsi sous l'Ancien Régime on parle, paraît-il de nation corse, de nation provençale, de nation bretonne, de nation limousine, de nation picarde etc. La France est envisagée comme un groupement de nations sous l'autorité d'une famille (les Capet) qui les protège et les dirige, arbitre.
La Révolution va garder le mot et changer ce qu'il désigne. La "Nation" n'est plus une communauté de naissance, mais une commune volonté de vivre ensemble, selon un projet culturel plus ou moins arbitraire. Il n'existe plus de "nations" locales légitimes (la nation est "une")
Bien sûr la déclaration des droits de l'homme du 26 août 1789 contient en germe les totalitarismes (merci à Blaise) du XXe siècle. Il faut modifier cette déclaration très dangereuse sur plusieurs points et garder les disposition valables.
Selon la citation de Blaise il n'existe plus d'autorité (même celle des parents sur les enfants) qu'à condition qu'il soit d'accord avec le projet culturel "national".
Le premier travail de la Révolution a été de subvertir le sens du mot "nation". Il en résulte que le concept de "nation" est devenu ambigu et que sans une clarification préalable tout débat devient impossible.
Écrit par : Denis Merlin | 28/08/2007
FRANCE ET TURQUIE
> Je ne trouve pas que l'identité nationale où les frontières favorisent la compréhension mutuelle.
Il est d'ailleurs frappant que les deux pays qui s'opposent le plus a/s de l'intégration européenne aujourd'hui soient les deux qui ont le plus développé l'Etat Nation moderne et la laïcité hérités des Lumières : la France et la Turquie.
Cela prouve que l'Etat nation, réceptacle ou fondement de l'altérité nécessaire aux rapprochements des peuples, n'est pas capable de faire s'entendre entre eux deux peuples inspirés par la même idéologie.
La solution n'est pas de s'opposer à ce principe, qui le pourrait ? Simplement faire savoir qu'on n'y adhère pas, qu'on se place sur un autre plan, moins réducteur, moins égoïste.
Écrit par : Qwyzyx | 28/08/2007
A l'ami Blaise
> Blaise fait montre d'une cécité peu commune.
Il ne paraît pas distinguer les deux acceptions opposées du terme de nation. Je partage son opposition à la nation défendue par les soldats de l'An II, mais enfin, il est très exagéré de mettre sur le dos de la nation la responsabilité du totalitarisme: c'est un raisonnement fallacieux qui part d'une bonne intention.
A vous qui parlez des Lumières, je me permets de vous recommander la lecture des "Deux Patries" (DMM) du dix-huitièmiste Jean de Viguerie: il nous livre une grande reflexion sur ces notions de patrie et de nation bien utile pour reconstruire la citée chrétienne. Le titre devrait vous interpeller!
A Thibault, JPII a écrit qlq part "gardez vos nations comme une chose très précieuse". Je le cite de mémoire mais vous en donnerai la source qd l'aurai retrouvée.
Méditez les paroles du vieux pontif polonais dont la nation fut une grande victime des empires...
Écrit par : Greg. | 28/08/2007
PS: toute discution devrait commencer par un travail de définition. Vous reconnaissez sans difficulté le verbe naître dans ce terme de nation: c'est en effet la communauté dans laquelle on est né et vis à vis de laquelle on a des obligations. Tout simplement.
Écrit par : Greg. | 28/08/2007
@ Qwyzyx:
> un peu de réalisme s'il vous plaît. Les Etats sont là. Qu'on le regrette ou qu'on s'en félicite, ça ne change rien au problème, le monde sera toujours fragmenté en un certain nombre de communautés; je trouve que c'est une excellente chose car si l'humanité était unifiée en une seule politéia, malheur aux déviants ou aux indépendantistes (!): ils seraient à proprement parler mis au ban de l'humanité, ennemis absolus. No way to escape, pas de frontière pour les acceuilir.
Malheureusement pour vous, tant que l'homme sera homme , il sera zoon politikon, appartiendra à des communautés distinctes pouvant s'opposer les unes aux autres. La guerre est, sachez le, le critère du politique.
Écrit par : Greg. | 28/08/2007
"FORMER NATION"
> C'est un sujet intéressant mais difficile. Je me lance sous toute réserve. (mais je ne suis pas sûr d'être au niveau)
Si l'on adopte une vision "en poupée russe", alors on va dire : "ma famille/:ma nation/ ma religion" ou bien "ma famille/ma religion/ma nation". On rentre très vite alors dans une logique théocratique ou césarienne, qui me parait destructrice à terme de la foi chrétienne (cf tous ces évêques de l'ancien régime, dont les principales qualités étaient politiques et qui ont une part de responsabilité tant dans la Réforme que dans la Révolution). Il faut donc renoncer à la logique des poupées russes.
Bien sûr la religion transcende les nations, de même qu'elle transcende aussi les familles (cf passages évangéliques connus). Cependant le Christianisme reconnait les nations et ne cherche pas à les détruire. (à la différence de l'Islam). Il n'est pas indifférent que ce soit la papauté qui ait permis aux nations hongroises et polonaises d'exister (et non d'être phagocitées par l'Empire, ce qui était pourtant son intérêt à court terme). La nation a son rôle a jouer. Le tout est de le préciser et d'identifier son essence., sans se laisser enfermer dans des conceptions trop "franco-françaises".
Le christianisme est une religion de l'incarnation, ce n'est ni une gnose aveuglée, ni un dualisme.dénonciateur La création est bonne, mais l'homme est moralement blessé en l'absence de la grâce dont l'acceptation est individuelle. .Le rôle de la nation me parait être politique. Le domaine politique n'est pas sans relation avec le domaine de la foi, ne serait-ce que par le rôle que joue la morale objective dans la détermination des lois positives. Il a cependant sa juste autonomie. La société politique ne peut pas, selon moi, se fonder uniquement sur une acceptation rationnelle de principes "constitutionnels", conjuguée à une approche économique de services échangés entre les individus. Il y a plus ! Une dimension culturelle et disons-le "mystique" !
Le lien national procède de la Charité. Il est si l'on veut une propédeutique ou un reflet naturel de la foi. Parce que son rôle est politique , le sentiment national s'appuie nécessairement sur le territoire. Je n'est pas besoin de former nation avec quelqu'un qui habite à 20 000 km de moi. J'en ai par contre besoin avec mon voisin de palier, si je suis malade, pour la sauvegarde de mes enfants, en cas d'incendie, d'épidémie. Bien sûr je pourrais dire "je suis humain et cela me suffit". Nous avons pourtant besoin d'une charité plus intense avec notre voisin, notre "prochain", quelqu'il soit. Car trop facilement nos convoitises et colères se revêtent d'une pseudo-charité avec un lointain que nous ignorons. Ou au contraire le souci de notre famille , a fortiori de nous même, crée un décalage trop fort avec cet autre où se lit pourtant le visage du Christ.
D'où le thème du passé commun et de l'avenir commun, qui fondent le sentiment national authentique. Une nation amène donc ses membres à revendiquer comme leur, le passé de la terre. Ce passé peut être religieux et doit alors être revendiqué en tant que tel, mais il ne doit pas être confondu avec le sentiment religieux propre des individus. De toute façon, le passé de toute terre est suffisamment divers et contradictoire, pour ne pas enfermer ceux qui le revendiquent dans une pensée, une idéologie ou une religiosité étroite.
Certes ce sentiment national est un peu mythique,. mais l'idée d'une "solidarité humaine générale" est trop abstraite ... Le "post-national" actuel est un synonyme de "néo-esclavagisme autiste".
Je suis désolé de constater que sur ce point je suis en opposition totale avec Qwyzyx, que j'ai pourtant appris à apprécier..
Écrit par : julius | 29/08/2007
BIBLE ET "NATIONS"
> Comme l'ont dit plusieurs intervenants, il faut définir clairement les mots si l'on veut se comprendre et éviter les contresens.
Quand la Bible parle de "nations", elle parle aussi bien de "familles", de "tribus", de "clans" de "peuples", dans le sens étymologique de "naissance" comme l'a fait remarquer justement Denis Merlin plus haut et certainement pas dans le sens dévié qui érige la nation en valeur sacrée et qu a abouti aux nationalismes.
C’est bien le sens de l’annonce faite à Abraham (Genèse 12, 3) qui trouve diverses traductions : "Par toi se béniront toutes les familles de la terre." (Bible hébraïque) ou "En toi seront bénies toutes les familles de la terre !" (Septante).
Jérémie reprend cette bénédiction en employant le mot "nation" en place du mot "famille" : "Alors les nations entreront dans la bénédiction de Dieu" (Jérémie 4, 2).
St Paul cite cette bénédiction des fils d'Abraham avec la traduction des Septante, mais également en remplaçant "familles" par "nations" : ""En toi seront bénies toutes les nations de la terre !" (Galates 3, 8).
St Luc cite aussi cette même bénédiction, mais cette fois avec le mot "familles" (Actes 3, 25).
On voit bien que les termes de "familles" et de "nations" sont superposables pour nos auteurs.
Cela rejoint la définition de la nation faite ailleurs par le même intervenant comme une "famille de familles".
Michel de Guibert
[De PP à MG - Pour être tout à fait exacts, ajoutons que le mot "nations", dans nos traductions de la Bible, traduit l'hébreu "goyîm" qui veut dire simplement : "les autres peuples" (ceux qui ne suivent pas la Thora). Mais, pour les prophètes et les psalmistes, cette distinction n'est pas à prendre dans un sens exclusif : YHWH laisse entendre que toutes les "nations" viendront à Lui. Quand le psaume 109 dit "tu es prêtre pour l'éternité selon l'ordre de Melchisédech", il faut se souvenir que ce personnage biblique est un "goy" - ou en tout cas n'est pas un "juif" (il ne fait pas partie du clan d'Abraham). Un germe d'universalisme existe donc dans l'Ecriture dès la première Alliance. Et selon les chrétiens, c'est au Christ, prophétiquement, que le psaume fait dire par Dieu : "Tu es prêtre pour l'éternité selon l'ordre de Melchisédech". Etc.]
Cette réponse s'adresse au commentaire
Écrit par : Michel de Guibert | 29/08/2007
VERSION CORRIGEE
> Pensez-vous que le Ciel est lui aussi divisé en nations? Je vois bien le douanier céleste nous accueillir (enfin les sauvés d'entre vous) d'un accueillant:
"Bienvenu au Paradis, ici c'est l'étage des Français, montrez vos papiers, on va vous installer. Car c'est selon. Entendons-nous sur le terme nation! Ici il y a le quartier des Bretons et le quartier des Corses, le quartier des Auvergnats et le quartier des Basques (un demi-étage, à dire vrai, entre la France et l'Espagne), etc. Il y a même un quartier Francilien! Ah! vous ne les avez pas sur vous, vos papiers? Il va falloir qu'on vous reconduise..."
Si je trouve assez amusant la justification du nationalisme par citation des prophètes de la Bible, je dois également dire qu'il me semblerait dangereux de militer pour la disparition pure et simple d'un facteur de reconnaissance et liant identitaire à échelle humaine, rôles joués à merveille par la nation moderne, lorsqu'elle ne se pare pas elle-même d'attributs sacrés et absolutistes.
En effet, ce qui attaque la nation aujourd'hui, c'est le libéralisme mondialiste. Et cet ennemi du genre humain est encore pire que le nationalisme de grand papa, en beaucoup plus sournois. L'alliance entre le mercantilisme sans frontière et le relativisme des valeurs a un effet dévastateur que l'on pourrait facilement comparer au dragon de l'Apocalypse, comme l'a récemment fait Benoît XVI lors d'une homélie.
Écrit par : Philippe M | 29/08/2007
Lu un texte sur ce blog-ci qui peut clore utilement botre discussion:
royalartillerie.blogspot.com
Écrit par : Greg. | 29/08/2007
DRAGON
> Je ne sais pas si l'ère du Verseau est à venir, mais le "dragon de l'Apocalypse" est bien dans notre ciel. Et il continue en effet à la puissance grand V le saccage entrepris par l'Etat-nation.
Il y a d'ailleurs un rapport organique entre ces deux phénomènes. C'est ce que souligne Cavanaugh dans "Eucharistie et Mondialisation" :
« En signant les traités du GATT et de l'ALENA, les Etats-nations ont volontairement renoncé à leur souveraineté. Mais ce sacrifice, en apparence incompréhensible, ne signifie pas la fin du projet de domination étatique; il marque au contraire le moment de sa plus grande extension dans l'espace. L'Etat-nation avait libéré le commerce des "interventions" de la coutume locale, et lié les hommes entre eux grâce à l'établissement de systèmes juridiques et monétaires standardisés. Aujourd'hui, au terme de ce processus, c'est au tour du marché mondial de s'affranchir de l'Etat-nation, qui apparaît désormais comme la dernière attache locale entravant le flux universel du capital. »
Écrit par : Blaise | 30/08/2007
@ Blaise
> Bien que tout à fait attaché aux traditions, aux nations surtout aux petites, bien que j'aime son pays et sa culture, je ne pense pas que la mondialisation soit à rejeter.
Elle permet une réunification de la famille humaine. Elle rend les guerres plus difficiles. Elle favorise l'amitié entre les peuples.
Il aurait fallu, il faut parallèlement à la mondialisation du commerce une mondialisation des droits de l'homme, une mondialisation du droit du travail (égalité des salaires et des conditions de travail dans le monde entier).
Il n'y a aucun mal au "flux universel du capital" s'il reste honnête et permet le progrès de l'humanité.
Écrit par : Denis Merlin | 30/08/2007
@ Julius
Je vous ai lu avec beaucoup d'attention.
Je préfère le respect de la personne humaine à la théorie des droits de l'homme qui est à peu près bafouée partout sur la planète, y compris en France, même si je suis passionné de droits de l'homme et que je les défends.
Je préfère l'amour du prochain à la solidarité, qui n'est souvent utilisé que pour se donner bonne conscience une fois de temps en temps ou qui permet d'évacuer un problème : la solidarité nationale par exemple de la loi Perruche. Qui l'a rencontrée ?
Je préfère l'identité des gens et des peuples à l'Etat-Nation. Quelque soit la distance, j'ai toujours trouvé des gens aimables pour m'aider et m'accueillir, malgré la différence de langue et le fait qu'ils pouvaient finalement n'avoir rien à faire de moi, l'étranger.
Nous sommes français, allemand, rwandais, blanc, jaunes, noirs par le fait du hasard. L'Etat Nation se fonde en grande partie sur le hasard de la naissance. C'est le paradoxe de la politique de l'immigration où on donne plus de droit au hasard qu'au choix délibéré. C'est un peu comme si la politique sociale était fondée sur le LOTO. Tout ça au nom du principe national. A quelle conception de l'homme cela peut-il correspondre ? Il ne me semble pas que ce soit très chrétien.
Ces "machins" ont plus surement rempli des cimetières que des isoloirs. Lisez la lettre de Jean Blanchard :
http://www.grande-guerre.org/Articles/Vingre.htm
Je n'ai pas besoin de toutes ces mystifications idéologiques et historiques pour aimer la France et les Français et être heure de l'être moi même. J'estime toutefois nécessaire de savoir faire preuve d'esprit critique et de modération. Cela signifierait sinon qu'il ne s'agit que d'une entreprise d'infantilisation.
«Ne fais jamais rien contre ta conscience, même si l'Etat te le demande.» Einstein.
Écrit par : Qwyzyx | 30/08/2007
A Qwyzyx:
> moi aussi je préfère parle de peuples. Les mots nation ou état-nation (qui sont équivalent pour moi) veulent dire idéologie donc négation de l'homme et du réel. Par contre, je ne pense pas que nous sommes nés quelques part par hasard. Je crois en la providence et que Dieu nous fait naître en un temps et un lieu particulier dans une espérance précise. A nous d'y répondre ou pas. Mais nous sommes humain et l'affectif joue beaucoup. C'est pourquoi j'aime beaucoup l'idée de patrie: la terre des pères. La nation, qu'est-ce que c'est? La patrie me parle, pas la nation. Mais il ne faut pas confondre cette notion charnelle d'héritage et d'identité que l'on peut appeller nation ou patrie, c'est selon, avec le nationalisme qui est une idéologie païenne et mortifère. L'autre jour, je parlais de mon Laguiole qui me venait de mon grand-oncle. J'y tiens beaucoup parce que c'est une page d'Histoire et de souffrance familiale, que tous les Français ont connu et qui me fascinait enfant. Cet oncle avait fait les Dardanelles où il avait été blessé. Guéri, il participe à la Somme puis au Chemin des Dames. Il fait partie de ces millions de Français qui ont vécu et souffert le grand suicide de 14/18. Ce que j'en retiens c'est une grande abnégation et un mot: devoir. Mais, plus tard, je me suis demandé pourquoi? Quel devoir? Et en questionnant ma famille, j'ai découvert, après sa mort, que son devoir c'était d'abord sa famille, qu'il estimait en danger, puis son pays. Lui parlait peu. Finalement, il s'est battu, je pense, parce qu'il pensait que ceux qu'il aimait, puis sa liberté était en danger. Mais il ne s'est pas battu pour une idéologie. Notre guide c'est le Christ. A nous de ne pas céder aux sirènes idéologiques.
P.S: Pour l'anecdote, cher Patrice, il existe des Laguiole (artisanaux bien sur) dont la mouche n'est pas une abeille (ajout des années soixante) mais un trèfle.
Écrit par : VF | 30/08/2007
MONDIALISATION
> "Bien que tout à fait attaché aux traditions, aux nations surtout aux petites, bien que j'aime son pays et sa culture, je ne pense pas que la mondialisation soit à rejeter.
Elle permet une réunification de la famille humaine. Elle rend les guerres plus difficiles. Elle favorise l'amitié entre les peuples."
J'aimerais vous croire, vous avez une lecture positive de nos civilisations et de notre mondialisation, tant mieux pour vous. Je doute par contre qu'elle soit très réaliste. Peut-être habitez-vous au Nord, qui sait, et ne subissez pas les contre-coups de ce formidable mouvement qu'est la mondialisation et qui débuta avec l'industrialisation au début de la Renaissance et aboutit aujourd'hui à une situation mondiale moralement intenable pour n'importe quel observateur un peu attentif ?
"Il aurait fallu, il faut parallèlement à la mondialisation du commerce une mondialisation des droits de l'homme, une mondialisation du droit du travail (égalité des salaires et des conditions de travail dans le monde entier)."
L'un appelait l'autre, en effet, mais laisser entendre que c'est grâce à la révolution industrielle et au capitalisme que nous avons fondé une charte des droits de l'homme et etc. c'est un peu tirer par les cheveux, un peu facile et historiquement très réducteur.
"Il n'y a aucun mal au "flux universel du capital" s'il reste honnête et permet le progrès de l'humanité."
Oui vous avez raison avec plein de "si" le marché économique capitaliste est un système bienveillant, attentif à l'autre et qui permet à l'homme de développer pleinement ce qu'il est, en respect avec lui et ce qui l'entoure...
Écrit par : Le pti prince | 09/09/2007
Les commentaires sont fermés.