19/07/2007
Motu proprio : pourquoi certains l'accueillent mal en France
En fait, ce n'est pas lui qui est visé. Explication :
Dans Le Monde du 17 juillet, un assez bref article se présente comme une « enquête » sur la façon dont les « prêtres de base » (?) perçoivent le Motu proprio.
Occasion, pour l'un des interviewés, de ressortir le vieux slogan des années 1970 : s'intéresser au problème liturgique, ce serait donner l'impression que l'Eglise « s'occupe plus d'elle-même que du monde ».
Venant d'un prêtre, cette affirmation est insolite.
QU'Y AURAIT-IL DE PLUS IMPORTANT ?
Le prêtre catholique existe essentiellement (sinon exclusivement) PAR et POUR l'eucharistie: « Vous ferez ceci en mémoire de moi ».
L'eucharistie s'exprime dans une liturgie.
S'intéresser au liturgique, c'est donc s'intéresser au coeur de la foi chrétienne (et du sacerdoce). On ne peut pas dire qu'en s'intéressant au liturgique, le prêtre « de base » (?) perdrait son temps et manquerait ainsi quelque chose - on ne sait quoi – de plus important.
Et pourtant, certains ont l'air de le dire...
Ils prolongent ainsi une lourde erreur, née dans les années 1970 et qui parasita la réforme liturgique. Une erreur si grave que Josef Ratzinger (et d'autres théologiens de Vatican II) l'ont dénoncée dès cette époque-là.
Cette erreur fut à l'origine de déraillements dans les Eglises d'Europe occidentale – notamment en France. Parmi ces déraillements : la désacralisation (la perte de sens manifesté) de liturgies paroissiales, dans de trop nombreux endroits, pendant trente ans.
UN NOUVEAU MOUVEMENT LITURGIQUE
C'est pour remédier à cette perte de sens (manifesté) que Josef Ratzinger appelait à un nouveau mouvement liturgique : perspective bien plus vaste que le Motu proprio du 7 juillet 2007, qui n'en est qu'un élément.
Les paroles de colère et d'aigreur contre cet élément, entendues en France, ont en fait une autre cible que le Motu proprio.
Elles s'opposent à l'idée du nouveau mouvement liturgique.
Elles affirment que tout va très bien ici sur le plan de la liturgie.
Elles disent à demi-mot que le pape n'y entend rien ; ce qui est assez ridicule de leur part.
Car tout ne va pas très bien en France sur le plan liturgique !
Je participais l'autre dimanche à une messe paroissiale en Bretagne Nord : c'était très sympathique et plein d'énergie ; les paroles des chants étaient irréprochables. D'ailleurs on a chanté tout le temps. On a tellement chanté, que l'action liturgique – celle du vénérable vieux prêtre à l'autel – était reléguée au second plan. Notre participatio était tellement actuosa que l'essentiel finissait par être noyé sous nos chants, comme dans un office anglican genre Barnaby... Pas une minute de recueillement.
Mais on sortait de là tout gaillard et content de soi.
C'est là le piège : une certaine façon de déformer la « forme ordinaire du rite », qui fait disparaître le rite et sa forme ; donc son sens.
Cette dissolution se fait sans erreurs théologiques exprimées. Sans attitudes déplacées. Mais en y réfléchissant après coup, on se rend compte d'une perte de substance pour les fidèles. Et si l'on en discute avec eux, on s'aperçoit qu'un bon nombre n'a qu'une notion très vague de ce qu'est l'eucharistie. Que ce soit avant ou après le concile Vatican II, la messe catholique semble avoir été - et être encore – fort mal comprise par les catholiques !
On voit l'urgence de ressaisir l'essentiel, et de cesser de raconter aux journalistes que ces questions sont sans importance.
00:00 Publié dans Témoignage évangélique | Lien permanent | Commentaires (18) | Tags : Benoit XVI, liturgie, Motu proprio, catholicisme, christianisme, messe
Commentaires
LE VENT
> Votre note est hélas pertinente. j'ai lu dans le journal local l'interview d'un jeune prêtre de notre diocèse : dans sa paroisse "tout va très bien", sa paroisse "est dans le vent" (sic), personne n'est concerné par le latin et si par hasard il y avait une demande venant d'"intégriste", comme il ne connait pas lui-même le latin, il faudra trouver un autre prêtre...
Écrit par : feildel MB | 19/07/2007
INTERPRETATION
> Le problème ne naît pas des textes mais de l'interprétation qui en a été faite. Certains s'accrochent - particulièrement en France - à une interprétation formaliste de Vatican II alors que c'en n'est pas le sens véritable ni n'était l'objectif.
L'essentiel - je pense - n'est pas dans le retournement de l'autel ni dans la langue employée, n'en déplaise aux adeptes de la francacophonie qui montrent ainsi combien s'est diffusé dans les esprits "le drame de l'humanisme athée".
Une telle réaction hostile contre le motu proprio s'inspire et nourrit l'opposition caractéristique de notre monde contemporain : celle qu'il y a à préférer le superficiel à l'essentiel, la forme au fond, la lettre à l'esprit, le matériel au spirituel, l'apparence à la conscience.
Les scandales que nous connaissons trouvent tous leurs causes dans le choix de la facilité plutôt que de la vérité. Ceux qui manifestent contre le motu proprio ne se rendent pas compte qu'ils font le jeu de ce discours destructeur des valeurs qui font justement la force et la beauté de la foi catholique.
Je pense que - c'est ainsi que je le ressens - le motu proprio ne fait que rappeler le sens véritable du concile par trop souvent déformé par une volonté - même si elle peut être généreuse à l'origine - de plaire. Cette tendance conduit malheureusement à la démagogie, et on est alors très loin de l'enseignement du Christ.
Il était donc normal - et prévisible - que le pape nous remette sur le chemin.
nb : Patrice, je vous signale un nouveau site, celui de "l'Etat du Vatican" (disitinct de celui du Saint Siège). Il donne des informations sur le fonctionnement de l'état du Vatican.
http://www.vaticanstate.va/FR/homepage.jsp
Écrit par : Qwyzyx | 19/07/2007
LE SENS
> oui, je suis d'accord:on a perdu le sens de la messe: oraison et action de grâces, intériorisation silencieuse du mystère et coopération du coeur, solennité et gravité collective, dimension pénitentielle, (apprentissage par coeur des textes par la lecture du missel, gestuelle corporelle et agenouillement, aussi)...ces aspects-là, me semble-t-il, restent quasiment absents des messes paroissiales de base..
Moi j'étais à la messe à SOLESMES, abbaye bénédictine qui, on le sait, a adopté la nouvelle liturgie: j' y ai retrouvé tous ces aspects dans un écrin de beauté...comme dans l'ancienne liturgie, avec des nuances ( plus de simplicité et d'accessibilité notamment).
Comme quoi, le problème serait effectivement de retrouver, au delà du rite, les fondamentaux permanents de la liturgie catholique tels qu' ils se sont affirmés progressivement dans l'histoire.
La platitude distraite, floue, infantile, superficielle, de la plupart des messes de paroisse est en train de tuer l' Eglise de FRANCE...oui..oui...Pères-évêques, pères, redonnez-nous la messe, c'est urgent.
j'avais 10 ans en 1970, ma génération a été sacrifiée, mes enfants ont entre 10 et 20 ans...c'est dur, ce sera bientôt trop tard...
Écrit par : Vicenzo | 19/07/2007
LE CHANT
> Certains prêtres affirment que seulement 3% des prêtres français savent ce qu'ils font lorsqu'ils célèbrent la messe quelque soit la forme (ordinaire ou extraordinaire).
Je pense que du coté des fidèles, le ratio est pire.
Personne ne sait ce qu'est la Messe réellement. C'est pour cela que l'on assiste à tant de déformation en nombre et en qualité.
Vous dites "Cette dissolution se fait sans erreurs théologiques exprimées". Je ne suis pas d'accord : les erreurs n'étaient peut-être pas verbales mais gestuelles, spirituelles, symboliques.
En fait, même si un chant est théologiquement correct sorti du contexte, il devient théologiquement incorrect pris avec son contexte si celui-ci est la Messe et que le chant n'est pas fait pour la Messe.
Exemple : en grégorien, aucun chant d'entrée ne reprend les phrases des lectures du jour. Le Concile demande à ce que le chant grégorien inspire toutes les autres formes musicales.
Ainsi, un chant inspiré d'une des lectures du jour et utilisé en chant d'entrée fait perdre la symbolique propre au chant d'entrée, qui est l'accueil du Christ dans les célébrants.
Sorti du contexte le chant est très bon, placé dans le contexte de la Messe en entrée, il est "horrible" et défigurant.
Il en va de même pour tous les symboles : ce n'est pas le tout de poser un symbole, mais il faut l'utiliser dans le sens que l'Eglise lui donne et non dans celui que nous voulons lui donner.
Jésus nous enseigne que mourir, c'est vivre. Il faut s'oublier soi-même pour laisser l'Esprit vivre en nous.
Il faut dans la Liturgie arrêter de penser à soi, son petit confort, ce qui nous fait plaisir pour chercher à faire la volonté divine transcrite dans l'enseignement du Magistère. Cela n'empêche pas d'y trouver du plaisir mais ce n'est pas ce qui y est recherché.
Là est toute la différence.
"Sursum corda" : laissons le monde matériel aux séculiers, aux relativistes, aux matérialistes et élevons nous dans la spiritualité !
Voila la manière de vivre la Liturgie. Pour nous y aider, nous utilisons un vocabulaire symbolique qui prend tous nos sens : encens, chant, gestes, couleurs, gout.
Mais en respectant la manière de les utiliser sous peine de ne pas délivrer le bon message.
Écrit par : Boris | 19/07/2007
JE LE REMERCIE
> Je suis à 100% d'accord avec vous. Le débat liturgique est à peine audible aujourd'hui en France (et dans la confédération du Rhin plus généralement) car il est depuis longtemps réduit à des crispations provoquées par des luttes intestines.
Avant même de débattre de la liturgie, il faudrait réapprendre ce qu'elle est profondément : le Ciel sur la Terre. Elle n'est donc pas le coeur d'un débat intellectuel et politique, mais théologique et doctrinal... liturgique tout simplement.
En expliquant en quelques mots simples la définition donnée par l'Eglise à travers le temps, en y ajoutant quelques exemples empruntés de la contemplation de la création, nous devrions trouver le chemin de l'échange simple et franc, authentiquement chrétien.
Enfin, il faut savoir garder humblement notre place sur toutes ces questions. 99, 99999 % des personnes ne sont pas liturgistes. Quelques notions sont certes à connaître pour saisir son importance. Mais dans l'ensemble, il nous faut commencer par faire acte d'humilité et de confiance en l'Eglise et au Saint-Père.
Rien que pour cela, je le remercie de la publication du Motu proprio.
Écrit par : Pierre G. | 19/07/2007
OUVERTURE
> J'ajouterais - si je puis me permettre après tout cet exposé -, qu'en se recentrant sur l'essentiel (et ce qui fait sa raison d'être, d'ailleurs), la Messe, justement et contre ce qu'en disent les aigris sus-cités, "s'ouvre au monde"...au bon sens du terme : si à l'occasion un ou une amie (soit plus du tout croyant, soit pas trop, soit plus ou moins déiste) assiste avec moi à une telle Messe, ils me disent trouver qu'effectivement, "on sent mieux qu'il se passe quelquechose", "c'est plus recueilli", "on voit mieux le sens". Parole de gentils !
Écrit par : ti'hamo | 19/07/2007
OBEISSANCE AFFECTUEUSE
> Le sens du sacré inerve tout le sens de la vie du plus mécréant des hommes au plus saint et donc la liturgie et encore plus profondément celle de la messe (la très sainte messe...) vivifie ou massacre le sens de la vie la plus ordinaire ou la plus quotidienne.
Le haut-parleur du saint-Père est fait de notre obéissance affectueuse, filiale, intelligente, stimulée par l'Esprit-Saint comme Marie qui médite, repasse, rumine, rapproche, compare, revit, revoie "toutes ces choses dans son coeur" - si l'on se veut vraiment chrétien de confession catholique !
MAIS c'est toujours la même histoire : l'invisible est premier, le visible est second et c'est le respect (fraternel? filial?) manifesté au second qui montre l'amour, la vénération, la passion que nous avons pour le premier.
Nul ne peut dire que les propos de Benoît XVI soient obscurs ; toutefois avant de comprendre il est nécessaire d'avoir la volonté de comprendre ou le coeur ouvert, d'être débarrassé de toutes les grilles ou cryptages imaginables.
Rien n'est impossible à Dieu mais sans la contribution de ses fils adoptifs il oeuvre au ralenti.
Que deviennent les âmes ?
Écrit par : Gérald | 20/07/2007
LE SENS DE LA MESSE
> Merci pour vos articles toujours pertinents. La messe en Bretagne comme ailleurs, beaucoup de paroissiens en méconnaissent le sens réel. Ils y assistent pourtant avec assiduité et il ne faut pas y toucher à leur messe (qui a sans doute bien changé), à leur curé qui ne connaît pas le latin ni peut être votre philosophie, mais qui anime si bien les réunions du rosaire (thé, biscuits et papotages), qui visite ses malades, râle sur son évêque, fustige les tradi et copine avec le pasteur du coin.
Oui, ils sont sincères charitables et plein de bonne volonté, les anciens qui assistent toujours à leur messe dominicale et le motu proprio a de quoi les inquiéter. Alors, il reste la patience du Magistère actuel, qui transmet la Tradition depuis 2 millénaires sans se soucier du magistère médiatique sans limite qui fait souvent plus de tort que de bien.
Ne fustigez donc pas trop ces messes qui sont de vraies messes parce que le prêtre est ordonné, il a promis, il a donné sa vie qui n'est pas une sinécure.
Prions pour nos prêtres, prions aussi pour de futurs prêtres. Ils sont les prêtres que nous méritons.
Charles
[De PP à C. - Bien d'accord avec vous. Et je ne "fustige" rien : je cherche simplement à voir pourquoi le pape Ratzinger juge urgent de rénover la liturgie ! Dire que tout va bien et que les fidèles sont parfaitement formés, c'est dire que le pape n'y connaît rien ; et c'est un peu léger.]
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Écrit par : Charles | 21/07/2007
LA MESSE
> "on s'aperçoit qu'un bon nombre n'a qu'une notion très vague de ce qu'est l'eucharistie... la messe catholique semble avoir été - et être encore – fort mal comprise par les catholiques !"
Mon Dieu, je te rends grâce de ce que je ne suis pas comme les autres hommes... Luc, 18, 11
Christine
[De PP à C. - Vous ne trouvez pas que vous y allez un peu fort ? Me traiter de pharisien parce que je fais simplement écho au souci de Josef Ratzinger, exprimé par lui depuis vingt-cinq ans? Si vous dites que tout va bien et que les fidèles sont instruits à souhait, vous faites mentir le pape, ce qui est tout de même un peu gros ! On a le droit d'être optimiste, mais pas jusqu'à la présomption.]
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Écrit par : Christine | 22/07/2007
UN DEBAT NECESSAIRE
> Votre prêtre de base post-soixante-huitard ignore-t-il que c'est le Concile Vatican II lui-même dans la déclaration sur la Sainte Liturgie qui affirmait : "La liturgie est le sommet auquel tend l'action de l'Eglise, et en même temps la source d'où découle toute sa vertu" (10).
Je suis en plein accord avec l'économie générale de votre texte ; néanmoins, j'exprimerai un désaccord sur un point.
Vous écrivez : "On a tellement chanté, que l'action liturgique – celle du vénérable vieux prêtre à l'autel – était reléguée au second plan".
Je crois que le chant, quand il s'agit vraiment de chant liturgique, a non seulement toute sa place mais qu'il fait partie intégrante de l'action liturgique.
Regardez les liturgies de nos frères d'Orient : la liturgie y est intégralement chantée, du début jusqu'à la fin, et ne me dites pas que cela nuit au recueillement ; c'est au contraire "le Ciel sur la terre" !
Je crois que nous avons à redécouvrir ce qu'est véritablement le chant liturgique et sa place essentielle dans la liturgie.
Loin des cantiques sans grand rapport avec la liturgie, il est avant tout résonance de la Parole de Dieu, laquelle pénètre ainsi dans les mémoires et dans les cœurs, et non expression de sentiments personnels ou subjectifs, car la liturgie nous est donnée, elle ne nous appartient pas !
Michel de Guibert
[De PP à MG - D'accord avec vous, bien entendu. Mais c'est une question de mesure. Si le chant de l'assistance et le rôle de l'animateur (ou animatrice) deviennent envahissants et relèguent l'autel au second plan, ça ne va plus. C'est un mal sous apparence de bien. Le sens même de la liturgie eucharistique est brouillé.]
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Écrit par : Michel de Guibert | 27/07/2007
UN DEBAT A TENIR
> Bonsoir,
en lisant votre article et l'intervention de Charles (en particulier), je trouve que cela illustre parfaitement la situation de la paroisse près de chez moi.
A l'église, le curé continuait dans les années 30 de monter en chaire pour assurer sa prédication. C'était parfois cocasse, tant il risquait de tomber dans son escalade! Mais les vieux qui voyaient davantage qu'ils n'entendaient, pouvaient comprendre à peu près... rien qu'en observant la mine et les gestes du curé. Seulement l'homme en noir vivait mal la situation: nombre des hommes du village ricanaient en sourdine au fond de l'église, et lui ne vivait qu'entouré de femmes en noir.
Charles cite les "réunions du rosaire (thé, biscuits et papotages)", il faudrait ajouter toutes les autres multiples réunions de la JAC, JOC jusqu'à la multitude de sigles hermétiques pour le grand public: MCR, etc. Pour ces meetings, le progrès était le micro: les années de "libération" éliminèrent les chaires sculptées, les tables de communion et il fut dit: "rapprochez-vous". Suivant cette confiance dans le progrès, nombre de personnes âgées préfèrent rester devant le poste de télévision... la messe y est "mieux", car on y voit mieux... ce qui dénonce de facto un grand éloignement sacramentel.
Et même si les chants sont bons, comme vous l'écrivez, il faut un animateur pour meubler afin de ne pas risquer le vide. Alors, assurément, il y a moins de détails visuels pour divertir l'oeil, moins de cadres ritualistes pour limiter la prière... mais l'homme qui n'est pas grand adepte de l'oraison intérieure risque fort de se lasser... tandis que l'homme fidèle au coeur à coeur avec Dieu aura du mal à se concentrer si la chorale est trop tonitruante.
La perfection n'est pas de ce monde. Je trouve cependant louable que ce débat puisse se tenir dans une atmosphère pacifiée.
Écrit par : Paulo | 28/07/2007
JUBILATION
> Je reviens sur votre réponse à mon commentaire.
Oui, le chant est envahissant et brouille le sens même de la liturgie eucharistique quand il est bavard et sans rapport avec l'action liturgique... ce qui est hélas trop souvent le cas !
Mais je maintiens qu'il a toute sa place au coeur même de l'action liturgique et favorise au contraire tant le recueillement que la jubilation quand il s'agit vraiment de chant liturgique parfaitement intégré à la liturgie.... comme je l'ai vu encore cet été à Sylvanès avec le Père André Gouzes !
Michel de Guibert
[De PP à MG - ...Et nous sommes entièrement d'accord sur ce principe, vous et moi. Avec le souci de rapprocher le principe de la réalité : améliorer le choix de ces chants, qui se résument parfois à un quasi-solo de l'animatrice... Quant à leur qualité, il faudrait que Sylvanès fasse plus école en France !]
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Écrit par : Michel de Guibert | 22/08/2007
LA QUESTION DES PROCHAINES ANNEES
> Je reviens de Bretagne (ou d'ailleurs, peu importe), dans une paroisse rurale dont la population décuple en été. La liturgie est d'une affligeante pauvreté, je dirais presque misérable. Ce n'est pas ici le lieu de dresser un catalogue, qui serait bien long. Ni de jeter la pierre. Chacun imagine qu'un prêtre âgé, devant desservir 15 ou 45 clochers, donc débordé, ne peut pas tout contrôler ni préparer lui même. Donc il délègue, les yeux fermés, à des laïcs qui préparent tout et n'importe quoi, qui décident de tout, et qui lui communiquent le "programme" alors qu'il passe en vitesse son aube dans la sacristie... Et c'est ainsi que nous avons des messes dont la moitié du texte est remplacé par des chants à la Akepsimas, fleurant bon le soixantehuitardisme militant, qui remplacent l'Agneau de Dieu par la paix, oui la paix...
Oui, il est vrai aussi comme me le disait un petit cousin responsable des enfants de choeur en milieu rural, que sans ces "vieilles" qui se rendent au tabernacle tandis que le prêtre serre des mains dans l'assistance, il n'y aurait plus rien...
Alors j'en reviens toujours à la même question, lancinante et presque lassante : où sont et que font nos évêques ?
Sont-ils eux même formés à la liturgie ? Visitent-ils leurs paroisses ? Ont-ils le souhait de faire respecter à la lettre les normes liturgiques et d'obéir aux instructions des papes successifs ? Ont-ils les moyens de les faire respecter ? C'est autrement plus important que les JAC, JOC et autres MCR !
Certains ne voient aucun problème liturgique en France. alors, pourquoi ne pas imaginer que le Saint Père se fasse rendre compte directement par des envoyés dans nos paroisses ? Il faut bien comprendre que c'est un problème central, parce que la liturgie est la partie visible de la foi, et qu'elle est la porte d'entrée dans le mystère. Ce ne sont pas des querelles de chapelle, mais bien une question à laquelle l'Eglise devra répondre, enfin, dans les prochaines années.
Écrit par : Edouard | 22/08/2007
SYLVANÈS
> Oui, cher Patrice, je regrette aussi que Sylvanès ne fasse pas davantage école en France.
Nous y travaillons modestement, à côté de quelques autres, avec notre chorale liturgique, la Schola Saint Martin (http://scholasaintmartin.free.fr ), et je peux vous dire que nous en voyons les fruits, malgré les pesanteurs et les oppositions de quelques personnes ayant "pignon sur sacristie" qui s'accrochent désespérément à toutes les errances des années 70...
Mais l'important est que cela touche le coeur de ces "chrétiens du seuil" dont on se gargarise en paroles mais bien peu en accueil véritable, les "gens de peu" et les "sans-grade" qui n'osent rien dire mais qui sont sensibles à la beauté et à la justesse de la liturgie et qui nous en sont reconnaissants.
Écrit par : Michel de Guibert | 22/08/2007
BREIZH
> Permettez à la misérable Bretonne que je suis de citer un humble Bavarois :
"On oublie que l'Eglise est vivante (...) On doit reconnaître au sensus fidei du peuple catholique la possibilité d'approfondir, de mettre à jour, siècle après siècle, toutes les réalisations du patrimoine qui lui a été confié."
Votre note et les commentaires qu'elle a suscités évoquent des dérives sans doute avérées (et peut-être même ailleurs qu'en Bretagne ?) mais le ton employé dénote un certain mépris pour les fidèles qui me semble faire peu de cas de la communion des saints dans laquelle s'ancre l'Eglise. C'est la foi qui est la réponse de l'Eglise au Christ, la foi ensemble, et non ma façon, (je veux dire la vôtre, bien sûr) la seule juste, qu'elle soit archaïque ou moderniste, de sentir ou de raisonner.
Peut-être qu'une participation "actuosa" est une participation priante, en communion avec le mystère qui s'accomplit dans le sacrifice de l'Eucharistie. Peut-être que s'accommoder des déficiences de l'animatrice n'est pas plus difficile que de réciter une prière dans une langue qu'on ne connaît pas, quand on a conscience d'être, ensemble, le Corps du Christ. Celui qui fulmine se retranche davantage que celui qui chante le Credo en latin avec les uns et la Paix en tapant des mains avec les autres.
Veiller à la liturgie, oui, sans réserve, mais sans mépriser le petit Peuple de Dieu qui est aussi Corps du Christ.
PS : Trouvez-nous de beaux chants puisque nos cantiques sont indigents. Nous en avions de magnifiques en breton, pas assez dignes des "tud gentil" sans doute.
Christine
[De PP à C. -
a) Mille fois oui : rien n'est plus beau que les cantiques bretons.
b) Les dérives des célébrations sont loin de ne sévir qu'en Bretagne.
c) Cela dit, l'humble Bavarois a écrit des livres entiers pour dire que les liturgies actuelles sont déficientes et qu'il faut redresser tout ça ! Permettez-moi de vous conseiller de lire par exemple "L'esprit de la liturgie".
ps/ Je crois qu'Edouard avait aussi peu l'intention de blesser les Bretons en tant que tels, que vous même, il y a peu, de blesser les membres de la communauté de l'Emmanuel...]
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Écrit par : Christine | 23/08/2007
LES MOYENS DE REBONDIR
> Pour répondre à Christine, et même si notre temps connaît une crise impressionnante, l'Eglise a les moyens de rebondir avec la grâce de Dieu.
Ce qui se fait naturellement, c'est la recherche du mieux par les personnes qui savent ou qui peuvent prendre les moyens adéquats (instruction solide, trajets en voiture, etc.).
Ce qui se brise naturellement, c'est le maillage paroissial pourtant installé et solidifié depuis des siècles. Est-ce du mépris lorsque je ne vais pas à la messe dans l'église principale du "regroupement" où a été rattachée ma paroisse? A dire vrai, je ne pense pas, ce n'est pas mon intention. La liturgie y est déficiente et elle n'attire pas non plus le voisinage. Si je peux, je tente donc d'aller un peu plus loin où la liturgie est plus soignée.
Mais lorsque Cluny étendait son réseau d'abbayes en Europe, combien de chrétiens marchaient plusieurs jours pour choisir ses centres liturgiques au lieu de fréquenter la messe du village pas toujours très digne, le curé pas toujours très au fait des choses divines? Ce n'est pas pour jeter la pierre sur nos curés, simplement quand j'aurai la charge d'une famille, je préfèrerai amener mes enfants à une sainte messe à la liturgie édifiante, plutôt qu'à la sainte messe du coin qui nécessitera une sacrée dose de foi pour y rester une heure. Seul cela peut passer, mais je ne prendrai pas ce genre de risque avec mes enfants si je puis leur faire découvrir mieux.
Trouvez des chants beaux et catholiques en breton, enthousiasmez votre chorale, sollicitez votre curé pour qu'il s'attache à suivre fidèlement le rite de la messe dite de Paul VI (peu suivi en France), et les gens, même éloignés de l'Eglise, reviendront.
Écrit par : Paulo | 23/08/2007
C'EST SIMPLE ET FACILE
> Non bien entendu, je ne visais pas les Bretons en tant que tels ! Ce que je dis est valable partout, y compris dans ma Normandie natale ! Pardon d'avoir donné cette impression !
Et je ne veux pas non pas laisser croire que je méprise ces gens qui sont cités dans mon message. Je ne les crois ni pire ni meilleurs que les autres, et je leur fait volontiers crédit d'une grande et bonne volonté. Mais quand ils ne sont pas et n'ont jamais été formés à la liturgie, quand ils sont persuadés, de bonne foi, qu'ils peuvent faire à peu près ce qu'ils veulent, on aboutit à des catastrophes ! D'où mon allusion aux évêques !
Dimanche dernier, dans un bourg solognot, j'ai assisté à une messe "rurale" : je connais un peu la paroisse, parce que je m'y rends souvent. Le jeune curé est très bien, mais il a 60 (oui, soixante !) clochers sur deux paroisses. En vacances, il était remplacé par un prêtre du diocèse de Bourges, qui écrit chaque mois dans La Nef, et qui a célébré la messe sans une seule entorse au missel. Une remarquable homélie, écrite de sa main, un recueillement et une tension intérieure palpable lors de la consécration, nous avons vécu véritablement la messe. Et ce prêtre avait sans aucun doute pris la peine de se faire communiquer la liste des chants avant la messe : pas de musiquette ni de paroles bêta, les prières de l'Eglise, quelques chants bien chantés,rien d'extraordinaire, simplement une messe telle qu'on aimerait qu'elles soient célébrées partout. Ni encens, ni pompe, ni latin. Le missel de JP II, rien que lui, tout lui.
C'est aussi simple et facile de cela ! Avec des prêtres comme celui-ci, on n'aurait sans doute pas connu une crise aussi intense que celle dont nous subissons encore les conséquences !
Écrit par : Edouard | 24/08/2007
EXAMEN DE CONSCIENCE
> Je pense que le problème des rites vient de ce que trop souvent les tra-tra se comportent comme s'il y avait rupture, prétendant que "la nouvelle messe est hérétique", etc.
Tant que ces groupes n'auront pas fait un sérieux examen de conscience à ce sujet, il y aura des blocages.
La "nouvelle messe" comme ils disent est aussi la "messe de toujours" !
Je connais les deux versions du même rite latin et je vois beaucoup plus la continuité que la rupture...
- même si je vois très clairement combien la réforme liturgique est pour l'essentiel bienfaisante (recentrage sur le dimanche, jour du Seigneur, par rapport à l'inflation du Sanctoral ; enrichissement considérable du lectionnaire et enracinement dans la Tradition comme par exemple la redécouverte des catéchèses baptismales dans le Carême de l'année A ; redécouverte des psaumes et de la psalmodie ; mise en valeur des épiclèses, explicites dans les prières eucharistiques II, III et IV ; réintroduction du baiser de paix ; etc.)
- et même si je ne méconnais pas certaines limites de la réforme liturgique (rite de l'offertoire trop pauvre ; orientation du célébrant à reconsidérer).
Écrit par : Michel de Guibert | 01/09/2007
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