L'économie, le Sud, et le devoir des catholiques

Pourquoi l'Eglise DOIT s'occuper d'économie :

Le contradicteur dont parlait ma note du 18 juillet disait : « L’Eglise n’a pas à s’occuper d’économie ; l’économie, c’est l’intendance ». Inexact. En 2007, l’économie conditionne la vie quotidienne des êtres humains. Et l’Eglise catholique est une religion de l’incarnation, où le matériel et le spirituel sont inséparables. (Penser le contraire serait du gnosticisme !).

Or plus de la moitié de la population mondiale est formée de familles d’agriculteurs pauvres n’ayant aucun outil de production, ni même un animal de trait, et n’ayant en moyenne qu’un hectare à cultiver. Ils vendent ce qu’ils produisent moins cher que son coût de production : avec une perte de 30% à 50%. Et quand le cours de certaines matières premières augmente, cette hausse ne bénéficie pas au petit producteur…

« Ces producteurs isolés n’ont pas leur place dans le commerce international. L’import-export de produits agricoles et manufacturés ne s’adresse qu’à des structures productives importantes, et le petit producteur, s’il n’est pas intégré dans un groupement, n’a aucune chance d’avoir accès à ce marché à de bonnes conditions. Au niveau local, il est tributaire d’intermédiaires qui dominent le marché et fixent les prix sans égard pour le respect d’un prix minimum destiné à garantir un niveau de revenu décent pour le producteur et sa famille… Le pouvoir d’achat du producteur diminue d’année en année, le prix de la vie augmentant ; afin de sortir de leur isolement, et de leur situation sans espoir, sans débouchés pour leurs produits, donc sans avenir pour leurs enfants, ils émigrent vers les grandes villes. On sait ce qu’ils vont alors y rencontrer : une situation au moins aussi précaire, voire pire, dans les bidonvilles des mégapoles du Sud. » (Tristan Lecomte, Le commerce sera équitable, Eyrolles 2007).

Voilà pourquoi l’Eglise catholique s’oppose à tout ce qui pourrait entraver le développement équitable des pays pauvres. Et pourquoi beaucoup de chrétiens s’engagent dans le soutien aux réseaux du commerce équitable, qui est en train de réaliser une percée sur le marché  - y compris dans la grande distribution, ce qui est révolutionnaire. « Nourrir les affamés » et « vêtir ceux qui sont nus » n’est pas facultatif pour les catholiques : l’Evangile leur en fait un devoir ! Se dérober à ce devoir sous divers prétextes, ce serait du pharisaïsme. Ou tout simplement… de l’hérésie. Car le « social » ne s’oppose pas au « dogme », comme le prétendent les postchrétiens et les médias ; pas plus que le spirituel ne s’oppose au matériel, dans la théologie catholique. Au contraire : ils s’impliquent mutuellement.